La proposition de loi, que j'ai déposée le 24 mai dernier, répare l'injustice faite aux titulaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, l'Aspa. Leurs revenus d'activité sont soumis à cotisation et retranchés du montant de la prestation quand les autres retraités bénéficient, depuis 2003, du cumul emploi-retraite libéralisé, depuis 2009. Donnons-leur aussi ce droit.
Le minimum vieillesse, premier minimum social créé en 1956, constitue une prestation subsidiaire versée aux personnes âgées de soixante-cinq ans (soixante ans en cas d'inaptitude au travail ou d'invalidité) afin de compléter leurs faibles ressources. Près des trois quarts des allocataires dépendent de la Caisse nationale d'assurance vieillesse ; les autres dépendent des différents régimes et, s'ils n'ont pas cotisé à un système de retraite, du service de l'allocation de solidarité aux personnes âgées de la Caisse des dépôts et consignations. Le financement de la prestation revient au fonds de solidarité vieillesse : 3 milliards d'euros en 2011, soit près de 15 % de ses dépenses.
La revalorisation exceptionnelle du minimum vieillesse de 25 % en cinq ans pour les personnes isolées, décidée par l'ancien gouvernement, a été précédée de la simplification du dispositif par l'ordonnance du 24 juin 2004. Depuis 2007, le minimum vieillesse regroupe les bénéficiaires de l'ancienne allocation supplémentaire vieillesse (ASV) et de la nouvelle Aspa.
Son calcul revêt un caractère différentiel : en application de l'article L. 815-9 du code de la sécurité sociale, le montant de la prestation servie est égal à la différence entre le montant du minimum de ressources garanties aux personnes âgées et le montant des ressources du foyer. Au 1er avril 2012, le minimum vieillesse complète les ressources du bénéficiaire jusqu'à 777,16 euros par mois pour une personne seule et 1 206,39 euros pour un couple. Fin 2010, les bénéficiaires touchaient en moyenne 287 euros mensuels au titre de l'ASV et 382 euros mensuels au titre de l'Aspa.
Au cours des cinq dernières décennies, le nombre d'allocataires du minimum vieillesse a diminué du fait de la montée en charge des régimes d'assurance vieillesse de base et complémentaires, de la création de minima de pensions dans les principaux régimes de retraite et de la participation accrue des femmes au marché du travail. Entre 1960 et 2010, il est passé de 2,5 millions à 576 000. Il s'est stabilisé depuis le début des années 2000. Pour autant, la Cour des comptes, dans son dernier rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, a souligné le rôle essentiel de cette prestation dans la couverture vieillesse des personnes pauvres. Les effectifs d'allocataires, probablement inférieurs au nombre de personnes éligibles, risquent fort d'augmenter avec l'arrivée à l'âge de la retraite de générations ayant eu des carrières incomplètes - et je pense, en particulier, aux femmes.
Dans ces conditions, on comprendrait mal que les allocataires du minimum vieillesse ne puissent pas, eux aussi, bénéficier du cumul de leur allocation avec les revenus d'activité, en particulier lorsque ceux-ci sont modestes. Un constat largement partagé : un syndicat auditionné qualifie même les règles actuelles « d'aberration juridique » en soulignant que la majorité des allocataires de l'Aspa, malgré les récentes revalorisations, se situe sous le seuil de pauvreté, soit 964 euros mensuels en 2010. Le Conseil d'orientation des retraites, le COR, rappelle que « le droit à la retraite ne prive pas les retraités d'un droit fondamental, le droit au travail ». Quant à l'Igas, elle invite, dans un rapport publié peu après le dépôt de cette proposition de loi, à la création « d'un mécanisme d'intéressement pour le minimum vieillesse » afin de corriger « un facteur d'inégalité dans l'accès au cumul emploi-retraite ». De fait, ce cumul, qui s'est fortement développé depuis 2004, bénéficie aujourd'hui à un demi-million de personnes.
Ma proposition de loi est en pleine cohérence avec la recommandation de l'Igas en modifiant l'article L. 815-9 du code de la sécurité sociale pour autoriser le cumul de l'Aspa avec des revenus d'activité dans la limite de 1,2 Smic. La fixation d'un plafond, nécessaire parce que la l'allocation relève de la solidarité nationale, comporte forcément une part de subjectivité. Nous pourrons en discuter. Quoi qu'il en soit, 1,2 Smic me semble cohérent : l'intéressé pourrait ainsi compléter ses ressources par 565 euros de revenus d'activité.
Ce texte ne prétend évidemment pas résorber la pauvreté qui touche un million de personnes âgées en 2010, soit 10 % de cette classe d'âge, selon les données de l'Insee. Ce nombre est d'ailleurs certainement encore plus élevé d'après les témoignages des associations. Le but est simplement d'ouvrir aux personnes qui souhaitent travailler et sont en capacité de le faire, le droit de compléter leurs revenus et de garder un lien social. Les représentants du régime social des indépendants ont insisté sur l'utilité de la mesure : buralistes et restaurateurs ont souvent besoin de l'aide ponctuelle des anciens.
S'il est difficile d'évaluer précisément le nombre de personnes concernées par la mesure, elle s'adresse d'abord aux allocataires âgés de soixante-cinq à soixante-quinze ans environ, soit un tiers des titulaires, et surtout aux femmes qui représentent 62 % des allocataires isolés entre soixante-cinq et soixante-dix ans.
Afin de renforcer la cohérence du texte, je propose, à l'article 1er, de maintenir le mode de calcul différentiel de l'allocation, car cela est indispensable pour apprécier les ressources sur lesquelles se fonde le montant de la prestation servie. Pour éviter de désavantager les couples en fixant un plafond unique, prévoyons pour eux un second plafond de 1,8 Smic, soit la possibilité d'un complément de revenus d'activité de 807 euros environ au total. Par souci d'équité, un article additionnel étendra le dispositif aux titulaires des anciennes allocations du minimum vieillesse.
En conclusion, ce texte, qui sera examiné en séance le 12 décembre prochain, apporte une réponse pragmatique et de bon sens aux allocataires du minimum vieillesse désireux de compléter leurs ressources par des revenus d'activité.