Avec mon collègue M. André Trillard, nous souhaiterions maintenant vous présenter les crédits du programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense ».
Le responsable de ce programme, M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense, est venu devant la commission, le 14 novembre dernier, exposer dans le détail ce projet de budget.
Je rappelle que ce programme 144 présente la particularité de regrouper des éléments très différents, puisqu'il comprend notamment :
- les crédits de deux des trois services de renseignement qui relèvent du ministère de la défense : la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction générale de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), le troisième, la Direction du renseignement militaire (DRM), relevant de la responsabilité du chef d'état-major des armées au sein du programme 178 ;
- une partie de l'effort de recherche et de prospective en matière de défense, avec en particulier les « études amont » ;
- des subventions aux opérateurs, comme l'école polytechnique ou l'ONERA ;
- les crédits consacrés à l'action internationale du ministère, à travers le soutien aux exportations d'armement et la diplomatie de défense ;
Je limiterai mon intervention aux crédits des services de renseignement et à la diplomatie de défense, avant de laisser la parole à notre collègue M. André Trillard, qui traitera des aspects relatifs à la recherche de défense et au soutien aux exportations.
Globalement, le programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » voit ses crédits augmenter de 6 % et ses effectifs de 60 postes supplémentaires en 2013. Il constitue à cet égard une originalité au sein du ministère de la défense.
Cette hausse est principalement due à l'augmentation des effectifs et des moyens des services de renseignement, notamment la DGSE.
Je rappelle que la DGSE est le service de renseignement ayant pour mission de protéger les intérêts et les ressortissants français à l'étranger. Avec M. André Trillard, nous avons eu un entretien avec son directeur, le Préfet M. Erard Corbin de Mangoux.
Pour 2013, le budget de la DGSE s'élèvera à 644 millions d'euros en autorisations d'engagement et 600 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de respectivement 9 % et 4 % par rapport à 2012. A cette dotation, il faut ajouter les crédits provenant des fonds spéciaux, dont le montant est de 50 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2013, et dont le service est le principal bénéficiaire.
Quelles sont les raisons qui expliquent l'augmentation de ses crédits ?
Premièrement, 95 emplois supplémentaires devraient être créés à la DGSE en 2013, ce qui est conforme au plan de recrutement prévu par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008.
L'une des priorités du Livre blanc de 2008 a porté sur le renforcement de la fonction « connaissance et anticipation ». A ce titre, la DGSE devrait voir ses effectifs augmenter de près de 690 agents sur la période 2009-2014.
Les recrutements concernent exclusivement des personnels de haut niveau : deux tiers d'ingénieurs spécialisés dans le renseignement technique, un tiers sur des analystes et des linguistes pour l'exploitation du renseignement.
Le nombre des emplois créés ne donne pas la pleine mesure de l'effort financier réalisé. Il s'agit quasi-exclusivement de personnels de catégorie A.
Un deuxième facteur d'augmentation des crédits est la poursuite de l'amélioration de la situation statutaire et indiciaire des fonctionnaires de la DGSE. Cela avait été fait les années précédentes pour les catégories B et C. Le décret du 30 décembre 2010 a concerné les catégories A avec la modernisation des statuts et la création d'un corps d'administrateurs de la DGSE. Il s'agit à la fois d'aligner les perspectives de carrière sur la fonction publique d'Etat et de favoriser la mobilité, notamment grâce à la création de l'académie nationale du renseignement et à des passerelles entre les services. L'aspect le plus visible de cette refonte tient à ce que ce corps est désormais en partie recruté à la sortie de l'ENA.
Troisième facteur d'augmentation, les crédits d'équipement. Il s'agit de renforcer les moyens d'écoute des télécommunications, afin de s'adapter à la croissance des flux, ainsi que les capacités de déchiffrement.
Il faut préciser à cet égard qu'une partie des moyens font l'objet d'une mutualisation avec les autres services de renseignement, notamment la DRM.
En résumé, le projet de budget de la DGSE traduit l'accentuation des moyens humains et techniques prévue par le Livre blanc de 2008.
Cet effort qui se chiffre en dizaines de millions - ce qui reste modeste par rapport à l'ensemble du budget de la défense (le budget total de la DGSE représente environ 1 % du budget de la défense) - doit surtout être analysé comme un rattrapage nécessaire. Dans le passé, les moyens de la DGSE n'avaient pas vraiment été augmentés à la hauteur des besoins.
Le service compte actuellement 4 900 agents, dont environ deux tiers de civils et un tiers de militaires, ce qui représente environ 1 % des effectifs du ministère de la défense.
A périmètre comparable, les services britanniques comptent un effectif pratiquement deux fois supérieur à celui de la DGSE. C'est aussi le cas des services allemands, qui ne remplissent pas les mêmes missions.
Toujours sur le renseignement, je voudrais dire un mot sur la DPSD, service moins connu que la DGSE et dont on parle peu. Je me suis d'ailleurs rendu au siège de la DPSD pour m'entretenir avec son directeur, le général Antoine Creux, et visiter ses différents services.
La DPSD est en quelque sorte le service de sécurité interne du ministère de la défense. Elle est chargée de rendre des avis sur les demandes d'habilitation des militaires et elle assure la protection des installations, y compris sur les théâtres d'opérations extérieures, comme l'Afghanistan. Elle agit également au profit des entreprises liées à la défense, en matière de contre-ingérence et d'intelligence économique.
A l'exact opposé de la DGSE, la DPSD a perdu près d'un tiers de ses effectifs en dix ans, passant de 1 500 postes en 2003 à 1 100 actuellement. Cette diminution a porté essentiellement sur des personnels affectés à des tâches très administratives de gestion des procédures d'habilitation des personnels. Ces procédures vont être entièrement numérisées à l'été 2013, grâce au projet SOPHIA. Les gains obtenus ont été en partie redéployés pour renforcer le niveau de qualification, en recrutant davantage d'officiers brevetés et de personnels civils de catégorie A. Ainsi, la DPSD n'avait que 15 emplois civils de catégorie A en 2009. Elle en a 33 en 2012. L'organisation territoriale du service, qui dispose d'antennes sur l'ensemble du territoire, a également été rationnalisée, afin d'être cohérente avec l'implantation des bases de défense.
En 2013 il est prévu une diminution de 2,5 millions d'euros du budget de la DPSD, qui correspond à une baisse de 34 emplois.
Cette baisse mécanique de la dotation est toutefois susceptible de fragiliser la DPSD car celle-ci compte un effectif de 1 100 postes, soit cent postes de moins que le plafond autorisé.
Or, nous pensons que nous sommes parvenus à un certain seuil et qu'il conviendrait de stabiliser les effectifs et les crédits de la DPSD dans les prochaines années.
En définitive, compte tenu de l'importance croissante du renseignement et de l'évolution des technologies, nous estimons que le futur Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale devrait poursuivre et amplifier la priorité accordée à la fonction « connaissance et anticipation » par le précédent Livre blanc de 2008 et fixer des objectifs ambitieux concernant la montée en puissance des services de renseignement.
Si nous considérons souhaitable de poursuivre l'augmentation des moyens et des effectifs de la DGSE dans les prochaines années, nous pensons aussi qu'il conviendrait d'accorder une plus grande attention à la DPSD et à la Direction du renseignement militaire que par le passé, en stabilisant leurs moyens et le nombre de leurs personnels, tout en poursuivant le renforcement de l'encadrement supérieur de ces deux services.
Comme l'indiquait le ministre de la défense, M. Jean-Yves Le Drian, le 15 octobre dernier, lors de sa visite au siège de la DGSE, « le renseignement est un enjeu vital, au coeur de notre stratégie de défense et de sécurité nationale, et sa place doit être confortée ». Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les autorités américaines ont fixé deux priorités, le renseignement et le cyber, dans leur stratégie de défense pour les prochaines années.
J'en viens maintenant aux crédits consacrés à notre diplomatie de défense.
Ces crédits, d'un montant de 36,8 millions d'euros, sont en diminution, de l'ordre de 3 %, par rapport à l'an dernier.
Outre la subvention versée à Djibouti, qui s'élève au total à 30 millions d'euros, pour le stationnement des forces françaises, cette dotation permet de financer le réseau des attachés de défense auprès de nos ambassades.
Avec notre collègue M. André Trillard, nous nous sommes entretenus avec le général Gratien Maire, responsable des relations internationales à l'état-major des armées.
Depuis 2008, notre réseau diplomatique de défense a été réorganisé. Cette rationalisation a conduit à une réduction des effectifs sur trois ans, qui sont passés de 422 postes permanents à l'étranger implantés dans 86 pays à 280 postes permanents, soit une réduction de plus de 30 % des effectifs pour un réseau de taille inchangée.
Cette diminution des effectifs a été rendue possible par la mutualisation des services de gestion au sein des ambassades. Ainsi, les fonctions de secrétariat ou de comptabilité ont été mutualisées entre les attachés de défense et les autres services des postes diplomatiques.
Le réseau des attachés de défense et celui des attachés de l'armement ont été fusionnés pour créer un seul réseau des attachés de défense.
En matière de gestion des postes, diverses mesures ont été prises. Par exemple, des postes d'attachés de défense ne sont plus réservés comme auparavant aux officiers des armées mais peuvent être ouverts à des ingénieurs de l'armement, en fonction de la situation locale.
Des procédures nouvelles ont été mises en place pour assurer la sélection des attachés de défense et veiller à une meilleure adéquation entre les profils des candidats et les postes à pourvoir.
D'une manière générale, notre dispositif a été resserré en Europe (avec par exemple la fermeture en 2012 des missions de défense dans certains pays comme la Bulgarie, la Finlande, la Hongrie ou la République tchèque), a été stabilisé en Afrique et renforcé dans des pays prioritaires avec lesquels nous avons un partenariat stratégique (comme l'Inde, le Brésil, la Malaisie ou les Emirats arabes Unis).
Comme vous le savez, nos attachés de défense jouent un rôle important tant en matière de coopération militaire, que de contrats d'armement. C'est notamment le cas en Afrique où notre réseau des attachés de défense est complémentaire de nos forces prépositionnées. Là encore, le futur Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale devrait fixer une nouvelle ambition pour notre diplomatie de défense.