Le 29 novembre, l'Assemblée nationale a adopté le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d'investissement (BPI) et la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de BPI-Groupe. Nous examinerons la proposition de loi que j'avais moi-même déposée le 23 octobre dernier, même si, pour des raisons de calendrier, il est plus opportun d'utiliser comme véhicule le texte des députés, de même esprit.
La création de la BPI était un engagement de campagne de François Hollande, mais c'est avant tout une bonne idée et une nécessité afin d'améliorer le financement de l'économie française - singulièrement des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI).
Le diagnostic est bien connu. Il n'y a pas de rationnement généralisé du crédit aux entreprises en France : à fin avril 2012, pour les seules PME, les crédits à moyen et long terme, 102 milliards d'euros d'encours, restaient dynamiques, seuls les crédits à court terme, plus directement corrélés à l'activité, stagnant à 23 milliards depuis l'été 2011.
Pourtant des entreprises ayant des projets de création ou de croissance sérieux ne parviennent pas à trouver les financements. Ces défaillances de marché concernent le bas de bilan, mais aussi le financement de l'innovation et l'apport en fonds propres.
Sur le plan conjoncturel, la crise a entraîné un fort ralentissement de la progression du crédit aux PME sans toutefois réduire les encours, grâce notamment aux soutiens publics. Contrairement aux holdings et aux grandes entreprises, les très petites entreprises (TPE) et PME indépendantes n'ont jamais connu de recul de leurs encours d'emprunt pendant la crise, et ceux-ci se sont nettement redressés dès le second semestre de 2010.
Dans l'industrie, la situation du crédit est apparue plus dégradée pendant la crise, les encours de crédit aux TPE et PME indépendantes industrielles ont baissé, ce qui traduit surtout le peu de dynamisme du financement bancaire dans ce secteur avant la crise.
Reconnaissons que des choses ont été faites. Outre le plan de sauvetage des banques mis en place en octobre 2008, un plan de soutien spécifique pour le financement des PME a été mis en oeuvre dès octobre 2008, puis développé : 17 milliards d'euros ont été mis à disposition des établissements bancaires, la capacité d'intervention d'OSEO a été accrue, la garantie de l'Etat octroyée à la Caisse centrale de réassurance pour soutenir l'assurance-crédit. Un médiateur du crédit aux entreprises a été installé.
En termes plus structurels, OSEO a été créé en 2005 en regroupant l'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR), la Banque de développement des petites et moyennes entreprises (BDPME) et sa filiale de garantie, la Sofaris. Paradoxalement aidé par la crise, OSEO s'est imposé dans le financement des PME, qu'il a contribué à simplifier.
En matière d'investissement en capital, le Fonds stratégique d'investissement (FSI), détenu à 51 % par la CDC et à 49 % par l'Etat, a été lancé début 2009. Il a pour objectif d'apporter des fonds propres aux entreprises afin d'accélérer leur développement, de les accompagner dans des périodes de mutation ou de stabiliser leur actionnariat. Le FSI a été doté de 20 milliards d'euros par ses deux actionnaires, dont 14 milliards de titres et 6 milliards de liquidités, afin qu'il puisse agir sur le long terme, sans le recours à une dotation annuelle. Enfin, CDC Entreprises est un acteur majeur du capital investissement avec plus de 5 milliards d'euros d'actifs sous gestion.
Quant aux régions, elles inscrivent leur action économique dans le cadre des stratégies régionales de développement économique (SRDE). Elles se sont dotées de plusieurs instruments : prêts sur l'honneur, fonds de garantie et d'innovation, participation dans des fonds régionaux d'investissement, création de fonds de co-investissement, aides à l'exportation.
Néanmoins, si les pouvoirs publics agissent, c'est de façon éclatée, par l'intermédiaire de divers opérateurs, avec un risque d'incohérence. On imagine la perplexité des dirigeants de PME, qui se demandent à quelle porte frapper... Même lorsque des coopérations existent, chacun poursuit sa stratégie de manière isolée, sans vision globale des besoins des entreprises.
La création de la BPI a précisément pour objet de répondre à cette situation. Regroupant OSEO, le FSI et CDC Entreprises, elle sera à la fois prêteur, garant, investisseur en capital et gestionnaire de fonds. La société de tête aura deux actionnaires, l'Etat et la CDC, détenant chacun 50 % du capital. Le ministre pourra peut-être nous éclairer sur les augmentations de capital et leur calendrier puisque 3,6 milliards d'euros doivent encore être libérés pour le FSI et 500 millions pour OSEO.
La capacité totale de prêt du groupe serait de l'ordre de 20 milliards d'euros, doublée grâce à l'effet d'entraînement sur les banques privées ; la capacité de prise de risque en garantie totale serait de 13 milliards d'euros, facilitant l'octroi de plus de 26 milliards d'euros de concours bancaires supplémentaires. En outre, 600 millions d'euros par an seront consacrés au soutien aux projets innovants. Quant à la capacité d'investissement, elle serait de l'ordre de 1,8 milliard d'euros par an.
La BPI facilitera aussi la vie des entrepreneurs par une association étroite avec Ubifrance et la Coface dont elle distribuera les produits. La réussite de la BPI passera par sa force et sa présence sur le terrain, au plus près des entreprises. Le ministre nous en dira peut-être plus sur l'organisation en région.
Cependant, le projet de loi ne dit pas tout.