Pour ce qui concerne la partie dissuasion - commandement de l'information, j'aurais cinq observations à formuler.
La première observation concerne la force de dissuasion nucléaire. Nous nous satisfaisons pleinement de la décision du Président de la République de maintenir les deux composantes et de les moderniser le moment venu. Ce choix est celui que votre commission a proposé et approuvé en juillet 2012 et qu'elle réitère à l'occasion de l'examen de ce budget. Néanmoins, il ne faut pas s'en cacher les conséquences : dans une enveloppe budgétaire en diminution, le simple maintien à niveau des crédits de la dissuasion exercera un effet d'éviction sur les autres programmes, en particulier le soutien, et sur la partie conventionnelle de l'équipement des forces. Cela risquerait de se retourner contre la dissuasion. C'est pour cela qu'il est impératif que les crédits consacrés à la défense nationale reprennent, dès l'an prochain, une trajectoire financière normale.
Deuxième observation : l'espace militaire. Jusqu'à présent les crédits en faveur de l'espace militaire ont été maintenus à un niveau satisfaisant. Les programmes inscrits dans le PLF 2013 bénéficient, avec les ressources du CAS fréquences d'un total de 380 millions d'euros. C'est mieux que l'an dernier, mais je suis inquiet car les ressources exceptionnelles vont disparaître. Or, la réunion interministérielle de l'ESA qui s'est déroulée à Naples la semaine dernière a pris des décisions cruciales. En ce qui concerne les lanceurs, les décisions prises devraient permettre de garantir l'accès autonome de l'Europe à l'espace à moyen et long terme et de renforcer la compétitivité de celle-ci sur le marché mondial. Je m'en réjouis, mais le fait est qu'il va bien falloir dégager les crédits nécessaires pour respecter ces décisions.
Troisième observation : la défense anti-missile balistique. C'est une mission impossible que d'en parler dans la période de crise que nous connaissons. Cependant, nous manquerions à notre devoir si nous ne le mentionnons pas. La récente crise de Gaza a montré qu'Israël avait développé une défense anti-missile de théâtre d'une bonne efficacité, ce qui ne laisse pas de surprendre quand on connait le coût de ces armements. Pendant ce temps, les ventes de systèmes antimissiles THAAD continuent dans le Golfe. En décembre 2011 les EAU avaient conclu un contrat de 3,5 milliards de dollars. Visiblement, cette commande n'a pas suffit puisqu'ils ont fait part d'une demande complémentaire pour 1,1 milliard de dollars et que le Qatar est sur le point de les suivre pour 6,5 milliards de dollars. Enfin l'Arabie Saoudite a commandé, en 2011, des missiles Patriot pour 1,7 milliard de dollars et le Koweit en a fait de même. Autant dire que la DAMB ne connaît pas la crise. Or si nous voulons être capables d'exporter demain au Moyen-Orient, nous ferions bien de ne pas rester en dehors de cette compétition. D'autant que notre pays est un des rares pays à maitriser - encore pour l'instant - la totalité de la chaîne DAMB et qu'il existe des possibilités d'apporter des contributions en nature pour une cinquantaine de millions d'euros. Je pense en particulier à l'amélioration des radars LRR des deux frégates Horizon - sur le modèle de ce qu'ont fait nos alliés néerlandais.
Quatrième observation : les drones tactiques. Nous avons, à l'issue de nos auditions du CEMA et du DGA, bien compris que le drone Watchkeeper tenait la corde pour remplacer le système STDI et que les autres systèmes tels que le Patroller étaient hors course. Dans ces conditions je m'interroge, puisque ce drone est si performant, qu'a-t-il à redouter d'un appel d'offres ? Est-ce l'intérêt de l'Etat d'annoncer le nom du vainqueur et de ne pas faire de compétition ? C'est du reste ce qu'ont fait nos alliés britanniques, puisque pour choisir le Watchkeeper, ils ont passé un appel d'offres. Pourquoi pas nous ?
Cinquième et dernière observation : les drones MALE. C'est un sujet que nous connaissons un peu et je n'ai pas l'intention de reprendre les analyses de l'an dernier. Daniel Reiner, Jacques Gautier et moi-même nous réjouissons que l'importation et la francisation du drone Héron TP de la société IAI aient été abandonnées. Elles nous auraient conduits à consacrer des moyens financiers que nous n'avons plus à la constitution d'une filière industrielle militaire qui n'a d'avenir qu'à l'échelle européenne. Il n'en reste pas moins qu'aucune décision n'a été prise, ni annoncée par le ministre de la défense. Or, si nous comprenons parfaitement les motivations qui conduisent à différer l'annonce de la décision, il ne faudrait quand même pas trop tarder et, surtout ne pas surpondérer les préoccupations de politique industrielles. La francisation de systèmes de drones MALE américains ne doit pas aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour s'assurer de la liberté d'emploi de ces systèmes. Ne refaisons pas les erreurs commises avec le drone Harfang.