Commission des affaires sociales

Réunion du 5 décembre 2012 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • APA
  • autonomie
  • dépendance
  • succession
  • vieillesse
  • âgée

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Comme vous le savez, la proposition de loi de M. Daudigny visant à verser les allocations familiales et l'allocation de rentrée scolaire au service d'aide à l'enfance a été retirée de l'ordre du jour du 13 décembre à la demande du groupe socialiste. Son examen en commission et en séance publique est reporté à une date ultérieure.

En lieu et place, le Sénat examinera en deuxième lecture la proposition de loi interdisant l'utilisation du bisphénol A dans les conditionnements à vocation alimentaire, adoptée par l'Assemblée nationale mercredi dernier. Mme Schillinger présentera son rapport à la commission mardi prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Je vous confirme qu'il ne s'agit que d'un report. La proposition de loi sera réinscrite lors d'une prochaine niche parlementaire réservée au groupe socialiste, l'objectif étant d'obtenir une inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale pour une mise en oeuvre rapide.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Ce texte, qui résout un problème dont nous débattons depuis longtemps, doit effectivement aller au terme de la discussion parlementaire.

La commission procède à l'examen du rapport de Mme Isabelle Debré sur la proposition de loi n° 555 (2011-2012) visant à autoriser le cumul de l'allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La proposition de loi, que j'ai déposée le 24 mai dernier, répare l'injustice faite aux titulaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, l'Aspa. Leurs revenus d'activité sont soumis à cotisation et retranchés du montant de la prestation quand les autres retraités bénéficient, depuis 2003, du cumul emploi-retraite libéralisé, depuis 2009. Donnons-leur aussi ce droit.

Le minimum vieillesse, premier minimum social créé en 1956, constitue une prestation subsidiaire versée aux personnes âgées de soixante-cinq ans (soixante ans en cas d'inaptitude au travail ou d'invalidité) afin de compléter leurs faibles ressources. Près des trois quarts des allocataires dépendent de la Caisse nationale d'assurance vieillesse ; les autres dépendent des différents régimes et, s'ils n'ont pas cotisé à un système de retraite, du service de l'allocation de solidarité aux personnes âgées de la Caisse des dépôts et consignations. Le financement de la prestation revient au fonds de solidarité vieillesse : 3 milliards d'euros en 2011, soit près de 15 % de ses dépenses.

La revalorisation exceptionnelle du minimum vieillesse de 25 % en cinq ans pour les personnes isolées, décidée par l'ancien gouvernement, a été précédée de la simplification du dispositif par l'ordonnance du 24 juin 2004. Depuis 2007, le minimum vieillesse regroupe les bénéficiaires de l'ancienne allocation supplémentaire vieillesse (ASV) et de la nouvelle Aspa.

Son calcul revêt un caractère différentiel : en application de l'article L. 815-9 du code de la sécurité sociale, le montant de la prestation servie est égal à la différence entre le montant du minimum de ressources garanties aux personnes âgées et le montant des ressources du foyer. Au 1er avril 2012, le minimum vieillesse complète les ressources du bénéficiaire jusqu'à 777,16 euros par mois pour une personne seule et 1 206,39 euros pour un couple. Fin 2010, les bénéficiaires touchaient en moyenne 287 euros mensuels au titre de l'ASV et 382 euros mensuels au titre de l'Aspa.

Au cours des cinq dernières décennies, le nombre d'allocataires du minimum vieillesse a diminué du fait de la montée en charge des régimes d'assurance vieillesse de base et complémentaires, de la création de minima de pensions dans les principaux régimes de retraite et de la participation accrue des femmes au marché du travail. Entre 1960 et 2010, il est passé de 2,5 millions à 576 000. Il s'est stabilisé depuis le début des années 2000. Pour autant, la Cour des comptes, dans son dernier rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, a souligné le rôle essentiel de cette prestation dans la couverture vieillesse des personnes pauvres. Les effectifs d'allocataires, probablement inférieurs au nombre de personnes éligibles, risquent fort d'augmenter avec l'arrivée à l'âge de la retraite de générations ayant eu des carrières incomplètes - et je pense, en particulier, aux femmes.

Dans ces conditions, on comprendrait mal que les allocataires du minimum vieillesse ne puissent pas, eux aussi, bénéficier du cumul de leur allocation avec les revenus d'activité, en particulier lorsque ceux-ci sont modestes. Un constat largement partagé : un syndicat auditionné qualifie même les règles actuelles « d'aberration juridique » en soulignant que la majorité des allocataires de l'Aspa, malgré les récentes revalorisations, se situe sous le seuil de pauvreté, soit 964 euros mensuels en 2010. Le Conseil d'orientation des retraites, le COR, rappelle que « le droit à la retraite ne prive pas les retraités d'un droit fondamental, le droit au travail ». Quant à l'Igas, elle invite, dans un rapport publié peu après le dépôt de cette proposition de loi, à la création « d'un mécanisme d'intéressement pour le minimum vieillesse » afin de corriger « un facteur d'inégalité dans l'accès au cumul emploi-retraite ». De fait, ce cumul, qui s'est fortement développé depuis 2004, bénéficie aujourd'hui à un demi-million de personnes.

Ma proposition de loi est en pleine cohérence avec la recommandation de l'Igas en modifiant l'article L. 815-9 du code de la sécurité sociale pour autoriser le cumul de l'Aspa avec des revenus d'activité dans la limite de 1,2 Smic. La fixation d'un plafond, nécessaire parce que la l'allocation relève de la solidarité nationale, comporte forcément une part de subjectivité. Nous pourrons en discuter. Quoi qu'il en soit, 1,2 Smic me semble cohérent : l'intéressé pourrait ainsi compléter ses ressources par 565 euros de revenus d'activité.

Ce texte ne prétend évidemment pas résorber la pauvreté qui touche un million de personnes âgées en 2010, soit 10 % de cette classe d'âge, selon les données de l'Insee. Ce nombre est d'ailleurs certainement encore plus élevé d'après les témoignages des associations. Le but est simplement d'ouvrir aux personnes qui souhaitent travailler et sont en capacité de le faire, le droit de compléter leurs revenus et de garder un lien social. Les représentants du régime social des indépendants ont insisté sur l'utilité de la mesure : buralistes et restaurateurs ont souvent besoin de l'aide ponctuelle des anciens.

S'il est difficile d'évaluer précisément le nombre de personnes concernées par la mesure, elle s'adresse d'abord aux allocataires âgés de soixante-cinq à soixante-quinze ans environ, soit un tiers des titulaires, et surtout aux femmes qui représentent 62 % des allocataires isolés entre soixante-cinq et soixante-dix ans.

Afin de renforcer la cohérence du texte, je propose, à l'article 1er, de maintenir le mode de calcul différentiel de l'allocation, car cela est indispensable pour apprécier les ressources sur lesquelles se fonde le montant de la prestation servie. Pour éviter de désavantager les couples en fixant un plafond unique, prévoyons pour eux un second plafond de 1,8 Smic, soit la possibilité d'un complément de revenus d'activité de 807 euros environ au total. Par souci d'équité, un article additionnel étendra le dispositif aux titulaires des anciennes allocations du minimum vieillesse.

En conclusion, ce texte, qui sera examiné en séance le 12 décembre prochain, apporte une réponse pragmatique et de bon sens aux allocataires du minimum vieillesse désireux de compléter leurs ressources par des revenus d'activité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Je félicite Mme Debré pour cette proposition de loi cosignée, comme moi, par de nombreux sénateurs UMP. Voilà un rapport précis sur des points parfois techniques. Nous corrigerons une injustice en autorisant les titulaires du minimum vieillesse à compléter leurs ressources par des revenus d'activité et, par la même occasion, à maintenir un lien social. Le texte renforce indéniablement la valeur sociale des personnes âgées ; je le voterai avec conviction en espérant que la commission fera de même.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Ce texte n'améliore le pouvoir d'achat des titulaires de l'Aspa qu'en apparence. La reprise de l'activité professionnelle serait la solution pour résorber la pauvreté des personnes âgées ? Ce raisonnement, simpliste, méconnaît la situation des bénéficiaires : beaucoup ne peuvent plus travailler et, quand ils le veulent, ils sont rejetés du marché du travail. Le taux d'activité des seniors est particulièrement bas en France. Un chiffre devrait retenir votre attention : 23 % des ruptures conventionnelles concernent les plus de cinquante-huit ans. D'après un récent article du Figaro, la grande majorité des seniors sont venus, crise oblige, gonfler les rangs des demandeurs d'emploi ; entre 2008 et 2011, le taux des seniors pointant à Pôle emploi a augmenté de 41 %.

Plutôt que de revaloriser les allocations, on fait croire que chacun est libre de reprendre une activité, que chacun est responsable pour soi-même. Le groupe CRC, qui a toujours combattu cette idéologie, votera contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Evidemment, certains invoqueront, pour s'opposer au texte, une discrimination envers les titulaires du minimum vieillesse qui ne pourront pas travailler. Ce texte ne change pourtant rien à la situation actuelle : il y aura toujours des personnes handicapées ou invalides... Ensuite, la proposition vise des emplois supplétifs, et non les emplois à temps plein qu'occupent parfois des personnes parties en retraite anticipée. Pour ma part, je crois que le travail apporte du travail, que la richesse crée de la richesse. Un senior en semi-activité apporte beaucoup à la société, nous le voyons dans nos campagnes. Des femmes de soixante-cinq ans travaillent un ou deux jours dans une association, ou pour tenir un petit commerce qui, sans cela, devrait fermer. Parfois, elles travaillent pour une association dans le secteur des emplois à domicile. En plus, le cumul est plafonné et les cotisations sur les revenus d'activité iront aux caisses de sécurité sociale. Nous avons tout à y gagner.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Je voterai ce texte d'autant plus volontiers que je l'ai cosigné. Laissons aux personnes qui le veulent la liberté d'être actives ! Et puis, remettre le pied à l'étrier prévient les troubles cognitifs chez les personnes âgées...

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

De la prévention !

Les autres retraités ont droit au cumul, pourquoi pas les titulaires de l'Aspa ? Je suis d'accord avec M. Cardoux : le travail crée l'emploi. Ce texte n'a rien d'aberrant. Quelques questions, madame Debré : le cumul du RSA et de l'Aspa est-il possible ?

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Non, les bénéficiaires basculent automatiquement du premier au second à l'âge de soixante-cinq ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Elle ne coûtera rien puisqu'elle se traduit, non par une dépense, mais par une moindre recette. Cela dit, elle apportera un surcroît de cotisations à la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Certains éléments du texte ne sont pas inintéressants. Il en va ainsi de l'alignement des titulaires du minimum vieillesse sur les autres retraités. Le groupe socialiste s'abstiendra. Nous développerons plus longuement notre position en séance publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

D'après les études officielles, dont je n'ai pas les chiffres exacts en tête, les emplois à domicile sont majoritairement occupés par des personnes entre trente et quarante ans. Ce sont des métiers très pénibles, la plupart des gens arrêtent au bout de quinze ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Le travail qui crée de l'emploi ? Hier, chacun s'accordait en séance publique pour donner priorité à l'emploi des jeunes, et maintenant des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans ou invalides devraient reprendre un emploi ? Peut-être faudrait-il approfondir le sujet...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Dans mon département du Loiret, des femmes de soixante-cinq ans, bien solides pour avoir travaillé toute leur vie dans une exploitation agricole, exercent un emploi à temps partiel pour des associations d'aide à domicile. Prenons un exemple concret : un coup de main d'une personne âgée un ou deux jours par semaine afin d'assurer l'ouverture d'un petit commerce dans une ville moyenne pérennise l'activité et, à terme, peut créer de l'emploi. Un jeune ne voudra pas de ce qui n'est pas assez rémunéré.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mon texte ne remet en cause aucun droit acquis.

Monsieur Watrin, au nom de quoi refuser à des personnes qui disposent de 777 euros d'arrondir leurs fins de mois quand des retraités dont la pension s'élève à 4 000 euros ont droit au cumul ? Cette question d'équité ne devrait pas faire l'objet de polémique ou de clivage entre la droite et la gauche. On ne peut pas être contre, les partenaires sociaux l'ont tous dit. La CGT demande également une hausse des minima sociaux, une décision qui appartient au seul Gouvernement et que l'ancienne majorité avait prise. Modeste parlementaire, il me reste la solution de créer un droit nouveau. Je ne prétends pas résoudre la pauvreté, je ne veux pas non plus remettre les personnes âgées au travail, mais autoriser celles qui le veulent à travailler quelques heures. Elles seront utiles pour garder les enfants, préparer les repas dans une famille où la maman travaille beaucoup, ou encore servir les clients d'une boulangerie aux heures de pointe. Sincèrement, je ne peux pas comprendre un vote négatif.

Madame la présidente, pourquoi des personnes invalides à 50 % ne pourraient-elles pas travailler trois ou quatre heures ? Actuellement, certaines le font : non seulement on prélève des cotisations sociales sur les quelques sous qu'elles ont gagnés, mais en plus on les retire du montant de leur allocation ! Le Sénat s'honorerait en adoptant un tel texte. Les jeunes ? Ils ne remplissent pas, par exemple, les conditions d'agrément imposées pour exploiter un débit de tabac alors qu'un ancien de la profession pourrait être appelé à remplacer ponctuellement un buraliste contraint de s'absenter temporairement.

Les revenus d'activité complémentaires, avec le plafond, représenteraient un montant modeste mais utile. Le COR l'a bien dit, les titulaires du minimum vieillesse ont droit au travail. Oui, sauf que l'Etat leur prend tout ce qu'ils gagnent. Est-ce équitable ?

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

J'ai exposé l'amendement n° 1 en présentant le rapport. Il prévoit l'introduction d'un second plafond applicable aux couples dont les deux membres sont bénéficiaires de l'ASP et fixé à 1,8 Smic. L'application d'un plafond unique aurait conduit à les désavantager.

L'amendement n° 1 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article additionnel après l'article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 2 prévoit une mesure d'équité : il élargit le dispositif aux titulaires de l'ancien minimum vieillesse.

L'amendement n° 2 est adopté, puis l'article 2.

La commission adopte la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.

La commission procède à l'examen du rapport de M. Ronan Kerdraon sur la proposition de loi n° 92 (2012-2013) visant à autoriser le recouvrement sur succession des sommes versées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie pour les successions supérieures à 150 000 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Déposée le 29 octobre dernier, la proposition de loi de M. Jacques Mézard et des membres du groupe RDSE autorise le recouvrement sur succession des sommes versées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'Apa, sur les patrimoines supérieurs à 150 000 euros. Elle reprend un amendement au projet de loi de finances rectificative de cet été que ce groupe avait retiré à la demande de la commission des finances et du Gouvernement.

Son but est de préserver la capacité financière des conseils généraux à verser l'Apa dans des conditions satisfaisantes. Voilà un enjeu central : entre 2003 et 2009, les dépenses brutes d'Apa ont augmenté de 5,9 % par an, quand les dépenses restant à la charge des départements ont crû de 8,8 % par an. En 2011, la dépense totale d'Apa s'établissait à 5 264 millions ; la CNSA ne couvrant qu'un peu plus de 30 % de ce montant, la charge laissée aux départements s'établissait à 3,6 milliards. Nous sommes bien loin du respect du principe d'une égale répartition du financement de la prestation entre l'Etat et les départements qui, il est vrai, n'a jamais été gravé dans le marbre de la loi.

Si les difficultés des départements sont réelles, la réponse apportée par ce texte m'apparaît prématurée et inadaptée. Prématurée parce que nous reverrons en profondeur le mode de financement de l'Apa dans le futur projet de loi sur la prise en charge de la perte d'autonomie - ce sera aussi l'occasion d'aborder la lourde question du reste à charge en établissement. Le groupe de travail n° 4 relatif à la stratégie pour la couverture de la dépendance des personnes âgées comme le Conseil économique, social et environnemental ont étudié la piste du recouvrement sur succession avant de la rejeter dans leurs rapports de juin 2011. D'autres pistes sont envisageables : un prélèvement général mais limité sur l'ensemble des successions ou un alignement progressif du taux de CSG applicable aux pensions de retraite sur le taux de droit commun.

La réponse est inadaptée dans la mesure où, contrairement à l'aide sociale à l'hébergement servie par les départements à titre subsidiaire, l'Apa constitue une prestation universelle destinée à couvrir un risque identifié, la dépendance. Organise-t-on un prélèvement sur le patrimoine d'un malade du cancer afin d'obtenir le remboursement de ses soins ? Mme Bachelot, en son temps, avait clairement écarté cette option.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Pourquoi l'envisager pour un malade d'Alzheimer ? Les ressources de la personne dépendante, son patrimoine, sont déjà pris en compte dans la définition des plans d'aide. Perfectionnons le dispositif, révisons le mode de calcul des tickets modérateurs, ce sera plus efficace qu'un recouvrement sur succession. L'Apa doit son succès à la suppression, grâce au Parlement, du frein psychologique que représentait le recouvrement sur succession, de l'ancienne prestation spécifique dépendance, la PSD. De nombreuses personnes préféraient y renoncer pour transmettre un patrimoine intact à leurs héritiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Réintroduire le recouvrement sur succession, ce serait limiter le nombre des bénéficiaires de l'Apa, qui atteignait 1,2 million fin 2011. 140 000 personnes bénéficiaient de la PSD fin 2001, mais elles étaient plus du double à percevoir l'Apa pour les groupes iso-ressources (GIR) 1 à 3 un an plus tard. De toute évidence, quelque chose s'est débloqué. Relever le seuil pour ne toucher que les plus aisés ? Ce ne serait guère efficace : d'après toutes les personnes que j'ai auditionnées, c'est moins le niveau du seuil que son existence qui conduit à renoncer à la prestation. Par ailleurs, le recouvrement sur succession risque d'avoir un impact collatéral sur le secteur des services d'aide et d'accompagnement à domicile déjà fragilisé. En effet, 90 % des montants des plans d'aide à domicile sont utilisés pour financer le recours à un aidant professionnel.

Enfin, le dispositif proposé, qui diffère du système de gage maximal de 20 000 euros que notre mission commune d'information sur la dépendance avait envisagé en 2010, présente des limites techniques fortes : il ne prévoit ni plafond sur les sommes recouvrables ni droit d'option. Il s'appliquerait à l'ensemble des allocataires six mois après l'entrée en vigueur de la loi : ne serait-il pas plus juste de le réserver aux seules personnes entrant en dépendance après la publication de la loi ? Autre difficulté, si l'on se fie aux derniers chiffres de la Cour des comptes, le seuil de 150 000 euros correspond peu ou prou au patrimoine médian des ménages de soixante-dix ans et plus. Autrement dit, nous toucherions la très grande majorité des personnes dépendantes propriétaires de leur logement, qui ne sont pas nécessairement les plus nanties. Si les estimations sont à manier avec prudence, environ 40 % des bénéficiaires de l'Apa seraient concernés.

Alors que l'objectif est d'améliorer la situation financière des départements, nous ne disposons d'aucune information sur les ressources qui pourraient être récoltées, afin de les mettre en regard des coûts potentiels. Les coûts de gestion risquent, en effet, d'être non négligeables. De plus, si le risque d'évincement se vérifie, les sommes économisées par les départements seront dépensées à un autre niveau, notamment par l'assurance maladie, lorsque les personnes dépendantes, trop tardivement accompagnées, recourront au système de soins.

Pour toutes ces raisons je demande à la commission de ne pas adopter le texte. Ce rejet n'empêcherait pas son examen : la proposition de loi viendrait simplement en séance la semaine prochaine dans la rédaction initiale.

Ma position en tant que rapporteur rejoint celle de l'ensemble des personnes que j'ai consultées, en particulier l'assemblée des départements de France (ADF), pourtant concernée au premier chef. Il ne s'agit pas de nier les difficultés des conseils généraux, mais plutôt de ne pas adopter dans l'urgence un dispositif dont nous maîtrisons mal les implications et dont nous entrevoyons clairement les risques. Le Gouvernement a montré qu'il était attentif à la situation des départements... Dès 2013, un fonds de 170 millions d'euros sera mis en place pour soutenir les collectivités les plus en difficulté, et des solutions pérennes doivent être trouvées à compter de 2014 pour assurer un partage plus équitable du financement des prestations de solidarité.

En dépit de l'urgence, il serait contreproductif d'agir dans la précipitation. Le texte que nous attendons depuis si longtemps sera soumis au Parlement dans les prochains mois. C'est alors que nous confronterons nos idées, partagerons nos expériences et définirons ensemble les grandes lignes d'une meilleure prise en charge de la perte d'autonomie.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Le rapporteur s'est attaché à présenter tous les arguments pour et contre. Les présidents de conseils généraux ne parviennent plus à boucler les budgets. Il manque 1 milliard d'euros de compensation de la part de l'Etat pour le financement de l'Apa. En conséquence, les dépenses non obligatoires baissent à un niveau inacceptable pour nos concitoyens.

Le texte ouvre le débat. L'hébergement des personnes âgées donne droit à un recours sur succession. La situation est différente pour l'hébergement des personnes handicapées puisque les départements ne peuvent effectuer un recours qu'en l'absence d'héritiers, et les moyens des descendants ne sont pas pris en compte. Ne conviendrait-il pas de reconsidérer cette différence entre deux catégories de personnes en perte d'autonomie ? Pour ce qui est de l'Apa, les coûts de gestion ne seraient pas un obstacle. Nos services savent déjà récupérer les fonds en matière d'hébergement. Ils pourront le faire dans le cas de l'Apa.

Vous évoquez 170 millions pour le fonds d'urgence de compensation. N'est-ce pas dérisoire au regard des 6 milliards nécessaires au niveau national pour compenser le financement des prestations de solidarité versées par les départements ?

Enfin, l'assemblée des départements de France ne serait pas favorable à la proposition de loi ? Elle comprend en réalité deux groupes, écoutons les deux.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Je partage la position du rapporteur. Quoique nul ne puisse me reprocher d'être insensible à la dégradation de la situation financière des départements, je m'oppose à cette proposition de loi. L'absence de recours sur succession est une des raisons du succès de l'Apa. Lors de sa création, la discussion avait été vive ; la question a été tranchée, ne revenons pas sur ce pilier du dispositif.

Je suis partisan de la reconnaissance d'un nouveau risque lié à la perte d'autonomie, aux côtés des risques vieillesse, santé ou famille, et ouvrant droit à une allocation universelle, indépendamment des causes de la perte d'autonomie et de l'âge des personnes, ce qui briserait la barrière des soixante ans. Est-ce une vue de l'esprit ? Non, et cela n'aurait rien de laxiste, car ce droit s'exercerait dans des conditions spécifiques : les modalités de gouvernance seraient différentes de celles des autres branches de la sécurité sociale, ce qui est déjà le cas avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, et les allocations seraient calculées différemment selon le revenu - c'est déjà le cas pour l'Apa, à la différence des prestations maladie ou familiales. Dans ces conditions, il ne serait pas choquant que les personnes âgées plus aisées puissent bénéficier de l'Apa sans recours sur leur succession. Au demeurant, comment expliquer qu'une personne atteinte d'un cancer soit prise en charge sans que soit effectué aucun recours, tandis qu'il y aurait recours sur succession en cas de maladie d'Alzheimer ? C'est pourquoi je suis plutôt favorable à la création d'une ressource perçue sur l'ensemble des successions afin d'alimenter, notamment, le financement de l'Apa.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

A la différence de ce que vous proposez, ce mécanisme s'inscrirait dans une approche collective et respecterait le principe de solidarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Il y a urgence à résoudre les problèmes financiers des départements. Des mesures plus ambitieuses que celles annoncées par le Gouvernement sont nécessaires. Le rapporteur a raison, on ne peut pas aborder la question de l'autonomie sous le seul angle financier, par le petit bout de la lorgnette. Ne mettons pas la charrue avant les boeufs.

Si les dépenses augmentent, le nombre d'heures Apa stagne. De nombreux bénéficiaires potentiels renoncent aux heures auxquelles ils auraient droit : depuis le décret Raffarin de 2003, il faut toucher moins de 650 euros pour être exonéré de participation. De plus, le plafonnement des GIR et la hausse des taux horaires d'intervention à domicile n'autorisent pas le même nombre d'heures qu'auparavant. C'est inquiétant, les personnes dépendantes sont moins bien accompagnées. Voilà pourquoi nous avons besoin d'une réforme globale de l'Apa et pas seulement de son financement. Dans un esprit de solidarité, mettons à contribution les revenus financiers.

En outre l'Apa ne sortirait pas indemne de cette proposition. Il est grave d'agiter un épouvantail, l'exemple de la PSD l'a montré. De même, dès la publication du rapport Rosso-Debord, beaucoup d'allocataires ont réduit le nombre d'heures utilisées par crainte d'un recours sur succession. Enfin, on le sait bien, les plus riches, qui disposent de conseillers fiscaux, organiseraient leur insolvabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Lors de son audition, Mme Delaunay avait affirmé avoir trouvé un dossier vide. Le rapporteur, lui, a reconnu l'existence de nombreux rapports sur ce sujet : le rapport de MM. Marini et Vasselle, celui du groupe de travail sur la stratégie de couverture de la dépendance des personnes âgées, le rapport du Conseil économique, social et environnemental et l'on vient de citer le rapport Rosso-Debord.

Vous dites que le moment n'est pas opportun. La ministre a parlé de mi-2013 - entendons fin 2013 - ce qui renvoie l'application à 2015. Pendant ce temps, la situation des départements continuera de s'aggraver. Il faudra bien trouver une solution. Enfin, vous affirmez que la proposition du groupe RDSE aurait des conséquences sur les services d'aide à domicile. N'est-ce pas déjà le cas avec la suppression de la base forfaitaire pour les cotisations sur les emplois à domicile dans le PLFSS ?

Le groupe UMP s'abstiendra, car nous souhaitons un débat en séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

J'étais initialement assez favorable à ce texte. Cependant, le seuil de 150 000 euros paraît assez bas. De plus, comme tout seuil, il s'accompagne d'effets pervers. Il nous apparaît qu'une réforme d'ensemble de la dépendance est nécessaire. Pourquoi faire contribuer les personnes atteintes de maladies de l'âge ou dégénératives et pas les autres malades ? Je m'abstiendrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

La tâche est difficile pour le représentant du groupe RDSE... Il a été dit que ce texte aborde l'Apa par le petit bout de la lorgnette. Pourtant, depuis sa création, la question du financement des départements est lancinante.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

D'un point de vue terre à terre, les habitants de nos villages et petites villes comprennent mal que le département prenne en charge l'autonomie de personnes qui disposent de rentes de situation, même si elles ne se comparent pas à Mme Bettancourt. Cette inégalité est mal perçue.

Certes des maladies lourdes comme le cancer sont prises en charge à 100 %, mais l'entrée dans la dépendance relève d'une problématique plus vaste. Sans doute pourrait-on moduler le seuil de 150 000 euros en fonction de la situation géographique de la résidence principale.

Ce texte a du moins le mérite de proposer des solutions pour les départements. Combien de temps attendrons-nous le grand projet qu'annonce la ministre ? Elle n'exclut pas, d'ailleurs, de mettre à contribution les personnes aisées bénéficiant de l'Apa. Dès lors, ne serait-ce que pour frayer la voie au texte du Gouvernement, il est intéressant de réaliser une petite avancée sur un sujet difficile.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Je partage la position du rapporteur. Cette proposition de loi constitue une occasion d'élargir le débat, au-delà du cercle des présidents de conseils généraux, toutes tendances confondues, aux parlementaires et à tous les acteurs de la dépendance. Nous souhaitons la fixation d'un calendrier et une mise en oeuvre rapide de la réforme de la dépendance. Les enjeux sont connus. Avançons ! Je rejoins le rapporteur, les sommes gagnées au titre du recours sur succession seraient dépensées pour l'aide à la personne, comme les débats nourris de 2000 l'avaient souligné.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Le RDSE nous alerte sur la difficulté du financement pour les conseils généraux de l'Apa et sur le sentiment d'injustice que peut susciter le versement de l'allocation à des personnes aux revenus différents. Toutefois, il est vraisemblable que les personnes dépendantes hésiteront à solliciter l'Apa si elles craignent de ne pouvoir transmettre le fruit d'une vie de travail. Faut-il augmenter le seuil ou moduler le recouvrement ? En tout cas, cette proposition de loi est un appel à agir vite, je la voterai.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Les partenaires sociaux que j'ai pu auditionner dans le cadre de la proposition de loi sur l'allocation de solidarité aux personnes âgées, ont souvent souligné le manque d'équité de l'Apa. Comment comprendre que le propriétaire de centaines d'hectares de forêt touche l'Apa ? Je m'abstiendrai, parce que le sujet requiert une réflexion approfondie. Surtout, la solidarité nationale peut être complétée par la solidarité familiale. N'oublions pas que les enfants, dans le droit français, doivent assistance à leurs parents.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Ce rapport n'avait rien de péjoratif et le collègue parlant du bout de la lorgnette voulait nous dire qu'il n'était pas possible d'isoler ainsi un aspect du dossier. Mme Delaunay a-t-elle mal regardé ? Donnez-moi acte que j'ai plusieurs fois rappelé les rapports dont nous disposions : nous avons tous les éléments de réflexion pour prendre les décisions, sans nous borner à une urgence ponctuelle. Notre réflexion doit au contraire embrasser l'ensemble du champ de la dépendance, en incluant les établissements concernés, les équipes à domicile, les équipes de proximité, ou les associations en difficulté.

Quel sera le statut de l'Apa, est-ce une prestation universelle, avec quels financements, avec des paliers ? Autant de questions d'ordre financier, très lourdes, et pas seulement pour les conseils généraux. Il convient d'aborder cette réforme de manière heuristique, globalement et non par petits morceaux. Les gens sont attachés à l'Apa. Revenir brutalement au recours sur succession, comme avec la PSD, marquerait une régression. En Ille-et-Vilaine où une expérimentation avait été menée, des personnes quittaient le dispositif de l'hébergement afin de préserver leur petit logement, toute la richesse d'une vie.

Il incombe au législateur de fixer les grandes lignes de la prise en charge de la perte d'autonomie. De même la question des finances des départements sera traitée avec la loi sur la décentralisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Le mode de calcul de l'Apa prévoit d'ores et déjà une participation des bénéficiaires en fonction des revenus. En dessous d'un revenu d'environ 800 euros par mois, l'allocation est versée en intégralité ; entre 800 et 2 800 euros, elle varie de 0 % à 90 % ; au-delà elle est de 90 %.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Mais qu'en est-il des personnes, tels les agriculteurs et les viticulteurs, qui ont un patrimoine important, mais peu de revenus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je ne vois pas en quoi le fait qu'une personne ait du patrimoine et de faibles revenus justifie que l'on effectue un prélèvement sur son patrimoine.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Cette proposition de loi a le mérite de prolonger le débat ouvert en 2011 et de mettre en lumière la nécessité de réformer le financement de l'Apa, qui pèse sur les budgets des départements. Toutefois le texte aborde la question, sinon par le petit bout de la lorgnette, du moins sous un seul prisme. Il convient de prendre en compte tous les paramètres, faute de quoi nous aboutirons à une réponse partielle.

En outre, le calcul de l'Apa intègre déjà le capital dormant. L'enjeu est l'universalité de l'Apa. Il faudra y réfléchir lors de l'examen de la réforme que proposera le Gouvernement. Je partage le sentiment d'urgence exprimé par M. Watrin et la nécessité d'une réforme plus ambitieuse pour les départements.

L'instauration d'un recours sur succession, quel qu'en soit le montant, constituerait un frein à la demande d'Apa, avec des conséquences sur les services à domicile. Il est urgentissime de lancer un plan de lutte contre la perte d'autonomie, expression préférable à celle de dépendance. C'est une question de solidarité nationale. Peut-être faut-il créer un cinquième risque. Fixons rapidement un calendrier précis.

Comme l'a dit Mme Dini, le RDSE a exercé un droit d'alerte pour ouvrir le débat. L'articulation entre solidarité familiale et solidarité nationale est à verser au débat. La boîte à outils existe. Il ne reste plus qu'à avoir le courage de faire des choix.

L'article 1er et l'article 2 ne sont pas adoptés.

La commission repousse la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

La commission n'ayant pas adopté de texte, la proposition de loi initiale sera examinée en séance publique le jeudi 13 décembre après-midi.