Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’occasion de ce débat sur la politique de ville, organisé à la demande du groupe socialiste, je voudrais évoquer le présent et l’avenir, en mettant les choses en perspective.
Vous le savez, la politique de la ville a maintenant trente ans. Il paraît donc utile d’en dresser un bilan, afin de voir ce qu’il est possible de faire et ce qu’il est souhaitable de ne plus faire…
Cette politique est née au tout début des années quatre-vingt, lorsque des élus locaux, des sociologues, des architectes et des urbanistes ont senti que certains quartiers, essentiellement des grands ensembles, souvent situés en banlieue mais pas exclusivement, dérivaient vers des processus de paupérisation et d’exclusion. Ils ont alors voulu attirer l’attention des gouvernants et de la société sur cette situation.
Deux actes fondateurs ont, me semble-t-il, marqué la politique de la ville.
Le premier fut la publication des rapports Dubedout et Bonnemaison, Hubert Dubedout et Gilbert Bonnemaison étant alors respectivement maire de Grenoble et maire d’Épinay-sur-Seine. « Déjà », serais-je tenté d’ajouter !
Le second, sur l’initiative des urbanistes et des architectes, fut la création, également au début des années quatre-vingt, de la mission Banlieues 89, avec Roland Castro et Michel Cantal-Dupart.
L’alarme a été lancée, et il y a eu des réactions.
Pour organiser la gouvernance de la politique de la ville, on a créé tout d’abord la délégation interministérielle à la ville, merveilleusement pilotée par Yves Dauge, puis le ministère de la ville, confié à l’origine à notre collègue Michel Delebarre.
Les premières actions menées ont été fondatrices et emblématiques, compte tenu des objectifs visés.
D’abord, il y a eu le programme « Habitat et vie sociale » – j’insiste : c’est « et » et non « ou » ! – initié par Jacques Barrot.
Ensuite, il y a eu le développement social des quartiers en 1981. Là encore, je crois utile de souligner les termes : « social » et « des quartiers ». La même année, Alain Savary a créé le dispositif des zones d’éducation prioritaires.
Il faut, me semble-t-il, le rappeler, la politique de la ville était intergouvernementale et s’adressait non pas à la ville, mais aux quartiers.
Le problème survenu ensuite, d’ailleurs à l’origine d’un système de balancier pour le moins ennuyeux sur lequel je reviendrai dans quelques instants, entre « l’urbain » et « l’humain » n’existait pas au début. Les fondateurs avaient d’emblée indiqué qu’il fallait non pas séparer le soft et le hard, mais traiter les deux volets en même temps !
J’ai souligné le caractère intergouvernemental de la politique de la ville. Celle-ci doit en effet concerner l’ensemble des domaines de la vie publique. C’est un point essentiel.
Il serait sans doute long et fastidieux de retracer trente ans de politique de la ville, mais j’aimerais tout de même en évoquer certains éléments marquants.
Premièrement, ne l’oublions pas, les « émeutes », « révoltes urbaines » ou « révoltes sociales » – je ne sais comment les qualifier – survenues dans des villes devenues symboliques, comme Vaulx-en-Velin, Mantes-la-Jolie, Clichy-sous-Bois, Villiers-le-Bel et Grenoble, ont marqué les esprits. Ceux qui avaient tiré la sonnette d’alarme au début des années quatre-vingt avaient raison. À chaque émeute, il y a eu une réaction gouvernementale ; je serais tenté de dire « malheureusement ». Comme s’il fallait attendre l’émeute pour agir…
Deuxièmement, la politique de la ville a consisté à créer petit à petit ce que j’appelle une « boîte à outils », en multipliant les dispositifs et en empilant les sigles : ZFU, ZUS, ZRU, GPV, GPU, PRU, CUCS... Tous ces programmes sont venus se plaquer sur tel ou tel territoire.
Cela dit, ne soyons pas trop critiques. Ces mesures avaient au moins le mérite d’introduire une innovation : promouvoir la dimension contractuelle dans les politiques publiques. À cet égard, la politique de la ville a été fondatrice : enfin une politique publique contractuelle !
Par ailleurs, et contrairement à ce qui a pu être parfois affirmé, la politique de la ville a été très largement évaluée.