Il me revient donc de vous présenter, pour la première fois en qualité officielle de rapporteur, la troisième et dernière partie du programme 146, celle qui concerne les systèmes de force conventionnels, c'est-à-dire l'engagement et le combat, la projection, la protection auxquels il faut ajouter un sixième système de force, celui qui est chargé d'équiper tous les autres : la DGA.
Je tiens à remercier publiquement le président Jean-Louis Carrère et vous tous pour m'avoir permis d'associer mon nom à celui de mes collègues Daniel Reiner et Xavier Pintat, ce qui est une nouvelle preuve de la spécificité sénatoriale et qui nous rend tous fiers d'appartenir à cette belle assemblée.
Je ne vais pas vous dresser la liste des matériels et systèmes qui seront livrés ou commandés, elle est dans le rapport écrit auquel je vous renvoie. Je me contenterai dans cette année de transition et d'attente pour le budget de la défense de vous présenter trois observations : un sujet de satisfaction, un sujet d'inquiétude, et un regret.
Commençons par les bonnes nouvelles, elles sont plutôt rares en matière d'équipement des forces, c'est l'annonce du lancement du programme MRTT l'an prochain. Ce programme est destiné à combler une importante lacune capacitaire et est indispensable au bon fonctionnement de la force de dissuasion. C'est donc une très bonne chose.
S'agissant des sujets d'inquiétude, outre le retard pris dans l'annonce d'une décision en matière de drones MALE, je voudrais mentionner un programme qui ne figure pas dans le programme 146 et qui aurait dû y figurer : le programme de missile antinavire léger. Il s'agit d'un programme mené en coopération franco-britannique, peu onéreux à court terme puisqu'il ne s'agit que de 30 millions d'euros annuels sur six ans pour la France, auxquels nos alliés britanniques semblent très attachés. Cela risque de mettre en difficulté nos alliés et de porter atteinte à la crédibilité de la parole de la France. En outre, s'il devait au final s'avérer que la France renonce à ce programme, cela ferait peser une menace sur le projet « One MBDA », ce qui serait préjudiciable à nos intérêts nationaux.
Enfin, je voudrais mentionner, et ce sera ma troisième et dernière observation, l'échec de la fusion BAE-EADS.
Le projet de fusion qui avait fuité dans la presse entre, d'une part, l'entreprise franco-germano-espagnole, dont le principal fleuron est l'avionneur civil Airbus et, d'autre part, le spécialiste de la défense britannique, solidement implanté aux Etats-Unis avait pris tout le monde par surprise. C'était une sorte de divine surprise, puisqu'elle aurait permis tout à la fois d'arrimer solidement nos amis britanniques à l'Europe et permis à EADS de devenir le premier groupe mondial dans les domaines de la défense, de l'aéronautique et de l'espace.
Le président de notre commission, ainsi que vos rapporteurs, se sont exprimés publiquement et avec enthousiasme en faveur de ce projet de fusion. Soyons honnêtes, nous avons eu le sentiment d'être un peu seuls. Il serait inutile d'essayer de rejeter la faute sur tel ou tel. L'échec de la fusion tient avant tout à l'absence de volonté politique des gouvernants en place. Or, on ne construira pas l'Europe uniquement avec des juristes et des comptables. Cet échec témoigne d'abord de la confiance insuffisante entre l'Allemagne et la France et pour tout dire du mauvais état de la relation politique entre nos deux pays. Mais au-delà, c'est toute l'Europe qui va mal. Non seulement les Etats d'Europe entre eux, mais au sein même des Etats, avec les tendances sécessionnistes qui se manifestent ici et là, en Écosse, en Catalogne, en Flandres. Le projet européen a perdu son souffle. Chacun regarde ses horizons étroits. Plus personne ne montre le chemin, plus personne ne place l'intérêt de tous devant ses propres intérêts. Sortir de cette situation est un impératif vital. Unie l'Europe peut espérer jouer un rôle. Divisée elle sera le jouet des courants géostratégiques.
Notre commission s'est efforcée de tenir sa place et son rang. Le président Josselin de Rohan avait lancé un groupe de travail parlementaire entre le Parlement britannique et le Parlement français. Ce groupe se porte bien. Le président Jean-Louis Carrère vient de lancer un outil similaire entre le Parlement allemand et le Parlement français. Ce sera sans doute plus difficile, mais c'est une excellente chose. Car il ne sert à rien de s'arrêter au bord du chemin et de gémir. L'avenir se construit aujourd'hui. Tâchons d'y jouer notre rôle, car pour reprendre les mots du poème de William Henley, qu'a fait siens Nelson Mandela :
« Aussi étroit soit le chemin,
« Nombreux les châtiments infâmes,
« Je suis le maître de mon destin,
« Je suis le capitaine de mon âme ».
Regardons vers l'avenir. Bientôt, à l'initiative de notre président, Jean-Louis Carrère, nous auditionnerons le président d'EADS, Tom Enders, pour qu'il nous fasse part de ses idées. C'est une excellente chose, car parler de l'Europe de la défense c'est bien, la construire c'est mieux.