Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « plus de 8 millions de nos concitoyens habitant les quartiers relevant de la politique de la ville sont confrontés au quotidien et dans tous les domaines à des inégalités persistantes que les politiques conduites depuis dix ans n’ont pas permis de réduire » : tels sont les mots d’introduction de la feuille de route du Gouvernement. Ils s’inscrivent dans une logique de rupture avec la décennie passée. Le rapport publié par la Cour des comptes en juillet dernier a constaté la baisse constante des crédits depuis 2007. Le projet de loi de finances pour 2013, dont le Sénat n’a malheureusement pas pu examiner la partie « dépenses », stabilise les crédits alloués à la politique de la ville. Dans le contexte actuel, cela confirme la mobilisation du Gouvernement en faveur des 15 % de nos concitoyens qui vivent dans les territoires concernés.
Je voudrais revenir sur le rapport de l’ONZUS de 2012, qui insiste sur le fait que, dans ces territoires, tout s’aggrave encore plus vite qu’ailleurs : le taux de chômage est au moins le double de la moyenne nationale, il est même proche de 50 % pour les jeunes de certains quartiers relevant de la politique de la ville ; les personnes vivant dans les ZUS sont trois fois plus nombreuses que les autres à se dire victimes de discriminations ; un habitant sur trois vit sous le seuil de pauvreté ; un habitant sur quatre renonce à des soins pour raisons financières.
À ce propos, en tant que maire d’une commune de la banlieue lyonnaise, j’ai fait réaliser un diagnostic par l’Observatoire régional de santé, qui révèle des situations effroyables. En particulier, le taux de mortalité chez les hommes âgés de 40 à 50 ans est bien plus élevé que les moyennes départementale et nationale.
Dans le cadre de la réflexion sur la réforme de la politique de la ville, vous avez lancé, monsieur le ministre, en accord avec le Premier ministre, une grande concertation, qui réunit plusieurs centaines d’acteurs. Vous avez mis en place des groupes de travail sur la nouvelle géographie prioritaire, les contrats territoriaux et leur pilotage, les projets de territoire et les priorités thématiques. Ces groupes rendront compte de leurs travaux dans les prochaines semaines. Vous avez par ailleurs adressé un questionnaire aux maires concernés.
Vous avez déjà évoqué, monsieur le ministre, les nouvelles orientations qui pourraient guider une nouvelle politique de la ville abordant des sujets extrêmement importants, tels que la solidarité financière à travers un certain nombre de dispositifs – à cet égard, je salue à mon tour la décision d’augmenter la dotation de solidarité urbaine et la dotation de développement urbain –, le recentrage des aides avec une réactualisation des critères et des indicateurs, ainsi qu’une redéfinition des territoires, pour permettre une concentration des crédits spécifiques de la politique de la ville sur les quartiers et les populations les plus en difficulté.
Vous avez également parlé de la territorialisation des politiques publiques, avec la mise en place de contrats uniques liant les deux problématiques de la rénovation urbaine et de la cohésion sociale, ainsi que la démocratie participative. Je voudrais insister sur ce dernier point, car, nous le savons bien, la politique de la ville est plus efficace lorsque les habitants des quartiers y sont associés dès le début de la réflexion. Je souligne que des expériences conduites sur un certain nombre de territoires ont porté leurs fruits. Il ne s’agit donc pas ici d’inventer la démocratie participative, car elle existe déjà.
Vous avez enfin insisté, monsieur le ministre, sur le retour au droit commun. C’est à ce sujet que je souhaite consacrer la suite de mon intervention.
Claude Dilain a fait l’historique de la politique de la ville depuis les années quatre-vingt, en énumérant une série de sigles. Je me souviens particulièrement du développement social des quartiers à cette époque. Bon nombre de projets ont vu le jour, renforçant ou créant de nouveaux dispositifs en matière d’insertion, d’animation sociale, d’entretien des espaces extérieurs, de sécurité et de prévention de la délinquance, de prévention sanitaire et d’éducation à la santé. Ils ont été financés, dans les territoires, grâce à des crédits spécifiques. Leur pérennisation a pu être envisagée parce que ces actions, nous le mesurions au quotidien, produisaient des effets positifs.
Malheureusement, dans le même temps, les crédits de droit commun dans les domaines de l’éducation, de la solidarité, de la sécurité, de l’emploi n’ont pas été mobilisés pour répondre à ce besoin de pérennisation. Qui pis est, monsieur le ministre, le droit commun a parfois régressé dans ces territoires. Dans ma ville, par exemple, la scolarisation des enfants de moins de 3 ans a reculé, sous le prétexte parfois invoqué par les plus hautes autorités que les parents ne travaillent pas dans ces quartiers. C’est un comble !
Aujourd’hui, le constat est sévère. Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, l’échec du droit commun a laissé les quartiers populaires de côté, la seule politique de la ville devant remédier à des difficultés qui n’ont cessé d’augmenter.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué que la politique de la ville devait redevenir un levier pour remobiliser les grands ministères et les agences de l’État. Pouvez-vous nous préciser, dans le cadre de ce débat, comment vous envisagez de mobiliser les ministères chargés de l’éducation nationale, de la santé, de l’emploi, de l’économie, de la sécurité pour que soit assurée l’égalité républicaine dans les territoires en difficulté, au bénéfice de leurs habitants, qui, aujourd’hui, se sentent encore abandonnés ? §