Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 10 décembre 2012 à 14h30
Sécurité et lutte contre le terrorisme — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Jacques MézardJacques Mézard, rapporteur :

Merci, monsieur le président de la commission. Je constate que mon message, qui ne se voulait aucunement subliminal, est entendu !

Sur les huit articles que comprenait le texte issu des travaux du Sénat, l’Assemblée nationale en a adopté deux conformes, elle en a supprimé un et modifié les cinq autres. Elle a en outre inséré six articles additionnels. La commission mixte paritaire était ainsi appelée à débattre de douze articles.

J’indique, pour mémoire, mais ce point est important, que l’article 1er, qui vise à proroger certaines des dispositions issues de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme – je pense en particulier aux interceptions dites « de sécurité » –, n’a suscité aucune difficulté et a été adopté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale.

L’article 2 du projet de loi, dans la version du Gouvernement, visait à élargir la compétence des juridictions pénales françaises aux infractions terroristes commises à l’étranger par des Français. Le Sénat avait encore étendu cette compétence aux infractions à caractère terroriste commises à l’étranger par des personnes titulaires d’un titre de séjour les autorisant à résider sur le territoire français. Nos collègues députés ont considéré que cette rédaction excluait notamment les « citoyens européens », qui sont, depuis 2006, dispensés de l’obligation de détenir un titre de séjour. Ils ont donc choisi de viser les « personnes résidant habituellement sur le territoire français ». Malgré les réserves que nous inspirait le caractère peut-être insuffisamment précis de cette notion, nous nous sommes ralliés à la position de l’Assemblée nationale.

L’article 2 bis A, inséré par l’Assemblée nationale sur l’initiative de M. Ciotti, visait à mentionner expressément le chantage dans la liste des infractions pouvant être qualifiées d’actes de terrorisme. Le Sénat avait rejeté un amendement ayant un objet identique au motif qu’il était redondant de viser le chantage puisque l’extorsion, déjà mentionnée dans la liste des infractions susceptibles d’être qualifiées d’actes de terrorisme, comprend non seulement l’extorsion stricto sensu, mais aussi le chantage. Considérant que cette mention n’ajoutait rien à notre droit, la commission mixte paritaire a supprimé l’article 2 bis A, revenant ainsi à la position défendue par le Sénat.

L’article 2 bis avait été introduit par le Sénat sur l’initiative de Jean-Jacques Hyest et de Michel Mercier. Il tend à incriminer les actes de recrutement en vue de participer à une association de malfaiteurs à visée terroriste, même lorsque ces actes ne sont pas suivis d’effets. La commission des lois de l’Assemblée nationale l’a supprimé, considérant que cette incrimination spécifique affaiblirait l’efficacité de l’infraction d’association de malfaiteurs. Au sein de la commission mixte paritaire, nous avons fait valoir que le droit en vigueur laissait subsister une lacune, car lorsque l’acte de recrutement n’est pas suivi d’effets, l’infraction d’association de malfaiteurs ne peut pas être constituée. Ce nouveau délit permet justement de combler cette lacune : nos collègues députés nous ont suivis et la commission mixte paritaire a rétabli cette disposition.

L’article 2 ter a été introduit par le Sénat par la voie de l’adoption d’un amendement de Jean-Jacques Hyest, sous-amendé par la commission. Il autorise le placement en détention provisoire et allonge le délai de prescription de l’action publique pour le délit de provocation au terrorisme. Il a été maintenu par l’Assemblée nationale, sous réserve d’améliorations rédactionnelles tout à fait opportunes. La commission mixte paritaire l’a approuvé.

L’article 2 quater A, inséré par l’Assemblée nationale, complète le dispositif d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme par le fonds de garantie. Cette excellente et très utile disposition a été approuvée par la commission mixte paritaire.

L’Assemblée nationale a adopté en commission une série de trois amendements du Gouvernement créant les articles 2 quater, 2 quinquies et 2 sexies. Bercy avait encore frappé ! Ces dispositions, inspirées par le ministère de l’économie et des finances et qui n’avaient pas été annoncées au Sénat, ont pour objet de faciliter le gel des avoirs financiers.

D’abord, elles étendent le champ de cette procédure aux personnes incitant à des actes de terrorisme, alors que n’étaient visées auparavant que celles qui commettent de tels actes, tentent d’en commettre, les facilitent ou y participent.

Ensuite, elles permettent la publication, sous forme de simples extraits, des décisions de gel des avoirs, afin de protéger les auteurs de ces décisions.

Enfin, elles ajoutent une nouvelle exception au secret bancaire, valant principalement dans le cadre de la préparation des opérations de gel d’avoirs.

Au cours de la réunion de la commission mixte paritaire, j’ai regretté que cette extension significative des pouvoirs de l’administration en matière de gel d’avoirs et de recueil d’informations bancaires n’ait pu être discutée en séance publique par le Sénat.

En outre, la commission mixte paritaire a recherché en vain un terme plus précis que celui d’« incitation » pour désigner, en matière de terrorisme, les comportements qui pourront justifier un gel des avoirs. Faute de trouver un terme plus approprié, nous nous sommes ralliés à ces nouvelles dispositions qui, sur le plan de la pure efficacité, sinon sur celui des principes, constituent sans doute un progrès.

À l’article 3, relatif à la procédure suivie par la commission d’expulsion et qui a suscité de nombreux débats, le Sénat avait restreint au seul cas des étrangers ayant eu des activités à caractère terroriste l’imposition d’un délai impératif à la commission d’expulsion pour se prononcer. Le Sénat avait d’ailleurs adopté cette disposition, monsieur le ministre, contre l’avis de son rapporteur…

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