Intervention de Ronan Kerdraon

Commission des affaires sociales — Réunion du 5 décembre 2012 : 1ère réunion
Autoriser le recouvrement sur succession des sommes versées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie pour les successions supérieures à 150 000 euros — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Ronan KerdraonRonan Kerdraon, rapporteur :

Réintroduire le recouvrement sur succession, ce serait limiter le nombre des bénéficiaires de l'Apa, qui atteignait 1,2 million fin 2011. 140 000 personnes bénéficiaient de la PSD fin 2001, mais elles étaient plus du double à percevoir l'Apa pour les groupes iso-ressources (GIR) 1 à 3 un an plus tard. De toute évidence, quelque chose s'est débloqué. Relever le seuil pour ne toucher que les plus aisés ? Ce ne serait guère efficace : d'après toutes les personnes que j'ai auditionnées, c'est moins le niveau du seuil que son existence qui conduit à renoncer à la prestation. Par ailleurs, le recouvrement sur succession risque d'avoir un impact collatéral sur le secteur des services d'aide et d'accompagnement à domicile déjà fragilisé. En effet, 90 % des montants des plans d'aide à domicile sont utilisés pour financer le recours à un aidant professionnel.

Enfin, le dispositif proposé, qui diffère du système de gage maximal de 20 000 euros que notre mission commune d'information sur la dépendance avait envisagé en 2010, présente des limites techniques fortes : il ne prévoit ni plafond sur les sommes recouvrables ni droit d'option. Il s'appliquerait à l'ensemble des allocataires six mois après l'entrée en vigueur de la loi : ne serait-il pas plus juste de le réserver aux seules personnes entrant en dépendance après la publication de la loi ? Autre difficulté, si l'on se fie aux derniers chiffres de la Cour des comptes, le seuil de 150 000 euros correspond peu ou prou au patrimoine médian des ménages de soixante-dix ans et plus. Autrement dit, nous toucherions la très grande majorité des personnes dépendantes propriétaires de leur logement, qui ne sont pas nécessairement les plus nanties. Si les estimations sont à manier avec prudence, environ 40 % des bénéficiaires de l'Apa seraient concernés.

Alors que l'objectif est d'améliorer la situation financière des départements, nous ne disposons d'aucune information sur les ressources qui pourraient être récoltées, afin de les mettre en regard des coûts potentiels. Les coûts de gestion risquent, en effet, d'être non négligeables. De plus, si le risque d'évincement se vérifie, les sommes économisées par les départements seront dépensées à un autre niveau, notamment par l'assurance maladie, lorsque les personnes dépendantes, trop tardivement accompagnées, recourront au système de soins.

Pour toutes ces raisons je demande à la commission de ne pas adopter le texte. Ce rejet n'empêcherait pas son examen : la proposition de loi viendrait simplement en séance la semaine prochaine dans la rédaction initiale.

Ma position en tant que rapporteur rejoint celle de l'ensemble des personnes que j'ai consultées, en particulier l'assemblée des départements de France (ADF), pourtant concernée au premier chef. Il ne s'agit pas de nier les difficultés des conseils généraux, mais plutôt de ne pas adopter dans l'urgence un dispositif dont nous maîtrisons mal les implications et dont nous entrevoyons clairement les risques. Le Gouvernement a montré qu'il était attentif à la situation des départements... Dès 2013, un fonds de 170 millions d'euros sera mis en place pour soutenir les collectivités les plus en difficulté, et des solutions pérennes doivent être trouvées à compter de 2014 pour assurer un partage plus équitable du financement des prestations de solidarité.

En dépit de l'urgence, il serait contreproductif d'agir dans la précipitation. Le texte que nous attendons depuis si longtemps sera soumis au Parlement dans les prochains mois. C'est alors que nous confronterons nos idées, partagerons nos expériences et définirons ensemble les grandes lignes d'une meilleure prise en charge de la perte d'autonomie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion