Avant toute chose, je voudrais saluer ici les personnels de la gendarmerie nationale et rendre hommage à la gendarmerie nationale et au statut militaire, auquel nous sommes tous ici très attachés.
Après la présentation générale de notre collègue M. Michel Boutant, je souhaiterais vous faire part de mes principales préoccupations, qui portent notamment sur l'immobilier, le renouvellement des véhicules blindés et des hélicoptères, ainsi que le financement des opérations extérieures, autant d'éléments qui participent à la « militarité » de la gendarmerie.
Ma première préoccupation porte sur la forte baisse des crédits d'investissement de la gendarmerie nationale, qui ne permet pas de lancer de grands programmes d'équipements, comme le renouvellement des hélicoptères ou des véhicules blindés à roue de la gendarmerie mobile.
La gendarmerie nationale dispose actuellement d'un parc de 56 hélicoptères, qui se répartissent entre 29 appareils de type Écureuil, et de 27 nouveaux modèles, dont 12 EC 135 et 15 EC 145.
Ces hélicoptères jouent un rôle important, tant en matière de secours, en mer ou en montagne, qu'en matière de sécurité ou encore en Guyane pour la lutte contre l'orpaillage clandestin.
Je précise que, dans le cadre de la mutualisation entre la police et la gendarmerie, les hélicoptères de la gendarmerie sont mis à disposition de la police nationale, donc en secteur urbain, dans le cadre de la lutte contre la délinquance.
Le renouvellement des 29 appareils de type Écureuil, qui datent des années 1970, par de nouveaux modèles s'impose au regard de la nouvelle réglementation européenne qui interdit le survol des habitations par des appareils monoturbines. Par ailleurs, les nouveaux appareils sont équipés des technologies les plus modernes (caméras thermiques, lecture automatique des plaques d'immatriculation, etc.).
Toutefois, en raison de la baisse des investissements, la gendarmerie nationale a été contrainte de différer le renouvellement de ses hélicoptères.
De même, le renouvellement des véhicules blindés à roue de la gendarmerie mobile a dû être une nouvelle fois différé faute de financement suffisant. Or, le taux de disponibilité des véhicules blindés, en service dans la gendarmerie depuis 1974, est préoccupant (il est de l'ordre de 40 %).
La gendarmerie devrait assurer le maintien en condition opérationnelle de ces matériels, en prélevant des pièces détachées sur les appareils hors d'usage, ce qui devrait permettre de disposer de 80 véhicules blindés (sur 130).
Or, les véhicules blindés sont indispensables, aussi bien outre-mer, sur les théâtres d'opérations extérieures, comme au Kosovo ou en Côte d'Ivoire, mais aussi sur notre territoire en cas de crise majeure.
Je voudrais également dire quelques mots à propos de la dotation des OPEX, qui constitue à mes yeux une source de préoccupation.
Près de 310 gendarmes français participent actuellement à des opérations extérieures, notamment en Afghanistan, mais aussi au Kosovo, en Haïti ou en Côte d'Ivoire.
Le contingent le plus nombreux est en Afghanistan, avec plus de 200 gendarmes début 2012 qui participent à des missions de formation de la police afghane, en accompagnement des soldats français en Kapisa et Surobi, mais aussi dans le Wardak au sein de l'école de police afghane.
Avec le retrait des forces combattantes d'ici la fin de l'année, il devrait rester environ 70 militaires de la gendarmerie, principalement dans le Wardak, où ils sont assez isolés et exposés. Je souhaite qu'un désengagement de la gendarmerie du Wardak puisse intervenir assez rapidement.
Le coût de ces OPEX est intégré dans le budget de la gendarmerie depuis 2004. A ce titre, la gendarmerie bénéficie depuis 2007 d'un financement annuel de 15 millions d'euros, dont 11 millions d'euros pour les dépenses de personnels et 4 millions d'euros pour le fonctionnement.
Or, si cette dotation permet généralement de couvrir les besoins de personnel, elle est structurellement insuffisante. Ainsi, chaque année, le coût des OPEX est de l'ordre de 20 à 30 millions d'euros et cette année ce coût devrait dépasser 25 millions d'euros. Pour la seule mission en Afghanistan, le coût est de 15 millions d'euros. Or, faute de financement suffisant, les surcoûts des OPEX sont prélevés sur les autres postes de dépenses, par des redéploiements de crédits.
Je considère donc qu'il serait souhaitable à l'avenir de mieux évaluer le coût prévisible de ces OPEX et, en cas de dépassement, de les financer par la réserve interministérielle, à l'image des armées.
C'est d'ailleurs la position que nous avions adoptée à l'unanimité l'an dernier au sein de notre assemblée en votant un amendement en ce sens.
Une autre préoccupation renvoie à la réduction des crédits de formation de la Gendarmerie. Cette question est essentielle, car faire sortir plus tôt des élèves gendarmes ou gendarmes auxiliaires, ou encore ne pas assurer la formation requise pour l'emploi des nouveaux matériels, se répercute sur la qualité de notre sécurité.
Enfin, ma dernière et principale interrogation porte sur l'immobilier de la gendarmerie.
L'immobilier est traditionnellement un poste important pour la gendarmerie nationale car chaque gendarme dispose d'un logement concédé par nécessité absolue de service.
Ce logement est la contrepartie de la disponibilité des militaires de la gendarmerie et il permet d'assurer la présence des gendarmes sur l'ensemble du territoire, grâce au maillage assuré par les brigades territoriales. La vie en caserne est aussi un élément structurant du statut militaire de la gendarmerie.
Le parc immobilier de la gendarmerie comprend 77 400 logements, répartis entre 710 casernes domaniales (soit 42 %) et près de 3 300 casernes locatives (soit 42,5 %), le reste étant constitué par des logements hors caserne.
C'est surtout l'état du parc domanial qui est préoccupant. L'âge moyen des logements est de 38 ans et plus de 70 % des logements ont plus de 25 ans, ce qui nécessite des travaux de réhabilitation importants et suivis.
Les investissements n'ayant pas été suffisants ces dernières années, on constate une certaine dégradation des conditions de vie des gendarmes et de leur famille, qui peut peser sur le moral et la manière de servir.
Je pense par exemple aux casernes des gendarmes mobiles du quartier Delpal à Versailles Satory, que nous avons visitées avec notre collègue M. Michel Boutant, et qui sont dans un état très délabré, ou à la caserne de Melun.
Aucun d'entre nous n'accepterait d'avoir sur nos territoires des logements sociaux dans un pareil état. Nous courrons le risque d'assister à des mouvements sociaux de la part des conjoints des gendarmes.
On estime que l'Etat devrait consacrer environ 200 millions d'euros par an à la construction et 100 millions d'euros à la réhabilitation des casernes domaniales.
Or, pour la première fois, 2013 sera une « année blanche » pour l'immobilier, c'est-à-dire qu'aucun investissement n'est prévu, faute de crédits suffisants. Il ne sera même pas possible d'accorder de nouvelles subventions aux collectivités territoriales (il faudrait au moins 12 millions d'euros) et, en matière de financement innovant, aucune autre opération de ce type n'est prévue. Et les perspectives pour les deux années suivantes ne sont guère encourageantes.
Pourtant les besoins sont urgents, tant en matière de construction que d'entretien lourd. La seule marge de manoeuvre de la gendarmerie en matière d'investissement immobilier était de pouvoir compter sur les revenus tirés des cessions immobilières, notamment la vente de l'ancien siège de la direction générale, situé rue Saint-Didier dans le 16e arrondissement de Paris. On estime que le produit des cessions immobilières de la gendarmerie pourrait représenter environ 120 millions d'euros au cours des trois prochaines années.
Mais cet engagement a été remis en cause par la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement (dite loi Duflot), qui prévoyait d'appliquer une décote qui pourrait atteindre 100 % de la valeur vénale du terrain.
Cette loi a été déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel mais un nouveau projet de loi a été déposé à l'Assemblée nationale.
Dans ce contexte, je souhaiterais attirer l'attention de nos collègues sur l'importance de ce sujet, dans l'optique de la nouvelle discussion du projet de loi sur la mobilisation du foncier public.
Il est en effet crucial que la gendarmerie puisse bénéficier du retour de ses cessions afin de réaliser les opérations de construction ou de réhabilitation lourde les plus urgentes, qui sont évaluées à 80 millions d'euros par an.
Il serait extrêmement périlleux pour la gendarmerie de connaître trois années blanches consécutives en matière d'immobilier.
Le logement en caserne, la participation aux opérations extérieures, les hélicoptères et les véhicules blindés sont des éléments qui participent au statut militaire de la gendarmerie.
Il est donc fondamental de préserver ces capacités, notamment dans le cadre des travaux du futur Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
En conclusion, tout en réaffirmant mon attachement à la gendarmerie, je m'en remets à la sagesse de la commission concernant son budget.