Intervention de Gilbert Barbier

Réunion du 4 décembre 2012 à 22h00
Recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires — Question préalable

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier, rapporteur :

La motion qui vient d’être présentée pose deux questions : celle de la légitimité de la proposition de loi et celle de la procédure à laquelle doit être soumise l’autorisation de la recherche sur l’embryon.

Sur la légitimité de la proposition, je crois avoir dit l’essentiel lors de mon intervention ; je n’y reviendrai pas. Du reste, Jacques Mézard vient d’en reprendre beaucoup d’éléments.

Toutefois, si nous nous reportons à la discussion que nous avons eue il y a dix-huit mois, nous savons quelles pressions le Sénat a alors subies. C’était en 2011, et nous étions dans un contexte préélectoral. Aujourd'hui, la donne a changé.

Comme cela a été souligné, il ne s’agit pas d’une révision de la loi relative à la bioéthique : dix-huit mois après avoir planché de nombreuses heures sur le dossier, il n’est pas nécessaire de reprendre la totalité de la législation dont nous nous étions alors dotés, qui comporte plusieurs facettes.

Monsieur de Legge, je n’ai pas souhaité multiplier les auditions. J’en ai réalisé quatre, qui m’ont conforté dans l’idée, partagée par les membres de mon groupe, qu’il fallait absolument avancer dans ce domaine, et ce de manière relativement rapide.

Aujourd'hui, cela a été dit, le texte adopté il y a un an paraît non seulement moralement ambigu, mais aussi juridiquement dangereux. Il est nécessaire de faire le choix de la clarté et de la responsabilité.

Depuis le début de l’examen de la présente proposition de loi par notre assemblée, deux nouveaux recours en annulation d’autorisations ont été introduits. Actuellement, ce sont donc sept recours en annulation qui ont été formulés par une association, bloquant par là même les procédures d’études et de recherche autorisées par le comité ad hoc.

Étant membre de cette instance, tout comme un certain nombre de nos collègues, dont Alain Milon, je puis vous assurer qu’elle ne travaille pas n’importe comment !

La seule solution de substitution, qui a d’ailleurs été évoquée sur un plan philosophique, consisterait à réclamer l’interdiction totale de la recherche sur l’embryon. Une telle option pourrait se justifier et, si une majorité parlementaire s’exprimait en ce sens, elle serait acceptée.

Nous faisons aujourd’hui le choix de mettre en place une autorisation encadrée pour permettre à nos chercheurs de contribuer au progrès de la médecine. Ce choix éthique important a pour seul but de leur permettre de travailler.

J’ajouterai à l’intention de notre collègue Dominique de Legge qu’opposer les recherches sur les cellules souches pluripotentes induites, ou cellules IPS, à celles qui sont conduites sur les cellules souches embryonnaires n’est pas pertinent. En effet, le plus souvent, les mêmes équipes travaillent sur ces deux types de cellules.

Il faut que ces recherches évoluent parallèlement, comme le prévoit expressément le texte de cette proposition de loi. S’il est prouvé un jour, de manière scientifiquement incontestable, que les recherches sur les cellules souches embryonnaires ne sont pas nécessaires à l’évolution de la science, je serai le premier à demander l’abandon des protocoles et la fin des autorisations de recherche sur l’embryon.

La recherche sur l’embryon et sur les cellules souches embryonnaires est un travail de pointe. Actuellement, 63 projets de recherche sont autorisés dans notre pays ; 12 d’entre eux concernent l’embryon et les 51 autres portent sur les cellules souches embryonnaires. Je doute que l’adoption de cette proposition de loi augmente sensiblement ce nombre, car peu d’équipes de recherche sont capables de mener à bien de tels projets – nous en avons recensé 36 exactement sur l’ensemble du territoire. Les conditions qu’impose et que continuera à imposer l’Agence de la biomédecine, en termes de compétences et de moyens, sont une garantie : elles ne permettent pas à n’importe qui d’engager des recherches, contrairement à ce qui a pu être écrit.

Cette proposition de loi apporte à nos chercheurs la clarté et la sécurité juridique dont ils ont besoin pour s’inscrire dans la concurrence internationale.

Sans nous laisser influencer par le monde de la recherche, nous devons être bien conscients que deux évolutions sont en cours.

Premièrement, les chercheurs d’origine étrangère travaillant sur ces sujets ne viennent plus en France ; en effet, ils savent que notre législation ne leur offre pas de perspectives d’avenir, car on ne peut pas exclure que ce type de recherche soit un jour totalement interdit.

Deuxièmement, les équipes françaises se trouvent quelque peu disloquées et font face à une incertitude qu’elles voudraient voir levée.

Jacques Mézard a parfaitement expliqué en quoi la recherche médicale est aujourd’hui porteuse d’espoirs dans de nombreux domaines, qu’il s’agisse de la génétique ou du traitement de nombreuses maladies. Je ne me sens pas le droit d’interdire la progression de nos équipes de chercheurs dans tous ces domaines.

Quant à la question de droit qui a été soulevée, elle appelle une réponse simple. L’article 46 de la loi relative à la bioéthique n’a pas de valeur supra-législative : ce que le législateur a fait, il peut donc le défaire. Il ne nous a pas semblé que la réunion d’états généraux s’imposait à nouveau, car notre pays et nos chercheurs n’ont que trop attendu.

La commission des affaires sociales a donc émis un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer la question préalable.

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