Pour la première fois, les classes préparatoires aux grandes écoles accueillent 30 % de boursiers. En effet, l’accentuation de nos efforts en faveur de la mixité sociale passe par l’émergence d’une élite issue des quartiers populaires.
Mais l’emploi et l’éducation ne peuvent être envisagés sans l’ordre public. Seul l’ordre républicain peut permettre l’émancipation sociale et économique des citoyens. Aussi devons-nous mener un combat de tous les jours pour faire reculer la violence dans les quartiers. Aucune politique ne peut être développée ni mise en œuvre sereinement dans un contexte local perturbé.
Le Gouvernement doit donc renforcer son action, d’autant plus que les territoires concernés par la politique de la ville ont particulièrement souffert de la crise. Leurs habitants ne doivent pas être laissés sur le bord de la route qui nous mène à la reprise économique.
Au-delà des réflexions sur les dispositifs, la politique de la ville a besoin de réformes structurantes profondes, afin d’accélérer la réduction des écarts territoriaux, donc des inégalités sociales. Je pense, bien entendu, à la réforme de la géographie prioritaire, à celle de la péréquation et à une nouvelle contractualisation.
Monsieur le ministre, l’expérience nous apprend qu’une politique trop générale dilue tout et ne résout rien. En revanche, plus on concentre les moyens sur les territoires en difficulté, plus les politiques sont efficaces. Je souhaiterais donc que votre gouvernement puisse cibler certains quartiers de façon objective : ceux dans lesquels les revenus des habitants sont les plus faibles, les taux d’emploi sont les plus bas, la proportion des jeunes est importante, la part de logements sociaux témoigne de l’absence de mixité sociale.
La réforme de la politique de la ville doit permettre de répondre à la situation de certains quartiers qui, aujourd’hui, faute d’être classés en zone urbaine sensible, ne bénéficient pas de tous les dispositifs d’accompagnement de l’État.
Si la solidarité accrue de l’État a été d’une grande aide pour certaines communes en difficulté, comme la mienne, elle n’a, en quelque sorte, réglé qu’en amont le problème des villes pauvres, en rapprochant leurs ressources du niveau de ressources moyen des communes. La réforme n’a pas été suffisante pour prendre en charge une part significative des dépenses exceptionnelles auxquelles ces collectivités doivent faire face. Dans bien des cas, les crédits spécifiques de la politique de la ville ont dû également contribuer à la remise à niveau des situations locales difficiles, avant de financer les besoins en équipements et services des populations concernées.
Je peux vous en donner quelques exemples : quand j’ai repris la gestion de la ville de Calais, abandonnée pendant trente-sept ans, j’ai dû investir chaque année environ 2 millions d’euros dans la seule réhabilitation des écoles et 1, 5 million d’euros en moyenne dans celle des routes, des trottoirs. Je ne parle même pas de la vétusté de l’éclairage public, dont la seule remise aux normes m’obligerait à dépenser, si j’en avais les moyens, 19 millions d’euros.
Compte tenu de l’ampleur de la tâche, je réalise chaque année des investissements, touche par touche, afin de remettre tous les équipements à niveau au fur et à mesure. Bien entendu, je dois également appliquer mon programme d’investissements nouveaux, tout en faisant face à une dette de 100 millions d’euros. C’est pourquoi, je suis particulièrement soulagée quand je reçois une aide de 8 millions d’euros au titre de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, ou encore une aide supplémentaire de 1 million d’euros au titre de la dotation de développement urbain, la DDU, ce qui donne une petite bouffée d’oxygène à mes finances et à mon programme.
Comme dans bien d’autres domaines, ce constat relatif à l’adéquation des ressources aux charges laisse à penser que l’on demande à la politique de la ville de régler des problèmes de portée générale avec des moyens inadaptés. En effet, le vrai clivage réside d’abord dans la distorsion entre villes riches et villes pauvres. Le chemin qui doit être parcouru pour réduire les inégalités territoriales et sociales est encore long. En l’espèce, le courage politique ne suffira pas, monsieur le ministre : c’est ensemble, au-delà des clivages politiques, que nous réussirons. Afin de faire un bout de ce chemin, je me porte volontaire pour participer, avec mes autres collègues qui sont intervenus aujourd’hui, à d’autres réunions de travail en commun, car il y va de la cohésion républicaine, qui constitue le socle de notre démocratie !