Si, en l’occurrence, l’urgence peut se justifier pour éviter le risque de censure de certaines dispositions du code de l’environnement dès le 1er janvier prochain, le projet de loi aurait dû être, avant tout, l’occasion de répondre à un enjeu plus fondamental : définir un équilibre entre la nécessaire protection de l’environnement et la non moins nécessaire sécurité juridique, dont ont besoin les industriels tout autant que les défenseurs de l’environnement.
Par ailleurs, le texte prévoit de recourir, au grand dam de nombreux parlementaires, à une ordonnance pour modifier le régime des décisions individuelles. Le Parlement est ainsi dessaisi de sa compétence.
Sur ce dernier point, mes collègues du groupe UMP et moi-même déplorons fermement la volonté du Gouvernement de recourir à cette procédure telle qu’elle est prévue à l’article 7 du projet de loi. Celui-ci habilite en effet le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, des dispositions relatives à la participation du public pour les décisions autres que celles qui sont incluses dans le champ de l’article L. 120-1 du code de l’environnement, c'est-à-dire, notamment, les décisions individuelles.
Notre inquiétude est d’autant plus vive que l’urgence n’a, vous en conviendrez tous, pas lieu d’être pour ce type de décisions. Nous devrions tous veiller particulièrement à ce que le Parlement ne soit pas systématiquement dessaisi de ses prérogatives, sous prétexte d’une éventuelle ou lointaine urgence.
En tant que parlementaires, nous devons, au contraire, veiller au maintien des prérogatives du Parlement : elles sont la garantie d’une bonne séparation des pouvoirs et du bon fonctionnement de notre démocratie.
Nous allons donc adopter un texte visant à améliorer la concertation avec le public, texte sur lequel la procédure accélérée a été engagée et à l’élaboration duquel nous ne participons qu’en partie puisque nombre de dispositions seront prises par ordonnance. J’avoue que c’est assez choquant : on demande une participation du public – à laquelle, je le répète, nous sommes favorables – et vous répondez, pour partie, par l’éviction du débat au Parlement. Vous donnez, en quelque sorte, une priorité à la démocratie participative sur la démocratie représentative ! Décidément, il y a là quelque chose de choquant dans l’équilibre de notre démocratie !
De plus, ce projet de loi présente de nombreuses imperfections d’un point de vue purement juridique. Sa lecture est rendue assez complexe en raison de nombreux renvois à d’autres dispositions.
La qualité de la contribution du public pourrait souvent être améliorée par une limitation du nombre de consultations, qui sont parfois redondantes. Il aurait également été souhaitable que ce texte, en plus de consacrer le principe de participation du public, veille à garantir une certaine harmonisation avec les procédures mises en œuvre dans les autres États membres.
Investi dans les affaires européennes, je porte une attention particulière sur ce point. Nous avons là l’amorce d’une possible distorsion de concurrence supplémentaire à laquelle la France sera immanquablement soumise. Dans la compétition internationale, nous ne saurions choisir de prendre ce type de risque !
Enfin, le manque d’informations relatives à la composition du futur Conseil national de la transition écologique et à ses conditions de travail soulève aussi de vives inquiétudes. Cette nouvelle instance, introduite par l’article 8 du projet de loi, remplacera le Comité national du développement durable et du Grenelle de l’environnement, qui est, par ailleurs, supprimé.
Cette création est tout à fait logique. Simplement, nous avons du mal à comprendre que, au moment de nous prononcer, nous n’avons qu’une vision partielle de ce que sera cette instance. Cela fut aussi le cas pour l’Agence nationale de la biodiversité.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes pleinement conscients de la nécessité de tirer les conséquences des décisions successives du Conseil constitutionnel.
Néanmoins, pour les raisons que je viens d’évoquer et bien que notre majorité ait été à l’origine de la Charte de l’environnement, le groupe UMP s’abstiendra sur ce texte.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour rappeler ce que j’ai dit à plusieurs reprises devant la commission du développement durable, et M. le président Vall le sait. Au fil du temps, nous avons pu constater que la lecture de la Charte de l’environnement, intégrée en 2005 dans le bloc de constitutionnalité, était quelque peu tronquée, ce que je regrette. La lecture de la Charte s’arrête à l’article 5, autrement dit, au principe de précaution. Faute de poursuivre la lecture jusqu’aux articles 8, 9 et 10, on ignore leur contenu, et la référence à la proportionnalité et au recours, dans le doute, à toute procédure scientifique. Ce qui finit par faire de ce principe de précaution un principe d’inaction ! Rapporteur pour avis du projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l’environnement, aux côtés de Patrice Gélard, rapporteur sur le fond, nous avions souligné tout à la fois ce risque et l’importance, pour les uns et les autres, de faire de ce texte et du principe de précaution une lecture constructive.
C’est la raison pour laquelle je souhaite, monsieur le ministre, que le Gouvernement prenne l’initiative de lancer une réflexion sur l’inscription rapide, à côté du principe de précaution, intégré dans la Charte de l’environnement laquelle est elle-même intégrée dans le bloc de constitutionnalité, d’un principe d’innovation.
Au XXIe siècle, nous ne pouvons pas nous contenter de « l’attention » ou de « la précaution ». Nous devons également jouer dans la cour de l’innovation. Ce qui ne veut surtout pas dire jouer contre l’environnement !
Monsieur le ministre, je vous envoie ce message que vous transmettrez, j’en suis sûr, à Mme la ministre de l’écologie. Nous serions constructifs et très déterminés à examiner un principe d’innovation, à le coécrire avec vous ou à le voter. Il figure en filigrane dans le rapport Gallois. Je pense que le Gouvernement et la France se grandiraient si on abordait l’avenir également en parlant d’innovation. §