Intervention de Jean-Noël Cardoux

Réunion du 29 novembre 2012 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2013 — Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de Jean-Noël CardouxJean-Noël Cardoux :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, avec cette nouvelle lecture du PLFSS, très peu modifié par rapport au texte initial, nous sommes dans la ligne directrice voulue par le Gouvernement depuis l’été dernier, consistant à augmenter les prélèvements sur l’ensemble du monde économique, notamment sur ceux qui innovent et prennent des risques.

Rapidement, je rappellerai pour mémoire les mesures antérieures, en particulier la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, dont les salariés commencent à voir les effets au bas de leur bulletin de salaire, la formidable occasion perdue avec la suppression de la TVA anti-délocalisation, laquelle aurait permis de ne plus faire supporter la politique familiale aux seules entreprises.

Je mentionne aussi, car il me semble important, le refus d’ouvrir les emplois d’avenir au secteur marchand, alors qu’une étude récente de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, qui dépend du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, étude portant sur les contrats uniques d’insertion, les CUI, montre que, six mois après la fin de l’aide de l’État associée à leur contrat, 70 % des salariés sortis d’un contrat aidé du secteur marchand ont un emploi, contre 39 % des salariés sortis d’un contrat aidé du secteur public. Ainsi, les contrats aidés sont-ils majoritairement pérennisés dans le secteur marchand.

Avec le PLFSS, nous passons à un stade supérieur, puisqu’il s’agit de ponctionner les petites entreprises, les artisans, les commerçants et les professions indépendantes, autant d’acteurs qui créent la richesse de notre pays.

Pourtant, le Gouvernement a récemment affirmé, par la voix du Premier ministre, lors de l’émission de télévision Des paroles et des actes du 28 septembre 2012, que les classes moyennes ne seraient pas touchées par sa politique. Or, en entrant dans le vif du sujet de ce PLFSS, on constate qu’elles le seront pratiquement toutes.

Je ne vais pas faire une étude exhaustive de ces mesures, mais je rappellerai simplement les plus significatives.

Le texte tend à prévoir l’alignement des cotisations du régime des auto-entrepreneurs sur les professions indépendantes, alors que, dans le même temps, l’article 71 du projet de loi de finances pour 2013 prend comme argument, pour supprimer l’exonération des cotisations de première année des professions indépendantes, le fait qu’elles peuvent bénéficier du régime favorable de l’auto-entrepreneur. D’un côté, on aligne sur le régime de l’auto-entrepreneur, tandis que, de l’autre, on supprime les avantages liés à ce dernier. Cherchez la cohérence !

L’augmentation assez significative des cotisations des travailleurs indépendants aboutit – j’ai déjà eu l’occasion de le signaler – à un RSI complètement déconnecté des réalités de terrain, puisqu’on fait supporter à ce régime des charges importantes sans qu’il y ait eu concertation avec les bénéficiaires.

Citons ensuite la suppression de l’abattement de 10 % couvrant les frais professionnels des gérants majoritaires. Cette mesure méconnaît totalement l’environnement juridique des sociétés et constitue une erreur manifeste de droit.

Par ailleurs, la taxation des dividendes des petites sociétés traduit également la méconnaissance du fonctionnement financier de ces entreprises. Les techniciens du ministère doivent imaginer que, si les entrepreneurs laissent des capitaux propres dans leurs entreprises, c’est parce qu’ils y trouvent un intérêt financier, alors qu’ils y sont bien souvent obligés par le secteur bancaire pour avoir accès au crédit. À cet égard, il conviendrait de réviser l’analyse financière prévalant au sein des ministères.

L’assujettissement à la taxe sur les salaires de l’épargne salariale dans les petites entreprises est également un mauvais coup porté aux salariés à faibles revenus.

Enfin, une dernière mesure, mais non la moindre, nous préoccupe : je veux parler de la suppression de la cotisation forfaitaire pour les travailleurs à domicile, qui a des effets sur le pouvoir d’achat des salariés à faibles revenus. Dès la mise en place de cette mesure, les salariés bénéficiant actuellement de rémunérations supérieures au SMIC verront leurs cotisations sociales augmenter significativement, ce qui entraînera corrélativement, de façon très probable, le développement du travail dissimulé. Or qui dit travail au noir dit recettes sociales et fiscales en moins !

Il est facile de constater, avec cette brève énumération, que ces mesures concernent essentiellement les classes moyennes. Avec le projet de loi de finances pour 2013, rejeté hier par le Sénat mais qui, s’il est confirmé par l’Assemblée nationale, constituera un matraquage fiscal sans précédent, nous sommes au cœur du problème soulevé au début de mon propos.

Si l’on ajoute que le Gouvernement a fondé ses prévisions sur la base d’une croissance de 0, 8 % en 2013, alors que tous les analystes financiers s’accordent à penser qu’elle sera de 0, 4 %, les entreprises ont me semble-t-il du souci à se faire. Leur seule lueur d’espoir est ce fameux crédit d’impôt compétitivité, qui reste tout à fait hypothétique. En effet, il sera, certes, applicable en 2013, mais la majorité recherche déjà des compensations pouvant être demandées aux entreprises qui en bénéficieraient, lesquelles seraient mises sous surveillance des comités d’entreprise et des syndicats. À mon sens, cette mesure sera donc mort-née.

Si l’on continue à un tel rythme, les recettes fiscales et sociales seront en considérable diminution pas rapport à celles qui sont escomptées, ce qui accroîtra encore le déficit de l’État et tuera un peu plus l’économie.

Le résultat, nous l’avons sous les yeux : un chômage ayant augmenté de 1, 5 % le mois dernier ; la perte pour notre pays du triple A auprès de la seule agence qui l’avait maintenu jusque-là ; la perspective d’un décrochage européen dans les mois à venir.

Madame la ministre, vous ne pouvez plus invoquer l’héritage ! §

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