Merci pour la clarté de votre intervention. Le rattachement du futur Commissariat général à l'égalité des territoires à Matignon est capital. Quand la Datar fut fondée, son emblématique délégué, Olivier Guichard, faisait figure de Premier ministre bis. On n'a jamais fait autant pour l'aménagement du territoire que dans les années soixante et soixante-dix. Certes, il y avait alors plus de moyens.
Vous arrivez, quant à vous, sur un champ de ruines, après trente ans d'absence de politique d'aménagement du territoire. Nous avons échoué en cette matière, puisque 80 % des Français vivent sur 10 % du territoire, au lieu, en Allemagne, de 70 % de la population sur 30 % du territoire. Or, si l'on évaluait le coût des dépenses publiques par citoyen, en fonction du lieu d'habitation, zone urbaine ou zone rurale, on constaterait une différence qui justifie à elle seule le fléchage des moyens budgétaires. De grands outils sont indispensables pour que les villes en difficulté et les territoires ruraux enclavés aient accès aux grands réseaux autoroutiers, aux TGV et au numérique.
Reconnaissons aussi que les trente ans de décentralisation ont été trente ans de déménagement du territoire : les écarts de richesse entre territoires ont flambé. La situation a atteint le point d'indécence. Je suis élu d'un département, les Ardennes, qui souffre. Je ne crois plus à la péréquation horizontale - qui fait, gauche et droite confondues, l'unanimité contre elle ou pour elle, selon que le territoire est riche ou pauvre - et j'en suis venu à penser que l'Etat est le seul à pouvoir agir sur le partage des richesses : l'augmentation, même faible, de ses dotations est le seul espoir pour les collectivités.
Il faut aussi un certain courage pour rester dans un territoire quand, non seulement le postier et le percepteur ont disparu, mais, plus grave, le maître d'école et le médecin. En matière d'aménagement du territoire, il faut faire du cousu main. J'attends de connaître le coût comparé, pour la puissance publique, d'un citoyen des villes et d'un citoyen de la campagne ; ce sera instructif.
Enfin, j'attire votre attention sur la nécessité d'une réorganisation de l'Etat en région. Autant les préfets sont utiles dans les départements, pour décliner au quotidien et localement l'aménagement du territoire, autant nous pourrions nous en passer en région, d'autant qu'ils coûtent cher.