Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 29 novembre 2012 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2013 — Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Constitution prévoit que le Parlement « vote la loi », « contrôle l’action du Gouvernement » et « évalue les politiques publiques ». J’ajouterai que le rôle des parlementaires, qu’ils fassent partie de la majorité ou de l’opposition, est d’alerter et de faire preuve d’initiative. C’est aussi notre responsabilité, et nous n’avons pas l’intention d’y renoncer.

Mes collègues du groupe écologiste et moi-même continuons donc à jouer notre rôle de parlementaires en affirmant aujourd’hui que nous voterons ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Comme nous l’avons expliqué lors de la première lecture, ce texte marque une véritable rupture en nous engageant vers la justice sociale et vers un début de rétablissement des comptes.

Néanmoins, nous n’en demeurons pas moins inquiets et un peu déçus, madame la ministre, de ne pas avoir été davantage entendus sur certains points pour lesquels nous attendions des avancées, y compris, à court terme.

On estime aujourd’hui que la qualité et l’accès aux soins représentent seulement 20 % des paramètres déterminant l’état de santé général des Français. Concernant ces premiers 20 %, le présent texte va absolument dans le bon sens, même si beaucoup reste à faire, notamment en termes de suppression des franchises médicales, de lutte contre les refus de soins, d’encadrement des dépassements d’honoraires, de sauvegarde de l’hôpital public et d’accès aux soins de proximité.

En revanche, l’insuffisance d’intérêt pour les 80 % de paramètres déterminant de l’état de santé des Français qui restent nous préoccupe fortement. Et il est de notre responsabilité de l’affirmer aujourd’hui, car la solidarité dont nous faisons preuve envers le Gouvernement ne doit pas exclure la franchise.

Ces déterminants relèvent donc non des soins en eux-mêmes, mais de la qualité de l’air, de l’eau, de notre environnement sonore, de notre alimentation, de nos conditions de travail, de notre rythme et de notre mode de vie, ou encore de notre exposition massive et ininterrompue aux perturbateurs endocriniens.

Des études sérieuses le montrent, qu’il faut cesser de nier ou de dénigrer ! Nous l’avions dit au cours du débat en première lecture, l’exposition aux particules fines résultant du recours massif au diesel, la consommation d’aspartame et la consommation massive et régulière d’huile de palme, présente dans des milliers de produits, sont extrêmement nocives. Elles pèsent et pèseront sur nos finances sociales, non à la marge, mais lourdement.

Ce ne sont que quelques exemples, parmi tant d’autres, mais ils ont une conséquence commune : ce sont les plus riches qui ont les moyens d’y échapper et les plus pauvres, les plus modestes, qui, massivement, les subissent. Il suffit d’examiner les statistiques de l’obésité pour se rendre compte que la prévalence de ce phénomène est quasiment proportionnelle au niveau de vie.

Le Sénat, dans sa grande sagesse, a adopté deux amendements, l’un sur l’aspartame, l’autre sur l’huile de palme. Il a réaffirmé cette position courageuse lundi au cours de l’examen de la partie « recettes » du projet de loi de finances. J’en profite pour remercier tous les collègues qui ont rendu cette avancée possible en donnant ce signal. J’espère que ce n’est qu’un début et que le Sénat continuera, dans les mois et les années à venir, à prendre ce genre de position d’intérêt général.

Comme lors de l’examen de la proposition de loi sur le bisphénol A, les lobbys de l’industrie agro-alimentaire ont été très réactifs sur ces questions. Je partage à cet égard l’indignation de M. le rapporteur général.

Chers collègues, vous avez, comme moi, reçu des mails, constaté les pleines pages de publicité dans la presse écrite et, surtout, lu la prétendue « étude » sur l’huile de palme financée par l’industrie agroalimentaire. Il faudra d'ailleurs clairement établir la distinction entre ce qui constitue une véritable étude et ce qui relève d’une promotion commerciale.

Que les intérêts privés tentent d’infléchir nos votes est logique. Que la décision publique puisse se prendre sous influence de ces mêmes intérêts est intolérable !

Donnons-nous les moyens d’éviter que ne se répètent les terribles drames vécus dans notre pays à propos de l’amiante ou du Mediator, par exemple. Il est aujourd’hui irresponsable de fermer les yeux sur de multiples études indépendantes qui nous alertent sur un certain nombre de produits. Comme la récente étude de M. Séralini sur les OGM dont vous avez forcément entendu parler, mes chers collègues, elles sont remises en cause et font l’objet de vastes campagnes de discrédit, alors qu’elles sont souvent tout aussi sérieuses, voire plus, parfois, que les études qui ont servi de caution à la légalisation de certains produits suspects.

Dois-je vous le rappeler, l’autorisation initiale de commercialisation de l’aspartame donnée aux États-Unis est, par exemple, clairement entachée de fraudes et de conflits d’intérêts manifestes, comme c’est malheureusement le cas pour d’autres produits ?

Cela dit, nous avons bien pris acte, madame la ministre, que nous serions amenés à examiner en 2013 une grande loi de santé publique. Sachez que nous nous en réjouissons et que nous attendons ce texte.

En première lecture, nous avons accepté de retirer plusieurs de nos amendements relatifs à la santé environnementale, contre l’assurance de votre part que ces sujets seraient traités très prochainement dans un cadre plus adapté.

Nous espérons réellement que ce texte sera à la hauteur des enjeux. Nous souhaitons qu’il soit transversal et prenne en compte des problématiques cruciales et variées. Parmi ces dernières, je citerai, tout d’abord, l’épidémie de maladies chroniques, dites « de civilisation », et le changement de paradigme que rend nécessaire la présence croissante des perturbateurs endocriniens dans notre environnement puisqu’ils ont souvent des effets plus forts à faible dose qu’à forte dose.

Je citerai, ensuite, le manque cruel de transparence auquel se heurtent les consommateurs. En effet, hormis les cas de certaines marques qui affichent la mention « sans parabène », « sans OGM », « sans bisphénol », ou plus récemment « sans huile de palme », il est très compliqué pour un citoyen de savoir exactement à quelle substance tel ou tel produit nous expose.

Je citerai, de plus, la nécessité de procéder, pour chaque décision publique, à une évaluation de l’impact sur la santé. En effet, de la construction d’une nouvelle infrastructure à la modification des rythmes scolaires, nombre des positions que nous prenons au sein de cet hémicycle ont des conséquences sanitaires. Une information préalable pourrait nous aider à voter de manière plus éclairée.

Je citerai, enfin, la nécessité urgente pour les pouvoirs publics de commander des études indépendantes et objectives sur les produits suspects ; c’était, d’ailleurs, l’objet du fonds de prévention que nous souhaitions mettre en place et qui aurait été alimenté par le produit de taxes. Il faut protéger, écouter les lanceurs d’alerte et soutenir les chercheurs indépendants.

Par ailleurs, je regrette, moi aussi, de ne pas avoir pu aborder les dispositions relatives aux dépenses alors que nos collègues avaient accompli un important travail de propositions au sein de la commission pour alimenter le débat. Je regrette de n’avoir pu débattre de dispositions aussi cruciales que la fin de la convergence tarifaire public-privé, l’avenir de l’hôpital public ou la formation des médecins. Toutefois, je le sais, nous aurons en 2013, d’autres occasions d’échanger sur la santé publique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion