Or les avancées les plus récentes montrent que nous ne disposons pas de solutions de rechange sérieuses à l’utilisation des cellules souches embryonnaires pour faire progresser la science.
Ces cellules, dotées de ressources exceptionnelles, proviennent de l’embryon humain au tout début de son développement, quelques jours seulement après la fécondation. Elles ont la particularité de pouvoir se répliquer indéfiniment et de se différencier en plus de deux cents types de tissus. C’est sur cette capacité que reposent les espoirs scientifiques.
Or l’interdiction imposée par les lois qui se sont succédé depuis 1994 a conduit les chercheurs à travailler intensivement sur les cellules souches adultes. Néanmoins, les travaux ont rapidement montré les limites de telles cellules : leur efficacité s’est révélée particulièrement faible, notamment dans les essais de thérapie cellulaire ; elles sont assez peu disponibles et, surtout, elles offrent un potentiel plus restreint que les cellules souches embryonnaires.
Il y a quelques années, le professeur Yamanaka a découvert que les cellules spécialisées d’un organisme adulte – les IPS – pouvaient revenir à un état pluripotent sans utiliser d’embryon. Il a démontré que des cellules de la peau à l’état adulte auxquelles seulement quatre gènes ont été ajoutés sont devenues semblables à des souches de cellules embryonnaires, en présentant la capacité unique de se renouveler et de se transformer en presque tous les types de cellules qui existent dans le corps humain.
Cette découverte, récompensée par le prix Nobel de médecine, a fourni de merveilleux espoirs à la communauté scientifique et a permis d’imaginer des protocoles innovants pour étudier des maladies et développer des outils de diagnostic et des traitements adaptés. La recherche a ainsi franchi un nouveau pas.
Pour autant, vous le savez tous, les cellules IPS ne peuvent nous dispenser de recourir aux cellules souches embryonnaires. Lors de la discussion générale, madame la ministre, vous avez à juste titre rappelé que les unes et les autres n’étaient pas complètement identiques et que « l’expression non contrôlée des modifications génétiques induites dans ces IPS pourrait entraîner des cellules cancéreuses IPS ». Ces cellules sont en quelque sorte des organismes génétiquement modifiés, dont on ne connaît ni les incidences potentielles ni les désordres qu’ils peuvent provoquer. Dès lors, il est crucial de bien contrôler que l’on n’a pas introduit quelque chose d’anormal.
Les scientifiques ne peuvent aujourd'hui se passer des cellules souches embryonnaires, qui restent encore la référence en l’état actuel de la science.
En France, la recherche sur les cellules souches embryonnaires a commencé il y a peu. De ce fait, nous le savons tous ici, elle accuse un retard considérable par rapport à celles d’autres pays. Au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Chine, au Japon ou encore à Singapour, le nombre d’équipes travaillant sur ces cellules est bien plus important que dans notre pays, qui occupe la huitième place européenne et la quinzième place mondiale.
En particulier, le Royaume-Uni, dont vous savez, mes chers collègues, qu’il est toujours sensible aux questions sociétales et au respect des libertés, compte aujourd’hui une quarantaine d’équipes qui possèdent les compétences nécessaires, ont déjà publié sur ces questions et disposent de moyens croissants pour travailler. Aux États-Unis, Barack Obama a levé le moratoire qu’avait décrété l’ancien président George W. Bush sur le financement public de la recherche sur les cellules souches embryonnaires. À ce titre, il avait déclaré que l’Amérique devait conserver son leadership scientifique et sa foi dans le progrès de l’humanité.
En France, on en est tout juste à la première génération de responsables… Le nombre de personnes possédant les compétences pour travailler sur les cellules souches embryonnaires est limité et le niveau d’investissement demeure très faible.
Pourtant, la recherche sur ces cellules souches contribue à développer de nouvelles thérapeutiques susceptibles de soulager les souffrances et d’offrir des chances de guérison aux personnes atteintes d’affections graves et parfois incurables, ce qui est essentiel.
En 2002, notre collègue député Roger-Gérard Schwartzenberg parlait déjà d’ « un impératif éthique de solidarité » et d’ « un devoir de la société ». En effet, la recherche sur les cellules souches embryonnaires constitue un véritable enjeu pour la thérapie cellulaire et pourrait, à terme, intervenir dans le traitement des maladies dégénératives.
Enfin, en permettant d’évaluer les risques toxicologiques des médicaments par des tests directs sur ces cellules, on limiterait le recours à des expérimentations sur l’homme et on éviterait bien des drames sanitaires, comme celui du Mediator.
Mes chers collègues, en rejetant la motion présentée par Dominique de Legge, nous enverrons un signal fort à la communauté scientifique internationale tout entière et à l’ensemble des malades qui placent beaucoup d’espoir dans la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.
Les différents rapports de l’Agence de la biomédecine, du Conseil d’État, de l’Académie de médecine et, plus récemment, de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques nous invitent à modifier notre législation en ce sens.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, au nom du groupe RDSE, je vous demande de rejeter la motion tendant à opposer la question préalable présentée par Dominique de Legge, non seulement parce qu’elle ne nous paraît pas fondée, mais aussi parce que, nous en sommes convaincus, elle ne va dans le sens ni de l’humain, ni du progrès, ni de l’avenir.