Intervention de Claude Jeannerot

Commission des affaires sociales — Réunion du 28 novembre 2012 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission « travail et emploi » et articles 71 et 72 rattachés - examen du rapport pour avis

Photo de Claude JeannerotClaude Jeannerot, rapporteur pour avis :

Depuis dix-huit mois, le nombre de demandeurs d'emploi augmente sans discontinuer, le cap des trois millions de chômeurs a été franchi en août et il y a eu 45 000 chômeurs de plus en octobre. Dans le même temps, la France doit gérer un endettement historique, d'où l'indispensable effort de réduction des déficits publics. Le Gouvernement en a tenu compte en élaborant un projet de budget du travail et de l'emploi qui marque un réel changement d'orientation.

Le changement se manifeste d'abord par l'évolution globale des crédits : entre 2008 et 2012, le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté d'un million, tandis que les crédits de la mission « Travail et emploi » baissaient de 20 %. Ce budget inverse la tendance avec 10,3 milliards, soit une hausse de 2 %, et même de 4 % en tenant compte du transfert de 250 millions vers le compte d'affectation spéciale « fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage ».

Le changement se traduit également par la volonté d'établir une relation de confiance avec les partenaires sociaux. Par respect de leur autonomie, le Gouvernement a décidé de ne plus ponctionner le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, pratique à laquelle nous nous étions opposés l'an dernier.

Le changement passe surtout par la définition de nouvelles priorités. L'emploi des jeunes, d'abord, a été au coeur de la campagne du président de la République. 100 000 jeunes seront embauchés en emploi d'avenir. La montée en charge se poursuivra en 2014 pour arriver à un total de 150 000 bénéficiaires par an. Les crédits consacrés aux emplois d'avenir atteindront 2,3 milliards en autorisations d'engagement et 466 millions en crédits de paiement. Les moyens consacrés aux autres dispositifs en faveur des jeunes, notamment au contrat d'insertion dans la vie sociale, seront maintenus. En revanche, le Gouvernement propose de supprimer le contrat d'autonomie, lancé en 2008 dans le cadre du plan « Espoir banlieues » et dont nous en avions maintes fois dénoncé le médiocre rapport coût-efficacité. Sa suppression occasionnera une économie de 46 millions.

Dans quelques semaines, nous examinerons le projet de loi relatif au contrat de génération, retranscrivant l'accord unanime conclu par les partenaires sociaux le 19 novembre. Les entreprises de moins de trois cents salariés bénéficieront d'une aide de l'Etat lorsqu'elles recruteront un jeune tout en maintenant dans l'emploi un senior qui sera chargé de transmettre ses savoirs et ses compétences. Le coût de cette mesure, qui sera présentée en collectif, devrait se monter à un milliard par an.

La deuxième priorité consiste à atténuer les effets de la crise pour les publics les plus fragiles, grâce notamment aux contrats aidés. En 2012, le Gouvernement a pris des mesures d'urgence pour remédier à la surconsommation des contrats aidés observée pendant les premiers mois de l'année. Il a d'abord autorisé, en juin, la conclusion de 80 000 contrats supplémentaires : 60 000 contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) et 20 000 contrats initiative-emploi (CIE). Puis il a ouvert en octobre une nouvelle enveloppe de 40 000 CAE, un décret d'avance débloquant les 300 millions nécessaires. Pour 2013, le projet de loi de finances consacre encore 1,5 milliard à 340 000 CAE et 186 millions à 50 000 CIE. Le déploiement des emplois d'avenir n'interviendra pas au détriment des autres contrats aidés.

Le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) effectue un travail remarquable auprès de personnes en grande difficulté. Il était initialement prévu de reconduire à l'identique les crédits votés en 2012, soit 140 millions pour les entreprises d'insertion, 23,5 millions pour les ateliers et les chantiers d'insertion et 12,7 millions pour les associations intermédiaires. Lors du débat sur les emplois d'avenir, il a beaucoup été question des moyens attribués à ce secteur. L'Assemblée nationale, qui a souhaité adresser un signal positif aux entreprises d'insertion percevant une aide au poste dont le montant n'avait pas été revalorisé depuis dix ans, a décidé de majorer de 10 millions leur dotation. Sans répondre à tous les besoins, cette mesure aidera les entreprises d'insertion à attendre la réforme du financement de l'IAE que Michel Sapin a annoncée mercredi dernier.

Troisième priorité, l'accompagnement des mutations économiques est plus nécessaire que jamais dans le contexte de crise. Il est proposé de pérenniser le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), créé en 2011, auquel 90 000 personnes ont déjà adhéré. Le CSP, pour lequel plus de 100 millions sont prévus, offre un parcours de transition professionnelle à des personnes licenciées pour motif économique. Le dispositif du chômage partiel est relancé : il évite des licenciements en cas de retournement brutal de la conjoncture. Le gouvernement précédent avait pourtant réduit considérablement la dotation qui n'était plus que de 40 millions en 2011 et de 30 millions cette année. Il est proposé de la porter à 70 millions. Le Gouvernement a également décidé de rétablir la procédure d'autorisation administrative préalable supprimée en début d'année.

La quatrième priorité est le renforcement du service public de l'emploi. En 2011, la précédente majorité avait supprimé 1 800 postes à Pôle emploi, alors que le chômage repartait à la hausse. En 2012, il a été décidé, au contraire, d'augmenter les moyens de Pôle emploi en lui permettant d'embaucher 2 000 agents supplémentaires en CDI. Afin de les financer, la dotation de l'Etat va augmenter de plus de 100 millions, pour atteindre 1,47 milliard. Ces 2 000 agents seront tous affectés à l'accompagnement des demandeurs d'emploi, pour mettre en oeuvre le nouveau suivi personnalisé. En complément, Pôle emploi va redéployer 2 000 postes de travail des fonctions support vers l'accompagnement. Au total, 4 000 conseillers supplémentaires seront ainsi au contact direct des usagers.

Les missions locales, qui suivent les jeunes de moins de vingt-six ans, verront également leurs moyens augmenter : à la dotation de base de près de 180 millions, s'ajouteront 30 millions au titre de leur contribution au déploiement des emplois d'avenir.

Cinquième et dernière priorité, le développement des formations en alternance, avec l'objectif, fixé par le Premier ministre, de 500 000 apprentis à la fin du quinquennat. Cet objectif peut sembler en retrait par rapport aux annonces passées. L'ancien président de la République avait annoncé, le 1er mars 2011, que 800 000 jeunes seraient formés par alternance dès 2015, ce qui supposait d'augmenter le nombre d'alternants d'un tiers en quatre ans. Peu friand d'effets d'annonce, Jean-Marc Ayrault a préféré fixer un objectif plus modeste, mais plus réaliste. Une partie des moyens consacrés à l'apprentissage figurent dans la mission « Travail et emploi ». Les régions recevront notamment une dotation de 550 millions, pour la prime d'apprentissage, et 1,2 milliard sera versé à la sécurité sociale afin de compenser le manque à gagner dû à l'exonération de cotisations sociales applicable aux contrats d'apprentissage.

Depuis l'an dernier, une part importante des ressources dédiées à l'apprentissage est retracée dans le compte d'affectation spéciale « fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage » qui dépensera 825 millions en 2013, dont 250 millions versés aux régions au titre de la compensation des compétences transférées en matière d'apprentissage, 200 millions consacrés à la péréquation des sommes perçues au titre de la taxe d'apprentissage, 360 millions au financement des actions arrêtées en application des contrats d'objectifs et de moyens conclus entre l'Etat et les régions et 15 millions pour financer le bonus versé aux entreprises qui comptent plus de 4 % d'apprentis dans leurs effectifs. L'Assemblée nationale a majoré de 2 millions la dotation des actions de promotion de l'apprentissage, afin de prolonger certaines expérimentations tendant à prévenir les ruptures de contrats d'apprentissage, encore trop fréquentes, notamment dans des secteurs comme l'hôtellerie-restauration.

La politique du travail et de l'emploi prend sa part de l'effort nécessaire de réduction des déficits publics. Elle y contribue en supprimant ou réduisant des niches fiscales et sociales et je me félicite de la limitation des exonérations applicables aux heures supplémentaires. Notre commission souhaitait remettre en cause ces exonérations coûteuses pour les finances publiques - 4,9 milliards en 2012 - et qui décourageaient les embauches.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit d'aligner le taux de cotisation des auto-entrepreneurs sur celui des autres travailleurs indépendants. Cette mesure représente une économie de 130 millions, puisque l'Etat n'aura plus besoin de compenser le manque à gagner pour la sécurité sociale.

L'article 71, rattaché à la mission, supprime l'exonération de cotisations sociales pour les salariés créateurs ou repreneurs d'entreprise, instituée par la loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique. Cette mesure a eu peu de succès et est aujourd'hui concurrencée par le régime de l'auto-entrepreneur. Sa suppression économisera 4 millions. L'article 72 réserve le bénéfice de l'exonération applicable aux organismes d'intérêt général installés dans les zones de revitalisation rurale à ceux comptant moins de cinq cents salariés, soit une économie de l'ordre de 20 millions.

Des économies sont enfin demandées aux services du ministère du travail et de l'emploi : il perd 141 ETP, les crédits de fonctionnement courant baissent de 6 % et les dépenses de gestion et d'entretien du parc immobilier de 8 %. Les subventions versées à divers opérateurs, tels que l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (Intefp), le Centre d'études de l'emploi (CEE) ou l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) vont également diminuer. Cette baisse des crédits et des effectifs impose aux agents des réorganisations, mais elle est indispensable pour accroître les moyens des ministères prioritaires, sans creuser les déficits ni augmenter encore les prélèvements obligatoires.

Il nous faudra rester vigilants sur la situation de ces chômeurs âgés, ayant suffisamment cotisé pour avoir droit à une retraite à taux plein, qui arrivent aujourd'hui en fin de droits et qui subissent les conséquences de la suppression de l'allocation équivalent retraite (AER). Le Sénat a voté hier soir un amendement de Martial Bourquin instaurant une taxe sur les nuits d'hôtel de luxe, dont l'objectif est de trouver une ressource. M. Cahuzac nous a dit que le nombre de personnes concernées serait précisément connu en décembre, et il a confirmé l'engagement du gouvernement à faire avancer ce dossier d'ici janvier.

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