Notre recherche fondamentale est de bonne qualité, il faut la préserver, mais nous devons encore développer notre recherche technologique : elle est inférieure à 10 % - mais de 20 % en Allemagne. C'est le problème du transfert qui est posé : nous pâtissons d'une faible sensibilisation à la propriété intellectuelle, d'une insuffisante valorisation des brevets dans la carrière des enseignants-chercheurs, ce qui sera rectifié dans le projet de loi qui se substituera à la loi LRU.
Monsieur Leleux, je ne partage pas votre optimisme sur cette dernière loi, dont les Assises ont mis en évidence les dysfonctionnements : la situation dans laquelle j'ai trouvé les universités montre qu'elle n'a pas rempli les espérances de ses supporteurs.
La loi LRU n'a pas permis l'autonomie, ou alors c'est une autonomie « Tanguy »... Quatorze présidents d'université ont souhaité revenir dans le giron du ministère. C'est un signal d'alerte qui révèle une détérioration du fonds de roulement et de la trésorerie des universités. Les transferts ont été trop rapides, ils n'ont pas été financés totalement et ont été réalisés sans accompagnement en matière d'ingénierie, d'exercice des nouvelles compétences, de gestion anticipée des personnels, ou de mise en place d'une comptabilité analytique qui ne concerne aujourd'hui que 10 % des universités. La loi à venir en 2013 et des mesures réglementaires y remédieront.
Les jumelages entre parlementaires, scientifiques et jeunes chercheurs sont très enrichissants et valorisants, notamment pour l'activité politique. J'y ai moi-même participé. Les chercheurs que j'ai invités ont découvert la réalité du métier politique dans sa dimension concrète et dans sa complexité. Je leur ai fait découvrir également d'autres univers, comme celui des start-up. Le processus est bénéfique à tout le monde.
En matière de logement, le plan Anciaux n'a pas atteint ses objectifs, seuls 21 000 logements ont été construits en huit ans sur les 40 000 prévus. Le plan Campus n'a pas démarré. Pourquoi ? Parce que les collectivités territoriales ont été oubliées. Nous avons décidé de les associer et de soutenir l'opérateur qu'est le CNOUS de façon pérenne, car il sert de levier à la construction. Ma feuille de route est de parvenir à construire 40 000 logements étudiants en cinq ans, dont 24 000 dans les deux ans et demi, en débloquant le plan Campus, en soutenant les programmes des collectivités territoriales, y compris avec le concours de bâilleurs sociaux, car les logements étudiants peuvent bénéficier du statut de prêt locatif social (PLS) ou de logement social. Dans les futurs CPER, les programmes « vie étudiante » seront encouragés ; ils doivent figurer au premier rang des priorités des établissements et des universités parce qu'ils conditionnent la réussite des étudiants. En matière de garantie, des initiatives ont déjà été prises par le CNOUS. Si le Fonds de garantie de mon prédécesseur a abouti à la signature de sept contrats seulement en neuf mois, les initiatives prises dans les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées ont permis d'en conclure 6 000 à 7 000 chacune. L'implication des collectivités territoriales est très efficace car elles interviennent sur une durée plus longue et se portent directement garantes. Les étudiants ultra-marins feront l'objet d'une attention particulière.
Sur Erasmus, si le budget compétitivité peine à aboutir au niveau européen, les programmes prévus pour 2012-2013 seront financés. Erasmus est un symbole de l'Europe comme l'est la coopération spatiale. Ce n'est pas seulement l'auberge espagnole, il incarne la jeunesse et l'avenir. Nous nous battrons au niveau européen pour défendre ce dispositif. Dans le programme 2020 il était prévu de doubler les échanges et de cibler les filières professionnelles et technologiques. Je serai vigilante pour qu'il en soit ainsi. Erasmus ne doit pas être un programme « bobo » car il permet à des jeunes, qui n'ont pas toujours eu l'occasion de voyager, d'acquérir les codes qui leur seront indispensables pour réussir leur vie professionnelle, et s'insérer dans d'autres communautés.
Ces dernières années toutes les politiques ont échoué car elles étaient conçues en haut pour s'appliquer en bas. Or il est impensable d'envisager des créations d'entreprises dans nos territoires sans impliquer les collectivités. Ma volonté est de les faire participer aux tours de table, comme l'a préconisé d'ailleurs Louis Gallois pour les SATT. Elles contribuent aux pôles de compétitivité et elles connaissent bien leur écosystème économique.
Enfin Ariane. A mon arrivée la partie n'était pas gagnée. Industriels et scientifiques s'opposaient. Il s'agissait d'abord de parvenir à unifier le message de la France. Aux termes d'un processus de concertation interministérielle, avec mes collègues Jean-Yves Le Drian et Arnaud Montebourg, et en réunissant l'ensemble des acteurs, nous avons pu définir une position cohérente. Nous nous sommes efforcés également de proposer une vision susceptible de répondre aux attentes de nos partenaires européens. Les industriels et le centre national d'études spatiales (CNES), puis nos partenaires allemands, ont fini par se rallier à la perspective d'une mise au point d'Ariane 6 à l'horizon 2021. Le résultat est presque miraculeux...
Un nouveau lanceur était-il nécessaire ? Ni les industriels, ni les Allemands ne le souhaitaient. Les attentes du marché les ont convaincus. Les décisions en la matière doivent être prises très en amont de la mise en service opérationnelle. Or le marché est de plus en plus compétitif : fusée Proton pour les Russes, fusée Space X pour les Américains, la concurrence à venir des Chinois ou des Indiens avec des lanceurs modulaires moins chers. Il faut s'adapter à la demande des utilisateurs pour un marché de taille désormais mondiale, ce qui n'implique pas une participation de l'ESA au-delà de 130 millions d'euros. D'ici là le développement des solutions intermédiaires sera assuré, en veillant à exploiter toutes les synergies avec le futur lanceur, afin de conserver les emplois et l'expertise dont les industriels ont besoin.
Mais en arrivant à Naples nos partenaires allemands semblaient très en retrait. Il a fallu tout reprendre à zéro, négocier en écartant les intermédiaires. Que de discussions avant de parvenir tard dans la nuit à un accord bilatéral avec mon homologue allemand, que les vingt représentants des pays membres de l'ESA et les huit observateurs non membres attendaient. Le coeur de la stratégie est le développement d'Ariane 6. Les Allemands ont plus investi dans le lanceur Ariane 5, en contrepartie nous augmentons notre investissement dans Ariane 6 et la station spatiale ISS. Nos partenaires suisses et luxembourgeois nous ont beaucoup aidés. Les Anglais et les Italiens se sont ralliés à l'idée du nouveau lanceur. Le projet est désormais partagé, y compris sur le plan industriel. Mais notre volonté est de préserver notre savoir-faire industriel. Je me suis rendu sur le site d'Astrium aux Mureaux avec Jean-Yves Le Drian et à Sassenage sur le centre de recherche d'Air Liquide. La France reste le premier contributeur à l'ESA si l'on rapporte sa contribution au PIB. La contribution des Allemands atteint 2,5 milliards, en hausse de 40 millions, la nôtre 2,3 milliards sur un budget total de 10 milliards. Ainsi j'ai pu rester dans le cadre budgétaire qui m'était imparti, tandis que le nombre des contributeurs a été élargi et que de nouveaux pays se sont ralliés à l'idée du nouveau lanceur, même si tout s'est décidé dans un dernier tête-à-tête.
Enfin l'accession aux RCE de l'université Antilles-Guyane aura lieu le 1er janvier 2013. La dotation d'accompagnement sera bonifiée et nous appliquerons les préconisations du rapport pré-RCE de l'inspection générale.