Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la conférence des présidents a décidé que la Haute Assemblée consacrerait moins de quatre heures à la nouvelle lecture de ce PLFSS pour 2013. En effet, chacun peut faire le constat que le texte transmis par l’Assemblée nationale est peu modifié.
Ce PLFSS n’est pas de nature à conduire à un vote différent de celui que les différents groupes ont exprimé lors de son examen en première lecture. Les équilibres généraux sont les mêmes ; les dispositions pour lesquelles nous avons exprimé des doutes sont conservées ; celles qui nous opposent au Gouvernement et, singulièrement, l’article 16, qui instaure une taxe sur les retraites, sont maintenues ; un certain nombre de mesures qui nous paraissaient essentielles pour permettre le changement qu’attendent légitimement nos concitoyens depuis dix ans ne sont toujours pas prises.
Mes chers collègues, les constats, analyses et propositions que nous avons faits et les orientations retenues par le Gouvernement divergent.
Soyons clairs, madame la ministre, nous n’exigions pas du Gouvernement, sur chacun de nos points de désaccord, qu’il nous rejoigne sur nos positions, mais nous attendions au minimum l’amorce d’un changement.
Force est de constater que, loin d’être un PLFSS de protection, comme certains l’ont affirmé, et nonobstant quelques avancées, trop peu nombreuses et trop timides, ce texte ne remet pas en cause des mesures injustes que la gauche tout entière avait combattues.
La présidente de notre groupe, Éliane Assassi, les avait rappelées lors de son explication de vote sur la troisième partie du PLFSS, en évoquant le maintien du doublement de la taxe sur les mutuelles, dans l’attente d’une renégociation avec les organismes complémentaires, soit tout de même un coût de 2 milliards d’euros par an supporté par les assurés sociaux, ainsi que le maintien des franchises médicales que M. le rapporteur général avait d’ailleurs tenté de supprimer lors de l’examen du PLFSS pour 2012 et contre lesquelles notre opposition avait été, à gauche, unanime. Par ailleurs, nous ne constatons aucune remise en cause de l’instauration d’un délai de carence, de la fiscalisation des indemnités journalières, qui renvoie au projet de loi de finances, ou encore de la hausse des forfaits hospitaliers, des déremboursements imposés par le précédent gouvernement ou de la réduction de la prise en charge des malades atteints d’une affection de longue durée.
Nous regrettons également que le Gouvernement, attaché, je veux le croire, aux fondements même de la sécurité sociale, n’ait pas remis en cause la pluralité d’assureurs au sein de la Mutualité sociale agricole, la MSA. Dans le cadre de ce régime très particulier, adossé au régime général, des assurances privées commerciales participent à la gestion de la sécurité sociale, bénéficiant d’ailleurs de subventions publiques pour ce faire.
C’est le rêve de l’actuelle Commission européenne, dont mon collègue Guy Fischer dévoilait récemment, ici même, le projet ultralibéral, au travers d’un projet de directive qui veut soumettre la protection sociale obligatoire de base à appel d’offres, et ce afin de permettre aux opérateurs privés commerciaux d’emporter le marché. Ce qui est possible pour la MSA pourrait l’être, demain, pour toute la sécurité sociale, d’autant que le Gouvernement a aussi permis aux assurances privées commerciales de concurrencer la MSA sur le droit nouveau créé pour les exploitants agricoles de percevoir des indemnités journalières.
Nous déplorons également la faiblesse de l’ONDAM. Notre collègue Jacky Le Menn nous a rappelé, lors de son explication de vote en première lecture, que, grâce à l’évolution prévue dans ce PLFSS, les hôpitaux bénéficieraient d’une enveloppe supplémentaire de 1, 9 milliard d’euros par rapport à l’année précédente. Il aurait pu aussi préciser que, dans le même temps, les économies exigées des hôpitaux en 2013 seront de 650 millions d’euros, soit le même montant que celles qui ont été requises par le précédent gouvernement.
L’ONDAM adopté pour 2012, soit 2, 6 %, qui n’est guère inférieur à celui qui est arrêté dans ce PLFSS, a conduit à la suppression de 8 000 emplois publics. Selon la Fédération hospitalière de France, les dépenses réelles qu’auront à supporter les établissements publics de santé seront en augmentation d’au moins 3 %. Dès lors, nous voyons mal comment ceux-ci pourraient supporter financièrement cette différence, sans supprimer de nouveaux emplois, c’est-à-dire, au final, sans réduire la qualité d’accueil et des soins, qui fait leur réputation.
Je regrette enfin, à l’instar de notre collègue Jean-Pierre Caffet, lors de son explication de vote en première lecture, que notre assemblée ait été plus préoccupée par les déficits que par les recettes. Nous ne pouvons tout à la fois considérer que les déficits de la sécurité sociale mettent en danger son existence, ce avec quoi nous sommes d’accord, et refuser de s’attaquer dès aujourd’hui à sa principale faiblesse, c’est-à-dire au sous-financement chronique dont elle souffre. La réduction des déficits doit être non pas un objectif en soi, mais une étape destinée à augmenter le niveau de protection sociale offert à nos concitoyens.
Pour ce faire, il faut cesser de se focaliser sur la réduction des dépenses ou sur les économies à réaliser. Il importe de rompre avec la logique d’austérité, la règle d’or et l’objectif mathématique de réduction des dépenses, pour chercher enfin à répondre à la vraie question, au véritable enjeu, celui du financement de notre protection sociale.
Mes chers collègues, je tiens à le dire, ce n’est ni la taxation de l’huile de palme ni celle sur les bières ou encore celle sur le tabac qui nous permettront d’y parvenir. Nous devons commencer par mettre un terme aux 30 milliards d’euros d’exonérations de cotisations patronales consenties depuis des décennies par les gouvernements de gauche et de droite. Il convient, a minima, de refuser toutes les exonérations qui ne seraient pas compensées et d’imposer aux employeurs le respect des objectifs légaux et constitutionnels d’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Il importe aussi, comme nous l’avons proposé en première lecture, de moduler le niveau de cotisations patronales en fonction de la politique salariale des entreprises.
Par ailleurs, il faut clairement faire le choix d’un financement assuré par les cotisations sociales. En effet, la part patronale de ces sommes constitue du salaire socialisé, c’est-à-dire un prélèvement en direction du travail, opéré sur les richesses créées dans l’entreprise. Il s’agit d’une ponction à vocation sociale sur des sommes qui sont majoritairement destinées à la rémunération du capital, de leurs possédants et de la spéculation. Or je constate que les mesures de financement introduites dans ce PLFSS sont majoritairement de nature fiscale. La part des impôts et taxes affectés augmente considérablement, principalement pour ce qui est du financement de la branche famille.
Cette tendance nous fait craindre qu’au final, à l’instar de ce que préconisent déjà certains, le financement de la politique familiale puisse prochainement ne plus relever de la sécurité sociale.
Enfin, mes chers collègues, vous connaissez tous notre opposition à l’article 16, qui instaure une taxe sur les retraites, alors que, dans le même temps, les revenus financiers des entreprises ne sont, pour leur part, toujours pas soumis à contribution sociale. Pris par le temps, je ne peux développer ce point, mais nous y reviendrons lors de la discussion sur l’article.
Mes chers collègues, c’est avec responsabilité que nous avons rejeté, en première lecture, la partie consacrée aux recettes. Nous ferons de même à l’occasion de cette nouvelle lecture.
En dehors de tout calcul politique, il est en effet de notre responsabilité de dire au Gouvernement qu’il ne peut y avoir de changement qu’à la condition de rompre avec les logiques et les politiques d’austérité menées par la droite et le précédent gouvernement.
Il est de notre responsabilité, à gauche, de porter dans cet hémicycle la voix de celles et ceux qui refusent que l’on taxe les retraites, que l’on en rabatte sur des exigences attendues et parfois promises, quand on ne s’est attaqué ni à la spéculation financière, ni aux salaires exorbitants des cadres dirigeants, ni aux licenciements boursiers et aux délocalisations, qui plombent durablement les comptes de la sécurité sociale.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est donc contraint, mais responsable, que le groupe CRC n’adoptera pas les recettes prévues dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, qui sont, pour certaines d’entre elles, injustes et globalement insuffisantes non seulement pour parvenir à l’équilibre des comptes, mais aussi pour rétablir l’accès de tous à des soins de qualité et pour redonner à notre sécurité sociale son ambition fondatrice. §