Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en intervenant dans la discussion générale au nom du groupe CRC, mon collègue Dominique Watrin a clairement exprimé les raisons qui nous ont conduits à rejeter les recettes prévues dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 et, par conséquent, à ne pas discuter des dépenses.
Les principales dispositions n’ayant pas été modifiées, l’Assemblée n’ayant pas repris à son compte les amendements que le Sénat avait adoptés, dont le rétablissement de l’article 14 sur les retraites « pigeons » et la taxation complémentaire des retraites chapeaux, nous savons toutes et tous que nous nous acheminons vers un vote identique à celui d’il y a quelques jours.
Pour autant, le groupe CRC ne votera pas la motion présentée par M. Milon, considérant que rien, dans le déroulement des débats et dans l’organisation de ces derniers, en séance publique ou en commission, ne justifie son adoption.
Tout l’honneur de notre Haute Assemblée est de ne jamais se priver d’échanger les points de vue, même lorsque l’issue est déjà connue. Nous avons une conviction : nous, parlementaires communistes, au sein du Front de gauche, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, nous portons la voix de celles et ceux, ouvriers, étudiants, retraités, précaires, salariés privés d’emploi, qui ont trop souvent l’impression de ne pas être entendus.
Adopter cette motion reviendrait selon nous à taire leurs voix, alors que nous tentons au contraire, depuis le début du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, de convaincre le Gouvernement qu’il doit entendre les quatre millions d’électeurs du Front de gauche qui, au second tour de l’élection présidentielle, ont voté pour François Hollande.
Tout au long de la première lecture, et jusqu’au vote de la troisième partie de ce texte, nous avons tenté de convaincre la majorité gouvernementale qu’il était possible de trouver des ressources nouvelles pour la sécurité sociale, qu’il était possible de tourner la page des mesures injustes adoptées par les gouvernements de droite, qu’il était possible de changer de cap et de ne pas taxer les retraites.
Nous avons également souligné que la prévision de croissance de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, pour 2013 ne permettrait malheureusement pas aux établissements publics de santé de faire face aux dépenses supplémentaires, sans opérer d’importantes coupes salariales. Je pense naturellement à l’augmentation des dépenses contraintes, notamment en raison de l’inflation, mais aussi à celles que contient ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Qui plus est, vous avez fait le choix d’inscrire une forme de parité entre l’ONDAM hospitalier et l’ONDAM de ville, tous deux fixés à 2, 6 %. Si grâce au mécanisme de gel des tarifs, sur lequel nous sommes plus que réservés, vous pourrez parvenir à respecter l’ONDAM hospitalier, je crains que, en raison de l’accord relatif aux dépassements d’honoraires, l’ONDAM de ville ne soit pour sa part dépassé. Si tel devait être le cas, pourriez-vous nous confirmer, madame la ministre, que vous ne prendrez aucune mesure concernant l’ONDAM hospitalier ?
Par ailleurs, bien que le sujet ne soit pas expressément traité dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, permettez-moi de dire que l’accord signé avec les professionnels de santé sur les dépassements d’honoraires est très loin de nous satisfaire En effet, il n’interdit pas les dépassements d’honoraires, mais les consacre en les plafonnant, créant en quelque sorte un secteur 1 bis, à mi-chemin entre le secteur 1 et le secteur 2. Qui plus est, les professionnels de santé ne seront pas tenus de signer l’accord et certains d’entre eux pourraient trouver plus lucratif de continuer à pratiquer les dépassements qu’ils souhaitent, considérant que cela leur profite plus que les contreparties financières dont ils pourraient bénéficier en signant l’accord.
Enfin et pour conclure, je voudrais dire quelques mots sur la disposition relative à la permanence des soins et à son application aux praticiens salariés des centres de santé. Malgré les annonces volontaristes du Gouvernement, nous craignons que son application produise moins d’effets que ce que vous espérez. En effet, cet article organise la permanence de soins dans le cadre d’une pratique libérale contraire à la pratique salariée des centres de santé. Certes, il n’existe pas d’entraves de nature juridique à cette activité libérale, mais il y a des obstacles réels.
Les praticiens des centres de santé ont en effet fait le choix du salariat, et par voie de conséquence du refus du paiement à l’acte et de l’exercice isolé. Or ces deux éléments sont déterminants dans la permanence des soins ambulatoires. On voit donc mal pourquoi les praticiens des centres de santé, décideraient, les soirs ou les week-ends, d’embrasser cette activité libérale. D’ailleurs, ceux d’entre eux qui voudraient le faire ne le pourront désormais qu’à la condition qu’ils cotisent à la caisse des médecins libéraux, pour un coût minimum proche de 5 000 euros…
Admettez, madame la ministre, qu’une telle cotisation pour réaliser quelques actes dans le cadre d’une forme d’activité que l’on a toujours refusée fait craindre que les praticiens des centres de santé participent peu à ce dispositif ! Vous évoquiez, dans l’exposé des motifs de cet article, l’existence d’un « vivier »… Nous sommes pour le moins dubitatifs.
Vous le voyez, mes chers collègues, malgré le contexte particulier dans lequel nous réalisons cette nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il y a toujours de quoi débattre. Nous aurions tort de nous en priver ! §