S'agissant des autres actions du programme 212, je voudrais mettre en relief quelques points saillants.
En premier lieu, la place de l'action « pilotage, soutien et communication » qui représente 18,5 % des crédits du programme 212 et 44,7 % des emplois. Les dépenses de personnel progressent en raison de l'augmentation de la contribution au CAS pensions mais aussi du transfert de 254 ETPT. Ces créations d'emplois résultent de l'intégration dans la mouvance du SGA de certains services de la DGA ou des armées dans le cadre de la mutualisation de certaines fonctions « ressources humaines ». Hors titre 2, nous voyons la montée en charge des crédits liés à l'opération de partenariat public-privé de Balard. L'autre poste en progression concerne le retour à une gestion patrimoniale du parc de véhicules légers de la gamme commerciale qui avait été externalisée. Ce parc de 16 000 véhicules sera réduit de 3 500 et sa maintenance restera externalisée, mais dans le cadre d'un contrat interministériel conclu par l'UGAP.
En second lieu, je voudrais exprimer mon inquiétude sur la baisse des crédits de 8 % qui affecte l'action « systèmes d'information, d'administration et de gestion ». Au-delà des turpitudes bien connues du déploiement du système de paie LOUVOIS, je voudrais indiquer que la mise au point de ce système d'information avait déjà accumulé un certain retard mentionné dans les précédents projets annuels de performances et que la résolution de ces difficultés impliquera sans doute des coûts supplémentaires en 2013. Je constate également à la lecture des commentaires sous l'objectif de performance n° 3 que l'indicateur concernant les dérives observées sur les coûts des programmes a tendance à se dégrader et que d'autres programmes structurants affichent des retards importants. Je m'interroge dès lors sur l'opportunité de réduire les crédits de paiement sur cette action en cette période difficile. Les systèmes d'information constituent l'épine dorsale de nos systèmes de gestion et l'on voit bien à travers l'expérience malheureuse de LOUVOIS que les conséquences peuvent être très graves. J'attire également votre attention sur la réelle difficulté de bâtir et de stabiliser des systèmes d'information aussi complexes et étendus dans une période de réorganisation et de restructuration permanente. Je crois que cela témoigne aussi du fait que nos armées et les services qui les soutiennent ont besoin d'une pause, d'une respiration dans ce chantier permanent et quelque peu déstabilisant.
En troisième lieu, je constate que le soutien à la politique des ressources humaines, qui aborde à la fois la question de la reconversion et celle de l'aide sociale, voit ses crédits diminuer de 2 % alors que les besoins sont importants. La capacité des armées à reconvertir leur personnel et notamment les personnels militaires est une condition de leur attractivité et donc de leur capacité, tant au niveau qualitatif que quantitatif, de recruter.
J'ai rencontré les syndicats des personnels civils et, même si nous sortons du cadre stricto sensu de notre rapport, la fonction RH étant largement répartie entre les différents programmes, je souhaite me faire le relais de leurs préoccupations principales. D'abord un certain agacement de voir que le principe de confier les fonctions de soutien, hors soutien en opération, à des civils n'est pas pleinement mis en oeuvre, bien au contraire. Sur les fonctions de directions et de directions-adjointes des Groupements de soutien de bases de défense (GSBDD), seuls 12 postes sur 112 ont été confiés à des civils. Dans une période de forte réduction des effectifs, le soupçon des états-majors de vouloir accaparer les postes pour les attribuer à des militaires est perceptible. Le coût des personnels militaires serait plus élevé dans les mêmes fonctions que celui des personnels civils en raison du niveau des charges sociales mais aussi de leurs contraintes de maintien en condition opérationnelle. En outre les dispositifs d'aides à la mobilité des militaires seraient bien plus avantageux que celles apportées au personnel civil. Nous avons senti là une source de tension. D'autant que les personnels de défense, toutes catégories confondues, ont été parmi les moins avantagés par le dispositif de « retour catégoriel » fondé sur le principe de restitution aux fonctionnaires de la moitié des économies réalisées grâce au non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, sous forme de mesures catégorielles. Au vu du bilan de l'exercice 2011, on constate que pour l'ensemble des administrations, la norme de non remplacement a été respectée mais avec des variations, pour la défense le taux est de 83 %, le retour catégoriel a été au-delà de la norme pour l'ensemble des administrations (60 %), mais les situations sont très hétérogènes selon les ministères et elle n'a été que de 36 % pour la Défense, qui est l'administration qui a le plus donné et dont les personnels ont le moins reçu. Leur seconde préoccupation concerne le développement des externalisations qui n'auraient, à leurs yeux, qu'une seule vertu, celle de permettre de satisfaire l'objectif de réduction des effectifs, mais en dégradant la qualité des prestations car les services ne sont pas équipés pour suivre l'exécution des contrats avec rigueur, et en rendant ensuite très difficile la réintégration de ces fonctions au sein de la Défense, la compétence ayant été perdue. Il m'a semblé utile de vous faire partager ces points de vue à l'occasion de l'examen des crédits de la mission.
Quelques mots sur la politique culturelle, qui repose essentiellement sur les trois musées. L'objectif prioritaire semble être le développement de ressources propres, pour compenser la stabilisation voire la baisse des subventions. Ils poursuivent leur modernisation et leur ouverture au monde scolaire. Cette action est dotée de 22,9 millions d'euros auxquels s'ajoutent les 42,2 millions d'euros destinés au service historique de la défense.
Enfin, je conclurai par les restructurations. S'agissant de l'accompagnement social, il semble que nous ayons atteint un palier et que les crédits mis en place connaissent une sous-consommation, ce qui conduit à une révision à la baisse pour 2013. Ceci vaut pour les dispositifs d'aide au départ et à la mobilité des personnels civils dont ont bénéficié près de 15 000 agents. Pour 2013, il est prévu 90,3 millions d'euros à ce titre. Cela vaut pour les crédits d'action sociale, de formation et de reconversion qui sont réduits de plus de moitié.
S'agissant de l'accompagnement économique, nous ne pouvons que confirmer et actualiser l'analyse de nos collègues André Dulait et Gilbert Roger dans leur rapport sur les bases de défense qui soulignaient la lenteur de la mise en oeuvre des dispositifs et la sous-consommation des crédits. Elle nous interroge plus fondamentalement sur l'efficacité de conserver à terme un tel dispositif au sein de la Défense. Le programme lancé en 2008 comprenait un volet budgétaire d'un montant de 320 millions d'euros pour la période 2009-2015 alimenté aux 2/3 par le Fonds de restructuration de la défense géré au sein du ministère par la délégation aux restructurations. L'objectif était de mettre en place des contrats et des plans locaux de redynamisation. Il prévoyait dans ce cadre la cession à l'euro symbolique des emprises militaires. Il comprenait enfin un volet fiscal sous forme d'exonérations pour un montant évalué à 735 millions d'euros. Au 24 octobre 2012, un peu plus des 3/4, soit 45 contrats ou plans sur les 58 prévus ont été signés, dont 25 au cours de l'année 2012, pour un montant de 216,8 millions d'euros, soit un peu plus des 2/3 de l'enveloppe initiale. En fait, l'apport de l'État n'a qu'un effet de levier, l'objectif de ces instruments étant de réunir autour des projets des ressources de différentes sources et notamment des collectivités territoriales qui les financent en réalité aux 3/4.
La question de la dépollution pyrotechnique des emprises cédées constitue également un retardant. Le régime juridique actuel impose une dépollution préalable à la cession en toute circonstance. La prise en charge lors des cessions à l'euro symbolique revient à l'acquéreur. Elle a un coût qui varie selon la nature des projets. Le système devient autobloquant et mériterait une évaluation. Je souhaiterais que notre commission puisse s'y intéresser de plus près, au besoin en nous confiant un travail d'information.
Outre le temps nécessaire à la mise au point de ces instruments, le plus préoccupant est le rythme de consommation des crédits. Au 31 octobre 2012, 65,7 millions d'euros seulement avaient été engagés et 15,9 millions d'euros avaient été effectivement délégués en crédits de paiement. Une accélération est possible avec la signature d'un nombre important de contrats en 2012, mais l'appréciation doit être nuancée en raison de la dégradation de la situation financière des collectivités territoriales qui va limiter leurs capacités d'intervention. Quant aux résultats, ils restent peu tangibles en création d'emplois, la délégation aux restructurations avance le chiffre de 2 000 créations d'emplois auquel il faudrait ajouter 3 500 emplois grâce aux dispositifs d'aides directes aux entreprises, mais on est loin du nombre d'emplois supprimés dans la défense et des 17 000 transférés de ces territoires. Enfin, le volet fiscal ne semble pas faire l'objet d'un suivi au ministère de la défense.
L'engagement du ministère dans une politique d'accompagnement des restructurations n'était pas évident. On notera qu'en Allemagne et en Grande-Bretagne, les collectivités touchées par les restructurations ne bénéficient pas d'un tel accompagnement. La Cour des Comptes dans son « Bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire » invitait le ministère à s'interroger sur ces dépenses dont la logique relève de l'aménagement du territoire.
Sans doute, les armées constituent-elles un des acteurs majeurs de la vie économique et démographique des territoires où elles sont implantées, parfois de longue date, et se sentent-elles titulaires d'une obligation à leur égard dans le cadre de la refonte du plan de stationnement. C'est tout à leur honneur. Cet accompagnement résulte d'une forte volonté politique qui a justifié qu'il soit piloté au plus près par le ministère lui-même. Les enjeux en termes d'image lui ont paru considérables. Les difficultés liées à la spécificité des emprises (aliénation, pollution, cession...) ont justifié également son implication directe.
Pour autant, s'il est utile, dans la perspective de renouvellement d'une opération de cette nature, de s'interroger sur la pertinence et l'optimisation des outils mis en oeuvre, il est tout aussi indispensable de se poser la question de la place de la Défense dans un tel dispositif d'accompagnement. Dispose-t-elle de la capacité de pilotage, cette politique ? N'est-ce pas faire cohabiter des dispositifs complexes, multiplier les circuits de décisions et réduire l'efficacité de la politique mise en oeuvre ? Est-elle la mieux armée pour conduire une politique d'aménagement du territoire, alors qu'existe une administration spécialisée, la DATAR, dont c'est le coeur de métier ?
Voici, Monsieur le Président, chers collègues, en terminant sur ce questionnement un peu iconoclaste, les observations que nous souhaitions vous présenter après l'examen des crédits du programme 212 de la mission « Défense ». Je m'abstiendrai lors du vote des crédits de cette mission.