Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 5 décembre 2012 à 16h30
Principe de participation du public défini à l'article 7 de la charte de l'environnement — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Alain Vidalies, ministre délégué :

Je le dis d’autant plus volontiers que l’on aurait pu attendre du Parlement qu’il éprouve une certaine réticence face à cette démocratie participative dont les fondements reposent sur une tout autre légitimité que la sienne. Au contraire ! Le Parlement s’est saisi de ce texte pour affirmer, de la façon la plus claire et la plus nette possible, sa volonté d’aller vers une démocratie environnementale à laquelle aspirent nombre de nos concitoyens.

Le Gouvernement ne peut ignorer la force de ce message. Il le peut d’autant moins que la France s’est depuis longtemps engagée dans cette voie en élevant l’obligation de faire participer les citoyens à l’élaboration des décisions ayant une incidence sur l’environnement, posée pour la première fois par la Convention ratifiée le 8 juillet 2002, au rang de principe constitutionnel, avec l’adoption, en 2004, de la Charte de l’environnement. C’est l’article 7 de cette Charte qui a consacré, comme vous le savez, le droit de tous à l’information environnementale et à la participation.

Je remercie donc tous ceux qui ont apporté leur pierre à la construction du projet de loi en son état actuel. Il est le résultat d’un véritable consensus entre l’Assemblée nationale et le Sénat et témoigne du débat constructif et ouvert qui a eu lieu entre l’ensemble des groupes représentés, toutes sensibilités confondues.

De ce point de vue, ce projet de loi est un exemple que le Gouvernement va méditer. Nous sommes collectivement capables de parvenir à un consensus lorsqu’il s’agit d’avancées de la démocratie.

Mes remerciements vont d’abord au Sénat, devant lequel le projet de loi a été présenté en première lecture il y a un peu plus de trois semaines, et au président de sa commission du développement durable, Raymond Vall. Je connais également l’engagement de la rapporteur initiale de ce texte, Laurence Rossignol.

Je voudrais vous signaler que nous avançons désormais avec une plus grande sécurité juridique en matière de participation du public, puisque, le 23 novembre dernier, c’est-à-dire peu après la discussion du projet de loi à l’Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel a statué sur une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité importante pour nous car elle a tranché la question de la constitutionnalité de l’article L. 120-1 du code de l’environnement, article qui se trouve au cœur du nouveau dispositif qui vous est proposé dans le cadre de ce projet de loi.

À cette occasion, le Conseil constitutionnel a précisé que n’étaient concernées par le principe de participation que les décisions ayant une incidence directe et significative sur l’environnement. Notre projet fait simplement référence aux décisions ayant une incidence sur l’environnement. Nous maintenons toutefois cette formulation, qui est celle que l’on trouve dans la Charte de l’environnement. Elle devra être interprétée à la lumière de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il n’y a donc pas de contradiction.

Le Conseil constitutionnel a également affirmé – c’est un point important, qui, je le sais, a été longuement débattu au Sénat en première lecture – que les décisions individuelles entraient dans le champ du principe de participation. Le projet de loi renvoie la mise en conformité de la procédure de participation du public à l’élaboration de ces décisions à une ordonnance, que l’article 7 du projet de loi habilite le Gouvernement à prendre, en vertu de l’article 38 de la Constitution. Là non plus, il n’y a pas de contradiction. S’il est saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité avant que l’ordonnance soit prise, le juge constitutionnel en tiendra compte. Le Gouvernement ne tardera pas à adopter cette ordonnance et vous présentera rapidement l’outil de ratification. J’en prends ici l’engagement.

En revanche, le juge constitutionnel n’a rien dit, dans la récente décision que j’ai mentionnée, sur la procédure à respecter concrètement pour permettre une participation effective du public, alors qu’il ne pouvait ignorer que ce projet de loi était en cours d’élaboration. Nous sommes donc renvoyés à notre imagination et à notre efficacité collectives.

L’essentiel de la réforme qui vous est proposée repose sur une nouvelle rédaction de l’article L. 120-1 du code de l’environnement. La procédure électronique qui figure à l’article 1er du projet de loi s’applique lorsqu’aucune disposition particulière n’est prévue pour assurer la participation effective du public. Dans la rédaction actuelle de l’article L. 120-1 du code de l’environnement, elle n’est mise en œuvre que pour des actes réglementaires. Elle aura désormais vocation à s’appliquer à toutes les décisions de l’État et de ses établissements publics, qu’elles soient réglementaires, d’espèce ou individuelles. En première lecture, le Sénat a élargi ce champ d’application en y ajoutant les décisions des autorités administratives, comme l’Autorité de sûreté nucléaire.

Le dispositif concerne également les décisions des collectivités territoriales. Le Gouvernement a pris des engagements, au Sénat notamment, pour que l’ordonnance qui définira la procédure applicable aux décisions des collectivités territoriales fasse préalablement l’objet d’une concertation approfondie avec les associations représentant l’ensemble des élus locaux. La ministre de l’écologie, Delphine Batho, a pris des engagements fermes en ce sens devant l’Assemblée nationale, et a présenté un calendrier de discussion. Je constate que la commission mixte paritaire n’est pas revenue sur ce point. Je vous remercie de la confiance que vous avez ainsi accordée au Gouvernement, d’autant que vous êtes, je le sais, particulièrement vigilants sur ce sujet. §

C’est surtout sur l’article 1er du projet de loi que se sont concentrées les discussions en commission mixte paritaire. C’est donc sur cet article que j’insisterai. La procédure qui vous est proposée est pour l’essentiel une procédure électronique et dématérialisée. Je sais que le Sénat a, le premier, alerté le Gouvernement sur la nécessité de prendre en compte la fracture numérique. Tous les Français n’ont pas encore accès à un ordinateur et à Internet. Toutes les communes ne sont pas encore équipées de bornes électroniques. Or la participation est un droit ouvert à tous. C’est pourquoi le projet de loi prévoit, d’une part, la possibilité de formuler des observations par voie postale – c’est un amendement du Sénat – et, d'autre part, la mise à disposition dans les préfectures et les sous-préfectures, sur demande, des projets de textes ou de décisions mis en consultation – c’est un amendement de l’Assemblée nationale.

Le projet de loi prévoit également que le public sera informé trois mois à l’avance des décisions et des textes qui seront mis en consultation, afin qu’il puisse s’y préparer dans de bonnes conditions. Les délais minimaux de mise à disposition du projet de décision seront portés à vingt et un jours, contre quinze aujourd’hui. Il s’agit là aussi d’un amendement du Sénat.

Le principe de participation du public implique que les observations qu’il formule soient prises en compte par l’autorité compétente avant sa décision. Le public doit donc pouvoir s’assurer en toute transparence que toutes ses observations ont été analysées avec attention. C’est pourquoi le projet de loi impose à l’autorité compétente d’élaborer une synthèse écrite de ces observations. L’Assemblée nationale a ajouté à cette obligation celle de rédiger un document séparé indiquant les motifs de la décision.

Le Gouvernement a accepté d’aller plus loin. Pour répondre à une demande du Sénat, qui a réclamé l’organisation de forums électroniques en ligne permettant des interactions entre les participants au débat, il s’est engagé à réaliser une expérimentation. Cette expérimentation avait été proposée par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale. Le Gouvernement s’est rallié à cette proposition, car il doit expertiser le coût de la généralisation d’un tel dispositif, sa faisabilité pour les collectivités locales, la dimension de responsabilité légale assumée, comme vous le savez, par l’hébergeur en cas de propos injurieux ou racistes, et les questions, notamment budgétaires, que poserait le recrutement en masse de modérateurs pour animer et surveiller ces forums. À cette première expérimentation s’en ajoutera une seconde, qui visera à tester la mise en place d’un garant du débat désigné par la Commission nationale du débat public, la CNDP.

Voilà, dans ses grandes lignes, le projet qui a été adopté hier par la commission mixte paritaire. De ce texte, je retiens tout d’abord, comme je l’ai déjà dit, l’expression d’un consensus. Le texte a peu bougé, signe qu’il traduit un équilibre. Le Gouvernement sera donc très vigilant à ce qu’il reste en l’état. Par conséquent, je ne vous propose que trois mesures nouvelles, justifiées par le souci de rendre pleinement opérationnel le dispositif que vous avez collectivement élaboré.

La première consiste à introduire à l’alinéa 3 de l’article 1er un renvoi à un décret qui précisera les conditions dans lesquelles les projets de textes et de décisions devront être mis à la disposition du public sur sa demande. Nous sommes en train d’inventer une procédure nouvelle. Nous voulons lui donner toutes chances de réussir. Nous voulons éviter les risques juridiques et la déception que susciteraient des procédures disparates mises en œuvre de façon inégale dans les départements. Les préfectures et sous-préfectures doivent donc recevoir un cadrage national pour ces nouvelles obligations. Nous vous faisons une proposition en ce sens.

Ma deuxième proposition est de même nature. À l’article 1er bis A, le texte issu de la commission mixte paritaire étend l’expérimentation concernant la désignation d’un garant du débat par la CNDP aux arrêtés préfectoraux et maintient au 1er janvier 2013 la date de début de l’expérimentation. Je vous le dis sincèrement : ce dispositif n’est pas viable en l’état. Le 1er janvier 2013, c’est demain. En quinze jours, le Gouvernement ne peut pas élaborer un décret précisant les modalités de désignation et de rémunération des garants du débat par la CNDP. Celle-ci ne pourra pas le faire. Nous avons besoin de temps pour être opérationnels. Je vous propose donc, dans un souci d’efficacité, de remplacer la date du 1er janvier 2013 par la date du 1er avril 2013. Je vous propose également de revenir à la version antérieure du texte, qui ne mentionnait que les décrets et arrêtés ministériels. Nous avons besoin d’un champ délimité pour réaliser l’expérimentation dans de bonnes conditions.

Ma troisième proposition concerne l’alinéa 7 de l’article 1er. La commission mixte paritaire a réinséré, à cet alinéa, le texte qu’avait adopté le Sénat en première lecture consistant à prévoir qu’à l’issue de l’expérimentation « les observations du public sont rendues accessibles par voie électronique au fur et à mesure de leur réception », ce qui revient en fait à généraliser l’utilisation de forums interactifs avec des modérateurs sitôt l’expérimentation terminée.

Je ferai une première remarque : en l’état, cette insertion rend le projet totalement contradictoire. Pourquoi prévoir un rapport transmis au Parlement afin de faire le bilan de cette expérimentation si on la généralise d’emblée ? Je vous rappelle également que ce dispositif concernera les collectivités locales. Elles ne comprendraient pas que nous allions aussi vite. Nous avons besoin de tirer d'abord les enseignements de l’expérimentation. Il faudra s’adapter aux situations des administrations et évaluer nos besoins. Nous avions envisagé un amendement, que nous n’avons finalement pas déposé, mais je veux qu’il soit bien clair que le texte que vous allez adopter est quelque peu contradictoire, et que sa rédaction actuelle va au rebours de l’efficacité.

J’arrête là ma présentation, afin de permettre des échanges au sujet de ces points concrets sur lesquels il me paraissait nécessaire d’attirer votre attention. §

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