Intervention de François Lamy

Réunion du 6 décembre 2012 à 9h30
Débat sur la réforme de la politique de la ville

François Lamy, ministre délégué :

Ma démarche, monsieur Dilain, ne repose pas sur la sectorisation des quartiers et des villes telle qu’elle existe actuellement. Un grand débat national est en train de s’ouvrir, avec le concours de plusieurs intellectuels, sur la fracture territoriale que l’on constate aujourd’hui en France, entre régions, mais également au sein même des villes.

Je partage votre avis : on ne peut se satisfaire de cette situation. Le rapport de la Cour des comptes montre que la situation sociale et économique est aussi difficile dans ces quartiers qu’il y a dix ans. Nous le savons, leur population a changé, mais nous ne pouvons nous satisfaire qu’il existe des quartiers « sas », permettant de passer des quartiers pauvres aux quartiers habités par une population plus aisée. C’est là une organisation du territoire et de la ville qui ne correspond pas au projet du Gouvernement, ni au vôtre, mesdames, messieurs les sénateurs, si j’en crois les propos que vous avez tenus, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez.

C’est pourquoi j’ai engagé, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, une réforme complète de la politique de la ville. Ses grands objectifs ont été présentés lors du conseil des ministres du 22 août dernier. Nous réfléchissons à ses orientations dans le cadre de la concertation que j’ai lancée à Roubaix, le 11 octobre.

Les conclusions de cette concertation trouveront une traduction concrète lors d’un comité interministériel des villes devant avoir lieu au premier trimestre de 2013 au plus tard, puis dans un projet de loi qui vous sera soumis l’année prochaine. La discussion de ce texte dans chacune des assemblées constituera le deuxième temps de la concertation.

Cette concertation rassemble plus de 150 participants : élus, représentants des ministères et de l’État territorial, professionnels, représentants d’associations locales et nationales, d’organismes d’HLM et d’entreprises, personnalités qualifiées. J’ai tout particulièrement souhaité que les élus soient pleinement associés à la démarche. Quatre sénateurs sont ainsi directement parties prenantes à cette concertation : Laurence Cohen, Jean Germain, Hervé Marseille et Philippe Dallier, Claude Dilain ayant pour sa part accepté de copiloter un groupe de travail sur le sujet important de la géographie prioritaire. Par leur connaissance des réalités territoriales et leur capacité à appréhender les grands enjeux nationaux, ils enrichiront les débats, j’en suis convaincu, et seront à même de faire des propositions à la fois pragmatiques et ambitieuses sur le devenir de la politique de la ville.

Parallèlement, j’ai lancé une consultation des élus et des populations concernées, par le biais de questionnaires – plus de 300 nous ont déjà été retournés –, et j’aurai également l’occasion, au mois de janvier prochain, d’organiser quelques forums réunissant des habitants des quartiers, car on ne peut concevoir une politique de la ville sans les écouter ni les associer à la réflexion.

À cet égard, j’estime que, à l’issue de la concertation, il faudra certainement mettre en place des structures pérennes de discussion et de négociation avec les représentants des habitants des quartiers, à un échelon qui reste à déterminer : local, intercommunal, voire régional. En tout cas, la concertation doit déboucher sur des propositions. §

Quels sont les objectifs de la réforme de la politique de la ville ?

L’objectif premier est de mobiliser les politiques de droit commun ou, pour le dire autrement, de mieux territorialiser les politiques sectorielles.

Cela a été dit, je dois être le dix-neuvième ministre de la ville à venir expliquer dans cette assemblée qu’il va faire tout son possible pour mobiliser les politiques de droit commun ! §

Des choses ont été faites dans le passé. Ainsi, le ministère de l’éducation nationale a pris en compte, voilà maintenant plusieurs années, la nécessité de territorialiser, en mettant en place les zones d’éducation prioritaires. À cet égard, il est important de souligner que le ministère de l’éducation nationale va abandonner la géographie prioritaire qu’il applique actuellement pour adopter celle qui sera définie par la nouvelle politique de la ville : voilà un premier exemple de mise en cohérence interministérielle.

Bien entendu, cela ne suffira pas. Le ministère de la ville ne peut à lui seul, avec les moyens qui sont les siens, corriger des inégalités aussi lourdes que celles dont pâtissent les quartiers populaires. En 2012, 525 millions d’euros ont été alloués à la cohésion sociale et 1 milliard d’euros à la rénovation urbaine. Je veux souligner que, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, le Gouvernement a marqué la priorité accordée aux quartiers populaires en reconduisant globalement pour 2013 les moyens alloués au ministère de la ville. Certes, ces moyens n’augmentent pas, mais un coup d’arrêt a été mis à leur baisse continue, les crédits du ministère de la ville ayant diminué de 31 % depuis 2009.

Cela ne suffira pourtant pas, je l’ai dit ; il faut donc mobiliser les politiques sectorielles et les territorialiser. Je souhaite le faire à l’aide de deux outils.

Il faut d’abord mettre en place un pilotage interministériel à l’échelon national.

Conformément à la demande que j’avais formulée devant le conseil des ministres le 22 août dernier, le Premier ministre a signé le 30 novembre une circulaire interministérielle qui va me permettre de passer, d’ici à la fin du mois de février, des « conventions d’objectifs pour les quartiers populaires » avec chacun des autres ministères concernés pour fixer leurs engagements en faveur de ces quartiers dans les champs de l’éducation, de l’emploi, de la sécurité, de la santé, de la culture, de la jeunesse, des transports, etc.

Ces conventions, qui porteront non seulement sur les objectifs, mais également sur la méthode et sur les moyens engagés à l’échelon national par les différents ministères, sont actuellement discutées entre les cabinets ministériels et le seront prochainement avec les administrations centrales.

Je souhaite que ces conventions, que je veux triennales de façon à pouvoir procéder régulièrement à des évaluations, fixent des objectifs très concrets. Je pense, pour le ministère de l’éducation nationale, à l’accentuation de la scolarisation des enfants de 2 à 3 ans dans les quartiers populaires.

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