Intervention de Ronan Kerdraon

Réunion du 4 décembre 2012 à 16h00
Débat sur l'emploi la formation et la qualification des jeunes

Photo de Ronan KerdraonRonan Kerdraon :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai beaucoup apprécié les propos tenus par le président Larcher voilà quelques minutes. Je regrette simplement qu’il n’ait pas été entendu par le précédent gouvernement…

Par contre, j’ai beaucoup moins apprécié les propos tenus à l’instant par le sénateur Dassault. Je me suis cru revenu au XIXe siècle ! Il est heureux que M. Dassault n’ait jamais été ministre de l’éducation nationale !

Voilà quelques semaines, nous avons commencé à mettre en place les premiers emplois d’avenir. Ils s’adressent aux jeunes de 18 à 25 ans n’ayant pas ou peu de formation et ne trouvant pas de travail. C’est une première mesure qui se décline dans nos communes et nos départements.

Oui, ces emplois d’avenir constituent un immense espoir pour les jeunes concernés ! Ceux que j’ai pu employer grâce à ce dispositif dans ma commune de Plérin, dans les Côtes d’Armor, pourraient en témoigner.

Les orateurs précédents ont mis l’accent, à juste titre, sur la situation des jeunes peu diplômés. Pour autant, je ne voudrais pas que soient oubliées les difficultés spécifiques rencontrées par certains jeunes diplômés. En la matière, les ambitions sont complémentaires.

En France, près de 40 % des jeunes âgés de 25 à 34 ans sont titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur, ce qui fait de notre pays l’un des plus avancés en Europe ou au sein de l’OCDE. C’est une excellente chose, néanmoins de très fortes disparités existent entre nos territoires. En effet, certaines régions, comme l’Île-de-France, la Bretagne, Midi-Pyrénées ou Rhône-Alpes, se distinguent par un pourcentage de jeunes diplômés à la fois élevé et en progression. D’autres territoires, en revanche, comme les départements d’outre-mer, doivent être aidés pour atteindre de tels résultats.

Selon l’Association pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes diplômés, près d’un tiers des jeunes diplômés de l’année 2011 n’ont occupé aucun poste depuis la fin de leurs études et 43 % d’entre eux étaient employés en avril 2012. En outre, il convient de noter que 42 % de ces derniers étaient employés au titre d’un contrat précaire, c'est-à-dire un CDD ou une mission d’intérim de moins de six mois. Il s’agit là d’un véritable paradoxe !

Nous constatons ici la précarisation de la situation des jeunes, qui oscillent entre des périodes de chômage et des emplois qu’ils qualifient d’« alimentaires ». Pour ma part, je parlerais plutôt d’emplois précaires !

Dans ce domaine aussi, le gouvernement précédent a failli ! Il faut renouer le dialogue avec les partenaires sociaux, les régions, élaborer des stratégies de confiance pour redonner à la jeunesse une vision plus positive et moins sombre de l’avenir, de son avenir. Monsieur le ministre, je sais votre détermination et celle du Gouvernement en la matière.

Nos propositions doivent être justes et adéquates ; nous ne devons pas oublier les diplômés sous prétexte que les jeunes très qualifiés s’en sortent mieux, car ce n’est pas toujours vrai. Ce qui est dramatique, c’est qu’ils sont de plus en plus nombreux à accepter des postes sans perspectives de carrière et sans rapport avec leurs études.

De surcroît, les salaires d’embauche sont en chute libre en 2012, même dans les entreprises qui se portent bien, monsieur Dassault ! Plus de la moitié des diplômés de 2011 qui travaillent ont un salaire brut inférieur à 1 600 euros par mois. Les plus diplômés gagnent en moyenne 1 729 euros brut par mois, ce qui est peu au regard de leur niveau de formation.

La réalité de notre pays est cruelle : la barre des 3 millions de chômeurs a été atteinte ; cela représente près de 10 % de la population active. Aujourd’hui, les jeunes perdent confiance en l’avenir. Ils sont les premières victimes de la crise que nous traversons et de la précarisation accrue du marché du travail.

Cette aggravation du chômage des jeunes n’est malheureusement pas une surprise : elle résulte en partie de dix années d’inertie et de désengagement coupable de la part de l’ancien gouvernement. La « flexibilité » dont parlait le sénateur Dassault repose sur leurs épaules : la moitié des salariés embauchés en contrat à durée déterminée, en stage ou en apprentissage ont moins de 29 ans, alors que la moitié des salariés recrutés sous contrat à durée indéterminée ont plus de 43 ans.

En outre, les jeunes servent de variable d’ajustement des effectifs en période de crise. Ainsi, la proportion d’intérimaires est plus de deux fois supérieure parmi les jeunes que dans l’ensemble de la population active occupée. Ce sont eux, mes chers collègues, qui grossissent les cohortes de chômeurs. On n’est finalement pas très loin de la fameuse « armée de réserve de travailleurs » dont parlait Karl Marx !

Ce sont également eux qui subissent l’essentiel de la précarité : 17 % des jeunes de 18 à 29 ans disposent de revenus inférieurs au seuil de pauvreté, contre 13 % de l’ensemble de la population ; en 2008, plus d’un pauvre sur deux avait moins de 35 ans

Le chômage des jeunes résulte de plusieurs facteurs.

Le premier est bien entendu l’école, 120 000 jeunes sortant chaque année du système scolaire sans formation. C’est pourquoi nous approuvons le Gouvernement lorsqu’il fait de l’éducation nationale une de ses priorités.

L’accompagnement est un autre facteur décisif. Je souhaite souligner ici, après Claude Jeannerot, le rôle important joué par le réseau des missions locales, la mobilisation et le professionnalisme de ses conseillers. Nous nous réjouissons donc de l’annonce par le Gouvernement du renforcement des moyens d’accompagnement des missions locales, à hauteur de 30 millions d’euros pour la première année.

La difficile adéquation entre offres et demandes d’emploi est un troisième facteur. Les rapprocher est un casse-tête pour tous les gouvernements depuis trente ans. Depuis 2008, faute de moyens humains suffisants, Pôle emploi a laissé en jachère la prospection des offres d’emploi, pour assurer l’inscription des chômeurs…

Alors oui, monsieur le ministre, il était urgent de prendre la question de l’emploi des jeunes à bras-le-corps ! « Aux jeunes, ne traçons pas un seul chemin ; ouvrons-leur toutes les routes », disait Léo Lagrange. Mes chers collègues, c’est à cette tâche que nous nous sommes attelés, avec le Gouvernement ! §

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