Intervention de Natacha Bouchart

Réunion du 6 décembre 2012 à 9h30
Débat sur la réforme de la politique de la ville

Photo de Natacha BouchartNatacha Bouchart :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, c’est à la fois l’élue de la Haute Assemblée et le maire de l’une des communes les plus pauvres de France, Calais, qui s’adresse à vous.

Vous le savez, la politique de la ville comprend l’ensemble des actions visant à lutter contre les phénomènes d’exclusion des populations urbaines défavorisées. Elle s’intéresse donc aux quartiers en crise.

Depuis ses prémices, dans les années soixante-dix, jusqu’aux émeutes urbaines du mois de novembre 2005, la politique de la ville est restée une « politique incertaine », quant à l’objet qu’elle se donne, à ses perspectives, à son statut dans l’action publique.

Le rappel de son histoire fait apparaître une série d’oscillations : du quartier à l’agglomération, d’un État animateur, voire autoritaire, à l’effacement de l’État au profit des maires, d’une politique d’exception à une politique à visée d’abord pédagogique, du développement autocentré du quartier à sa remise au niveau de la norme environnante.

Pour nous, la politique de la ville est d’abord une politique contractuelle, une politique globale embrassant tous les aspects de la vie quotidienne et une politique interministérielle.

Elle doit avoir pour objectif la prise en compte des territoires en difficulté au sein des villes : une politique publique adaptée doit par conséquent être conduite.

Elle repose sur trois principes fondamentaux : la mobilisation de l’ensemble des compétences et des acteurs à l’œuvre sur un territoire, la contractualisation entre ces acteurs et, pour l’État, une démarche interministérielle.

Ces principes ont été maintenus lorsque le périmètre d’action a été étendu du quartier à la ville pour permettre de mieux résoudre des dysfonctionnements structurels. Par exemple, la desserte des quartiers par les transports ne peut se traiter que dans le cadre d’un plan général de transport.

Le champ d’application de la politique de la ville concerne quatre domaines majeurs : la rénovation urbaine, la sécurité et la prévention de la délinquance, le développement social et culturel des quartiers, le développement de l’emploi et la revitalisation économique de ces mêmes quartiers.

C’est en 2003, sous la présidence de Jacques Chirac, que la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine fut votée. Pour la première fois, l’objectif de « réduire les inégalités sociales et les écarts de développement entre les territoires » était explicitement assigné à la politique de la ville.

Les écarts concernent à la fois la population et le territoire en tant que tel, l’urbain – avec les problématiques de l’enclavement, de la fonction des territoires, du logement, des formes urbaines, des dessertes... –, l’économique – je pense à l’emploi, à la qualité de l’offre commerciale, à l’intégration de fonctions économiques dans le tissu urbain, à l’existence de flux – et le social – dans ses dimensions insertion, formation et réussite scolaire.

La loi précitée avait pour objet de réduire les inégalités sociales et les écarts de développement entre les territoires dans les zones urbaines sensibles, les ZUS, notamment avec la création d’un observatoire national de ces ZUS.

Elle a permis la mise en place du programme national de rénovation urbaine, dit « plan Borloo », visant à la construction de 200 000 logements locatifs sociaux, à la réhabilitation de 200 000 autres logements et à la démolition de 200 000 logements vétustes sur la période 2004-2008.

À Calais, pour le quartier du Beau-Marais, la mise en œuvre du plan a correspondu à la construction de 657 logements, dont 308 sur le quartier et 349 hors site, de manière à le « dédensifier ». Nous avons également réhabilité 180 logements, puis « résidentialisé » 593 autres, pour un coût total de 143, 8 millions d’euros, dont 7, 8 millions d’euros pour le seul budget de la ville.

C’est aussi grâce à cette même loi que l’Agence nationale pour la rénovation urbaine a pu voir le jour.

Plus récemment, en 2008, nous avons soutenu le « plan banlieues » voulu par le Président de la République de l’époque, Nicolas Sarkozy, et intitulé « Une nouvelle politique en faveur des banlieues ».

La précédente majorité avait voulu faire de nos territoires en difficulté le lieu d’une dynamique collective qui mobilise l’ensemble des acteurs impliqués. Cela concernait l’État, bien sûr, avec le retour du droit commun, dans le cadre d’un programme triennal porté par chacun des ministères, mais également les collectivités locales, dans le cadre d’un partenariat responsable et ambitieux, et le monde économique, parce que l’émancipation et l’intégration passent par un emploi et parce que le retour de la croissance dépendra aussi des habitants des quartiers, qui regorgent de talents.

Par conséquent, cette dynamique rompait avec la logique curative des plans précédents. En effet, nos quartiers ne sont pas malades ! En outre, cette nouvelle politique de la ville n’énonçait pas un catalogue de mesures ; c’était une politique sur mesure, répondant aux exigences et aux besoins des habitants des quartiers. Enfin, elle se fondait sur une démarche d’évaluation et sur une culture du résultat.

À cette fin, l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, que nous avions voulu indépendant, produit chaque année un rapport sur la situation des quartiers populaires, sur laquelle il apporte un éclairage sans concession.

Pour pouvoir mettre en œuvre efficacement cette politique de la ville rénovée, nous avons modifié la gouvernance. À présent, celle-ci s’articule, à l’échelon national, autour d’une instance de consultation, le Conseil national des villes, d’une instance de décision, le comité interministériel des villes, et d’une instance de préparation et d’exécution, le secrétariat général du comité interministériel des villes.

Cette réforme a permis d’améliorer la visibilité pour les décideurs et l’efficacité des interventions.

La politique de la ville agit aujourd’hui tant sur le développement urbain, grâce à la rénovation urbaine et au désenclavement, que sur le facteur humain, grâce à l’accompagnement social de tous les habitants, notamment les plus modestes d’entre eux.

Son volet le plus visible reste, bien entendu, celui de la rénovation urbaine : aujourd’hui, le beau et le vert ne sont plus l’apanage des quartiers aisés. L’ensemble du programme de rénovation urbaine est ainsi salué non seulement par les élus de tous bords, mais aussi, et surtout, par les habitants qui retrouvent considération et dignité lors de la transformation de leur quartier.

Pour que le volet urbain de la politique de la ville soit complet, il faut également articuler la rénovation urbaine avec le désenclavement. Les zones urbaines en difficulté sont trop souvent excentrées, enclavées, coupées des bassins de vie et d’emploi, fait qui isole durablement les habitants des quartiers populaires.

La réduction de cette fracture territoriale est la condition de l’efficacité des autres actions de la politique de la ville. Grâce à une meilleure desserte des territoires par des transports en commun de qualité, les habitants peuvent accéder plus simplement à l’ensemble de la ville, aux emplois, aux équipements publics et privés, aux activités, mais aussi aux services.

Le désenclavement, qui permet de relier ces quartiers aux autres agglomérations, concourt à la lutte contre le chômage, laquelle doit être au centre de nos préoccupations. La situation de l’emploi est particulièrement difficile, vous le savez. Des écarts énormes existent entre les zones urbaines sensibles et le reste du territoire. Le taux de chômage y est deux fois et demie supérieur : il s’y établit à 22, 7 % contre 9, 4 % dans les zones hors ZUS des villes qui comprennent une telle zone. Le taux de chômage des jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans atteint 40, 4 % en ZUS, contre 21, 6 % sur le reste du territoire.

L’éducation doit donc être au cœur de notre démarche, avec la promotion de l’égalité dans l’accès aux filières d’excellence, l’aide aux enfants en difficulté, ainsi que le renforcement de la sécurité dans les écoles des quartiers populaires.

À Calais, par exemple, nous avons mis en place, une politique d’éducation par le sport, alliée à la construction d’équipements spécifiques dédiés : le gymnase Gauguin-Matisse, l’espace Marinot, ou encore Zap’Ados. Cette politique consiste à attirer les jeunes en difficultés vers la pratique sportive, vecteur de règles et de valeurs structurantes. Il faut également citer l’action « lecture pour tous », dont la mise en place et la réussite furent saluées récemment par la presse nationale.

Sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, l’accès aux filières d’excellence s’est développé…

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