Intervention de René-Paul Savary

Réunion du 29 novembre 2012 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2013 — Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de René-Paul SavaryRené-Paul Savary :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de citer le préambule du chapitre consacré, dans la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, au secteur médico-social et intitulé : « L’effort en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées : un choix de solidarité envers nos concitoyens les plus vulnérables ».

« En 2013, 18, 2 milliards d’euros seront consacrés aux établissements et services médico-sociaux pour personnes âgées et personnes handicapées, ce qui représente 650 millions d’euros de mesures nouvelles. L’ONDAM médico-social progresse de 4 %, au sein d’un ONDAM global en progression de 2, 7 %, traduisant ainsi la volonté du Gouvernement d’agir en faveur de nos concitoyens les plus vulnérables, malgré un contexte financier extrêmement difficile. »

S’il n’a échappé à personne que le contexte était difficile, ce préambule n’en mérite pas moins analyse.

Les établissements médico-sociaux sont soumis à une forte contrainte en matière de fonctionnement. Les charges de personnel représentent, avec 70 % en moyenne, le poste le plus élevé. Quant aux pensionnaires, qui payent l’hébergement par le prix de journée, ils n’ont pas des moyens extensibles.

La contrainte de la maîtrise du prix de journée va donc à l’encontre de l’amélioration du service. Toute action néfaste pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens a aussitôt des répercussions insupportables pour les personnes les plus fragiles, qu’elles soient âgées ou handicapées.

Prenons un exemple d’actualité, celui des emplois d’avenir, puisque M. le ministre du travail invite vivement les collectivités à activer leur mise en œuvre par le biais, notamment, des établissements médico-sociaux : il s’agira de personnes peu qualifiées, qu’il faudra accompagner et former. Cela représentera un coût supplémentaire, qui, là encore, sera porté par le prix de journée.

Le vieillissement de la population est aussi un facteur à prendre en compte. D’ici à 2025, le nombre de personnes de plus de 75 ans va en effet doubler. La longévité va ainsi représenter pour notre pays un enjeu non seulement social, bien sûr, mais aussi économique.

Dès à présent, le constat est clair : la société a du mal à supporter le coût de l’hébergement, de la dépendance et de la médicalisation.

Ce sera par un impôt national qu’il faudra financer la solidarité nationale. Aussi, quel dommage de ponctionner autant, comme vous le faites dès cette année, à la fois les ménages, à qui vont être prélevés plus de 10 milliards d’euros, et les entreprises, pour plus de 10 milliards d’euros également, ce qui obère très gravement l’avenir.

L’augmentation de l’ONDAM médico-social paraît dès lors bien faible au regard de cet enjeu de société ! De plus, les crédits ne sont pas affectés à leur destination première, point sur lequel je veux insister.

La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie est devenue un réservoir pour combler le déficit de la sécurité sociale par un jeu de vases communicants budgétaire des crédits forcement sous-consommés vu leur imputation.

L’exemple le plus flagrant est la médicalisation des établissements pour personnes âgées.

En 2012, la sous-consommation dans la section « personnes âgées » de l’objectif de gestion délégué de la CNSA devrait atteindre 200 millions d’euros. Malgré cela, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, comme vous l’aviez annoncé lors de la présentation de ce texte en première lecture, madame la ministre, sont prévus 160 millions d’euros pour poursuivre le programme de médicalisation des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes, dans le cadre de la généralisation de ce qu’il est convenu d’appeler la « pathossification ».

Les départements ne peuvent que se réjouir de ce renforcement des moyens réservés à la médicalisation des EHPAD, mais les 140 millions d’euros prévus initialement ne seront même pas consommés ou ne le seront que partiellement par d’autres dispositifs. Il risque bien sûr d’en aller de même pour les crédits de 2013.

Aussi, il conviendrait de mettre fin à une situation que l’on peut qualifier sans exagération d’absurde. En effet, si l’État peut librement décider d’améliorer la médicalisation des EHPAD et dégager les financements nécessaires dans la loi de financement de la sécurité sociale, il ne peut exiger par circulaires que les départements accompagnent cette médicalisation obligatoirement et mécaniquement en la complétant à hauteur de 30 % sur l’allocation personnalisée d’autonomie en établissement.

Dans le contexte financier actuel, les départements ne peuvent pas prendre en compte cette charge incluse sur l’APA en établissement, ce qui a pour effet d’accroître le ticket modérateur de l’APA des résidents, donc le « reste à charge », qu’il est pourtant indispensable de réduire.

Il faut souligner ce paradoxe où l’État, d’un côté, impose une dépense supplémentaire au titre de la dépendance et, de l’autre, refuse la compensation des dépenses afférentes à la dépendance à 50 %, en accusant parfois même les départements de ne pas maîtriser leurs dépenses en la matière et, surtout, en ne donnant pas suite aux propositions légitimes formulées lors de l’examen des recettes en première lecture, notamment à l’article 16.

Les départements refusant de cofinancer cette médicalisation, les crédits de l’assurance maladie ne seront pas, une fois encore, consommés. Il est temps, madame la ministre, de mettre fin à ce cercle vicieux.

S’agissant maintenant des personnes en situation de handicap, près de 9 milliards d’euros seront consacrés aux établissements et services médico-sociaux, soit 3, 3 % de plus qu’en 2012.

Là aussi, la situation évolue plus vite que les crédits. Je ne reviendrai pas sur la mise aux normes des bâtiments publics, qui nécessiterait des moyens accrus pour respecter l’échéance de 2015, non plus que sur la montée en charge progressive de la loi de 2005, sur le vieillissement des personnes handicapées ou encore sur l’augmentation du poids de l’AAH. Je veux en effet plutôt insister sur la faiblesse des crédits de fonctionnement alloués aux maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH.

Même si ces crédits sont en augmentation, la contribution de la CNSA ne suffira pas, cette année encore, à la prise en charge de ces structures.

Les conseils généraux sont, là encore, mis à contribution. Ils deviennent même le principal financeur des MDPH. Ce n’est plus acceptable !

En conclusion, pour ce qui concerne l’ensemble du secteur médico-social, il n’y a rien d’innovant. Le Gouvernement prétend mener une politique ambitieuse sans se donner les moyens de le faire. À y regarder de plus près, on constate vite que les points positifs, valorisés, ne relèvent que de l’affichage budgétaire. Les collectivités locales, qui n’en peuvent déjà plus, sont toujours mises davantage à contribution.

L’avenir est sombre lorsque l’on n’a pas les moyens de sa politique ! Il faudra bien annoncer la couleur à nos concitoyens un jour ou l’autre. Le matraquage fiscal de cette année et l’absence de volonté de diminuer la dépense publique à la même hauteur nous handicaperons tôt ou tard.

Toutes les pistes devront être examinées sans a priori, qu’il s’agisse des journées de solidarité, du temps de travail, de la CSG, du recours sur succession ou du système assurantiel.

Quelles que soient les solutions retenues, les collectivités locales seront en première ligne. Le Sénat sera donc naturellement le lieu d’échanges contradictoires pour définir certains axes.

Certains amendements concrets auraient d’ailleurs mérité un débat plus approfondi et auraient été susceptibles de préparer l’avenir si la majorité avait été capable de s’ouvrir ou de se reconstituer pour nous permettre d’examiner les dépenses prévues dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

L’absence de compensation aux conseils généraux des prestations de solidarité pour la dépendance, que ce soit pour l’APA ou pour la PCH, l’insuffisance des crédits de fonctionnement des MDPH, comme la perfidie du système d’affectation des crédits de médicalisation sont ainsi des problèmes auxquels le texte en nouvelle lecture n’apporte pas de solution.

En conséquence, notre groupe n’est pas favorable au projet de loi de financement de la sécurité sociale sur ce chapitre.

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