Intervention de Alain Milon

Réunion du 29 novembre 2012 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2013 — Question préalable

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, faute de majorité au Sénat, le Gouvernement a dû programmer cette nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Lors de la première lecture, nous avions dénoncé l’avalanche de taxes proposée par le Gouvernement et défendu de nombreux amendements sur les articles concernés.

Je pense tout d’abord à l’article 11, qui prévoit une hausse de 1, 3 milliard d’euros des cotisations sociales des professions indépendantes, commerçants, artisans et professions libérales. Or les entreprises de l’artisanat et du commerce de proximité créent et développent des emplois non délocalisables. Le groupe UMP a rappelé que l’ensemble de ces professions avait déjà beaucoup contribué à l’effort de croissance en faveur du maintien d’une économie de proximité et de la préservation des emplois salariés.

Je pense ensuite à l’article 15, qui supprime la déclaration au forfait pour les emplois à domicile. Cette question a déjà été évoquée lors de la discussion générale. Nous avons souligné combien cette mesure allait entraîner un alourdissement de la masse salariale et provoquer, soit des licenciements, soit une baisse des heures déclarées, au détriment des salariés.

Il est par ailleurs regrettable qu’aucune étude d’impact n’ait été réalisée sur une mesure si importante pour les personnes âgées, les familles nombreuses et les familles modestes, qui participent à l’emploi de milliers de personnes.

Madame la ministre, cette mesure brutale, prise en l’absence de toute concertation avec les entreprises mandataires, les associations de particuliers employeurs ou les salariés de particuliers employeurs, met en danger un grand nombre d’emplois. Le modèle économique actuel n’est certes pas parfait, mais il permet à des centaines de milliers de personnes de vivre.

L’argument du Gouvernement selon lequel l’article 15 offrirait aux salariés une couverture plus juste, n’est pas recevable : que leur direz-vous quand ils perdront la plus grande partie de leurs revenus ? Nous avions eu gain de cause quand le Sénat avait adopté notre amendement de suppression de l’article, mais, comme nous nous y attendions, l’Assemblée nationale l’a réintégré.

Par ailleurs, l’article 20 relève, à hauteur de 20 %, la fiscalité relative aux indemnités de rupture conventionnelle. Le Gouvernement prétend que certains employeurs ont recours à ce dispositif pour échapper aux règles encadrant le licenciement. Ce type de dérive n’a pourtant jamais été démontré. Une nouvelle fois, cette mesure va pénaliser le salarié en diminuant d’autant son indemnité.

Je pense enfin à l’article 24 ter, qui étend l’assiette de la taxe sur les dépenses de promotion des médicaments aux dépenses engagées pour les congrès et la communication institutionnelle. Nous réaffirmons que cette mesure va entraîner la disparition des congrès et qu’elle aura donc un impact négatif sur le rayonnement scientifique de la recherche et de la médecine françaises.

En outre, cette mesure surtaxation, ajoutée aux autres dispositions allant à l’encontre des industries du médicament, rend ces prélèvements littéralement confiscatoires, aux dépens de la compétitivité de la recherche française. C’est pourquoi nous avions demandé que toutes ces dispositions soient retirées du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, afin qu’une réflexion plus globale sur le coût du travail soit engagée par le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale.

S’agissant de la mise en place des taxes dites « comportementales », nous avons plaidé pour qu’une réflexion globale soit menée dans le cadre d’une loi de santé publique, et avons refusé l’instauration de tout nouveau prélèvement sans étude d’impact, notamment sur l’huile de palme et sur l’aspartame. L’association française des diabétiques a d’ailleurs attiré notre attention sur le rôle essentiel de cet édulcorant pour les 3 millions de Français atteints de cette maladie. Pour ces personnes, l’aspartame constitue non seulement un substitut efficace en termes de goût, mais aussi une aide thérapeutique dans la gestion de leur maladie, en leur permettant de limiter leur consommation de sucre.

Dans ce contexte, une disposition qui vise à instaurer une taxation spécifique de l’aspartame nous paraît poser un problème particulier aux diabétiques. Nous constatons avec satisfaction que l’Assemblée nationale a eu la sagesse de retirer ces deux taxes.

En ce qui concerne le volet dépenses, nombre de dispositions ne nous satisfont pas. Nous notons cependant, et nous nous en félicitons, le recul de l’Assemblée nationale sur deux mesures qu’elle avait insérées en première lecture.

Il s’agit, en premier lieu, du contrôle de la pratique privée à l’hôpital. Cette disposition avait été insérée sans aucune concertation avec les syndicats de médecins hospitaliers, et alors même que la ministre de la santé venait de confier à Mme Dominique Laurent une mission sur le secteur libéral à l’hôpital public.

Je rappelle que l’activité libérale est d’ores et déjà réglementée à l’hôpital, et qu’elle constitue un facteur important d’attractivité pour certaines disciplines, dans lesquelles la démographie médicale et la concurrence du secteur privé rendent les recrutements très difficiles. Je tiens à réaffirmer que la plupart des médecins appliquent les tarifs opposables, et que ceux qui pratiquent les dépassements d’honoraires le font avec tact et mesure. Seuls quelques-uns méritent d’être condamnés.

Il s’agit, en second lieu, de la modification des modes de facturation des actes de biologie médicale. Cette mesure était en contradiction avec l’esprit de l’ordonnance Ballereau, qui prévoit la création d’un dossier biologique unique sous la responsabilité du laboratoire de biologie médicale préleveur.

Par ailleurs, de nombreux dispositifs que nous désapprouvons sont maintenus.

Je pense notamment à la mise en place d’un praticien local de médecine générale, qui ne nous semble pas opportune : tout d’abord, parce qu’elle vise à faire glisser l’activité libérale vers l’activité salariale – nous ne partageons pas cette vision de la médecine –, ensuite, parce qu’il faudrait engager une réflexion globale sur les mesures à prendre contre les déserts médicaux avant de superposer des dispositifs visant à attirer les jeunes médecins dans les zones sous-dotées.

Je pense encore à l’encadrement de la publicité pour les produits de santé, qui va entraver l’essor de l’automédication en limitant l’usage de la publicité à destination du grand public, et aussi à la suppression de l’expérimentation de la visite médicale. Cette expérimentation n’est d’ailleurs pas encore terminée et elle n’a donc fait l’objet d’aucune évaluation sur les conditions dans lesquelles elle pourrait être généralisée.

Je pense enfin à l’abaissement du délai de facturation à un an pour les établissements pour personnes handicapées tarifés au prix de journée pour émettre et rectifier leurs factures auprès de l’assurance maladie.

En dernier lieu, nous avons pointé l’incohérence des choix du Gouvernement : en juillet dernier, il s’est précipité pour supprimer la TVA compétitivité et promettre de ne pas augmenter cette taxe ; six mois plus tard, il fait exactement l’inverse. Le groupe UMP souhaite que le Gouvernement reconnaisse la nécessité d’engager des changements fondamentaux pour résoudre le problème du financement de notre protection sociale et enrayer la perte de compétitivité de nos entreprises.

Pour notre groupe, la seule augmentation de nombreuses taxes et le démantèlement des dispositifs mis en place par le Gouvernement précédent ne constituent pas une stratégie viable en faveur de la sauvegarde de notre système de protection sociale.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera l’adoption de motion tendant à opposer la question préalable.

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