Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier le groupe socialiste d’avoir pris l’initiative de ce débat sur l’emploi, la formation et la qualification des jeunes, qui fait écho à la priorité à la jeunesse affirmée par le Président de la République. Cette priorité à la jeunesse doit infuser dans toutes nos actions, toutes nos politiques, en premier lieu bien sûr celles de l’emploi et de la qualification.
À cet égard, je veux dire à M. Bockel que mes objectifs ne sont pas disjoints de ceux d’autres membres du Gouvernement. Chacun l’a compris, la jeunesse constitue une priorité transversale. D’ailleurs, un comité interministériel dédié à ce sujet se réunira au tout début de l’année 2013.
Les questions qui nous occupent ne sont pas déconnectées de celles de l’école, de l’accès aux savoirs ou de l’accès au logement : savoirs, compétences et sécurité matérielle sont indissociables pour la réussite d’un parcours professionnel.
Mon collègue Vincent Peillon a participé dans cet hémicycle, voilà quelques mois, à un débat riche sur les conditions de la réussite à l’école. Moi-même, j’ai eu récemment l’occasion d’aborder ici même la question de l’insertion professionnelle des jeunes lors de l’examen de la proposition de loi relative aux écoles de production.
La thématique de l’emploi et de la qualification des jeunes est complexe, car elle combine des facteurs très divers. Elle concerne aussi bien nos politiques de formation que nos politiques sociales, d’aménagement du territoire, de logement, de transport et d’accompagnement. Elle est également liée aux politiques de ressources humaines des entreprises, lesquelles sont souvent réticentes à l’embauche de jeunes sans expérience. De plus, elle implique de nombreux acteurs institutionnels ou associatifs, dont la coordination est un objectif en construction permanente.
Il y a là un enjeu majeur pour notre société, une urgence humaine, sociale, sociétale et même économique à agir en faveur de l’emploi des jeunes, afin de leur assurer une place dans la société.
Or le constat est édifiant.
Premièrement, ce sont les jeunes qui sont particulièrement touchés par le chômage. Avec un taux de chômage dramatiquement élevé, s’établissant aujourd’hui à près de 23 %, contre 10 % pour l’ensemble de la population active, notre jeunesse subit de plein fouet les effets de la crise.
Pis encore, on observe une inégalité territoriale : 43 % des jeunes sont au chômage dans les quartiers dits « défavorisés », et la situation est plus grave encore outre-mer.
Ce triste constat nous oblige, et le Gouvernement est résolu à tout faire pour enrayer ce phénomène.
Deuxièmement, on note que les jeunes sont les premières victimes de la précarité sur le marché du travail, et ce quel que soit le niveau de diplôme.
Sur le front de l’emploi, les jeunes partent bien souvent désavantagés, du fait de leur position d’entrants sur le marché du travail. De ce fait, il leur est difficile d’accéder à un emploi stable au cours de leurs premières années de vie active. Celles-ci sont très souvent marquées par une succession de stages et de contrats courts, entrecoupés de périodes de chômage, l’âge moyen d’accès au CDI se situant aujourd’hui aux alentours de 28 ans. Globalement, près d’un tiers des jeunes qui travaillent sont employés sous contrat temporaire. Leur situation de primo-accédants à l’emploi les rend également particulièrement sensibles aux variations de conjoncture.
Troisièmement, la situation est plus dramatique encore pour les jeunes qui ne détiennent aucune qualification.
Accéder au diplôme demeure, nous le savons, une protection contre le chômage. Sans être une garantie, le diplôme reste un atout précieux pour entrer sur le marché du travail, puisque le taux de chômage des non-diplômés ou des diplômés du seul brevet des collèges est quatre fois et demie plus élevé que celui des diplômés du supérieur. Je le dis à l’intention de M. Le Scouarnec, la situation s’est encore aggravée au cours des dernières années : 40 % des jeunes sortis du système scolaire sans diplôme en 2007 étaient au chômage trois ans plus tard, contre 33 % de ceux qui ont quitté l’école sans diplôme en 2004.
Cette situation inacceptable est celle que me décrivent les jeunes que je rencontre un peu partout en France lorsque je vais parrainer des emplois d’avenir. Tous, à Marseille, à Toulouse, à Clermont-Ferrand, à Saint-Etienne, dans le Doubs, s’accordent à dire la même chose : « on nous fait toujours la même réponse : pas de qualification, pas d’expérience, vous n’êtes pas employable ». C’est tout de même un comble : en somme, on reproche aux jeunes d’être jeunes !
Pourtant, la jeunesse est la richesse, le capital de notre pays. Ce que veulent les jeunes, c’est non pas l’assistanat, mais l’autonomie, ce qui est tout à fait différent !
Parce que la réussite de la jeunesse sera la nôtre, investir en sa faveur constituera notre réussite collective. C’est pourquoi – certains d’entre vous l’ont souligné –, dès son entrée en fonctions, le Gouvernement a pris des mesures fortes en direction de la jeunesse et de l’école.
La grande conférence sociale qui s’est tenue en juillet dernier en a été le moteur. Nous avons défini notre feuille de route en nous appuyant sur la même ligne de force : le dialogue avec les partenaires sociaux, bien sûr, mais aussi avec tous les autres acteurs, notamment les collectivités territoriales. En effet, pour être partagées, les politiques doivent être co-élaborées avec celles et ceux qui doivent les appliquer. Ce dialogue a été concluant pour ce qui concerne le contrat de génération ; j’espère qu’il le sera également s’agissant de la sécurisation de l’emploi.
Dans le domaine de la formation professionnelle et de l’apprentissage, l’action que je porte avec Michel Sapin s’organise selon quatre axes : ouvrir un accès à la qualification pour tous les jeunes, développer l’alternance, réformer le service public de l’orientation et, enfin, permettre un accès à l’emploi plus sécurisant pour les jeunes.
Sur le plan de la méthode, cette action s’appuie sur deux grands principes : le dialogue social et territorial, d’une part, l’interministérialité, d’autre part. Ce n’est en effet qu’en « jouant collectif » au sein de l’État et en conjuguant nos efforts avec ceux des partenaires sociaux et des collectivités territoriales que nous mènerons une action efficace.
Sur ce point, je suis d’accord avec Gaëtan Gorce : il faut que chacun joue sa partition, mais dans un cadre étroitement coordonné. Telle est bien ma volonté. D’ailleurs, dans le cadre des travaux préparatoires du projet de loi de décentralisation, je propose de mettre en place une gouvernance unifiée des politiques d’emploi et de formation, car ces deux politiques sont liées et associent l’État, les régions et les partenaires sociaux.
Le premier axe est donc l’offre d’un accès à la qualification pour tous les jeunes.
Le 12 septembre dernier, à l’occasion d’une déclaration commune à l’Élysée, l’État et l’ensemble des régions ont confirmé l’objectif très ambitieux de diviser par deux en cinq ans le nombre de jeunes entrant sur le marché du travail sans qualification.
Pour donner une portée concrète à cette déclaration, je viens d’envoyer aux préfets, ainsi qu’aux présidents de région, un document-cadre, qui a lui aussi fait l’objet d’une large concertation avec les participants de l’atelier « formation » de la grande conférence sociale, visant à mettre en place, dans chaque région, des « pactes régionaux pour la réussite éducative et professionnelle des jeunes » avant la fin du premier trimestre de 2013.
Ces pactes tendront à coordonner les efforts de chaque acteur – les autorités académiques via la mission générale d’insertion, le service public de l’emploi par le biais des missions locales, les régions au travers des dispositifs de formation continue, les partenaires sociaux porteurs de l’accord national interprofessionnel des jeunes de 2011, les dispositifs dits « de nouvelle chance », tels que les écoles de la deuxième chance ou l’établissement public d’insertion de la défense –, afin de lutter ensemble plus efficacement contre le décrochage et de proposer à chaque jeune sans qualification une solution adaptée pour réamorcer un parcours de formation.
Parmi les solutions qui seront déclinées dans ces pactes, il y a évidemment l’alternance, notamment pour ce qui concerne les premiers niveaux de qualification ; j’y reviendrai ultérieurement.
Ces pactes ne sont pas un effet d’annonce, un « coup de communication » ; ils marquent l’engagement d’un effort qui, pour porter ses fruits, s’inscrit dans le temps. J’ai demandé aux préfets de région et aux présidents de conseil régional d’en organiser sans tarder la mise en œuvre.
Je m’assurerai personnellement de la mobilisation et de la bonne coordination des différents intervenants, car je veux donner à ces pactes un caractère très opérationnel. Si vous le souhaitez, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous en rendrai compte au cours de l’année prochaine.
Réinscrire les jeunes dans des parcours de formation, mais aussi leur mettre le pied à l’étrier pour obtenir un emploi, telle est la finalité des emplois d’avenir, qui sont destinés aux jeunes peu ou pas qualifiés, ceux que les refus d’embauche successifs conduisent aujourd’hui au découragement, voire au désespoir.
Ces jeunes, qui ont souvent connu un échec scolaire, parfois douloureux, ne sont généralement pas en capacité de reprendre une formation qualifiante. D’ailleurs, ne les opposons pas à ceux qui sont en apprentissage. Dès lors, la mise en œuvre des emplois d’avenir a deux objectifs : d’une part, permettre aux jeunes bénéficiaires de connaître une expérience professionnelle réussie, inscrite dans la durée – trois ans, cela compte dans un curriculum vitae –, et, d’autre part, leur offrir, alors qu’ils sont peu ou pas diplômés, un parcours d’accès à une qualification reconnue. En effet, c’est la première fois, dans l’histoire du droit du travail, qu’une formation qualifiante ou diplômante obligatoire est inscrite dans un contrat de travail.
Un peu partout sur le territoire, Michel Sapin et moi-même partons à la rencontre de ces jeunes, pour la signature des premiers contrats et des conventions-cadres avec les collectivités et les associations. Croyez-moi, il est extrêmement plaisant de pouvoir mettre des visages sur un dispositif que l’on a défendu avec conviction devant le Parlement et que vous avez voté. En voyant la satisfaction de ces jeunes quand ils signent leur contrat, on comprend l’importance que revêt pour eux ce dispositif volontariste en matière d’insertion et de formation.
Nous avons été cohérents dans la mise en place du dispositif, y compris d’un point de vue budgétaire, puisque les missions locales « jeunes » bénéficieront de 30 millions d’euros supplémentaires en 2013. Cela faisait bien longtemps qu’elles n’avaient pas reçu un tel coup de pouce de la part de l’État !