Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 29 novembre 2012 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2013 — Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, le 15 novembre dernier, le Sénat a rejeté la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, puis l’ensemble du texte. L’épisode est inédit. Il est également singulier, dans la mesure où le Sénat a une majorité de gauche et la France un gouvernement de gauche. Cette coïncidence heureuse aurait pu nous engager à améliorer le texte de concert, en l’amendant, conformément à la mission que nous attribue la Constitution. Mais les choix politiques, parfaitement respectables, des uns et des autres en ont décidé autrement.

Depuis le 15 novembre, un engrenage fatal pour la Haute Assemblée et sa commission des affaires sociales s’est mis en place. La commission mixte paritaire a échoué. L’Assemblée nationale a entamé une nouvelle lecture lundi dernier, avec des possibilités très restreintes d’apporter de nouveaux amendements, du fait de l’application de la règle de l’entonnoir. Nous avons remis entre les mains de nos collègues députés le sort des amendements votés au Sénat ou adoptés en commission.

Bien sûr, je me félicite que, dans les trois premières parties du PLFSS, l’Assemblée nationale ait repris dans sept articles des amendements adoptés par le Sénat avant le rejet de la troisième partie. En outre, nos collègues députés ont repris dans onze articles de la quatrième partie des amendements déposés au Sénat par la commission des affaires sociales.

Mais ne nous y trompons pas, mes chers collègues : les amendements repris sont, pour la plupart d’entre eux, les plus mineurs. En réalité, d’un point de vue politique, en rejetant la troisième partie, nous nous sommes condamnés au silence et à l’impuissance. Nous avons refusé – c’est tout particulièrement vrai de la majorité sénatoriale – de peser sur le texte. Si les mêmes votes se reproduisent aujourd’hui sur la troisième partie, puis sur l’ensemble du texte, le Sénat aura rendu copie blanche. Notre travail aura été bien inutile et nos concitoyens auront quelque raison de nous demander si nos débats ne sont pas de trop dans la crise actuelle.

Faisons un peu de fiction rétrospective. Que se serait-il passé si le Sénat n’avait pas rejeté la troisième partie mais avait poursuivi la discussion du PLFSS ? Que se serait-il passé s’il avait poursuivi son travail d’amendement sur la quatrième partie et adopté un texte profondément transformé par ses votes ?

Certes, nous aurions vu se constituer dans l’hémicycle des majorités à géométrie variable, avec un rapporteur général parfois battu sur telle ou telle disposition, comme c’est la loi de la démocratie parlementaire. Au final, nous aurions pu défendre en commission mixte paritaire, pied à pied, nos positions sur les carried interests, les retraites chapeau, la fiscalité des bières, l’affectation aux départements d’une partie de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, ou CASA, l’exonération de taxe sur les salaires de la prévoyance ou encore les taxes nutritionnelles.

Au lieu de suivre cette logique heureuse, nous avons pris le risque, par calcul politique, que rien de tout cela ne voie le jour. Voulons-nous rendre définitivement copie blanche ? Il n’est pas trop tard, mes chers collègues, pour profiter de cette nouvelle lecture afin de dégager des compromis entre les différentes sensibilités politiques, en nous accordant sur deux principes que nous avons en commun : le principe de responsabilité et le principe d’équité.

S’agissant tout d’abord du principe de responsabilité, nous considérons tous que le déficit de la sécurité sociale est une anomalie. Nous sortons d’une période durant laquelle les comptes de la sécurité sociale ont été en profond déséquilibre, pas seulement à cause de la crise économique mais pour des raisons essentiellement structurelles. Regardons les chiffres en face : en 2011, le déficit structurel représentait encore les deux tiers du déficit de la sécurité sociale.

Ce premier PLFSS d’un gouvernement de gauche est donc celui d’un ambitieux redressement des comptes : alors que l’effort de redressement des comptes proposé par le précédent gouvernement à l’automne 2012 représentait 29, 8 % du déficit tendanciel de la sécurité sociale, le gouvernement actuel va plus loin, avec un effort représentant 32, 3 % du solde tendanciel de la sécurité sociale pour 2013.

Nos collègues siégeant sur les travées de la droite ne peuvent pas dire que nous avons trop mis l’accent sur les recettes, puisque le PLFSS pour 2012 augmentait bien davantage les prélèvements obligatoires. C’est la répartition de l’effort qui a changé : alors que la majorité précédente comptait, pour les recettes, à 73 % sur de nouvelles taxes et seulement à 10 % sur la résorption des niches sociales, nous mettons davantage l’accent sur la suppression des niches, qui représente 35 % de notre effort en recettes. En matière de niches sociales, c’est la première fois que nous passons des discours aux actes. Si cela fait parfois grincer des dents, la réduction des niches sociales est néanmoins une œuvre nécessaire et juste.

On ne peut pas davantage, me semble-t-il, critiquer la fixation de l’ONDAM à 2, 7 %. À gauche, il faut souligner que cela représente plus de 300 millions d’euros supplémentaires par rapport à ce que proposait l’ancien gouvernement pour l’année 2013, afin de financer l’investissement et la modernisation des hôpitaux. À droite, on doit bien avouer que, à périmètre égal, la progression de l’ONDAM pour 2012 s’est établie à 2, 8 %, ce qui signifie que l’on a appliqué une discipline budgétaire nettement moins exigeante que celle que propose le gouvernement actuel.

Quant au cap pluriannuel, nous avons reçu cet automne l’éclairage de la loi de programmation des finances publiques. Que nous a-t-il été annoncé ? Le retour à l’équilibre des comptes sociaux dès 2014, avec un excédent de 0, 8 point de richesse nationale en 2017. Certes, les régimes obligatoires de base demeureraient en déficit, mais, en 2017, les dépenses seraient couvertes à hauteur de 98, 3 % par des recettes, alors que ce pourcentage n’était que de 95, 7 % en 2011. Le Fonds de solidarité vieillesse, ou FSV, enregistrerait lui aussi une amélioration significative de sa situation financière.

J’en viens au principe d’équité. Comme l’a rappelé Mme la ministre, ce PLFSS est d’abord un PLFSS de protection. Gardons en mémoire les décisions de juillet dernier, avec la majoration de l’allocation de rentrée scolaire et le retour à la retraite à 60 ans pour certains travailleurs. Réjouissons-nous des avancées nouvelles de l’automne, avec, par exemple, le remboursement de l’IVG à 100 %. Et reconnaissons enfin que ce PLFSS nous permet d’en finir avec la logique du toujours plus de déremboursements, du toujours plus de franchises médicales.

Notre politique fiscale est juste. Il y a un an, la nouvelle majorité sénatoriale avait adopté des amendements majeurs dans le cadre du PLFSS pour 2012. Ses initiatives s’inscrivaient dans la ligne des propositions de la Cour des comptes, qui considérait comme possible de réduire les niches sociales d’environ 10 milliards d’euros. La nouvelle majorité du Sénat proposait plus de 8, 2 milliards d’euros de recettes nouvelles, dont 5, 2 milliards au profit de la sécurité sociale. Ces recettes étaient ciblées sur des niches sociales inefficaces et inefficientes, au sens du rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, présidé par M. Henri Guillaume, inspecteur général des finances. Toutefois, le gouvernement de l’époque avait refusé cette mise à niveau des recettes.

Depuis juillet, les principales mesures que nous avions proposées à l’automne précédent ont été adoptées. Toutes les propositions de réduction de niches sociales et la quasi-totalité des mesures visant au relèvement de la taxation du capital ont été reprises. Nous avons nettement participé, à gauche de l’hémicycle, à la mise en œuvre d’une plus grande justice, en nous assurant que chacun contribue à la protection sociale.

J’en viens aux amendements de la commission. Par cohérence, je présenterai en nouvelle lecture, au nom de la commission des affaires sociales, les mêmes amendements qu’en première lecture. S’appuyant sur les bonnes bases du texte adopté par l’Assemblée nationale, ces amendements visent à introduire encore plus d’équité, notamment en rétablissant l’article 14 sur les carried interests, et à consolider le financement de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, avec une affectation de 100 millions d’euros aux départements.

La règle de l’entonnoir nous empêche en revanche d’aller plus avant s'agissant des taxes nutritionnelles, et notamment de celle qui frappe l’huile de palme. Je veux dire ici mon indignation face à cette nouvelle collusion entre scientifiques et industriels, qui a permis la diffusion opportune, il y a quelques jours, d’une étude relative à l’huile de palme par un fonds français alimentation et santé. Ce fonds n’est rien d’autre que le faux nez de l’industrie agro-alimentaire. Ma conviction est que, en matière de santé publique, mieux vaut avoir raison trop tôt que trop tard.

Enfin, je voudrais vous dire ma confiance dans le débat qui va s’ouvrir. Je souhaite que chacun prenne ses responsabilités, pour le Sénat, pour la protection sociale et pour nos concitoyens, comme j’ai pris les miennes en déposant à nouveau les amendements que j’avais présentés en première lecture. §

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