Intervention de Thierry Tuot

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 5 décembre 2012 : 1ère réunion
Réforme du code minier — Audition de M. Thierry Tuot conseiller d'état

Thierry Tuot :

Je commencerai par répondre à cette dernière question. Le code civil lie la propriété du sous-sol à celle de la surface, mais le code minier soumet à autorisation préalable toute exploitation du sous-sol : le bon sens voudrait qu'on commence par réformer le code civil, mais l'intention n'y suffit évidemment pas et la tâche a paru démesurée. Nous proposons donc de passer par une autre voie, celle de la légitimité de l'État à agir pour valoriser le sous-sol, qui est une richesse nationale. Nous ne sommes pas allés aussi loin que les justifications innombrables du droit public en matière d'urbanisme puisque nous nous sommes arrêtés à trois critères d'intérêt général pour encadrer l'exploitation minière : le développement économique, les normes environnementales auxquelles la France a souscrit et l'intérêt social local - dans lequel nous avons inclus, sur la suggestion des syndicats, la défense de la sécurité et de l'intérêt des travailleurs. L'État reste l'auteur de la décision d'exploiter, le respect des normes environnementales est une exigence nécessaire et l'intérêt local nous apparaît bien comme le lieu de résolution des conflits entre parties prenantes, le cadre le plus idoine pour parvenir à un compromis participatif.

La question de la juste indemnisation de la propriété reste posée et elle mérite un très large débat. Il faut définir précisément ce qui doit être pris en compte : pour un agriculteur bio que le déversement de granulats à proximité de son exploitation prive de son label « agriculture biologique », quelle indemnisation ? Dans ce débat, je crois que nous avons besoin de la plus grande transparence et que nous devons sortir du jeu actuel, opaque, entre quelques décideurs et l'opérateur.

Ne risque-t-on pas d'exploiter une mine surtout au profit d'un tiers ? Ce n'est pas à exclure et c'est bien pourquoi l'intérêt national doit primer, en faisant toute leur place aux populations locales.

Le nucléaire n'a pas été un tabou du Grenelle de l'environnement : le rapport général se prononce pour qu'il n'y ait pas de nouveau site d'installation nucléaire sur notre territoire, mais ce point, comme bien d'autres, n'a malheureusement pas été suivi par le gouvernement.

Sur le débat public, je crois que nous devons bien prendre la mesure des changements de la société : l'unilatéralisme napoléonien ne fonctionne plus, c'est un fait dans une société où les jeunes générations ont quasiment toutes le baccalauréat et où tout le monde peut se connecter à internet. Le temps n'est plus aux blouses blanches qui savent tout ni aux élus à l'autorité incontestable : nos concitoyens demandent à prendre et, à tout le moins, à comprendre les décisions qui les concernent ! Quand nos concitoyens en sont à suspecter toute expertise parce qu'elle est officielle, la transparence devient indispensable : pour que monsieur Tout le monde ait confiance dans les experts, il ne faut certes pas qu'il devienne expert lui-même, mais il faut qu'il soit associé à la définition et à la commande de l'expertise, qu'il soit assuré de l'indépendance des experts et qu'il ait un accès ouvert à tous les résultats. Il faut partager la légitimité, cela vaut pour les élus, pour les industriels, pour la technocratie et pour les associations - et c'est bien ce qu'a expérimenté avec succès « la gouvernance à cinq » lors du Grenelle de l'environnement. La méthode fonctionne : voyez ce qui s'est passé sur les OGM où, dès lors qu'on a informé en toute transparence sur les expériences et leur localisation, les procédures de recours se sont réduites comme peau de chagrin. Il faut aider les associations à se qualifier davantage, à mieux maîtriser l'expertise, comme cela se fait pour les syndicats ou pour les collectivités locales : cette véritable transparence est devenue une condition pour reprendre l'exploitation minière dans notre pays. Les industriels le savent parfaitement lorsqu'ils se présentent à l'étranger, où ils négocient avec les gouvernements, avec les populations locales, où ils compensent certains effets de l'exploitation minière, sous l'oeil de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.

Il faut qualifier davantage l'aide à la décision publique et conserver un cadre où l'Etat prend ses responsabilités, sous le contrôle du juge et du Parlement, après un débat transparent ; nous devons sortir d'un fonctionnement bien trop opaque et conflictuel : c'est la condition pour que l'exploitation économique des mines reprenne dans notre pays ! (Applaudissements)

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