La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Franz Duboscq, qui fut sénateur des Pyrénées-Atlantiques de 1983 à 1992.
J’informe le Sénat que les deux commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion respectivement du projet de loi de finances pour 2013 et du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 ne sont pas parvenues à l’adoption d’un texte commun.
M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 7 décembre 2012, une décision du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 631-5 du code de commerce (procédure de redressement judiciaire) (n° 2012-286 QPC).
L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme (texte de la commission n° 192, rapport n° 191).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion du projet de loi relatif à la sécurité et au terrorisme arrive à son terme ; la commission mixte paritaire est parvenue à un accord, à un large consensus, ce dont je me réjouis.
La lutte pour la sécurité et contre le terrorisme justifie que la République se donne les moyens de faire face à des menaces et à des actes incompatibles avec notre conception de la démocratie. En même temps, nous devons veiller à ce que les textes adoptés ne portent pas atteinte aux libertés fondamentales qui sont le socle de notre République.
Nous sommes donc parvenus à un large consensus, malgré le recours à la procédure accélérée et la contrainte du temps. Ce consensus, nous le devons d’abord, monsieur le ministre, à notre confiance en votre action personnelle, empreinte d’idéal républicain au sens le plus noble du terme, à notre certitude que, respectueux des libertés, vous saurez user de la fermeté indispensable pour les protéger.
Ce consensus, nous le devons aussi à nos collègues qui ont suivi la discussion de ce projet de loi au nom de leur groupe parlementaire. Je n’aurai garde d’oublier de citer Alain Anziani et Virginie Klès pour le groupe socialiste, mais aussi mes collègues de l’opposition, Jean-Jacques Hyest et Michel Mercier, qui, par leur concours, leurs apports à la rédaction du texte, ont démontré leur volonté, dont je n’ai jamais douté, de dépasser les clivages partisans, au service de la République et de ses valeurs.
Le terrorisme est une menace permanente, quels que soient son origine, l’intégrisme ou la revendication qui en sont le moteur. Les événements survenus en Corse ces derniers jours en sont l’illustration.
À ce propos, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous dire, concernant les élus corses, qu’il en est un, tout particulièrement, qui a toujours réagi contre le terrorisme, les errements nationalistes, qui a toujours défendu les valeurs fondamentales de la République, de l’ordre républicain. Cet élu s’appelle Nicolas Alfonsi, sénateur radical de la Corse-du-Sud, et il est regrettable que nombre de gouvernements, de gauche et de droite, de ministres de l’intérieur n’aient pas fait suffisamment cas de ses propos et de son comportement intègre et courageux.
L’essentiel, c’est que la commission mixte paritaire, réunie au Sénat le 6 décembre dernier pour élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi, soit parvenue à un accord équilibré, qui tient compte des préoccupations des deux assemblées.
Cet accord équilibré, monsieur le ministre, eût été plus facile à obtenir si nous avions pu éviter une excessive précipitation et des adjonctions introduites le jour du débat à l’Assemblée nationale, inspirées par des faits divers tragiques. On ne légifère pas bien ainsi. Je passerai sur la diversité des positions exprimées par les groupes majoritaires de l’Assemblée nationale et du Sénat : les radicaux, et d’autres avec eux, étaient là pour ramener l’harmonie ! §
Merci, monsieur le président de la commission. Je constate que mon message, qui ne se voulait aucunement subliminal, est entendu !
Sur les huit articles que comprenait le texte issu des travaux du Sénat, l’Assemblée nationale en a adopté deux conformes, elle en a supprimé un et modifié les cinq autres. Elle a en outre inséré six articles additionnels. La commission mixte paritaire était ainsi appelée à débattre de douze articles.
J’indique, pour mémoire, mais ce point est important, que l’article 1er, qui vise à proroger certaines des dispositions issues de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme – je pense en particulier aux interceptions dites « de sécurité » –, n’a suscité aucune difficulté et a été adopté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale.
L’article 2 du projet de loi, dans la version du Gouvernement, visait à élargir la compétence des juridictions pénales françaises aux infractions terroristes commises à l’étranger par des Français. Le Sénat avait encore étendu cette compétence aux infractions à caractère terroriste commises à l’étranger par des personnes titulaires d’un titre de séjour les autorisant à résider sur le territoire français. Nos collègues députés ont considéré que cette rédaction excluait notamment les « citoyens européens », qui sont, depuis 2006, dispensés de l’obligation de détenir un titre de séjour. Ils ont donc choisi de viser les « personnes résidant habituellement sur le territoire français ». Malgré les réserves que nous inspirait le caractère peut-être insuffisamment précis de cette notion, nous nous sommes ralliés à la position de l’Assemblée nationale.
L’article 2 bis A, inséré par l’Assemblée nationale sur l’initiative de M. Ciotti, visait à mentionner expressément le chantage dans la liste des infractions pouvant être qualifiées d’actes de terrorisme. Le Sénat avait rejeté un amendement ayant un objet identique au motif qu’il était redondant de viser le chantage puisque l’extorsion, déjà mentionnée dans la liste des infractions susceptibles d’être qualifiées d’actes de terrorisme, comprend non seulement l’extorsion stricto sensu, mais aussi le chantage. Considérant que cette mention n’ajoutait rien à notre droit, la commission mixte paritaire a supprimé l’article 2 bis A, revenant ainsi à la position défendue par le Sénat.
L’article 2 bis avait été introduit par le Sénat sur l’initiative de Jean-Jacques Hyest et de Michel Mercier. Il tend à incriminer les actes de recrutement en vue de participer à une association de malfaiteurs à visée terroriste, même lorsque ces actes ne sont pas suivis d’effets. La commission des lois de l’Assemblée nationale l’a supprimé, considérant que cette incrimination spécifique affaiblirait l’efficacité de l’infraction d’association de malfaiteurs. Au sein de la commission mixte paritaire, nous avons fait valoir que le droit en vigueur laissait subsister une lacune, car lorsque l’acte de recrutement n’est pas suivi d’effets, l’infraction d’association de malfaiteurs ne peut pas être constituée. Ce nouveau délit permet justement de combler cette lacune : nos collègues députés nous ont suivis et la commission mixte paritaire a rétabli cette disposition.
L’article 2 ter a été introduit par le Sénat par la voie de l’adoption d’un amendement de Jean-Jacques Hyest, sous-amendé par la commission. Il autorise le placement en détention provisoire et allonge le délai de prescription de l’action publique pour le délit de provocation au terrorisme. Il a été maintenu par l’Assemblée nationale, sous réserve d’améliorations rédactionnelles tout à fait opportunes. La commission mixte paritaire l’a approuvé.
L’article 2 quater A, inséré par l’Assemblée nationale, complète le dispositif d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme par le fonds de garantie. Cette excellente et très utile disposition a été approuvée par la commission mixte paritaire.
L’Assemblée nationale a adopté en commission une série de trois amendements du Gouvernement créant les articles 2 quater, 2 quinquies et 2 sexies. Bercy avait encore frappé ! Ces dispositions, inspirées par le ministère de l’économie et des finances et qui n’avaient pas été annoncées au Sénat, ont pour objet de faciliter le gel des avoirs financiers.
D’abord, elles étendent le champ de cette procédure aux personnes incitant à des actes de terrorisme, alors que n’étaient visées auparavant que celles qui commettent de tels actes, tentent d’en commettre, les facilitent ou y participent.
Ensuite, elles permettent la publication, sous forme de simples extraits, des décisions de gel des avoirs, afin de protéger les auteurs de ces décisions.
Enfin, elles ajoutent une nouvelle exception au secret bancaire, valant principalement dans le cadre de la préparation des opérations de gel d’avoirs.
Au cours de la réunion de la commission mixte paritaire, j’ai regretté que cette extension significative des pouvoirs de l’administration en matière de gel d’avoirs et de recueil d’informations bancaires n’ait pu être discutée en séance publique par le Sénat.
En outre, la commission mixte paritaire a recherché en vain un terme plus précis que celui d’« incitation » pour désigner, en matière de terrorisme, les comportements qui pourront justifier un gel des avoirs. Faute de trouver un terme plus approprié, nous nous sommes ralliés à ces nouvelles dispositions qui, sur le plan de la pure efficacité, sinon sur celui des principes, constituent sans doute un progrès.
À l’article 3, relatif à la procédure suivie par la commission d’expulsion et qui a suscité de nombreux débats, le Sénat avait restreint au seul cas des étrangers ayant eu des activités à caractère terroriste l’imposition d’un délai impératif à la commission d’expulsion pour se prononcer. Le Sénat avait d’ailleurs adopté cette disposition, monsieur le ministre, contre l’avis de son rapporteur…
La Haute Assemblée avait en outre fixé ce délai à un mois et prévu la possibilité d’accorder un nouveau délai d’un mois en cas de motif légitime.
L’Assemblée nationale a finalement accepté le principe d’un renvoi pour motif légitime, mais elle est revenue sur la restriction du champ du dispositif aux activités terroristes. Les députés ont également préféré renvoyer à un décret en Conseil d’État la fixation des délais.
Considérant que ces dispositions ne s’appliquaient, en tout état de cause, qu’à des personnes menaçant gravement l’ordre public, …
… la commission mixte paritaire, après un long débat fortement animé par M. le président de la commission des lois, …
… s’est ralliée à ma proposition, consistant à conserver le texte de l’Assemblée nationale sur le champ du dispositif – ce fut un sacrifice que nous saluons, monsieur le président de la commission –, …
… tout en réintroduisant le délai d’un mois renouvelable.
L’Assemblée nationale avait rétabli l’article 5, supprimé par le Sénat, qui ratifiait l’ordonnance du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure, complété par un amendement du Gouvernement qui opérait quelques ajustements. Sur ce point, les députés se sont ralliés aux arguments des sénateurs en supprimant de nouveau une ratification que nous avions jugée hâtive.
En revanche, l’Assemblée nationale a adopté conforme l’article 6, qui permettra au Gouvernement de modifier le code de la sécurité intérieure et le code de la défense afin d’inclure les dispositions de la loi du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.
Enfin, en séance publique, l’Assemblée nationale a introduit un article 6 bis créant deux mentions nouvelles : « Mort pour le service de la Nation » et « Victime du terrorisme ».
La première de ces mentions concernait d’une part les militaires décédés en service ou en raison de leur qualité de militaire – par exemple les militaires tués par Mohamed Merah –, d’autre part les agents publics décédés dans l’exercice de leurs fonctions.
La seconde mention aurait été obligatoirement portée sur l’acte de décès des victimes du terrorisme, ajoutant ainsi une dimension symbolique au dispositif prévu par la loi du 9 septembre 1986 pour l’indemnisation des victimes et de leurs ayants droit.
Outre qu’il n’avait pas fait l’objet d’un examen par le Sénat, ce dispositif était selon nous d’application trop large et risquait même, pour ce qui est de la mention « Victime du terrorisme », de donner lieu à des instrumentalisations fâcheuses. En conséquence, sur proposition de Mme la rapporteur de l’Assemblée nationale, Mme Bechtel, la commission mixte paritaire en a restreint le champ.
La mention « Mort pour la Nation » ne pourra ainsi concerner, outre les militaires, que les agents publics tués en raison de leurs fonctions ou de leur qualité. Par ailleurs – j’avais formulé cette proposition, qui a été acceptée par Mme Bechtel –, la décision de porter cette mention revient clairement au ministre compétent. Enfin, le dispositif s’appliquera postérieurement au 1er janvier 2002, date qui permet de couvrir l’attentat de Karachi. On peut se demander pourquoi une date antérieure n’a pas été choisie, mais c’est un autre débat. L’inscription de la mention « Victime du terrorisme » sur l’acte de décès sera laissée à l’appréciation du ministre de la justice.
Telles sont, mes chers collègues, les principales décisions prises par la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 6 décembre dernier. Le texte qui en résulte prévoit une série d’améliorations ciblées qui permettront d’améliorer un dispositif de lutte antiterroriste déjà largement reconnu comme performant, mais qu’il est nécessaire d’adapter constamment aux nouvelles menaces, à la lumière de l’expérience acquise par les services d’enquête et les juridictions.
Je vous propose d’adopter le projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme. Je souligne de nouveau, monsieur le ministre, que le large consensus obtenu en commission mixte paritaire doit beaucoup à la façon dont vous menez votre action. §
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme arrive donc au terme de son parcours parlementaire, sans doute trop bref aux yeux de certains, mais en tout cas utile, et c’est là l’essentiel, pour nos compatriotes.
Je tiens à vous remercier une nouvelle fois de la qualité de nos échanges, de la franchise de nos débats et, surtout, de l’esprit de concorde qui a régné tout au long de notre discussion. C’est l’intérêt général, partagé par tous, qui guide notre action.
Les plasticages inacceptables survenus dans la nuit de vendredi en Corse ou les tentatives encore découvertes ce matin confirment la nécessité d’adopter une approche ferme et résolue contre la violence politique terroriste, surtout quand, le plus souvent, sa logique d’action dissimule des intérêts affairistes et des pratiques d’extorsion de fonds.
Je sais l’inquiétude profonde de l’immense majorité de nos compatriotes corses. Je n’ignore rien des prises de parole courageuses d’un certain nombre d’élus ; vous avez eu raison, monsieur le rapporteur, de citer Nicolas Alfonsi. Mais nous avons besoin de la mobilisation de tous les acteurs politiques, économiques et sociaux, de l’ensemble de nos compatriotes corses pour venir à bout de ce mal, la violence, qui ronge l’île depuis trop longtemps. Nous devons agir avec une grande détermination, en nous appuyant sur le travail effectué par les services de police, de gendarmerie, de renseignement, en lien très étroit avec la justice, et nous attaquer aux circuits financiers occultes qui pervertissent des secteurs entiers de l’économie de la Corse.
Certains – il s’agit en réalité d’une seule personne –, aujourd’hui dans l’opposition, hier dans la majorité, donnent des leçons. Nous devons malheureusement reconnaître ensemble une forme d’échec, qui dure depuis longtemps et engendre chez beaucoup un sentiment d’impuissance auquel nous ne pouvons évidemment pas nous résigner. Nous devons être très déterminés et mener une action résolue ; je sais pouvoir compter sur le Sénat.
Mais la menace terroriste actuelle la plus forte s’inscrit dans les mouvances de l’islamisme radical djihadiste, mouvances qu’il est complexe de combattre, en raison, d’une part, de l’autonomie dont disposent les cellules de base capables de passer à l’action par rapport à leurs inspirateurs politico-religieux, et, d’autre part, de la multiplication des théâtres géopolitiques qui leur paraissent propices à la transposition du djihad, avec les allers et retours que cela implique entre le territoire national et l’étranger.
Cette menace cumule en effet un risque extérieur très élevé, lié aux bases de repli, aux camps d’entraînement et aux zones de combat, et un risque intérieur qui découle des itinéraires, des processus de plus en plus rapides de radicalisation et de conversion idéologique violente de jeunes nés et ayant grandi dans nos pays européens.
Cette menace passe largement par l’internet, car le terrorisme djihadiste pense et conçoit le recours au cyberespace comme un vecteur tant de prosélytisme que d’organisation et de logistique.
Cela nous impose, nous en avons beaucoup débattu, de disposer d’une législation performante, mais aussi de services opérationnels agissant avec méthode, cohérence et efficacité, en tirant les leçons des drames de Toulouse et de Montauban. Telles sont, en tout cas, les orientations arrêtées depuis mon arrivée place Beauvau.
Ce projet de loi, après discussion devant les deux assemblées et leurs commissions, est conforme aux intentions initiales du Gouvernement.
En effet, le texte commun qui vous est aujourd’hui soumis, issu de la commission mixte paritaire réunie jeudi 6 décembre, est cohérent et mesuré. Il répond aux besoins des services opérationnels et des magistrats chargés de l’antiterrorisme sans rien céder des exigences posées par nos principes constitutionnels. Au cours de ces débats, il a été enrichi, ce dont je me félicite.
Disons-le, sous un certain nombre d’aspects, ce texte s’inscrit dans la lignée de l’action qui avait été engagée par le gouvernement précédent, plus particulièrement par Michel Mercier, alors garde des sceaux, que je remercie de son implication et de son apport constructif à ce débat.
Il restera un regret : l’absence de ratification de l’ordonnance relative à la partie législative du code de sécurité intérieure. Cette codification, effectuée strictement à droit constant, aurait, de mon point de vue, permis une sécurisation du cadre juridique existant. Néanmoins, ce regret est vite effacé au vu de l’ensemble des dispositions désormais retenues, au bénéfice de notre action de lutte contre le terrorisme.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des dispositions de ce projet de loi : M. le rapporteur Jacques Mézard, dont je tiens à saluer le travail et les apports pertinents, ainsi que le soutien et la loyauté, vient d’en présenter l’essentiel.
Je souhaite néanmoins m’arrêter sur deux séries de nouvelles dispositions introduites lors des débats parlementaires.
Les premières concernent le gel des avoirs criminels. Ces dispositions seront d’une grande utilité pour lutter, par le gel de leurs avoirs, contre les comportements de personnes physiques ou morales qui incitent au terrorisme, comportements contre lesquels il faut réagir rapidement pour tarir la source même de la menace. De nombreux prêcheurs ultraradicaux exercent en effet une influence déterminante sur le processus de radicalisation, sans forcément participer directement à des actes terroristes.
Je rappelle que, fidèle à son souci d’équilibre, le Gouvernement a souhaité que le gel des avoirs soit une mesure temporaire, l’autorité administrative ne pouvant légalement décider d’aucune confiscation.
La seconde série de dispositions a trait aux droits des victimes.
Ainsi, le délai d’action des victimes d’actes de terrorisme devant le fonds de garantie prévu par l’article 9 de la loi du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme a été prolongé à la suite de l’adoption d’un amendement du groupe socialiste à l’Assemblée nationale.
En outre, comme l’a rappelé M. le rapporteur, deux nouvelles mentions viendront désormais honorer la mémoire des victimes du terrorisme.
Tout d’abord, est créée la mention « Mort pour le service de la Nation ». Le ministre compétent pourra décider son inscription sur l’acte de décès d’un militaire tué en service ou en raison de sa qualité de militaire, ou de tout autre agent public tué soit en service, soit en raison de ses fonctions ou de sa qualité.
L’inscription des noms sur un monument aux morts est prévue. Les enfants des personnes tuées ont vocation à la qualité de pupille de la Nation. Vous l’aurez compris, nous pensons ici aux victimes militaires de Mohammed Merah, aux gendarmes tués en Guyane dans le cadre de la lutte contre l’orpaillage clandestin, ainsi qu’aux victimes des attentats de Karachi. Cette nouvelle mention concernera les décès survenus à compter du 1er janvier 2002.
Ensuite, la mention « Victime du terrorisme » pourra être portée sur un acte de décès, sur décision du garde des sceaux et avec l’accord des ayants droit. Les enfants des victimes ont, eux aussi, vocation à obtenir la qualité de pupille de la Nation. Nous pensons ici aux personnes tuées par Mohammed Merah dans une école de Toulouse, qui avaient pour seul tort d’être juives…
Ces dispositions répondent aux attentes des familles. Il est vrai que, sur ce point, le débat est intervenu assez tardivement à l’Assemblée nationale, à la suite du dépôt d’un amendement par un député de l’opposition. Le Président de la République et le ministre de la défense, après avoir reçu les familles des victimes de Merah, avaient pris des engagements, auxquels il nous semblait possible de donner une traduction dans ce texte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je l’ai dit tout au long de ces débats et je le répète aujourd’hui, ce projet de loi devait s’inscrire dans un esprit de rassemblement : tel est bien le cas, grâce à chacun d’entre vous. À mes yeux, le premier examen du texte par le Sénat a permis d’établir l’état d’esprit et les conditions du débat qui a eu lieu ensuite à l’Assemblée nationale. Je m’en félicite.
Ainsi, au-delà des différences de sensibilité, vous avez donné à la France une entière capacité d’action permanente et résolue, qui nous permettra de défendre ce que nous sommes, nos valeurs et notre démocratie. À nouveau, je vous en remercie.
Toutefois, je l’ai déjà annoncé et je m’y suis engagé : d’autres rendez-vous nous attendent. Je songe à l’unification des régimes juridiques des lois de 1991 et de 2006 en matière d’interception des données de télécommunication
M. le rapporteur acquiesce.
Évidemment, pour faire face à la menace terroriste, notre vigilance doit s’exercer de manière constante, via le travail de nos forces de l’ordre et de nos services de renseignement. Cette mobilisation nécessite un fort engagement et exclut toute forme de routine. Le texte qui va être soumis à votre vote définit un cadre nouveau, fondé sur une longue expérience. Je ne doute pas un seul instant qu’il ne serve la lutte indispensable que nous menons contre le terrorisme.
Vous pouvez compter sur la détermination sans faille du Gouvernement, forte désormais de votre appui. §
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour parachever notre travail législatif sur le présent texte et donner au Gouvernement les moyens de combattre plus efficacement encore le terrorisme.
Ce projet de loi est intéressant en raison de son contenu, bien sûr, mais aussi et peut-être surtout parce qu’il recueille le soutien des principales forces politiques de notre pays. §Ce rassemblement des républicains constitue en effet la meilleure réponse que nous puissions opposer aux terroristes : dans ce pays, tous les républicains sont unis pour lutter contre le terrorisme en Corse ou contre l’islamisme radical.
Lutter contre le terrorisme, c’est l’honneur des forces de l’ordre. Pour nous, l’examen du présent texte est donc également l’occasion de rendre hommage à ces dernières. Comme l’a rappelé M. le rapporteur, il est tout à fait essentiel de ne jamais baisser la garde.
M. Mézard a excellemment présenté les dispositions du texte. Si nous sommes parvenus rapidement à un accord aussi profond, c’est en particulier grâce à son action : qu’il en soit remercié. Je salue notamment le soutien qu’il a apporté au rétablissement de l’article 2 bis, dont l’introduction résultait de l’adoption d’un amendement déposé par Jean-Jacques Hyest et moi-même.
Sur le fond, j’observe que si notre législation antiterroriste est de grande qualité, elle doit sans cesse être adaptée : certains événements nous montrent que les terroristes, malheureusement, progressent parfois plus vite que nous. Nous devons donc être en mesure de leur apporter les réponses les plus pertinentes possible. §En particulier, l’utilisation des nouvelles technologies pour l’incitation au terrorisme constitue un sujet d’inquiétude.
Par ailleurs, je me félicite de la manière dont les services de renseignement travaillent désormais avec l’administration pénitentiaire : cette coopération est tout à fait opportune et nécessaire pour déceler très tôt les dérives vers la radicalisation.
Nous soutenons le dispositif de ce texte. En particulier, je reconnais bien volontiers que le gel des avoirs est une mesure nécessaire. Sur un plan pénal général, on a déjà pu apprécier le rôle de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, l’AGRASC : les criminels s’accommodent beaucoup plus facilement de purger une peine de prison que de ne pas retrouver, à leur sortie, le fruit de leurs méfaits ! L’AGRASC gère de belles villas, des bateaux de plaisance, de magnifiques voitures dont la vente permet d’indemniser les victimes !
En outre, il est tout à fait essentiel de rendre hommage aux morts.
Sur le fond, le groupe UDI-UC est donc pleinement convaincu du bien-fondé du présent projet de loi, dont M. le ministre a bien voulu rappeler qu’il n’était pas sans lien avec un texte que j’avais eu l’honneur de défendre : c’est là un exemple heureux de continuité républicaine.
Sur la forme, monsieur le ministre, je tiens à saluer la rapidité avec laquelle vous avez su convaincre vos amis politiques, eux qui, voilà quatre mois, rejetaient sans appel le texte à peu près identique que je leur soumettais !
Que vous ayez pu, en quelques jours seulement, les faire ainsi changer d’avis mérite un grand coup de chapeau de notre part !
La réunion de la commission mixte paritaire a été assez intéressante : on se serait cru au conclave au cours duquel le patriarche de Venise, détenteur du secret de l’empereur, venait donner ses ordres pour que le cardinal Merry del Val ne soit pas élu souverain pontife ! §
Que s’est-il passé ? Le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, qui est quelqu’un que j’apprécie beaucoup, nous a clairement dit être porteur d’ordres… C’était assez sensationnel !
Monsieur le ministre, il serait bon, eu égard à une philosophie qui doit vous être chère, celle du partage, que vous nous informiez également, à l’avenir, de vos ordres, afin que nous puissions avoir l’illusion d’avoir nous-mêmes opéré les choix ! §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai eu l’occasion de le dire lors de la première lecture, le texte initialement déposé par le Gouvernement n’était pas sans poser problème.
Tout d’abord, ce texte présentait des difficultés du point de vue de la méthode, en raison du déclenchement de la procédure accélérée et du peu de temps laissé à la réflexion des parlementaires.
Ensuite, sa rédaction n’était pas satisfaisante sur le fond : on ne peut pas, au prétexte que la lutte contre le terrorisme est nécessaire, faire adopter un texte dont certaines dispositions sont susceptibles de porter atteinte aux libertés individuelles.
La lutte contre le terrorisme est une nécessité impérieuse et, chacun aura eu l’occasion de le signaler, les récents événements de Toulouse, de Montauban et de Sarcelles nous ont rappelé notre vulnérabilité devant l’obscurantisme.
Je veux donc réaffirmer ici la certitude qu’a le groupe écologiste que la lutte contre toute forme de violence doit être menée sans relâche, ainsi que mon rejet de toute forme de terrorisme et ma haine des fossoyeurs de notre civilisation, …
… auxquels nous devons faire face avec détermination.
Si nous avons le devoir de mener un combat résolu contre ce fléau, nous ne devons pas pour autant agir sans prendre certaines précautions, conformément à la tradition constante du pays des droits de l’homme et de la femme que la France entend être.
Je souhaite réaffirmer aujourd’hui, comme l’a fait mon collègue écologiste Paul Molac à l’Assemblée nationale, qu’il est surtout urgent de s’attaquer aux causes profondes de l’émergence d’un terrorisme désormais endogène.
À ce titre, il est indispensable de se donner les moyens d’inventer des solutions pratiques – et non de pur principe – à l’école, en prison, dans la vie de tous les jours, pour que la laïcité ouverte qui nous rassemble retrouve tout son sens.
Il convient de développer à nouveau, dans les zones sensibles, une police de proximité, auxiliaire indispensable pour cerner à temps les problèmes et pour prévenir le basculement de certains de la délinquance dans une forme de radicalité religieuse pouvant mener au terrorisme.
Monsieur le ministre, il est tout aussi impératif de remédier aux effets du grippage de notre ascenseur social et à l’abandon de nos quartiers populaires. Si aucune action concertée, énergique et efficace n’est rapidement engagée, ces territoires risquent, à la longue, de se transformer en réservoirs de terroristes.
J’ai la certitude que, sans une prise de conscience de ces problèmes, notre combat contre le terrorisme pourrait être perdu d’avance, quel que soit le nombre de projets ou de propositions de loi dont nous serons conduits à débattre.
Considérant que la rédaction initiale du présent texte n’était pas satisfaisante au regard de la protection des libertés individuelles, le groupe écologiste s’était abstenu lors de la première lecture ; nous constatons à regret que celle du texte de la commission mixte paritaire ne l’est pas davantage.
L’article 3 a trait aux droits des étrangers et tend à modifier l’article L. 522-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, en assouplissant la procédure devant la commission d’expulsion via l’ajout d’un alinéa. Si cette commission n’a pas émis son avis sur l’expulsion dans un délai d’un mois, celui-ci est réputé rendu. Cette mesure est loin d’être anodine puisque, en cas de carence de la commission, laquelle statue en général dans des délais bien supérieurs à un mois, l’administration sera libre de décider.
Peut-être pour rester dans l’esprit d’une loi relative à la lutte contre le terrorisme, le Sénat – je le rappelle – avait restreint le champ de cette disposition aux seuls cas d’activités terroristes. Le texte de la CMP revient hélas sur cette restriction. Tous les étrangers seront concernés par cette modification du CESEDA et pourront donc faire l’objet d’une mesure d’expulsion sans avoir pu s’exprimer et se défendre devant la commission.
Les lois antiterroristes sont nécessaires, monsieur le ministre, mais elles ne doivent pas avoir d’autres objectifs que la lutte contre le terrorisme ni pouvoir être instrumentalisées à d’autres fins.
Que penser, à cet égard, d’une loi antiterroriste qui modifie la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ?
L’article 2 ter du texte de la CMP prévoit en effet la possibilité de placer en détention provisoire les personnes mises en examen pour apologie des actes de terrorisme ou provocation à commettre de tels actes. Cette disposition vient déroger au principe selon lequel la détention provisoire n’est pas possible en matière de délits de presse.
C’est la liberté d’expression qui est ici en jeu, monsieur le ministre, ainsi que la liberté de la presse, deux des libertés les plus précieuses et les plus nécessaires à notre démocratie ; des libertés dont la protection est aussi un rempart contre toutes les formes d’intégrisme et d’extrémisme.
Si la loi de 1881 a sans doute besoin d’être réformée, particulièrement son régime procédural, cela mérite certainement réflexion et concertation, et cela justifie surtout que l’on prenne les plus grandes précautions.
Les dispositions que je viens d’évoquer, ainsi que d’autres de ce texte, ont toutes des conséquences sur les garanties offertes aux individus pour la protection de leurs libertés et droits fondamentaux.
Je dois le dire : je ne suis pas convaincue que le texte qui est soumis à notre vote aujourd’hui permettra de nous protéger contre les Mohamed Merah de demain.
En l’état, les écologistes considèrent que la rédaction retenue par la CMP ne garantit pas un juste équilibre entre les exceptions au droit commun qu’elle prévoit et la protection des libertés fondamentales. Notre groupe s’abstiendra donc sur ce texte.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, par solidarité, notre droit français assimile dans certaines circonstances les actes de terrorisme à des actes de guerre. Il le fait notamment pour permettre aux enfants des victimes de bénéficier du statut de pupille de la Nation.
Dernièrement, notre collègue Jean-Yves Leconte nous a proposé de confirmer notre attachement à cette institution. Permettez-moi, monsieur le ministre, de regretter que son texte ne vienne pas en discussion en séance publique et soit systématiquement retiré de l’ordre du jour !
La réalité politique nous oblige à dire que ces deux types d’actions ne sont pas comparables, tant d’un point de vue stratégique que d’un point de vue philosophique. Alors que, en principe, la guerre répond aux règles de l’honneur, le terrorisme ne respecte que les règles de la lâcheté. Ses motivations sont bien souvent moins politiques qu’idéologiques, son action est fondée sur la violence contre les civils et son objectif est l’emprise psychologique sur les peuples épris de liberté.
Le terrorisme n’est l’ennemi que des démocraties et notre République doit se dresser impitoyablement contre lui.
Si, par chance, l’affaiblissement de ses réseaux et l’efficacité de nos services de lutte antiterroriste nous permettent d’être relativement épargnés par les attentats, les événements récents orchestrés sur notre territoire par un fanatique déséquilibré dont je ne citerai pas le nom, la tragédie d’Oslo, en 2011, et, plus récemment, les manifestations qui ont eu lieu en Irak devant l’ambassade américaine ou les événements de Corse nous rappellent que la lutte contre le terrorisme demande une adaptation continue et une fermeté sans faille.
Nous le savons, le terrorisme tire sa force d’une logique extrémiste dans laquelle il s’enferme. Malheureusement, dans un monde globalisé, le manque de structuration de son organisation joue parfois en sa faveur.
C’est pourquoi la lutte contre ces groupuscules relève d’un acharnement quotidien et d’une vigilance toute particulière. Je saisis donc cette occasion pour saluer le travail de nos services de renseignement, qui font preuve d’un engagement sans faille et d’un grand professionnalisme.
Pour autant, il est de notre responsabilité de leur donner les moyens de s’adapter et de se perfectionner dans le combat qu’ils mènent de manière admirable et sans relâche. Nous devons pour cela renforcer les outils mis à leur disposition afin d’empêcher les agissements des terroristes.
Dans le cadre de cette lutte internationale, nous devons opposer aux étrangers qui souhaiteraient venir sur notre territoire à seule fin de perpétrer des attentats et de porter atteinte à son intégrité un refus catégorique de circulation à l’intérieur de nos frontières et, le cas échéant, une expulsion ferme et définitive.
Mais, plus largement, ce qui doit être condamné, ce sont les agissements insidieux de certains de ces criminels, qui consistent généralement à entretenir la propagande et à assurer le recrutement de terroristes en puissance. La prise en compte de ces actes est importante, car ce sont eux qui contribuent à l’enracinement dans l’esprit de certains marginaux d’une haine qui se radicalise.
Ces deux orientations constituent le fil rouge du projet de loi que nous étudions aujourd’hui. L’une se traduit par la prorogation de la loi du 1er décembre 2008 portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, mais aussi par la réforme de la commission d’expulsion, l’autre par le développement des sanctions pénales contre les instigations, la propagande et le recrutement terroristes.
Ainsi, les travaux que nous avions engagés sur l’initiative de notre collègue Michel Mercier, alors garde des sceaux, portent leurs fruits.
Je peux donc réaffirmer que nous approuvons ce texte sans aucune réserve, dans l’esprit qui a toujours guidé nos travaux, la lutte contre le terrorisme étant l’une de nos préoccupations premières.
À force de travail, le droit français a fini par couvrir la grande majorité des situations. Aujourd’hui, il est vrai que la compétence spécialisée de la juridiction parisienne, la création de l’infraction d’association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme, l’allongement de la prescription des crimes et délits de terrorisme ou encore l’extension des prérogatives des services de police et de gendarmerie compétents dans ce domaine permettent de réprimer et de prévenir efficacement le passage à l’acte.
Je sais que certains ont insisté, au cours des débats, sur l’attention toute particulière qu’il fallait porter à la préservation des libertés publiques ; je crois que le texte que la commission mixte paritaire a établi va dans ce sens.
C’est d’ailleurs – le Conseil constitutionnel le rappelle en chaque occasion – le devoir du législateur que d’opérer « la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l’ordre public, sans lequel l’exercice des libertés ne saurait être assuré ».
Cette conciliation étant faite, le moment est donc venu de procéder à l’adoption du projet de loi qui nous est soumis.
Comme je l’ai dit, et je crois que cet avis est largement partagé, ce texte est à mon sens une arme nécessaire et utile pour lutter contre le terrorisme. Lorsque la France combat le terrorisme, elle se fait l’amie de l’humanité tout entière. Le groupe UMP votera donc en faveur de l’adoption des conclusions de la CMP.
Applaudissements sur les travées de l’UMP . – M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous connaissons l’enjeu que recouvre ce texte : faire face à la menace terroriste, ne jamais la minimiser, s’adapter à ses nouvelles formes. Nul n’a en effet oublié les drames de Toulouse et de Montauban. Le terrorisme peut venir de l’extérieur, d’Afghanistan ou du Mali ; il peut aussi germer dans nos quartiers.
La première question qui nous était posée, à l’occasion de l’examen de ce texte, était celle de la prévention du terrorisme.
Dans le contexte de l’affaire Merah, cette question était lourde. Pourquoi, comment Mohamed Merah, suivi depuis 2006, a-t-il pu passer à l’acte ? Pourquoi ses séjours dans des camps d’entraînement djihadistes n’ont-ils pas fait l’objet d’un suivi précis ? Pourquoi un individu repéré en juin 2011 pour sa radicalité dangereuse n’a-t-il plus fait l’objet d’une surveillance prioritaire six mois plus tard, trois mois avant qu’il ne tue sept innocents ?
Le rapport de l’Inspection générale de la police nationale, que M. le ministre de l’intérieur a eu raison de demander, a souligné ces « défaillances objectives » des services de renseignement. Elles sont en effet objectives, car elles ne relèvent pas de la simple erreur humaine, mais procèdent d’un ensemble d’omissions et de cloisonnements entre le renseignement intérieur, la police judiciaire, la sécurité publique.
Le travail critique sur ces événements, leurs causes, leur dénouement, sera poursuivi par la mission d’évaluation des services de renseignement mise en place par Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, ou par la commission d’enquête demandée par le groupe écologiste.
Ces investigations sont nécessaires, non pas uniquement pour comprendre comment un drame a pu se produire, mais aussi pour éviter que, selon la formule du ministre de l’intérieur, des dizaines d’autres Merah puissent passer à l’action.
En examinant ce texte, nous nous sommes rassemblés autour d’une première préoccupation : ne pas affaiblir ce combat difficile. Concrètement, cela implique de conforter la notion d’association de malfaiteurs, pivot du dispositif pénal, qui a été reprise par le droit européen, comme nous le rappellent constamment les magistrats spécialisés.
Lutter contre le terrorisme exige de bien connaître le cyberdjihadisme. En préparant cette intervention, hier soir, j’ai eu la curiosité de consulter l’un de ses sites, Global Jihad. Je dois dire que j’en suis resté effaré. La page d’accueil donne le mode d’emploi du terrorisme moderne : « le Jihad mondial a deux piliers : les kamikazes sur le plan opérationnel et internet pour la gestion. […] Les trois composantes de commandement, de contrôle et de communication indispensables à toutes opérations réussies, y compris les attaques terroristes, sont réalisées presque exclusivement par internet. Le cyberespace est également le principal outil du militantisme islamique de la propagande, du recrutement et de la collecte des fonds. »
Tout est dit ! Nous voyons bien que, face à une telle volonté de tuer, affirmée à presque toutes les pages du site, il convient de renforcer nos dispositifs.
Nous l’avons fait en autorisant l’accès des services de renseignement aux données de connexion, sous l’égide – nous y tenions – d’une autorité administrative indépendante, en renforçant les moyens de procédure, par exemple avec l’allongement des délais de prescription concernant la loi sur la presse applicable aux cas de terrorisme, tout en conservant –j’ai entendu ce que disait Mme Benbassa – le cadre de la loi de 1881, ou encore en prorogeant la date de consultation de divers fichiers.
Bien entendu, prévenir ne suffit pas ; il faut réprimer. Actuellement, les magistrats ne peuvent, sauf rares exceptions, poursuivre en France un délit terroriste commis à l’étranger. Le texte leur en donnera la possibilité. Le Sénat est d’ailleurs allé plus loin que sa rédaction initiale, qui ne visait que les Français, en incluant dans le champ du dispositif toute personne disposant d’un titre de séjour en France. La commission mixte paritaire s’est finalement accordée pour faire référence à « toute personne résidant habituellement sur le territoire français », notion qui inclut les citoyens européens et les personnes en situation irrégulière.
À l’instar de M. le rapporteur, je ne cacherai pas que l’article 3, relatif aux procédures devant les commissions d’expulsion, a donné lieu à de nombreuses discussions, parfois un peu longues, entre les deux assemblées. Toutefois, comme nous le rappelle régulièrement M. le président de la commission des lois, nous sommes dans notre rôle chaque fois que nous veillons au respect des droits fondamentaux.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que, sur l’initiative du Sénat, un droit nouveau a été conféré aux personnes menacées d’expulsion, celui d’obtenir le renvoi de leur affaire pour un motif légitime. L’Assemblée nationale a accepté cette disposition.
Nous avons également souhaité que les différents délais soient mentionnés dans la loi, et non renvoyés à un décret.
Restait un point qui nous préoccupait : à qui la nouvelle procédure d’expulsion devait-elle s’appliquer ? En soulevant cette question, nous entendions prévenir toute confusion –confusion trop souvent rencontrée ces dernières années – entre étrangers et auteurs d’actes de terrorisme.
Les membres de la commission mixte paritaire ont procédé à une lecture très attentive des différentes dispositions du CESEDA, notamment de ses articles L. 521-1, L. 521-2 et L. 521-3. Celle-ci nous a rassurés : il en ressort que cette procédure d’expulsion ne concerne que l’étranger dont la présence en France constitue une grave menace pour l’ordre public. En outre, un certain nombre d’étrangers se trouvent exclus du champ de cette procédure, notamment les parents d’enfants mineurs résidant en France, les conjoints de Français ou les étrangers vivant depuis plus de dix ans régulièrement en France : dans ces cas, l’expulsion doit constituer une « nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État et la sécurité publique ».
Enfin, les étrangers vivant en France depuis vingt ans ou depuis l’âge de 13 ans, les conjoints de Français depuis plus de quatre ans et les parents, résidant en France depuis plus de dix ans, d’enfants mineurs résidant en France ne peuvent être expulsés qu’en cas de « comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, ou liés à des activités à caractère terroriste ou constituant des actes de provocation expliciteet délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ».
Les expulsions visées par le présent texte sont donc toutes liées à la préservation de l’ordre public ou de la sûreté de l’État ou à des activités terroristes. Dans tous les cas, elles seront précédées de l’avis, généralement suivi par l’autorité administrative, d’une commission composée de trois magistrats.
Au vu de l’ensemble de ces dispositions, nous avons considéré que nous pouvions accepter de conserver une procédure unique d’expulsion dans le CESEDA.
J’ai rappelé tout à l’heure combien notre assemblée tenait à exercer la plénitude de ses attributions. Ce souci nous a conduits à refuser de ratifier l’ordonnance relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure. Il s’agissait là pour nous d’une question de principe. Nos collègues de l’Assemblée nationale nous ont dit avec franchise l’avoir accepté au nom du pragmatisme. Ils considèrent que, même avec davantage de temps pour examiner les quelque 550 articles du code de la sécurité intérieure, notre travail n’aurait pas nécessairement été de meilleure qualité. Nous avons préféré maintenir notre position, que nos collègues députés ont finalement ralliée. Nous pouvons tous nous en féliciter : en tant que législateur, nous ne pouvons pas faire aveuglément confiance, sans nous assurer que le droit concerné par les textes soumis à notre ratification est bien constant. À cet égard, M. Hyest a rappelé que l’expérience, s’agissant des ordonnances relatives à l’outre-mer, nous a instruits sur la relativité de cette constance… Il est notre devoir de législateur de refuser de ratifier une ordonnance dans de telles conditions.
Reste un dernier article introduit via l’adoption d’un amendement du Gouvernement et correspondant à un engagement du Président de la République. Chacun a perçu la détresse des familles des victimes de Mohamed Merah ou des attentats de Karachi. Elles se trouvent prises dans l’engrenage monstrueux d’un terrorisme qui frappe l’État ou la Nation à travers des personnes innocentes ; pourtant, elles n’étaient pas considérées jusqu’à présent comme des victimes d’une guerre qui, pour être secrète, n’en est pas moins réelle.
Le nouvel article 6 bis a fait l’objet d’un consensus. Il introduit dans notre droit la mention de « Victime du terrorisme » et celle de « Mort pour le service de la Nation ». Au-delà du symbole, en lui-même déjà très important, cet article produira des effets concrets en matière de pensions ou d’attribution du statut de pupille de la Nation.
En adoptant ce dispositif qui sera soumis à la décision du garde des sceaux, chargé de l’état civil, nous réparons une injustice et nous montrons l’unité de la Nation face au terrorisme.
Je conclurai en saluant à mon tour l’engagement du ministre de l’intérieur. Sa mobilisation et son ouverture d’esprit ont permis d’obtenir un large accord au sein des deux assemblées. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, à l’occasion de chaque discussion d’un texte relatif à la lutte contre le terrorisme, nous condamnons tous avec la plus grande fermeté ces atteintes à la République que sont les actes ou les menaces terroristes, sous toutes leurs formes, où qu’ils se produisent et quels qu’en soient les responsables.
Les actes à caractère terroriste commis sur le sol de la Corse sont intolérables et méritent d’être condamnés avec la plus grande sévérité. Les Corses sont inquiets, à raison. Au-delà des déclarations, affronter cette situation suppose de prendre les mesures nécessaires, en écoutant attentivement les élus locaux. Certains d’entre eux ont été cités ici ; pour ma part, je voudrais saluer particulièrement mon ami Dominique Bucchini, président de l’Assemblée de Corse, qui fait preuve de courage et de détermination, ne ménage pas ses efforts, ne mâche pas ses mots pour dénoncer ces actes et formuler des propositions en vue d’attaquer le mal à sa racine et de lutter contre les dérives criminelles.
Cette « union sacrée » ne doit cependant pas faire oublier que les débats relatifs à la lutte contre le terrorisme ont toujours soulevé un dilemme démocratique : comment concilier quête de sécurité et respect des libertés et des droits fondamentaux ?
Pour notre part, nous nous sommes toujours refusés à concevoir le combat contre le terrorisme à travers le seul prisme sécuritaire et avons toujours été attentifs au respect des droits fondamentaux. Nous considérons en effet que le respect des droits humains et des libertés fondamentales n’est pas un luxe réservé aux époques de prospérité.
Nous n’avons eu de cesse d’affirmer que la démocratie n’est pas un acquis. La faire vivre requiert une vigilance permanente et un travail constant. Elle repose sur un ensemble de libertés et de droits que l’on ne peut démanteler, même dans les moments difficiles, sans porter atteinte à ses fondements mêmes.
Des réalités aussi fondamentales que celle d’aller et venir ou le droit au respect de la vie privée sont en réalité la base d’une sécurité durable, et non un obstacle à celle-ci.
C’est la raison pour laquelle les articles 1er, 2 et 3 de ce projet de loi ne peuvent nous satisfaire.
Je n’y reviendrai pas dans le détail, mais je rappelle que l’article 1er proroge jusqu’au 31 décembre 2015 les articles 3, 6 et 9 de la loi du 23 janvier 2006, dont le dispositif avait été adopté à titre expérimental. Comme l’ensemble de la gauche l’avait souligné, notamment en 2008, l’article 3 de cette loi vise à lutter non pas contre le terrorisme, mais bien contre l’immigration clandestine, en instaurant un amalgame inadmissible entre terrorisme et immigration.
L’article 2 a pour objet l’extension de l’application de la loi pénale française aux actes de terrorisme de nature délictuelle commis à l’étranger. Cette possibilité existe déjà, notamment grâce à la notion d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, qui permet de poursuivre les auteurs de tels faits. De plus, cette notion large laisse de facto beaucoup de souplesse au régime antiterroriste français. Des Français détenus à Guantanamo, libérés par les autorités des États-Unis, ont ainsi été condamnés à leur retour dans notre pays.
L’article 3 dispose que si la commission départementale d’expulsion n’a pas émis son avis dans un délai d’un mois, il sera réputé rendu. Cela fera supporter aux ressortissants étrangers les conséquences des encombrements des audiences des commissions d’expulsion. En effet, depuis la loi du 24 août 1993, dite « loi Pasqua », les avis de cette commission ne revêtent qu’un caractère consultatif et, à la suite de multiples modifications du CESEDA, elle n’est pas saisie en cas d’urgence absolue.
Introduire ainsi la notion de rejet implicite revient à anéantir doucement mais sûrement le rôle de la commission d’expulsion, pourtant essentiel à la garantie des droits de la défense.
Cette situation est d’autant plus déplorable que l’Assemblée nationale a élargi le champ d’application de l’article 3 : le Sénat avait souhaité le restreindre aux activités à caractère terroriste, mais les députés sont revenus sur ce point, entretenant, là encore, une confusion entre les dispositions relatives au terrorisme et celles qui ont trait à l’immigration.
Mes chers collègues, vingt-six années de législation antiterroriste ont-elles permis de réduire le phénomène ? La question est complexe ; la réponse, pour autant qu’il y en ait une, ne l’est pas moins. En tout état de cause, à l’évidence, ce n’est pas en accroissant notre arsenal législatif en réaction à des actes plus horribles les uns que les autres que nous identifierons les causes réelles du terrorisme afin de mieux les combattre : il y faut du temps.
Surtout, nous ne devons pas nous satisfaire d’une politique sécuritaire qui se bornerait à un fichage généralisé, chaque citoyen étant considéré comme un terroriste potentiel. En cette matière plus qu’en toute autre, le législateur doit donc prendre le temps de l’analyse, à travers un contrôle politique, juridique et citoyen de la situation, avant d’envisager les mesures nécessaires.
Or le texte qui nous est proposé prévoit, à l’inverse, de proroger des mesures qui ont déjà prouvé leur inefficacité, par exemple lors du drame de Toulouse. De surcroît, le gouvernement précédent n’a pas respecté l’obligation de déposer chaque année un rapport d’évaluation de ces dispositions instaurée à l’article 32 de la loi de 2006. Par ailleurs, le rapport sur les éventuels dysfonctionnements des services de renseignement français demandé par M. le ministre de l’intérieur ne nous a pas encore été communiqué. Cela étant, je me félicite de ce que la création d’une commission d’enquête portant sur ce sujet vienne d’être décidée par l’Assemblée nationale.
Il serait donc logique et de bonne méthode d’adopter une approche inverse : d’abord analyser, puis légiférer. Le recours à la procédure d’urgence ne saurait, pas plus aujourd’hui qu’hier, se justifier, eu égard à l’inachèvement du travail d’analyse entrepris, sinon pour proroger des dispositions mises en place par l’ancienne majorité, que l’ensemble de la gauche, je le répète, avait pourtant critiquées et rejetées.
Chers collègues, la perplexité dont vous avez fait montre lors de l’adoption de ces dispositions, confortée depuis par la démonstration de leur inefficacité, devrait vous conduire à prendre le temps de les analyser en profondeur, dans l’intérêt de tous.
Mme Esther Benbassa applaudit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE avait unanimement approuvé, lors de la première lecture, le présent projet de loi. C’est tout naturellement que nous confirmerons notre vote à la suite de l’accord trouvé par la CMP. Nous souhaitons que l’esprit de concorde qui avait animé nos débats en première lecture perdure, car il est, à nos yeux, des enjeux qui engagent la Nation tout entière et qui transcendent, par nature, les clivages partisans. On ne peut que se réjouir que tous ceux qui sont attachés aux valeurs de la République se rassemblent pour approuver à la quasi-unanimité un texte destiné à lutter contre le terrorisme. Sachez, monsieur le ministre, s’il fallait encore vous en convaincre, que vous pourrez toujours compter sur l’appui de notre groupe sur ces questions.
Sans être majeurs, les points de désaccord entre les deux assemblées n’étaient pas insignifiants. Je tiens à saluer ici la persuasion dont a su faire preuve notre rapporteur pour rallier nos collègues députés à nombre des positions adoptées par le Sénat en première lecture. Je pense en particulier au rétablissement du délit d’incitation à commettre un acte de terrorisme, à la suppression du délit de chantage, ou encore au rétablissement du délai d’un mois dans lequel doit statuer la commission départementale d’expulsion. Les solutions retenues par la CMP nous paraissent non seulement plus raisonnables, mais aussi plus propres à renforcer l’efficacité de nos services.
La procédure accélérée ayant été engagée par le Gouvernement, à juste titre, ce n’est qu’à ce stade de la navette que le Sénat peut examiner d’importantes dispositions introduites à l’Assemblée nationale.
En premier lieu, les dispositions relatives aux opérations de gel des avoirs financiers de personnes physiques ou morales liées au terrorisme viennent tout à fait opportunément compléter notre arsenal juridique de lutte contre le terrorisme. En visant des personnes qui incitent à commettre des actes terroristes, par exemple des prédicateurs fanatiques, elles vont permettre de frapper au portefeuille ceux qui croient que la liberté d’expression n’implique aucune responsabilité.
Dans le même registre, l’article 2 sexies permettra d’obliger les banques à lever le secret bancaire pour que les autorités administratives puissent préparer une mesure de gel des avoirs, au lieu de devoir attendre, comme c’est le cas aujourd’hui, que l’arrêté ait été pris.
En second lieu, l’article 6 bis, introduit sur proposition du Gouvernement, tend à créer deux mentions : d’une part, la mention « Mort pour le service de la Nation », destinée à figurer sur l’acte de décès d’un militaire ou de tout agent public tué en service ou en raison de sa qualité, et, d’autre part, la mention « Victime du terrorisme », destinée à figurer sur l’acte de décès de toute personne victime du terrorisme.
Ces deux mentions comblent utilement un vide symbolique. J’ai reçu vendredi dernier à Toulouse la mère de l’un des militaires tués par Merah : elle qui mène courageusement un remarquable travail de témoignage dans les cités s’est montrée très sensible à la création de ces mentions.
Toute attaque terroriste est un crime non seulement contre la société, mais aussi contre la République, et porte atteinte à la cohésion de la Nation. Dès lors, il nous paraît salutaire que celle-ci reconnaisse symboliquement les victimes du fanatisme terroriste.
Par ailleurs, il nous semble tout aussi utile que les militaires ou les agents publics morts en fonction ou en raison de leur qualité bénéficient également d’une reconnaissance particulière.
La rédaction adoptée par la CMP nous paraît équilibrée, dans la mesure où elle laisse, pour l’attribution de chacune des mentions, un pouvoir d’appréciation au ministre compétent.
Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire se caractérise par un équilibre entre la protection de l’ordre public et le respect des droits fondamentaux, articulation à laquelle le groupe RDSE est naturellement très attaché.
À notre sens, les moyens juridiques mis à la disposition de nos services de police, de renseignement et de justice sont confortés dans leurs principes et améliorés dans leur efficacité ou, plus exactement, ils devraient l’être. Si je dis cela, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, c’est parce qu’une réunion devait être organisée samedi dernier dans ma ville, à l’université du Mirail, par un responsable du FPLP, le Front populaire de libération de la Palestine, qui est, je le rappelle, une organisation terroriste. Cette réunion était annoncée par une affiche représentant une femme en keffieh, une arme automatique à la main. Je suis perplexe : comment cet homme peut-il circuler librement dans notre pays ? On se doute bien qu’il ne tient pas des conférences pour prêcher l’amour du prochain ! D’après les informations dont je dispose, il était hier à Toulouse, il se trouve aujourd'hui à Paris et sera demain à Montpellier. Je ne comprends pas que l’on ne puisse pas au moins contrôler son identité. Certes, la réunion en question a attiré peu de monde, mais les visages des personnes assises aux premiers rangs ont été floutés sur la photographie parue dans le quotidien régional : pourquoi se cachent-ils ? On croirait une conférence de presse du FLNC canal historique !
Je tenais à évoquer ce sujet. Il n’en demeure pas moins que nous apprécions le travail réalisé par M. Valls à la tête de son ministère. Bien entendu, le groupe RDSE votera à l’unanimité ce projet de loi. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face au terrorisme, nous devons être unis pour défendre la République et la démocratie, qui sont attachées aux libertés : c’est leur honneur d’y tenir, quand bien même la menace terroriste est présente. En effet, renoncer à nos principes équivaudrait, d’une certaine façon, à concéder une victoire au terrorisme.
Nous sommes donc aux côtés du Gouvernement et du Président de la République pour œuvrer avec détermination contre le terrorisme.
Nous avons approuvé l’instauration des mentions « Mort pour le service de la Nation » et « Victime du terrorisme », même si notre rapporteur a indiqué tout à l'heure qu’il eût été préférable que le Sénat examinât lui aussi ces dispositions, ce que le recours à la procédure accélérée n’a pas permis. Quoi qu’il en soit, nous estimons qu’il est juste de créer de telles mentions. C’est pourquoi la commission mixte paritaire a approuvé les dispositions en question à l’unanimité. Nous avons amélioré le texte en précisant que l’initiative devait revenir au ministre compétent, en l’occurrence le ministre de la justice pour ce qui concerne la mention « Victime du terrorisme ».
Telle est était la première remarque que je tenais à formuler.
Tout à l’heure, notre collègue Michel Mercier a dit que les parlementaires de l’actuelle majorité avaient été vite « convertis », en quelques mois. Or tel n’est pas tout à fait le cas.
En effet, les textes relatifs à la lutte contre le terrorisme dont nous avons débattu dans cet hémicycle au fil des années présentaient tous la particularité de faire un amalgame entre le terrorisme, la sécurité, l’immigration et les étrangers, contre lequel nous nous sommes constamment élevés. Nous avons considéré – plusieurs orateurs l’ont souligné – qu’un tel amalgame n’était pas acceptable ; notre ancien collègue Robert Badinter était le premier à le dénoncer.
C’est pourquoi, lors de la première lecture, le Sénat s’est honoré de voter un texte qui, du premier article au dernier, ne portait que sur la question du terrorisme.
Mme Éliane Assassi manifeste son scepticisme.
Chacun a sa part de vérité, comme disait François Mitterrand…
Toujours est-il que nous avons eu un long débat en commission mixte paritaire sur l’article 3. Alain Anziani l’a rappelé, si nous avons accepté la rédaction qui est soumise aujourd’hui au Sénat, c’est, madame Assassi, parce que le texte vise uniquement les étrangers qui représentent une menace grave pour l’ordre public et dont l’expulsion est une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État et la sécurité publique. Je sais que le ministre de l’intérieur sera extrêmement vigilant sur ce point. D’ailleurs, s’il devait en être autrement, les tribunaux pourraient être à bon droit saisis.
Je le répète, sont donc visés les cas où il y a menace grave pour l’ordre public et où l’expulsion est une nécessité impérieuse : il ne s’agit en aucun cas de banaliser un dispositif qui s’appliquerait à tous les étrangers installés en France ou même aux étrangers ayant commis telle ou telle infraction. C’est à ces conditions que nous avons souscrit aux conclusions de la commission mixte paritaire.
Pour terminer, je voudrais remercier tous les participants à ce débat, en particulier notre rapporteur Jacques Mézard, qui a beaucoup travaillé. Après lui, je tiens à réaffirmer notre profond attachement à l’indépendance du Parlement. La commission mixte paritaire est un lieu où l’on doit débattre en totale indépendance : cela va de soi, mais je le dis quand même. Nous devons, les uns et les autres, y veiller. Pour avoir déjà quelques décennies de vie parlementaire derrière nous, vous et moi savons bien, monsieur le ministre délégué, que les gouvernements ont souvent quelque intérêt à prendre en compte les apports du Parlement, même quand ils pensent avoir raison… En l’espèce, j’estime que le texte a été amélioré grâce à l’action des députés et des sénateurs.
C’est dans cet esprit d’union contre le terrorisme, d’attachement à nos libertés et de refus de tout amalgame avec d’autres dispositions que nous soutenons le présent texte.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat, lorsqu’il est appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, statue d’abord sur les amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
La section 2 du chapitre III du titre Ier du livre Ier du code pénal est complétée par un article 113-13 ainsi rédigé :
« Art. 113-13. – La loi pénale française s’applique aux crimes et délits qualifiés d’actes de terrorisme et réprimés par le titre II du livre IV commis à l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français. »
(Supprimé)
Après l'article 421-2-3 du code pénal, il est inséré un article 421-2-4 ainsi rédigé :
« Art. 421-2-4. — Le fait d'adresser à une personne des offres ou des promesses, de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques, de la menacer ou d'exercer sur elle des pressions, afin qu'elle participe à un groupement ou une entente prévu à l'article 421-2-1 ou qu'elle commette un des actes de terrorisme mentionnés aux articles 421-1 et 421-2, est puni, même lorsqu'il n'a pas été suivi d'effet, de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende. »
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :
1° Après le mot : « être », la fin de l’article 52 est ainsi rédigée : « placée en détention provisoire que dans les cas prévus à l’article 23 et aux deuxième, troisième, quatrième et sixième alinéas de l’article 24. » ;
2° À l’article 65-3, la référence : « le huitième alinéa » est remplacée par les références : « les sixième et huitième alinéas ».
Le IV de l’article 9 de la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Si des poursuites pénales ont été engagées, ce droit d’action peut également être exercé dans un délai d’un an à compter de la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l’action publique ou sur l’action civile engagée devant la juridiction répressive. Lorsque l’auteur de l’infraction est condamné à verser des dommages et intérêts, la juridiction doit informer la partie civile de sa possibilité de saisir le fonds et le délai d’un an ne court qu’à compter de cette information.
« Dans tous les cas, le conseil d’administration du fonds peut relever le requérant de la forclusion résultant de l’application des deuxième et troisième alinéas du présent IV si celui-ci n’a pas été en mesure de faire valoir ses droits dans les délais requis ou pour tout autre motif légitime. »
À la première phrase de l’article L. 562-1 du code monétaire et financier, les mots : « les facilitent » sont remplacés par les mots : « y incitent, les facilitent ».
À l’article L. 562-6 du code monétaire et financier, après les mots : « sont publiées », sont insérés les mots : « par extrait ».
I. – Le premier alinéa de l’article L. 562-8 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Après le mot : « chargés », sont insérés les mots : « de préparer et » ;
2° La première phrase est complétée par les mots : « et de surveiller les opérations portant sur les fonds, les instruments financiers et les ressources économiques desdites personnes ».
II. – Le II de l’article L. 561-29 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le service peut également transmettre aux services de l’État chargés de préparer et de mettre en œuvre une mesure de gel ou d’interdiction de mouvement ou de transfert des fonds, des instruments financiers et des ressources économiques, des informations en relation avec l’exercice de leur mission. »
I. – L’article L. 522-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La commission rend son avis dans le délai d’un mois à compter de la remise à l’étranger de la convocation mentionnée au premier alinéa. Toutefois lorsque l’étranger demande le renvoi pour un motif légitime, la commission prolonge ce délai, dans la limite d’un mois maximum à compter de la décision accordant ce renvoi. À l’issue du délai d’un mois, ou, si la commission l’a prolongé, du délai supplémentaire qu’elle a fixé, les formalités de consultation de la commission sont réputées remplies. »
II. – Après le dixième alinéa de l’article 32 de l’ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La commission rend son avis dans le délai d’un mois à compter de la remise à l’étranger de la convocation mentionnée au huitième alinéa. Toutefois lorsque l’étranger demande le renvoi pour un motif légitime, la commission prolonge ce délai, dans la limite d’un mois maximum à compter de la décision accordant ce renvoi. À l’issue du délai d’un mois, ou, si la commission l’a prolongé, du délai supplémentaire qu’elle a fixé, les formalités de consultation de la commission sont réputées remplies. »
III. – L’article 34 des ordonnances n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française et n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La commission rend son avis dans le délai d’un mois à compter de la remise à l’étranger de la convocation mentionnée au huitième alinéa. Toutefois lorsque l’étranger demande le renvoi pour un motif légitime, la commission prolonge ce délai, dans la limite d’un mois maximum à compter de la décision accordant ce renvoi. À l’issue du délai d’un mois, ou, si la commission l’a prolongé, du délai supplémentaire qu’elle a fixé, les formalités de consultation de la commission sont réputées remplies. »
IV. – Après le dixième alinéa de l’article 32 de l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La commission rend son avis dans le délai d’un mois à compter de la remise à l’étranger de la convocation mentionnée au huitième alinéa. Toutefois lorsque l’étranger demande le renvoi pour un motif légitime, la commission prolonge ce délai, dans la limite d’un mois maximum à compter de la décision accordant ce renvoi. À l’issue du délai d’un mois, ou, si la commission l’a prolongé, du délai supplémentaire qu’elle a fixé, les formalités de consultation de la commission sont réputées remplies. »
(Supprimé)
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires pour modifier la partie législative du code de la sécurité intérieure et la partie législative du code de la défense afin d’inclure dans ces codes certaines dispositions de la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.
Les dispositions à codifier sont celles de la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 précitée, sous réserve des modifications nécessaires :
1° Pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes et adapter le plan des codes ;
2° Pour abroger les dispositions devenues sans objet ;
3° Pour étendre aux Terres australes et antarctiques françaises les dispositions prévues par la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 précitée.
II. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires pour modifier la partie législative du code de la sécurité intérieure :
1° Pour remédier, dans les dispositions relatives à l’outre-mer, aux éventuelles erreurs de codification ;
2° Pour étendre, le cas échéant avec les adaptations nécessaires, certaines dispositions du code de la sécurité intérieure à la Polynésie française, aux Terres australes et antarctiques françaises, aux îles Wallis et Futuna et à la Nouvelle-Calédonie ainsi que pour permettre les adaptations nécessaires à l’application de ces dispositions à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon ;
3° Pour remédier aux omissions dans la liste des dispositions abrogées en raison de leur codification par l’ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 précitée.
III. – Les ordonnances mentionnées aux I et II doivent être prises au plus tard le 1er septembre 2013.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
I. – Après le chapitre Ier du livre IV du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :
« Chapitre I er bis
« Mention “Mort pour le service de la Nation”
« Art. L. 492 ter. – Le ministre compétent peut décider que la mention “Mort pour le service de la Nation” est portée sur l’acte de décès :
« 1° D’un militaire tué en service ou en raison de sa qualité de militaire ;
« 2° D’un autre agent public tué en raison de ses fonctions ou de sa qualité.
« Lorsque, pour un motif quelconque, la mention “Mort pour le service de la Nation” n’a pu être inscrite sur l’acte de décès au moment de la rédaction de celui-ci, elle est ajoutée ultérieurement dès que les éléments nécessaires de justification le permettent.
« Lorsque la mention “Mort pour le service de la Nation” a été portée sur son acte de décès dans les conditions prévues au présent article, l’inscription du nom du défunt sur un monument de sa commune de naissance ou de dernière domiciliation est obligatoire.
« La demande d’inscription est adressée au maire de la commune choisie par la famille ou, à défaut, par les autorités civiles ou militaires, les élus nationaux, les élus locaux, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre par l’intermédiaire de ses services départementaux ou les associations ayant intérêt à agir.
« Les enfants des personnes dont l’acte de décés porte la mention “Mort pour le service de la Nation” ont vocation à la qualité de pupille de la Nation. »
I bis. – Le I est applicable aux décès survenus à compter du 1er janvier 2002.
II. – L’article 9 de la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme est complété par un VI ainsi rédigé :
« VI. – Le ministre de la Justice peut décider, avec l’accord des ayants-droit, que la mention “Victime du terrorisme” est portée sur l’acte de décès de toute personne mentionnée au I.
« Lorsque, pour un motif quelconque, la mention “Victime du terrorisme” n’a pas pu être inscrite sur l’acte de décès au moment de la rédaction de celui-ci, elle est ajoutée ultérieurement dès que les éléments nécessaires de justification le permettent.
« Les enfants des personnes dont l’acte de décés porte la mention “Victime du terrorisme” ont vocation à la qualité de pupille de la Nation. »
III. – Au II de l’article 10 de la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme, après les mots : « paragraphes I à IV » sont ajoutés les mots : « et VI ».
Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la création de la Banque publique d’investissement (projet n° 176, texte de la commission n° 188, rapport n° 187, avis n° 186 et 185) et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la nomination des dirigeants de BPI-Groupe (proposition n° 175, texte de la commission n° 190, rapport n° 189).
Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement, la BPI, concrétise le premier des soixante engagements du Président de la République ; il est l’un des éléments majeurs de notre dispositif de reconquête de la compétitivité française. Comme j’ai coutume de le dire, la BPI est le porte-avions du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi que le Gouvernement a présenté.
Ce projet de loi, si vous l’adoptez, donnera vie à un outil de croissance offensif au service de l’économie réelle et du développement des TPE, des PME, des PME industrielles et des entreprises de taille intermédiaire, les ETI. La BPI aura pour vocation première de soutenir les entreprises qui ont un projet de croissance, en agissant comme un levier pour les financements privés. Elle sera une banque « autre » : comme je l’ai dit à l’Assemblée nationale, elle incarnera une « certaine idée de la banque ».
Pour définir les contours et les missions de la BPI, nous nous sommes appuyés sur un diagnostic lucide des faiblesses actuelles du financement de notre tissu productif.
Ces faiblesses sont d’abord financières.
En France, les TPE, les PME et les ETI rencontrent des difficultés pour se financer à court terme, alors que les délais de paiement s’allongent ; en outre, ces entreprises anticipent un durcissement de l’accès au crédit bancaire pour les financements de long terme. Ces deux failles du marché, en matière de trésorerie et de crédit d’investissement de moyen terme, sont aujourd’hui béantes.
Quant à l’accès aux fonds propres, il demeure contraint, notamment pour ce qui concerne le développement et l’innovation : on constate depuis plusieurs années un recul du capital-investissement dans notre pays.
Par ailleurs, nous manquons d’instruments de financement à l’export qui soient efficaces et compétitifs par rapport à ceux dont disposent nos voisins.
Les faiblesses de notre dispositif de financement sont également d’ordre institutionnel.
Sur le terrain, peu de chefs d’entreprise parviennent à s’orienter aisément dans le maquis des dispositifs. Qui niera, face à une telle complexité, qu’une réforme tendant à la simplification, à la rationalisation et à la mise en cohérence est nécessaire ?
Les faiblesses sont aussi stratégiques.
Il ne s’agit pas de promouvoir des constructions institutionnelles pour le plaisir intellectuel que cela peut procurer : le fait est que, aujourd’hui, l’éparpillement des dispositifs hypothèque la mobilisation des financements au service des filières d’avenir ou stratégiques ; dans ce cadre, les pouvoirs publics ne sont pas capables d’articuler correctement leurs actions de soutien aux entreprises et d’investissement dans certains secteurs.
C’est pourquoi il est nécessaire de rapprocher les outils de financement et de prise de participation et de les placer sous un pilotage unique, tout en prenant toutes les mesures nécessaires pour éviter les conflits d’intérêts. L’objet du présent projet de loi est précisément de rétablir un pilotage efficace par l’État de l’ensemble des instruments de financement, au service d’une stratégie commune mise en œuvre par un même opérateur : la Banque publique d’investissement.
Enfin, notre dispositif de financement de l’économie présente des faiblesses opérationnelles, qui découlent des précédentes. En effet, les faiblesses financières, institutionnelles et stratégiques que j’ai soulignées ont nécessairement pour conséquence un modus operandi d’une excessive complexité sur le terrain.
La création de la BPI apportera une réponse précise et exigeante à chacune de ces défaillances. Concrètement, le présent projet de loi vise à donner une existence juridique à la Banque publique d’investissement, à en préciser les missions et à en déterminer les modalités de gouvernance, tant à l’échelon national qu’à l’échelon régional.
Néanmoins, mesdames, messieurs les sénateurs, vous imaginez bien que donner vie et chair à la BPI est un effort qui dépasse l’adoption du projet de loi soumis à votre examen : une construction financière complexe devra être mise en place.
Ainsi, des opérations de nature capitalistique ou organisationnelle sont menées en parallèle afin que la BPI puisse être opérationnelle le plus rapidement possible, c’est-à-dire dès le début de l’année 2013. Des équipes sont déjà à l’œuvre, sous la responsabilité d’un préfigurateur, M. Nicolas Dufourcq. Je souhaite que le premier conseil d’administration de la BPI se réunisse au mois de janvier – en région, dans la mesure du possible, car la BPI sera la banque des territoires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à quoi servira la BPI ? Pour dire les choses très simplement, l’objectif, ambitieux, est d’en faire la banque de la croissance française ! Je répète qu’elle ne sera pas une banque comme les autres : elle sera d’abord la banque des entreprises, celle qui permettra aux TPE, aux PME-PMI et aux ETI de croissance de financer leur essor, de grandir et d’exporter.
La BPI sera un instrument financier global. Elle offrira et distribuera l’ensemble des outils nécessaires au développement des entreprises, en termes de soutien financier, de conseil et d’accompagnement : prêts, garanties, financement de l’innovation, financement de l’internationalisation des entreprises. Tous ces outils sont actuellement éclatés entre OSEO, le Fonds stratégique d’investissement, FSI Régions et CDC Entreprises, UbiFrance et la COFACE ayant en outre vocation à rejoindre, à terme, la BPI.
Un tel rassemblement de toutes les forces permettra un progrès. Est-ce à dire que la BPI fera la même chose que les instruments actuels ? Elle fera non seulement mieux, mais aussi plus, en rendant de nouveaux services aux entreprises.
La BPI sera l’outil financier des politiques nouvelles que nous lançons, notamment dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Je rappelle que sa capacité d’intervention s’élèvera à plus de 40 milliards d’euros, ce qui est un montant très substantiel ; en tenant compte de l’effet de levier sur le secteur privé, qui cofinancera les actions, cette capacité financière sera même en fait supérieure à 70 milliards d’euros.
Il reste que l’on ne peut pas tout attendre de la BPI. Nous mettons en place un outil extrêmement important, mais, en entendant s’exprimer les impatiences dans nos régions, j’ai parfois l’impression que l’on surestime ses possibilités : la BPI ne sera pas la baguette magique du financement de l’économie ! Elle sera néanmoins un levier d’action nouveau, d’une force considérable, pour le financement de notre économie.
D’abord, la BPI ne sera pas un guichet passif. Le « guichet unique », ce n’est pas un guichet devant lequel on fait la queue pour remplir des formulaires ! La BPI accompagnera individuellement un millier de PME et d’ETI à l’export. Ensuite, en application du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, elle développera de nouveaux services, tels le dispositif de trésorerie de 500 millions d’euros que nous mettrons en place au 1er janvier 2013 au bénéfice des PME, le préfinancement du crédit d’impôt recherche et celui du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. À cet égard, qu’il soit bien clair que le préfinancement du CICE par la BPI s’adressera le plus possible aux PME, et non pas aux grandes entreprises, qui pourront faire valoir leurs créances auprès du réseau bancaire. Cela ne signifie pas que la BPI sera un instrument de débudgétisation : pour préfinancer le CICE, elle mettra en place un dispositif de garanties permettant de mobiliser le secteur bancaire sur des segments du marché auxquels il ne s’intéresserait pas spontanément.
La BPI sera aussi la banque du tissu économique de nos territoires. Elle accompagnera, au plus près du terrain, celles et ceux qui, hors des grands groupes, sont porteurs de projets de développement, d’expansion ou innovants, mais qui peinent à trouver sur les marchés les financements dont ils ont besoin.
La structure même de la BPI reflétera ce souci de servir l’économie réelle et les entreprises de croissance : banque nationale, elle offrira et distribuera ses outils via un réseau unique de directions régionales, au plus près des territoires. Ce réseau comportera vingt-deux directions métropolitaines et des directions dans les territoires d’outre-mer. Sa structuration, qui pourra connaître des déclinaisons différentes en fonction des souhaits des collectivités régionales, est l’une des premières missions de Nicolas Dufourcq.
Je veux rappeler devant le Sénat l’engagement pris par le Président de la République à l’égard des présidents de conseil régional : la BPI sera le moyen de mutualiser les interventions entre l’État et les régions, d’accueillir ensemble les entreprises. En vérité, ce projet témoigne de notre volonté de mettre toutes les collectivités publiques au service du redressement productif.
La BPI sera aussi la banque de la stratégie industrielle du Gouvernement. Banque nationale publique, elle obéira à une logique propre : sa structure permettra de développer le soutien financier aux filières stratégiques pour l’économie du pays. C’est ainsi que 2 milliards d’euros seront confiés à la BPI, au titre du programme des investissements d’avenir, pour apporter des financements aux cinq filières industrielles stratégiques identifiées au sein du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.
Enfin, la BPI sera un instrument au service de l’avenir et de la croissance. Élu d’une région qui connaît une profonde et douloureuse mutation industrielle, je le dis avec fermeté : la BPI sera un moteur, pas une roue de secours ; ce serait d’ailleurs contraire au droit européen. « On ne croit plus aux sauveurs de la patrie ; ils ont gâté le métier » : c’est un mot de Talleyrand que j’aime bien ! Encore une fois, ne considérons pas la BPI comme une baguette magique et ne donnons pas l’impression qu’elle va sauver toutes les entreprises de France, car ce n’est pas son rôle !
Cela ne signifie pas, pour autant, que nous ne devrions pas traiter, et bien traiter, les cas des entreprises en difficulté ; mais d’autres outils et d’autres interlocuteurs existent pour relever ces défis.
Il y a, tout d’abord, des politiques nationales destinées à prévenir les difficultés. C’est ainsi que j’ai lancé un plan pour améliorer la trésorerie des entreprises en réduisant les délais de paiement : des délais de paiement plus courts, ce sont des besoins de trésorerie en moins et, souvent, des faillites évitées.
Il y a, ensuite, les outils de prévention. Je proposerai dans quelques jours la nomination d’un nouveau médiateur du crédit. En outre, les entreprises qui connaissent des difficultés peuvent s’adresser aux commissaires au redressement productif mis en place par Arnaud Montebourg dans toutes les régions de France.
Il y a, enfin, pour préserver l’emploi, les politiques de soutien et d’accompagnement des entreprises qui vont mal. C’est pour aider les entreprises en difficulté que Christiane Taubira a lancé la réforme de la justice commerciale dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.
Nous n’opposons pas les « belles » entreprises, auxquelles la BPI serait consacrée, et les autres. Il n’est pas question de laisser de côté les entreprises qui souffrent. Mais il est indispensable – je le dis sans ambigüité, c’est la vocation de la BPI – d’aider, d’accompagner le développement, la « montée en gamme » de nos entreprises, afin qu’elles puissent être performantes, innovantes, conquérantes.
L’expression « montée en gamme » est au cœur du rapport Gallois, dont on n’a retenu qu’une idée, la baisse du coût du travail, alors que c’est loin d’être la seule piste proposée. La baisse du coût de travail, comme les autres éléments du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, a pour objectif de permettre à notre industrie de relever la tête, de gagner en compétitivité sur le plan international face aux entreprises industrielles des autres pays, à commencer par l’Allemagne.
J’évoquerai maintenant la structure et la gouvernance de la BPI, qui est, je le dis clairement devant vous, un projet politique.
Je passerai rapidement sur la structure, que vous connaissez : la BPI sera constituée d’une structure de tête, dont l’État et la Caisse des dépôts et consignations seront actionnaires à parité, et de filiales spécialisées dédiées à ses principaux métiers. Au départ, ces filiales seront au nombre de deux : une pour le financement, une pour l’investissement.
Je ne reviens pas sur les débats suscités par la presse spécialisée. Depuis le départ, le Gouvernement a présenté un projet clair, qui n’a pas changé, prévoyant la création d’un groupe public intégré et assurant la séparation des activités, pour plus de sécurité. La structure de tête sera chargée de définir la stratégie d’ensemble du groupe, d’assurer le pilotage de son réseau régional et du contrôle des risques, et d’affecter les ressources du groupe selon ses priorités.
Une gouvernance opérationnelle intégrée associant l’ensemble des forces vives du pays caractérisera la BPI. Cela aussi montre que la BPI ne sera pas une banque comme les autres.
Cette gouvernance reposera sur un conseil d’administration exécutif de quinze membres, présidé par un président non exécutif du groupe, où ses actionnaires auront la majorité. Disons-le, c’est le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations qui a vocation à présider ce conseil d’administration.
Sur le plan opérationnel, la BPI sera dirigée par un directeur général exécutif, qui présidera également – il faut qu’il ait un vrai leadership, une vraie autorité – les conseils d’administration des différentes filiales. Sa nomination sera soumise à l’avis des commissions des finances des deux chambres.
Surtout, nous voulons une BPI qui laisse toute sa place au collectif. Sa gouvernance associera donc l’ensemble des forces vives du pays. Partenaires sociaux, représentants des salariés, des entreprises et des secteurs d’intervention prioritaires de la BPI siégeront à son comité national d’orientation, lequel participera à l’élaboration de la stratégie et sera présidé par un président de région. Pour ne rien vous cacher, c’est le président de l’Association des régions de France qui a vocation à présider ce comité national d’orientation.
Bref, nous entendons créer une institution financière exemplaire. Encore une fois, la BPI ne sera pas une banque comme les autres.
J’insiste sur ce point, car il est crucial à mes yeux : la structure que nous proposons, enrichie par les travaux des députés et bientôt par les vôtres, est exemplaire.
Elle est exemplaire au regard de ses activités : il n’y aura pas d’activité de compte propre au sein de la BPI, ni d’activités spéculatives, mais uniquement des activités pour le compte de ses clients. Je reviendrai bientôt devant vous pour présenter la réforme bancaire, qui vise à remettre la finance au service de l’économie réelle, mais nous avons là un outil qui, d’emblée, est au service de cette dernière.
Elle exemplaire dans son organisation : aucun conflit d’intérêts n’entachera la BPI.
C’est pour cela que nous séparons les activités de crédit des activités d’investissement.
C’est pour cela que les élus participeront à des organes d’orientation de l’activité de la BPI, mais pas aux comités d’investissement qui prendront les décisions financières individuelles. Ce point fut l’objet de débats à l’Assemblée nationale, mais je pense que c’est une position sage : s’il est tout à fait normal que les élus soient présents dans une banque qui est celle des territoires, il faut en même temps faire en sorte que les choses soient claires.
C’est pour cela, enfin, que l’Autorité de contrôle prudentiel assurera une stricte surveillance.
Les discussions à l’Assemblée nationale et au sein de la commission des finances de la Haute Assemblée ont contribué à rendre cet outil plus exemplaire encore. Elles ont permis d’enrichir le texte, pour faire de la BPI le porte-étendard de plusieurs des principes clairement posés par le Gouvernement : la parité – il faudra qu’elle soit respectée d’emblée dans les organes de gouvernance –, la transparence totale et la modération des rémunérations, un contrôle accru du Parlement, la garantie que le législateur pourra contrôler toute ouverture du capital de la BPI.
Ce sont là des apports majeurs, et je veux saluer le travail constructif et exigeant des parlementaires. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pourrez être fiers de donner naissance, par vos votes, à une institution financière novatrice et, je le redis, exemplaire dans sa gouvernance.
Enfin, je veux faire de la BPI un instrument puissamment ancré dans les territoires, qu’il doit contribuer à développer.
Pour la première fois, nous créons une entreprise publique pour porter l’action conjointe de l’État et des collectivités. Conformément aux engagements pris par le Président de la République, la Banque publique d’investissement est fondée sur un partenariat entre l’État et les régions, qui pourront mettre leurs moyens en commun au service du financement des entreprises.
En témoigne la proposition que j’ai faite aux régions, au travers du projet de loi, de participer directement à la gouvernance opérationnelle de la BPI. C’est un grand élu local, le président de l’ARF, M. Alain Rousset, qui présidera son comité national d’orientation. Je suis heureux de dire que nous avons pu poser avec lui les bases d’une gouvernance équilibrée et partagée. En outre, deux représentants des régions siégeront au conseil d’administration de la BPI.
Plus directement, sur le terrain, les présidents de région présideront le comité régional d’orientation : cet élément important du dispositif, hélas oublié dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, a heureusement d’ores et déjà été rétabli par votre commission des finances. Nous devons profiter de notre discussion de ce jour pour jeter les bases définitives de la gouvernance régionale de la BPI.
La BPI et les régions pourront ainsi mettre leurs actions en cohérence et investir ensemble dans des entreprises de croissance. Par exemple, elles pourront créer de concert des fonds communs d’intervention, en lien avec le schéma régional de développement économique.
Un chiffre résume à lui seul cette ambition de proximité et affirme sa crédibilité : 90 % des décisions financières seront prises à l’échelon régional, au plus près du terrain et des entreprises.
Nous avons voulu créer une BPI ancrée dans les territoires, associant l’État et les régions. Ce n’est pas seulement pour moi un choix politique ; c’est une condition essentielle du succès de ce grand projet.
Je sais que c’est un point auquel votre assemblée est particulièrement sensible ; le texte que vous examinez est, je le crois, convaincant à cet égard, même s’il peut encore être amélioré. Là encore, je suis disponible pour examiner les amendements que, dans votre sagesse, vous présenterez.
J’espère que la discussion au Sénat sera l’occasion d’améliorer encore le texte : je pense au traitement spécifique de l’outre-mer, aux zones d’intervention de la BPI – nous devons lever l’ambiguïté du texte sur ce point : la BPI a bien vocation, je le dis d’emblée, à soutenir le développement des entreprises dans les zones rurales –, à certains éléments de la doctrine d’intervention de la BPI, qui ne relèvent pas de la loi, mais méritent d’être discutés ici, à l’association des autres collectivités à l’action de la BPI et des régions.
Pour agrandir un peu la focale, je conclurai en resituant ce très important projet de loi dans le cadre plus large de mon action globale pour le financement de l’économie.
Cette action se déploie selon plusieurs dimensions complémentaires.
D’abord, nous mettrons la finance au service de l’économie réelle, grâce à une réforme bancaire que je présenterai la semaine prochaine en conseil des ministres et qui séparera les activités spéculatives des activités nécessaires à l’économie. Je respecte les entrepreneurs, j’aime l’entreprise, mais je ne comprends pas et je n’approuve pas que la finance spécule pour son propre compte. Les banques doivent se recentrer sur leur cœur de métier : telle sera la philosophie du projet de loi qui vous sera soumis.
La création, en 2013, d’une nouvelle bourse pour les PME et les ETI interviendra aussi dans cette optique. C’est la bourse qui doit être au service des entreprises, et non l’inverse. Il faut élargir considérablement les possibilités d’accès des petites et moyennes entreprises aux marchés financiers : c’est une condition de leur développement.
Enfin, parce que la BPI n’a ni pour ambition ni pour vocation de répondre à l’ensemble des défaillances des marchés, je présenterai en 2013 des mesures visant à réformer la fiscalité de l’épargne sur la base des travaux de deux députés, Mme Karine Berger et M. Dominique Lefebvre. Cette réforme aura pour objectif de canaliser l’épargne abondante des Français vers l’économie productive et d’encourager le renforcement des fonds propres, en favorisant le développement de l’épargne financière de long terme, en complément de la réforme de l’épargne réglementée, qui est déjà bien avancée. L’argent des Français doit servir à financer le développement de nos entreprises.
Le Gouvernement agit ainsi dans plusieurs directions pour mieux financer l’économie. Nous mettons en place les outils nécessaires pour répondre à l’ensemble des besoins de financement des entreprises. Avec la création de la BPI, c’est une structure unie, innovante, exemplaire, proche des PME et des ETI, puissante et efficace qui verra le jour grâce à votre concours.
Ce projet est très attendu, vous le savez tous. Il a fait l’objet d’une élaboration à la fois rapide – il fallait répondre aux attentes – et très approfondie.
Une mission de préfiguration a été confiée à un inspecteur général des finances, M. Parent, qui a réalisé un travail tout à fait important, des concertations intensives ont été menées, et le texte de loi, comme la structure de la BPI, a été fortement amélioré, grâce notamment au travail du rapporteur général, que je salue à nouveau, et aux discussions menées tant à l’Assemblée qu’au Sénat. Notre débat d’aujourd’hui permettra de finaliser ces progrès.
J’ai la conviction que, perfectionné par vos travaux, ce projet de loi porte une grande cause, une cause d’intérêt général, je dirais même d’intérêt national, qui peut nous rassembler tous, sur toutes les travées : celle du financement de l’investissement, de la compétitivité de notre économie, du développement de nos entreprises et de nos territoires, du redressement de notre pays.
Je ne sais toujours pas quel a été le vote de l’opposition à l’Assemblée nationale, où un événement assez extraordinaire est survenu : aucun député de l’opposition n’était présent au moment du vote !
Ce ne sera pas le cas ici au Sénat, je le sais ! J’espère que ce texte sera adopté à une très large majorité, voire à l’unanimité, puisqu’il s’agit d’une cause d’intérêt national…
M. Pierre Moscovici, ministre. Ma conviction est que ce projet de loi mérite un tel vote !
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste. –
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la création de la Banque publique d’investissement va bientôt devenir une réalité.
En tant que rapporteur des deux textes soumis à notre examen et que membre de la majorité parlementaire qui soutient l’action du président de la République, et donc de son Gouvernement, je ne peux m’empêcher d’exprimer toute ma satisfaction.
Satisfaction d’abord de constater que la promesse a été tenue : la naissance de la BPI était le premier des engagements pris par François Hollande devant les Français.
Satisfaction ensuite de pouvoir appuyer ici, au Sénat, l’éclosion d’un grand groupe public qui sera présent sur l’ensemble de la chaîne du financement des entreprises.
Satisfaction enfin de voir bientôt mis à disposition des entrepreneurs un outil qui soutiendra leurs actions en matière d’innovation et qui pourra leur permettre d’obtenir des financements, le cas échéant en entraînant les autres banques à sa suite, ou de stabiliser leur actionnariat.
Certes, et nul ne le conteste, avant la création de la BPI, l’État n’est pas resté les bras croisés face aux difficultés de financement des entreprises, et singulièrement des PME.
Il y a lieu de faire référence à cet égard au plan de sauvetage des banques mis en place en octobre 2008, au plan de soutien spécifique pour le financement des PME mis en œuvre ce même mois, puis développé par la suite, qui comprenait notamment l’augmentation de la capacité d’intervention d’OSEO, l’octroi de la garantie de l’État à la Caisse centrale de réassurance pour soutenir l’assurance-crédit et l’installation d’un médiateur du crédit aux entreprises.
Je n’oublie pas non plus, en matière d’investissement en capital, la naissance du Fonds stratégique d’investissement, à qui il revient d’apporter des fonds propres aux entreprises, afin d’accélérer leur développement, d’accompagner leur transformation dans des périodes de mutation ou de stabiliser leur actionnariat.
À l’époque, la gauche ne s’était pas opposée à l’action du gouvernement de François Fillon sur ces sujets. J’espère donc – M. le ministre y a fait allusion – que nos collègues de l’opposition auront aujourd'hui à cœur d’aborder ce débat dans le même état d’esprit, au service de l’économie de notre pays, et sans œillères partisanes.
Cependant, si les actions conduites sont globalement allées dans le bon sens, le paysage du financement public des entreprises reste beaucoup trop éclaté et empreint de complexité. À cet égard, mes chers collègues, je vous invite à consulter un schéma évocateur élaboré par la mission Parent de préfiguration de la BPI et repris en page 19 de l’étude d’impact annexée au projet de loi, qui retrace les liens entre tous ces opérateurs. Le moins que l’on puisse dire est qu’il ne brille pas par sa simplicité ; on imagine bien la perplexité des dirigeants de PME quand il s’agit de savoir à quelle porte frapper pour obtenir un soutien public.
Ces failles, que l’on constate sur le terrain, se retrouvent aussi sur le plan stratégique. Aujourd’hui, chacun définit sa stratégie de son côté, isolément, sans vision de ce que font les autres et de ce que serait la meilleure manière d’articuler l’action publique.
Le premier objectif de la BPI, sa première mission, est justement d’apporter une réponse aux problèmes ainsi soulevés.
Nous le savons, la Banque publique d’investissement regroupera en son sein OSEO, le Fonds stratégique d’investissement et CDC Entreprises. Elle distribuera également les produits de la COFACE et d’Ubifrance, en attendant peut-être un rapprochement avec cet établissement public dans les années à venir.
Imaginons la simplification radicale qui en résultera pour les dirigeants de PME. Ceux-ci pourront trouver dans un même endroit, près de chez eux, en région, à proximité de leur entreprise, un prêteur, un garant, un investisseur, un gestionnaire de fonds et un soutien à l’exportation.
Il est clair que c’est sur le terrain que la BPI devra ainsi faire la preuve de sa valeur ajoutée. C’est à ce niveau qu’elle devra être connue de tous et avoir la confiance de ses clients.
Mes chers collègues, vous le savez, au niveau central, la Banque publique d’investissement sera, comme son nom l’indique, un groupe public et même à 100 % public, puisque ses deux actionnaires seront, à parité, l’État, au travers d’un établissement public dénommé BPI-Groupe, et la Caisse des dépôts et consignations.
Chaque actionnaire apportera ses parts dans les sociétés qu’il détient et qui seront intégrées dans la BPI.
Monsieur le ministre, même si M. le ministre délégué Benoît Hamon nous a donné des éléments en commission des finances la semaine dernière, il me semble important, sans sombrer dans un pointillisme de notaire, que soit précisé à nouveau devant le Sénat le calendrier selon lequel les dernières tranches des augmentations de capital du FSI et d’OSEO doivent être libérées.
Nous parlons en effet de montants relativement importants. Pour le FSI, cela représente 3, 6 milliards d’euros, dont 1, 7 milliard d’euros pour l’État et 1, 9 milliard d’euros pour la CDC. Pour OSEO, cela représente 500 millions d’euros – 365 millions d’euros pour l’État et 135 millions d’euros pour la CDC – sur le milliard d’euros de recapitalisation qui devait s’opérer à la suite de la création de la filiale OSEO Industrie par la loi du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, la fameuse « banque de l’industrie ».
En tout état de cause, la BPI, que nous allons mettre en place, aura une capacité d’action tout à fait importante.
Côté crédits, en reprenant le profil de risque actuel des prêts octroyés par OSEO, la capacité totale de prêts du groupe devrait être de l’ordre de 20 milliards d’euros. Avec l’effet d’entraînement de ces prêts sur les banques privées – on sait que c’est, en moyenne, de 1 pour 1 –, les concours bancaires totaux à destination des PME et des ETI qui en seraient issus devraient donc représenter un total de 40 milliards d’euros.
En outre, la capacité de prise de risque en garantie totale de cet établissement s’élèverait à 13 milliards d’euros, ce qui permettrait de faciliter l’octroi de plus de 26 milliards d’euros de concours bancaires supplémentaires.
Enfin, la capacité de la branche « innovation », qui dépend des dotations budgétaires et du niveau de risque retenu, serait de l’ordre de 600 millions d’euros par an pour le soutien individuel et collaboratif de projets innovants.
Côté investissement en capital, il est prévu une capacité d’intervention de l’ordre de 1, 8 milliard d’euros par an.
De plus, comme je l’ai déjà souligné, la BPI sera étroitement associée à Ubifrance et à la COFACE, dont elle distribuera les produits dans son réseau.
La BPI, groupe financier public, aura donc les moyens de sa politique. Elle sera en mesure d’imprimer une stratégie cohérente du financement public de l’économie et des entreprises, en particulier des PME et des sociétés innovantes et exportatrices.
Bien entendu, afin d’agir efficacement, elle devra avoir accès à des ressources financières en quantité suffisante et aux meilleures conditions possibles.
Or, dans cet hémicycle comme en dehors, certains craignent que, à l’issue de la création de la BPI, le nouvel établissement ne se refinance paradoxalement à des conditions moins avantageuses que l’actuel OSEO. Certains amendements s’alimentent d’ailleurs d’une telle crainte, et nous aurons à en débattre.
Cette crainte tient au choix de la structure du groupe retenue par les deux actionnaires, qui consiste à placer à la tête de l’ensemble une holding faîtière, dénommée BPI-Groupe, chapeautant la totalité des filiales opérationnelles. Certains se demandent en particulier si le fait de placer un niveau d’interposition entre des actionnaires à la solidité incontestable et la filiale active en matière de crédit ne perturbera pas les investisseurs susceptibles de souscrire les émissions obligataires de cette dernière. D’autres s’interrogent quant à la capacité de la BPI de se refinancer auprès de la Banque centrale européenne.
Monsieur le ministre, je crois donc nécessaire que vous puissiez, d’une part, rassurer le Sénat sur ces différents points, en nous confirmant que les émissions du nouvel ensemble bénéficieront toujours de la garantie de l’établissement public BPI-Groupe, et, d’autre part, nous éclairer sur les raisons qui ont poussé l’État et la CDC à privilégier le schéma ainsi retenu.
Mes chers collègues, je vous l’ai dit, dans Banque publique d’investissement, il y a « banque publique ». Il s’agit d’un élément fort d’identité. Une banque publique ne doit pas être une banque comme les autres. Tout en agissant, naturellement, en investisseur avisé, elle doit savoir faire ce que les autres ne font pas.
Elle doit savoir se montrer audacieuse et prendre certains risques qui en valent la peine. Elle doit se montrer présente sur ces segments que les banques classiques ne financent pas, ou ne financent pas seules, et dont notre économie a pourtant tant besoin. Je veux parler des entreprises en amorçage, des petites et moyennes entreprises manufacturières du secteur industriel ou encore des PME exportatrices.
La BPI doit savoir oser. Elle doit pouvoir entraîner les autres à sa suite.
La BPI doit aussi faire reposer son action sur des principes.
En commission des finances, certains ont ironisé. Mais nous assumons ! Nous sommes même fiers que le Parlement se soucie de valeurs quand il crée une banque publique.
Nous assumons que cette banque ait à soutenir l’emploi et la compétitivité de l’économie. Nous assumons qu’elle ait à appuyer les politiques publiques tournées vers les secteurs d’avenir. Nous assumons qu’elle ait vocation à mettre en œuvre la transition écologique.
Nous assumons, de la même manière, que la BPI soit soucieuse, quand elle intervient, de prendre en compte dans ses pratiques les enjeux environnementaux, sociaux ou encore d’égalité professionnelle, c'est-à-dire, en un mot, qu’elle ne se résume pas à un animal financier à sang froid.
Ce choix de ne pas tourner le dos au monde dans lequel elle vivra se reflète aussi dans ses futurs modes de gouvernance.
Au sommet, un conseil d’administration aura évidemment à prendre les décisions les plus importantes qui engageront son avenir. C’est là une chose normale.
Mais nous assumons le choix de placer, à côté de ce conseil, un comité national d’orientation, présidé par un président de région, par définition impliqué au premier chef dans la vie économique de son territoire, qui s’exprimera sur les orientations stratégiques de la BPI, sur sa doctrine d’intervention et sur la façon dont elle doit remplir ses missions d’intérêt général.
Nous assumons le choix de décliner ce comité au niveau régional, près de l’économie réelle, afin d’articuler au mieux l’action de tous les acteurs publics d’un territoire et de faire en sorte que l’action de la BPI soit pleinement cohérente avec les stratégies régionales de développement économique.
Nous assumons enfin le choix de faire de la BPI une banque exemplaire dans un monde financier très largement dominé par des hommes, en affichant la parité entre les femmes et les hommes à tous les étages de gouvernance : comités régionaux d’orientation, comité national d’orientation et conseil d’administration. À cet égard, je rends hommage à l’esprit pionnier du Sénat et à notre collègue Jean-Vincent Placé, qui avait déjà osé prôner la parité pour des fonctions à responsabilités en matière financière s’agissant du Haut Conseil des finances publiques.
Nous avons trouvé ici une concrétisation nouvelle de ce principe.
Cependant, mes chers collègues, les parlementaires que nous sommes doivent savoir rester modestes ; au Sénat, nous le savons fort bien.
Sourires.
Une fois que nous aurons voté ce texte et contribué à faire exister la Banque publique d’investissement, l’essentiel restera à faire.
En effet, cette banque, ce n’est pas nous qui la bâtirons ; ce seront les personnes qui y travailleront, au premier rang desquelles le futur directeur général de la société de tête, la société anonyme BPI-Groupe.
Il faudra beaucoup de finesse et de volonté pour rassembler des énergies aujourd’hui éparses ainsi que pour faire de différentes « maisons » à la culture d’entreprise diverse et forte un ensemble harmonieux qui sache marcher d’un seul pas. Il faudra de l’énergie pour définir une stratégie précise et la décliner sur le terrain.
Bref, en la matière, le choix des personnes compte. Il est même capital. C’est pourquoi il m’a paru indispensable que le directeur général, futur « chef d’orchestre » de la Banque publique d’investissement, soit choisi en associant le Parlement, c’est-à-dire après la procédure d’avis public des commissions compétentes définie au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, comme l’est d’ailleurs actuellement le « patron » d’OSEO.
J’ai donc déposé le 23 octobre dernier une proposition de loi organique en ce sens. Je suis heureux que nous ayons à débattre, en même temps que du projet de loi relatif à la création de la BPI, d’une proposition de loi organique s’inscrivant dans le même esprit et qui a été adoptée par l’Assemblée nationale.
Nous avons, sur un point, modifié le texte des députés lors de la réunion de la commission des finances, mercredi dernier. Il nous a paru opportun de limiter l’usage de cette procédure solennelle et contraignante à la nomination du seul directeur général de la société anonyme, sans y ajouter, comme l’Assemblée nationale l’a imaginé, celle du président de l’établissement public BPI-Groupe. Il ne nous a pas semblé que cette dernière nomination était particulièrement stratégique dans un nouveau contexte où celui-ci aura principalement pour rôle de porter la participation de l’État.
Je suis heureux que le Gouvernement ait partagé cette analyse quand nous avons examiné cet amendement. Donner « l’onction parlementaire » à plusieurs personnalités d’un même ensemble au sens large peut contribuer à créer des conflits de légitimité qui n’ont pas lieu d’être. Il est, au contraire, plus clair que la BPI n’ait à sa tête qu’un dirigeant ainsi désigné.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, cheminant vers ma conclusion, je veux simplement émettre le souhait que la création de la Banque publique d’investissement puisse rassembler toute la majorité, bien sûr, mais également qu’elle nous permette d’aller au-delà des clivages partisans.
Ce projet de loi rationalise des structures utiles, mais que nous avons empilées sans y prendre garde et sans leur donner une feuille de route commune. Il va plus loin que ce qu’ont fait Jacques Chirac en créant OSEO et Nicolas Sarkozy en augmentant la voilure de ce même OSEO et en créant le FSI. Pour autant, ce projet de loi, voulu et porté par François Hollande, ne s’inscrit pas en opposition avec l’action de ses prédécesseurs.
La motivation est la même ; seule l’ambition est plus grande. Les moyens et l’exemplarité, nous l’avons vu, seront au rendez-vous.
Ce projet de loi est une chance pour notre économie et pour nos entreprises. C’est donc avec conviction, mes chers collègues, que je vous appelle à l’adopter.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui met en œuvre le premier des soixante engagements du Président de la République, celui de créer une banque publique d’investissement. Ce sera un outil essentiel pour le rétablissement de la compétitivité de notre pays, un outil au service d’une politique de croissance durable et de l’emploi.
Nous le savons tous, les TPE, les PME et les ETI de notre pays ont souvent du mal à financer leurs projets de développement. Or, lors de notre visite dans le Bade-Wurtemberg, nous avons pu constater quelle était la puissance industrielle allemande, grâce à ses clusters, à ses écosystèmes productifs, mais aussi grâce à une banque d’investissement publique qui aide les petites et moyennes entreprises et crée de véritables politiques de filières.
Les critères de rentabilité et de risque des financeurs privés, notamment des banques, empêchent d’éclore nombre de projets innovants. C’est le constat de ces défaillances du marché qui justifie, en premier lieu, l’intervention financière des pouvoirs publics, cette intervention ayant pour objet d’entraîner les financeurs privés par des mécanismes de cofinancement. L’idée repose sur le principe d’entraînement.
La nécessité de cette action publique est admise depuis longtemps. Vous connaissez tous le rôle d’OSEO et celui de la Caisse des dépôts et consignations dans ce domaine. Je tiens d’ailleurs à souligner la qualité du travail réalisé par ces institutions. Il y a chez OSEO une culture de la proximité, de la simplicité et de la réactivité qui est appréciée des entreprises. Il y a dans les filiales de la Caisse des dépôts et consignations une vraie expertise dans le domaine des fonds propres ; sans elle, aujourd’hui, le marché français du capital-investissement serait complètement sinistré.
La finalité de la création de la BPI n’est donc pas de sanctionner une carence des outils existants, mais, au contraire, elle est de s’appuyer sur des compétences et sur des qualités reconnues pour leur offrir un cadre plus ambitieux, capable de mieux répondre aux insuffisances actuelles du financement de notre économie.
Notre dispositif d’appui financier aux entreprises est en effet, cela a été souligné avant moi, trop complexe et trop dispersé. L’État, la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que les régions agissent au travers de dispositifs incroyablement nombreux et divers. Cela pose un problème évident de cohérence dans le pilotage d’ensemble. Depuis plusieurs années, des efforts importants ont été réalisés pour que les acteurs communiquent mieux, à la fois sur le plan stratégique et sur le plan opérationnel. Cependant, il faut aller beaucoup plus loin.
La BPI va permettre l’intégration d’OSEO et des filiales de la Caisse des dépôts et consignations dans un ensemble bénéficiant désormais d’une direction unique et mettant en œuvre une stratégie définie de façon plus cohérente. L’association des régions à la gouvernance de la BPI ira dans le même sens.
L’objectif final de cette rationalisation du dispositif n’est évidemment pas de créer un beau schéma sur le papier. Il est de mettre fin à l’empilement des outils de financement sur le terrain, et donc de rendre l’offre de financement public plus lisible et plus accessible pour les entreprises. Cela répond à une demande du monde économique. J’ai reçu les représentants de la CGPME, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, qui me l’ont confirmé.
Le second grand objectif de la création de la BPI est de renforcer les liens entre les outils de financement et la stratégie de développement économique, au niveau tant national que régional. C’est également un point très important.
La BPI aura, d’une part, une mission de financement qu’on pourrait qualifier de générale ou de systémique en direction des PME et des TPE. Toute entreprise ayant un projet et des difficultés à le financer pourra s’adresser à elle.
Cependant, la BPI aura, d’autre part, et ce point est beaucoup plus novateur, une mission de financement ciblé sur des priorités nationales définies par l’État. Par ce dernier aspect, la BPI ne se situera plus strictement dans le champ des justifications à l’intervention économique de l’État, qui est de pallier les défaillances du marché. Elle se rattachera à une tradition différente : celle de l’État stratège et organisateur.
La BPI viendra ainsi soutenir, j’y reviendrai, les grandes priorités dans le domaine de la politique industrielle – M. le ministre l’a rappelé à l’instant –, notamment en matière d’organisation des filières. Sans politique de filières, il n’y a pas de politique industrielle viable. Elle apportera également son soutien dans le domaine de la transition écologique et énergétique.
Je ne reviendrai pas sur la présentation du schéma d’organisation et sur les règles de gouvernance prévues pour la BPI, car le ministre et le rapporteur général l’ont déjà fait. La position de la commission des affaires économiques du Sénat est que le texte a atteint sur ces questions un point d’équilibre satisfaisant. Je tiens d’ailleurs à saluer tant la qualité du texte initial transmis au Parlement que la qualité du travail d’amendements réalisé par les députés et par nos collègues de la commission des finances.
Parmi les changements apportés au texte qu’il me semble important de souligner, je citerai, en particulier, l’introduction d’un principe de parité dans les organes de gouvernance de la BPI.
Cela répond, comme la représentation des salariés au conseil d’administration, à un souci d’exemplarité de la gouvernance de la banque.
De même, je me félicite du renforcement du contrôle du Parlement sur la BPI. C’est une disposition d’autant plus nécessaire que le projet de loi pose un cadre d’action général et qu’une grande partie de la réforme va se tenir dans la mise en œuvre opérationnelle de la nouvelle banque. Le Parlement doit donc avoir un droit de regard sur cette phase opérationnelle.
Nos débats, aujourd’hui, permettront d’apporter quelques avancées supplémentaires. Je présenterai d’ailleurs au nom de la commission des affaires économiques un certain nombre d’amendements. Toutefois, il ne me paraît pas utile, comme certains en ont émis le souhait, de modifier profondément l’organisation de la BPI par rapport au schéma prévu, qui est satisfaisant.
Des schémas de substitution ont été évoqués dans la presse. L’un d’eux prévoit de « remonter » la filiale crédit correspondant à l’actuel OSEO pour en faire la tête de groupe.
Le principal argument avancé est financier. Actuellement, la SA OSEO finance en effet son activité de crédit en levant des fonds sur les marchés financiers et elle le fait à un coût très faible – taux souverain plus 20 points de base –, parce que, du point de vue des marchés, la SA OSEO bénéficie de la garantie totale de l’État français via l’EPIC, l’établissement public à caractère industriel et commercial, OSEO.
Or certains craignent que le nouvel organigramme dans lequel la holding BPI s’intercale entre l’État et la filiale crédit soit perçu comme une forme de désengagement de l’État et que cela aboutisse à un coût de refinancement plus important.
Chers collègues, je n’y crois pas un instant. La filiale crédit de la BPI, dans le schéma du projet de loi, est adossée à une tête de groupe, qui bénéficie à 100 % de la garantie de l’État et de la CDC, dont la qualité de signature est équivalente. La garantie des pouvoirs publics dans la BPI-crédit est donc totale ; d’ailleurs, elle est déjà reconnue par les marchés. Si ces derniers, qui connaissent depuis plusieurs semaines l’organisation prévue pour la BPI, avaient un doute sur la qualité des émissions de la BPI-crédit, ils l’auraient déjà exprimé par une perte de confiance envers OSEO qui est appelé à devenir cette filiale de crédit. Or le taux de refinancement d’OSEO ne s’est pas détérioré.
Par ailleurs, je tiens à le rappeler, faire remonter OSEO en position de tête de groupe ferait entrer les banques privées actionnaires d’OSEO dans le capital de la société mère à hauteur de 2 %.
Ces banques seraient donc représentées dans le conseil d’administration, ce qui ne me paraît pas souhaitable. La BPI doit rester une banque publique !
Certains voudraient aussi renforcer davantage la place des régions. Comme M. le ministre l’a précisé, des ajustements sont évidemment souhaitables et possibles. Je présenterai d’ailleurs un amendement en ce sens. L’essentiel est que l’on reste dans le cadre d’une association étroite des régions à la gouvernance de la BPI, mais sans remettre en cause la responsabilité première de l’État dans son pilotage.
Cette formule est juste et équilibrée. En effet, les régions font beaucoup pour accompagner les entreprises sur leur territoire. Elles sont en lien avec les communautés urbaines, les communautés d’agglomération, les communautés de communes, les départements. Elles ont un savoir-faire maintenant historique. Il serait donc dommage de s’en priver.
Il est donc essentiel que la gouvernance de la BPI reflète cette réalité. Pour autant, le pilotage stratégique de la BPI doit rester sous la responsabilité première de l’État et son pilotage opérationnel sous celle de son directeur général. La BPI est en effet, comme je l’ai souligné, un outil au service d’une stratégie nationale de soutien aux entreprises, de restauration de la compétitivité, ainsi que de stimulation de la croissance et de l’emploi. Son capital sera détenu à parité par deux acteurs, l’État et la CDC, dont le périmètre d’action et les objectifs sont clairement du ressort national.
Voila donc pour la position de la commission des affaires économiques sur l’organisation de la future BPI.
J’en viens maintenant aux missions et à la doctrine d’intervention de la BPI.
Dans sa rédaction initiale, l’article 1er du texte, qui définit ces missions, était très concis, pour ne pas dire elliptique parfois. L’essentiel y figurait, c’est vrai, mais on restait un peu sur sa faim compte tenu de l’importance du texte. Les députés ont donc opportunément introduit plusieurs précisions pour mieux fixer le cadre d’action de la BPI.
Ils ont tout d’abord clairement indiqué que la BPI orientera en priorité son action vers les TPE, les PME et les ETI, en particulier dans le secteur industriel. Cette précision est importante.
Ils ont ensuite mieux défini le champ de son offre, en précisant qu’elle développera une offre de service et d’accompagnement des entreprises dans leurs projets de développement. On passe ainsi d’une offre de produits financiers stricto sensu à une offre intégrée mêlant à la fois produits financiers et service d’accompagnement.
Nous le savons, chers collègues, quand une entreprise est accompagnée, elle a beaucoup plus de chance de réussir.
C’est un point qui me paraît essentiel : la BPI ne sera pas seulement un guichet qui offrira un catalogue de produits standardisés répondant à des besoins de financement prédéfinis. Les chargés d’affaires de la BPI devront entrer dans un dialogue stratégique avec les entreprises en leur apportant un regard extérieur, une analyse, un conseil sur leurs possibilités de développement.
L’enjeu est de les guider vers les bons outils, de les pousser à l’innovation, à la croissance et à la recherche de gains dans l’efficacité opérationnelle. Cela se fait déjà en partie bien sûr, mais de manière informelle. La future loi systématisera cette démarche en l’inscrivant dans les missions mêmes de la BPI.
Au passage, cela justifie d’autant plus la fusion d’Ubifrance au sein de la BPI, puisque le métier d’Ubifrance est axé sur l’accompagnement vers l’export.
Les députés ont également explicité la doctrine de la banque. Elle interviendra en investisseur avisé de long terme et agira en complémentarité avec les acteurs financiers privés en favorisant la mobilisation de l’ensemble du système bancaire sur les projets qu’elle soutient.
Je tiens cependant à souligner qu’elle ne fera pas que cela. Dans le domaine des subventions à l’innovation et des interventions en garantie, on est en effet sur des opérations d’où le marché est souvent absent, ce qui justifie pleinement une intervention selon des critères d’intérêt général.
Par ailleurs, les députés ont précisé la fonction stratégique de la BPI en indiquant qu’elle viendra en appui de diverses stratégies nationales : elle accompagnera la politique industrielle, notamment pour soutenir les stratégies de développement de filières ; elle participera au développement des secteurs d’avenir, de la conversion numérique et de l’économie sociale et solidaire ; elle contribuera à la mise en œuvre de la transition écologique ; elle pourra stabiliser l’actionnariat de grandes entreprises porteuses de croissance et de compétitivité pour l’économie française. Le rôle stratégique de l’État est donc bien affirmé.
Au total, il me semble que, sur la question des missions de la BPI, le texte tel qu’il ressort des travaux de l’Assemblée nationale est globalement satisfaisant. Je vous présenterai cependant quelques amendements, mais qui ne le modifient pas de façon substantielle.
Je tiens d’ailleurs à appeler votre attention sur la nécessité de garder à la BPI une priorité d’action clairement définie. L’annonce de sa création – M. le ministre vient de s’en faire l’écho – a nourri beaucoup d’attentes et d’espérances fortes, si fortes et si diverses qu’elles pourraient placer la BPI devant le risque paradoxal d’être victime de son succès. On voit bien en effet que tous les acteurs, publics ou privés, dont les besoins de financement sont difficilement satisfaits par des mécanismes privés, voient dans la BPI une réponse potentielle à leurs difficultés.
Cependant, il faut être clair : la BPI n’a pas vocation à devenir l’outil unique et polyvalent de l’intervention économique publique. Elle est et doit rester, d’une part, un outil d’appui au financement des entreprises, prioritairement des TPE, des PME et des ETI indépendantes, et, d’autre part, le bras financier d’une stratégie nationale de compétitivité et de croissance.
Une dilution de ses missions conduirait à un saupoudrage des interventions et à une perte d’efficacité. Comme vous le savez, le volume de moyens mis à la disposition de la BPI est voisin de celui dont disposent actuellement OSEO et la CDC. Ajouter des missions nouvelles à moyens constants impliquerait une dégradation des missions fondamentales.
En particulier, la problématique du financement des collectivités territoriales – ce sujet a en effet suscité un débat en commission – ne relève pas des missions de la BPI. Il y a de vraies questions à régler dans ce domaine, mais la réponse n’est pas la BPI. Il y a d’autres outils adaptés à cette problématique ; je veux parler de l’enveloppe de 20 milliards d’euros récemment annoncée par le Gouvernement et de la mise en place d’une banque spécialisée dans le financement des collectivités sous la houlette de la Banque postale et de la Caisse des dépôts et consignations.
La BPI n’est pas non plus un outil d’aménagement économique du territoire.
Certes, l’appui financier aux PME et aux TPE – selon le président de l’Association des régions de France, que nous avons auditionné voilà quelques jours, 60 % des entreprises sont situées en territoire rural – ne peut que contribuer in fine au développement du tissu commercial et productif de proximité, participant, de ce fait, à l’aménagement du territoire. Cependant, l’existence ou la recherche de convergences entre l’action de la BPI et les stratégies d’aménagement du territoire n’impliquent pas que la BPI ait vocation à se substituer aux outils spécifiquement conçus pour remédier aux difficultés endémiques que connaissent certains territoires ruraux ou urbains ni qu’elle ait vocation à compenser l’assèchement financier de certains de ces dispositifs. Je pense notamment au Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, qui a été complètement vidé de ses moyens dans la dernière loi de finances.
Enfin, la BPI n’est pas non plus une banque « hôpital », pour reprendre l’expression utilisée par M. Nicolas Dufourcq, lors de son audition. Elle pourra bien sûr intervenir auprès d’entreprises qui connaissent des difficultés passagères de nature conjoncturelle – crise de trésorerie, insuffisance temporaire du carnet de commandes –, voire structurelle, mais elle ne devra intervenir qu’auprès d’entreprises qui ont des chances raisonnables de rebond.
Pour finir, permettez-moi de souligner deux idées importantes.
Notre économie traverse actuellement une crise grave et il est important que la BPI soit en mesure de répondre de façon réactive aux difficultés conjoncturelles afin de limiter l’ampleur de l’impact. Mais, au-delà de son rôle contra-cyclique, la BPI est avant tout un outil destiné à poser les bases d’un financement sain de nos entreprises sur le long terme. Ce n’est pas qu’un outil de réponse à la crise, c’est avant tout un outil financier de reconquête de la croissance.
Ma seconde remarque complète la précédente. La BPI n’est elle-même qu’un aspect de la politique générale de redressement industriel et productif engagée par le Président de la République et par le Premier ministre et son gouvernement. C’est une pièce dans un vaste édifice en train de se mettre en place.
La BPI s’inscrit dans une réforme globale du financement de notre économie, réforme qui comprendra un volet bancaire visant à séparer les activités spéculatives des activités de financement de l’économie réelle, ainsi que la création d’une nouvelle bourse pour les PME-ETI. Dans ce chantier de financement, il faudra sans doute se pencher sur la question des délais de paiement et du crédit interentreprises.
Enfin, la réforme de financement s’inscrit à son tour dans un pacte de compétitivité plus global, qui implique des réformes fortes dans le domaine de la compétitivité coût et hors coût.
Ce texte contribue donc à remettre l’économie française dans le sens de la marche, et il faut s’en féliciter.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission qui m’a fait l’honneur de me désigner rapporteur pour avis sur ce texte est compétente en matière de développement durable et d’aménagement du territoire. C’est donc principalement sous ces deux angles que j’ai examiné le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui.
Les orateurs qui m’ont précédé ont rappelé que la création de la Banque publique d’investissement était le premier des soixante engagements du Président de la République lors de la campagne pour l’élection présidentielle. L’objectif annoncé était de pallier les carences des banques privées dans le financement des projets portés par les petites et moyennes entreprises.
Aujourd’hui, la BPI se trouve au cœur du dispositif de reconquête de la compétitivité française. Il s’agit d’apporter un soutien aux entreprises – TPE, comme PME et ETI – et de créer un levier pour les financements privés.
Ce faisant, il s’agit d’abord de remédier aux faiblesses du financement de notre tissu productif. Celles-ci sont bien connues : elles se traduisent non seulement par les difficultés d’accès des entreprises au crédit bancaire, à des fonds propres, au financement à l’export, par le recul du capital-investissement, mais aussi par l’empilement des outils de financement et des interlocuteurs, ainsi que par l’éparpillement des dispositifs existants.
Dans une étude récente, la Banque centrale européenne a indiqué que, parmi les difficultés auxquelles sont confrontées les PME en Europe, l’accès au financement arrive en deuxième position, cité par 18 % des entrepreneurs interrogés, après la recherche de nouveaux clients et de nouveaux débouchés.
Mais il s’agit aussi de créer un mécanisme destiné à s’intégrer dans une politique industrielle, définie par l’État et portée par les territoires, afin d’encourager les créations d’emplois, de favoriser la croissance et de lancer la transition écologique. Ce dernier objectif a été clairement affirmé en septembre dernier, lors de la conférence environnementale, par le Président de la République, qui avait alors indiqué que la BPI allait concentrer une bonne part de ses interventions « sur la conversion écologique de notre système productif, qu’il s’agisse de l’isolation thermique, des énergies renouvelables, des écotechnologies ».
Nous le savons bien, mes chers collègues, cet engagement est essentiel et chacun se réjouit qu’il trouve aujourd’hui sa traduction législative dans le projet de loi.
La transition écologique ne porte pas uniquement sur les filières vertes traditionnelles que sont les écotechnologies ou les énergies renouvelables. L’objectif est bel et bien de toucher chaque pan de l’économie française et de provoquer un verdissement des activités traditionnelles. Il s’agit de changer de paradigme économique et social.
Le montant du programme d’investissement à réaliser pour financer la transition écologique est estimé par les spécialistes entre 2 % et 3 % du PIB par an pendant au moins dix ans, soit pour la France un total de 600 milliards d’euros environ. Le Programme des Nations unies pour l’environnement recommande, de son côté, d’investir 2 % du PIB mondial dans les investissements de transition écologique.
Tous les spécialistes insistent sur le fait que ces investissements et cette transition écologique doivent être perçus non comme un coût mais bel et bien comme une chance pour l’emploi et la croissance. Certes, les sommes nécessaires apparaissent considérables, mais ce sont généralement des investissements territorialisés, donc peu délocalisables et riches en emplois de proximité.
En outre, l’économie verte est particulièrement dynamique. Ainsi, 263 milliards de dollars ont été investis dans les énergies renouvelables à l’échelle mondiale en 2011, somme en augmentation de 6, 5 %, soit 4 points de plus que la croissance mondiale. Toujours en 2011, les énergies vertes ont contribué à 2 % du PIB français. Le potentiel de création d’emplois est réel, ne serait-ce que dans le secteur de la rénovation thermique des bâtiments.
Le véritable enjeu est donc celui du financement de cette transition écologique. Une réflexion sur la fiscalité verte sera lancée à partir du printemps 2013.
Comme cela a été rappelé dans le cadre de la table ronde « Financement de la transition et fiscalité écologique » de la conférence environnementale, l’objectif est de taxer les comportements polluants ou coûteux en termes de ressources, pour les orienter vers des comportements plus vertueux.
Toutefois, le levier de la fiscalité ne suffira pas. Il faudra que l’ensemble du dispositif de financement de l’économie finisse par intégrer cet objectif de transition écologique, à commencer par ses opérateurs publics.
La mission générale confiée à la BPI est de répondre aux risques d’assèchement de crédit et aux insuffisances de fonds propres qui handicapent le développement des entreprises, à commencer par les PME et les ETI. La BPI rassemblera donc dans une structure unique les activités d’OSEO, du FSI et de CDC Entreprises. Fédérer ces organismes et leurs actions, dans le contexte général actuel de crise économique et financière, apportera une vraie valeur ajoutée. Selon le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, M. Jean-Pierre Jouyet, le fait de rassembler sous un même toit les différentes institutions de prêt et de prise de participation en capital constitue un progrès considérable.
La BPI disposera d’une capacité d’intervention importante de 42 milliards d’euros environ, soit 20 milliards en prêts, 12 milliards en garanties et 10 milliards en capacités d’investissements en fonds propres. Ces 42 milliards d’euros devraient entraîner, par effet de levier, plus de 100 milliards d’euros de financements.
Le projet de loi déposé à l’Assemblée nationale était très succinct sur les objectifs assignés à la BPI ; il se contentait en fait de modifier à la marge l’ordonnance portant création d’OSEO. Nos collègues députés ont jugé nécessaire de compléter ces objectifs et en particulier de rappeler, dès l’article 1er, la vocation de la BPI à mettre en œuvre la transition écologique. Cet ajout était nécessaire et l’on ne peut que s’en féliciter.
Cette ambition est ensuite déclinée dans les missions des différentes instances de gouvernance de la banque. Plusieurs amendements, soutenus notamment par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, ont permis d’inclure, dans le comité national et dans les comités régionaux d’orientation de la banque, des personnalités qualifiées en matière de développement durable ; c’est, là encore, une bonne chose.
Je veux aussi souligner la reconnaissance du rôle de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, dont l’expertise est unanimement reconnue. Cela devrait garantir que l’objectif de la transition écologique ne sera pas marginalisé dans les options de financement retenues par l’établissement.
Le second aspect important de ce projet de loi est sa contribution au développement économique régional. Si les dispositifs publics actuels d’aide au financement des entreprises ont déjà une forte dimension régionale, celle-ci sera notoirement renforcée par l’organisation de la future BPI.
Les établissements financiers qui doivent être regroupés au sein de la BPI interviennent en effet au plus près du terrain. OSEO est organisé en vingt-deux directions régionales et douze délégations territoriales. Les décisions de prêt y sont largement déconcentrées. Le Fonds stratégique d’investissement a un fonctionnement plus centralisé, mais son comité d’orientation comporte des élus. CDC Entreprises dispose de quatorze implantations interrégionales, via sa filiale FSI Régions, et participe à quatre-vingt-quatre fonds régionaux.
De leur côté, les régions se sont engagées pour la plupart dans le soutien aux PME, en association avec les opérateurs de l’État ou en complément de leur action. Dans le cadre de leurs stratégies régionales de développement économique, elles se sont dotées de plusieurs instruments : prêts sur l’honneur, fonds de garantie et fonds d’innovation, qui peuvent être confiés en gestion à OSEO, fonds régionaux d’investissement, aides à l’exportation.
Le président de l’Association des régions de France, Alain Rousset, a indiqué lors de son audition devant nos commissions réunies qu’il existait plus de 800 dispositifs régionaux.
L’implication des régions dans le financement des entreprises est donc un phénomène général, même si les modalités et l’importance de l’effort consenti varient d’une région à l’autre. Le projet de loi en tire les conséquences, en réservant une place particulière aux régions dans la gouvernance de la BPI.
L’article 1er dispose que la BPI agit en appui des politiques publiques conduites par l’État et par les régions.
En ce qui concerne son conseil d’administration, l’article 3 prévoit que, sur quinze membres, deux seront des représentants des régions, nommés par décret sur proposition d’une association représentative de l’ensemble des régions.
La BPI est également dotée d’un comité national d’orientation chargé d’exprimer un avis sur ses orientations stratégiques, sa doctrine d’intervention et les modalités d’exercice de sa mission d’intérêt général. L’article 4 du projet de loi initial prévoyait que ce comité de vingt-trois membres compterait deux représentants des régions, désignés par une association représentative de l’ensemble des régions. L’Assemblée nationale a porté ce chiffre à trois.
Il est par ailleurs prévu que le président du comité national d’orientation sera choisi parmi les trois représentants des régions. Leur présence au comité national d’orientation sera l’occasion pour les régions d’expliquer et de promouvoir leurs politiques économiques auprès des parlementaires, des partenaires sociaux et des personnalités qualifiées qui le composent par ailleurs.
L’article 4 tend également à mettre en place, dans chaque région, un comité régional d’orientation chargé de formuler un avis sur les modalités d’exercice par la BPI de ses missions au niveau régional et sur la cohérence de ses orientations stratégiques avec la stratégie régionale de développement économique. Deux représentants de la région figurent parmi les vingt-cinq membres de ce comité.
Le projet de loi initial prévoyait qu’il soit présidé par le président du conseil régional, mais cette disposition a été supprimée par la commission des finances de l’Assemblée nationale. La commission du développement durable a proposé, comme la commission des finances, de rétablir cette présidence qui lui paraît plus conforme aux souhaits exprimés par les régions et aux engagements pris par le Gouvernement à leur égard.
Au total, vous l’aurez compris, la commission du développement durable a émis un avis positif sur le projet de loi. Elle souhaite que la BPI soit la banque du renouveau de la croissance française, clairement tournée vers l’accompagnement des secteurs à fort potentiel de l’économie verte et vers le soutien au tissu économique régional. Je forme le vœu que cette nouvelle structure soit mise en place et opérationnelle le plus rapidement possible, dès les premiers mois de 2013, et que sa gestion soit conduite dans un réel souci d’exemplarité. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la formule de « porte-avions du pacte de compétitivité » utilisée par M. le ministre pour qualifier la Banque publique d’investissement me semble appeler quelques commentaires. Certes, vu de l’extérieur, ce porte-avions a fière allure, mais on peut se demander s’il est réellement doté des moteurs et de la capacité opérationnelle indispensables à son fonctionnement.
Si l’on s’en tient aux formulations, d’ailleurs fort peu normatives, retenues dans l’article 1er de ce texte, il n’y aurait que des éloges à faire.
« En vue de soutenir la croissance durable, l’emploi et la compétitivité de l’économie, [la Banque publique d’investissement] favorise l’innovation, le développement, l’internationalisation, la mutation et la transmission des entreprises, en contribuant à leur financement en prêts et en fonds propres. » Plus loin, on apprend que la BPI « intervient notamment en soutien des secteurs d’avenir et investit de manière avisée » – je serais tenté de dire heureusement ! – « pour financer des projets de long terme », qu’elle « a vocation à mettre en œuvre la transition écologique » chère à certains de nos collègues, …
… ou encore qu’elle « favorise une mobilisation de l’ensemble du système bancaire sur les projets qu’elle soutient », et j’en passe.
Les députés ont manifestement trouvé que les bonnes intentions affichées n’étaient pas encore suffisantes puisqu’ils ont ajouté le merveilleux article 3 bis A, aux termes duquel la future banque devra « prendre en compte les enjeux environnementaux, sociaux, d’égalité professionnelle et de gouvernance dans ses pratiques…
… ainsi que dans la constitution et la gestion de son portefeuille d’engagements ».
Elle devra également intégrer « les risques sociaux et environnementaux dans sa gestion des risques » et, cerise sur le gâteau, tenir compte « des intérêts des parties prenantes, entendues comme l’ensemble de ceux qui participent à sa vie économique et des acteurs de la société civile influencés, directement ou indirectement, par [ses] activités ». On va même jusqu’à étudier la mise en place d’un « comité de responsabilité sociale et environnementale indépendant ».
Mes chers collègues, tout est ici un exemple d’emphase dans la nouvelle langue de notre époque, celle du développement durable et de toutes les bonnes intentions. S’y ajoute dans la composition du conseil d’administration et des divers « comités Théodule d’orientation » l’affichage souhaitable du politiquement correct. On pourrait presque faire de ce projet de loi un traité !
Tâchons de regarder ce qui nous est proposé derrière les hyperboles, les formules boursouflées et l’autocélébration.
Certes !
Il ne s’agit ici, à mon sens, de rien d’autre que d’assembler divers éléments existants, qui fonctionnent au demeurant plutôt bien : OSEO, le Fonds stratégique d’investissement, créé par le Président Sarkozy, et CDC Entreprises. C’est un projet somme toute très similaire à celui de la Banque de l’industrie, dont on nous avait parlé au tout début de l’année 2012.
Toutefois, le rapprochement de ces structures n’est pas forcément si aisé à mener, car on prend peut-être le risque de déstabiliser des équipes et des personnels aux statuts et rémunérations très différents. Sans doute aussi faut-il être attentif au risque de nouveaux conflits d’intérêts entre la BPI prêteuse et la BPI investisseuse, d’autant que, si j’ai bien compris, le directeur général de la holding sera aussi le président-directeur général des filiales.
Selon moi, il faut s’interroger, comme l’a fait notre rapporteur général, sur la question des conditions de refinancement de ce nouveau groupe.
Ne prend-on pas gratuitement le risque de perturber les prêteurs et d’obtenir moins, et à des conditions moins avantageuses, que ce que peut avoir aujourd'hui OSEO, dont la signature est appréciée ?
Ne prend-on pas le risque de faire payer cher, en points de base, à la Banque publique d’investissement et donc à ses clients cet « écran » que constituera l’établissement public holding entre, d’une part, les deux actionnaires – l’État et la Caisse des dépôts et consignations – et, d’autre part, l’établissement de crédit opérationnel ? Si l’on en croit la presse économique, monsieur le ministre, le directeur général pressenti a lui-même émis des doutes et n’a pas paru franchement enthousiaste devant le schéma capitalistique que vous nous avez décrit.
Au-delà des structures, derrière l’écran de fumée toujours bienvenu des belles formules, demeure une réalité : cette banque publique d’investissement, ce « porte-avions », n’aura de capacité opérationnelle qu’en fonction des moyens qui lui seront apportés et des fonds propres dont elle pourra disposer.
Lors de notre réunion de commission, votre ministre délégué, Benoît Hamon, ne nous l’a pas caché : dans le meilleur des cas, la banque ne peut espérer recevoir avant la fin de 2014, c'est-à-dire dans deux ans, les fonds propres souscrits non libérés par ses actionnaires. Ce qui était vrai d’OSEO demeure vrai pour la Banque publique d’investissement, et j’oserai même dire encore plus vrai puisque l’on attend tout de ce nouvel établissement.
Or c’est à partir de ces fonds propres souscrits non libérés que vous avez fait les calculs qui vous permettent de clamer que cette banque publique d’investissement aurait une « force de frappe » de 42 milliards d’euros. Je doute fort – c’est une litote ! – qu’elle les ait dès sa constitution, en tout cas dès le début de l’année 2013. D’ici là, les entrepreneurs, pour qui cette banque est faite, auront à subir – j’ai le regret de le dire, monsieur le ministre – les effets bien réels de votre politique, notamment fiscale.
Ils auront vu la déductibilité de leurs charges financières limitée. Et pour ceux qui savent réussir, ils auront vu les services fiscaux les rattraper pour les amener à acquitter une imposition de plus de 60 % sur leurs plus-values, avant d’appliquer aux personnes physiques un ISF sensiblement alourdi et sans réel plafonnement !
Mes chers collègues, regardons la réalité en face.
Dans ce texte même, dont les premiers articles proclament – on ne peut que s’en réjouir – le bonheur bancaire intégral, vous nous demandez à l’article 13, monsieur le ministre, l’autorisation de valider une démarche qui est, à mon sens, lourde de menaces pour les entreprises. En effet, vous sollicitez du Parlement un blanc-seing pour rédiger des ordonnances afin de tirer les conséquences dans notre droit, de façon anticipée, voire précipitée, d’une transposition européenne qui intégrerait les normes comptables de Bâle III.
Cette démarche est, me semble-t-il, tout à fait prématurée, d’autant que bien des grands pays, à commencer par les États-Unis, ont, pour leur part, choisi de s’affranchir de ces nouvelles normes pour un temps indéterminé. Or si nous appliquons ces règles, en particulier si l’Europe le fait avant les États-Unis, il est certain que de nombreuses entreprises, qu’elles soient petites, moyennes, intermédiaires ou grandes, se verront octroyer moins de crédits de la part du système bancaire.
Mes chers collègues, dans cette phase de rigueur que connaît la gestion des finances publiques, il est évidemment satisfaisant d’employer des belles formules, car cela ne coûte rien – en particulier au budget de l’État –, mais cela peut créer de nouvelles désillusions au sein de notre tissu social et économique.
En ce moment, les multinationales, comme d’ailleurs de très nombreuses entreprises de nos territoires, sont attentistes, et je ne parle même pas de celles qui peuvent être sensibles aux signes d’une fiscalité qui leur semblerait excessive.
Qu’on le veuille ou non, notre pays est loin d’avoir gagné en compétitivité et en attractivité, particulièrement depuis que l’actuel gouvernement est au pouvoir. À mon sens, ce n’est pas le présent projet de loi qui fera oublier aux entrepreneurs – petits et grands – les boulets fiscaux que l’on attache à leurs pieds de texte en texte…
… depuis le collectif budgétaire adopté cet été, en passant par le projet de loi de finances pour 2013, qui vient d’être rejeté par le Sénat.
Monsieur le ministre, je formulerai tout à l'heure quelques propositions, afin, en particulier, que la création de la Banque publique d’investissement ne soit pas un facteur de dilution, voire de démantèlement de la Caisse des dépôts et consignations. En effet, il me semble que l’intégrité de ce groupe fait partie du pacte républicain, qu’elle est un élément solide de notre politique économique et que tout ce qui peut la remettre en question ne va pas dans le bon sens.
De la même manière, il me semble que la structure juridique que vous avez choisie n’est pas optimale.
Pour l’ensemble de ces raisons, il est nécessaire que nous ayons un débat sur ces questions.
Quoi qu’il en soit, si la responsabilité des parlementaires est d’aller jusqu’au bout du débat, elle n’est en aucun cas de cautionner ce qui risque de s’apparenter à une grande illusion. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour traiter la crise, le gouvernement précédent n’avait qu’un mot à la bouche : austérité.
Mon prédécesseur à cette tribune, M. Marini, a démontré qu’il était toujours tenant de cette vision des choses, ce qui explique qu’il n’ait pas trop le moral pour l’avenir.
Pour notre part, nous pensons qu’il faut créer toutes les conditions pour que le système économique redémarre. Nous devons donc investir au maximum et, pour cela, favoriser l’accès aux moyens de l’investissement. D'ailleurs, dans son programme présidentiel, François Hollande avait inscrit la création de la Banque publique d’investissement comme priorité numéro un de ses soixante propositions. Il avait alors décrit les grandes lignes de ce qu’il considérait comme une banque d’un type nouveau, vouée à l’accompagnement de tous ces projets qui, en dépit de leur potentiel, sont restés mort-nés, faute de financements.
Nous savons à quel point les accords de Bâle III ont rendu les acteurs bancaires plus frileux que jamais. Dans cette perspective, la proposition du candidat à la présidence de la République consistait en la fondation d’une banque soucieuse de participer à l’élaboration d’un avenir meilleur, tout en demeurant attentive au développement de l’économie sociale et solidaire ainsi qu’à l’accompagnement de la conversion écologique et énergétique de l’industrie.
Alors que les banques rechignent à soutenir les projets innovants – nous ne le constatons que trop souvent dans nos territoires –, plus encore lorsque leur équilibre économique ne peut être atteint qu’à moyen terme, la BPI devait être publique, pour rompre avec la logique de recherche de la rentabilité financière maximale et immédiate des banques classiques. En effet, c’est le seul moyen efficace d’organiser la bonne irrigation du tissu entrepreneurial local.
La promesse faite pendant la campagne présidentielle et ses esquisses trouvent leur traduction concrète dans les deux textes que nous examinons aujourd’hui. Le premier porte le projet même de création de la Banque publique d’investissement sur les fonts baptismaux ; le second, de valeur organique, permet au Parlement de contrôler les nominations à la tête de cette nouvelle institution.
Lors des travaux préparatoires menés par l’exécutif, le rôle incontournable des régions a été reconnu. En effet, quoi de plus naturel que de se tourner vers les conseils régionaux lorsqu’il est question de développement économique ?
Monsieur le ministre, parlons franchement de cet outil de l’avenir et de la croissance ; l’histoire politique récente plaide en ce sens. En 1982, le développement économique local est devenu l’un des principaux domaines d’intervention des régions. Ce rôle a été confirmé par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui, par la volonté du Sénat, a confié à chaque région le soin de coordonner, sur son territoire, l’ensemble des actions de développement économique des collectivités territoriales et de leurs groupements – sous réserve, bien entendu, du respect des missions incombant à l’État.
Depuis lors, on peut constater que les régions ont gagné en savoir-faire et en créativité.
J’en veux pour preuve leur participation à un dispositif pilote en matière de développement des PME et des TPE. Mis sur pied sur l’initiative de la Commission européenne, de la Banque européenne d’investissement et du Fonds européen d’investissement, ce dispositif consiste en une boîte à outils d’ingénierie financière. Il s’agit de la convention de financement JEREMIE.
Dès 2008, le conseil régional du Languedoc-Roussillon s’est engagé dans ce programme destiné à offrir aux petites et moyennes entreprises de nouvelles ressources financières à chaque stade de leur vie. Il s’agissait non pas d’une aide classique, accordée sous forme de subventions, mais bien de l’ingénierie financière qui préfigurait déjà les aides de demain et dont nous devons nous doter : des aides composées de prêts, de prises de participation ou encore de garanties répondant à une logique de recyclage des fonds publics.
Monsieur le ministre, je sais à quel point cette expérience a retenu toute votre attention dans la préparation du projet de loi. Permettez-moi toutefois de saluer également la volonté de la ministre du commerce extérieur de mettre la BPI au service des PME et des entreprises de taille intermédiaire exportatrices, en pourvoyant notamment à leurs besoins de trésorerie. Ce volet international de la Banque, lui aussi essentiel, manquait dans le fameux « rapport Parent ».
Soyez convaincus que cette priorité ciblée sera portée par tous, par le Gouvernement, certes, mais également par les régions. En effet, si l’on considère le succès à l’exportation de notre voisin allemand en ces temps de crise, lequel se fonde sur le tissu dynamique des ETI, on comprend que le soutien aux PME est indispensable, non seulement parce que ces entreprises sont créatrices d’emplois et constituent un enjeu majeur en matière de maillage territorial, mais aussi parce qu’elles ont un rôle fort à jouer dans le cadre du redressement de notre balance commerciale. Dois-je rappeler que notre déficit commercial atteint 70 milliards d’euros ?
En matière de soutien aux PME, nous avons pris beaucoup de retard : la France compte à ce jour 90 000 entreprises exportatrices, soit quatre fois moins qu’en Allemagne. Ce chiffre montre qu’il est urgent d’agir.
L’action commence par la création des outils adaptés : avant de prêter de l’argent, créons les entreprises à qui le prêter ! Il faudra ensuite rapidement veiller à ce que les crédits nécessaires soient dégagés pour pouvoir utiliser ces outils.
Enfin, je me réjouis des améliorations d’ores et déjà apportées au texte par la commission des finances du Sénat.
Lors de l’examen du texte par nos collègues députés, quelques incohérences avaient été introduites dans sa rédaction. Je pense notamment à l’éviction malencontreuse des présidents de conseil régional de la présidence des comités d’orientation régionaux de la BPI. L’accident a été réparé, comme en témoigne la nouvelle rédaction de l’article 4 du texte issu des travaux de notre commission des finances. Il est positif que l’institution représentant la République des élus locaux et des territoires rétablisse cet apport. Ce faisant, elle est dans son rôle et effectue un travail qui sera utile pour l’avenir.
Concernant la composition des comités régionaux d’orientation, j’ai bien noté qu’un amendement déposé par le rapporteur Martial Bourquin, au nom de la commission des affaires économiques, visait à sa modification, avec pour objectif de donner plus de poids à la représentation régionale.
Pour ma part, j’ai une proposition à vous faire : elle consiste à favoriser l’adaptation de ces comités d’orientation à la spécificité de chaque territoire. La diversité des territoires doit s’exprimer. L’unité de la République n’en serait pas menacée et la cohérence de la banque n’en serait pas pour autant troublée.
En tout état de cause, je vous donne rendez-vous au moment où nous examinerons l’article 4 du texte ; nous aurons certainement un débat intéressant à ce sujet.
Pour conclure, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur un point qui ne relève pas de la loi. Il s’agit de la question de la présence des régions dans les comités d’engagement de la BPI, autrement dit dans des instances intégrant la doctrine d’action de la Banque.
Pour la réussite même de ce beau projet – auquel j’ai bien noté que M. Marini ne croyait pas – et pour que les espoirs qu’il porte puissent s’incarner, il me paraît fondamental que la composition des comités d’engagement ne délaisse pas la représentation régionale. Qu’en pensez-vous ? Vous n’avez rien dit à ce sujet. Pourtant, c’est du développement économique de proximité qu’il s’agit !
En évoquant ce point, vous avez déclaré que les choses devaient être claires. Ce faisant, vous m’avez surpris et même chagriné.
En effet, en quoi la présence des régions nuirait-elle à la clarté ?
Nous attendons tous une grande loi de décentralisation. Si j’ignore sa teneur, vous devez, pour votre part, en avoir quelque idée. Pouvez-vous me préciser vos intentions sur le sujet ?
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France connaît une situation économique difficile, notamment en matière de politique industrielle. Si cette situation est en partie imputable à la crise, elle est aussi le fruit de la gestion du gouvernement précédent.
Sourires ironiques sur les travées de l'UMP.
Chers collègues de l’opposition sénatoriale, votre réaction me prouve que vous suivez mon propos, ce dont je me réjouis.
En dix ans, nous avons perdu 750 000 emplois dans l’industrie et pas moins de 350 000 l’ont été depuis 2007.
Des choix stratégiques auraient dû être réalisés bien en amont pour répondre aux enjeux de l’industrie. Rien n’a été fait, et nous en subissons aujourd’hui les conséquences. C’est une réalité extrêmement simple, parce qu’elle est factuelle et mathématique.
Il n’est jamais trop tard pour agir. C’est pourquoi je me réjouis que le Gouvernement ait pris cette grande initiative : donner naissance à la Banque publique d’investissement, dont je rappelle que la création faisait l’objet de la première proposition du candidat François Hollande à la présidence de la République.
Nous, écologistes, demandons la création d’une telle institution depuis longtemps. En effet, comme le reste de la majorité gouvernementale et sénatoriale, nous croyons à la force de la puissance publique pour actionner les leviers nécessaires à l’investissement dans les filières d’avenir, répondant ainsi aux défis de la compétitivité – notamment de la compétitivité hors coût –, du renouvellement de l’industrie, de la transition écologique de l’économie.
Je vous remercie, mon cher collègue !
Le Président de la République François Hollande l’a dit, le Gouvernement le fait. À cet égard, je tiens à saluer le travail de coélaboration de la loi qui a été mis en œuvre. Comme cela a été rappelé, le projet de loi a déjà été enrichi par les commissions de l’Assemblée nationale.
La version issue des travaux de nos collègues députés a ensuite été améliorée en commission des finances au Sénat, les débats en commission du développement durable ayant été particulièrement utiles.
Notre collègue Christian Bourquin a effectivement eu raison de rappeler le travail des présidents de région.
Cela étant, le texte peut être encore amélioré, grâce à nos débats et à nos amendements.
Le Gouvernement étant attentif et ouvert aux propositions de sa majorité – je le souligne avec plaisir –, c’est à partir d’un projet de loi respectueux de la parité, des enjeux écologiques, des PME et des régions que nous allons discuter ; autant dire que nous partons déjà d’une bonne base.
Le Gouvernement a bien pris la mesure du défi économique et industriel, et il y met les moyens. Avec une capacité d’investissement de 40 milliards à 70 milliards d’euros, nous pouvons raisonnablement espérer financer de beaux projets, y compris grâce à un effet de levier qui pourrait nous mener au-delà encore. Comme vous, monsieur le ministre, je crois qu’il faut agir vite et cette réactivité vous honore.
En effet, il y a urgence, car, pour 10, 3 % de la population active en France, c’est la galère du chômage et l’anxiété de la précarité. La BPI concerne aussi l’emploi, on n’en parle pas suffisamment ! À cet égard, il est naturel que les représentants des salariés et de la société civile soient présents dans les instances de gouvernance, même si nous pensons, comme d’autres de nos collègues, que le Conseil économique, social et environnemental ainsi que la Banque de France, pour son expertise, devraient y être davantage associés.
La Banque publique d’investissement n’est pas qu’un nouvel organisme bancaire de plus, comme on a pu le dire, qui s’ajoute et regroupe tous les autres. Non, la BPI est une nouvelle institution nationale, éthique, stratégique et ancrée dans le réel.
L’économie réelle, ce sont les TPE et les PME, qui éprouvent tant de difficultés à se financer auprès des banques, qui ne s’y retrouvent plus entre tous les acteurs financiers, qui ne sont pas accompagnées dans leurs projets, qui doivent résister dans des délais de gestion bien trop longs. La réalité, c’est qu’elles sont « le plus grand employeur » de France et qu’elles n’arrivent plus à préserver les emplois ni à en créer.
Alors, oui, il faut agir maintenant, mais la rapidité d’action ne doit pas s’appliquer qu’au Gouvernement et au Parlement, avec le vote de cette loi. Elle doit surtout s’appliquer après le débat, au moment de la gestion des dossiers de financement des entreprises.
La Banque publique d’investissement que nous souhaitons est une banque innovante, qui supplée aux défaillances du système bancaire classique et qui prend des « risques stratégiques » en faveur de projets d’avenir, en sachant s’affranchir d’une logique purement comptable et financière. La BPI, pour répondre véritablement aux problèmes concrets des entrepreneurs, doit constituer un guichet unique, surtout au niveau régional, et ainsi mettre fin à un système complètement illisible, qui multiplie les organismes, les interlocuteurs et les démarches administratives, autorisant d’ailleurs tous les excès.
Le président Philippe Marini a évoqué le FSI ; cet outil était effectivement intéressant, mais on a pu aussi constater qu’il s’était engagé dans des interventions qui ne correspondaient pas aux orientations stratégiques de départ.
M. Jean-Vincent Placé. Mais je ne citerai pas d’exemples, pour ne pas être désagréable.
Sourires.
Enfin, pour être efficace, la BPI ne peut faire l’économie de s’intégrer dans les territoires. Les régions, mieux que quiconque, connaissent les enjeux du tissu économique local.
La BPI ne peut se contenter d’être un organisme de plus, qui prend les décisions d’en haut, déconnecté du terrain. C’est pourquoi les conseils régionaux doivent être pleinement associés, ainsi que les chambres de commerce et d’industrie, dont je souligne toujours le caractère solide, car elles sont proches des réalités. Leurs expertises sont un véritable atout, tout comme celles des agences régionales spécialisées, qui travaillent quotidiennement avec les acteurs économiques.
Ce sont ces institutions locales qui connaissent vraiment les PME, qui les conseillent, les accompagnent dans leurs projets. La prise de décision doit s’appuyer sur ces compétences et cette connaissance fine du territoire. Tel sera l’objet de l’un de nos amendements.
Par ailleurs, la Banque publique d’investissement, par son caractère national, pourra contribuer à la réduction des inégalités territoriales, autre mission essentielle. À cet égard, il me semble inconcevable que la BPI exclue – du moins, rien n’est précisé à ce sujet dans le projet de loi – les zones rurales et les outre-mer de son champ d’action, objets des préoccupations d’un nombre important de nos collègues.
Au-delà, la qualité première de la BPI est d’être au service d’un État stratège. En plus du soutien à l’emploi, à la compétitivité, à l’innovation, à la conversion numérique, à l’économie sociale et solidaire – ce sont des secteurs essentiels –, la référence explicite à la transition écologique et énergétique est primordiale, comme l’a rappelé M. le rapporteur général.
À Doha, il est clair que la conférence sur le climat n’a pas été à la hauteur. Démontrons, en France, que nous prenons la mesure des enjeux écologiques, faisons de la BPI une « institution exemplaire », comme le propose Pierre Moscovici.
Il y a un impératif environnemental : les émissions de CO2 sont supérieures à 50 gigatonnes par an, alors qu’elles devraient se situer aux alentours de 44 gigatonnes en 2020, selon le dernier rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement.
Il y a aussi un impératif social et économique : nous devons créer de l’emploi et de l’activité en France. La transition écologique de l’économie est une chance pour permettre au secteur industriel et productif de se redresser réellement. Les énergies renouvelables, les transports, l’efficacité énergétique dans les bâtiments, pour ne citer que ces exemples, représentent des centaines de milliers d’emplois. La BPI doit faire confiance aux filières d’avenir et aux activités innovantes. Les projets d’économie circulaire, de fonctionnalité, la production de nouveaux matériaux sont également des pistes sérieuses pour une économie redynamisée et respectueuse de l’environnement.
Nous, écologistes, pensons que l’État doit saisir cette chance qui s’offre de répondre, de façon stratégique, aux difficultés présentes tout en préparant l’avenir. Nous avons donc déposé un amendement pour affirmer que la transition écologique et énergétique est un objectif, à part entière, de la BPI et conforter les dispositions issues des travaux de nos collègues députés.
Nous souhaitons également qu’un rapport statistique soit remis chaque année non seulement pour pouvoir apprécier les progrès de la banque en la matière, mais également pour renforcer la transparence et le contrôle du Parlement. « La confiance n’exclut pas le contrôle », selon la maxime bien connue !
J’aimerais que M. le ministre nous détaille les modalités d’application de ce projet de loi : l’institution financière va-t-elle se doter de barèmes, de critères sociaux et environnementaux, d’indicateurs pour respecter ses engagements ? L’écologie ne peut pas, une fois de plus, se contenter d’être inscrite comme un principe plébiscité, mais jamais concrétisé. Je sais cependant que telle n’est pas la volonté du Gouvernement.
Certes, la BPI, à elle seule, ne peut pas permettre la transition écologique de l’économie, mais elle peut y contribuer. Le financement est un outil indispensable de la mutation que nous appelons de nos vœux. Cependant, il n’est pas suffisant, et j’attire l’attention du Gouvernement sur la nécessité de mettre en œuvre à l’intention des entreprises un « signal prix » significatif, afin que les acteurs qui polluent soient pénalisés financièrement par rapport à ceux qui font des efforts, ou bien que ceux qui font des efforts puissent bénéficier d’un bonus. Tel est la vision positive qu’il faut développer, afin que tous aient un intérêt rationnel à modifier leur comportement productif. C’est aussi en imposant des normes que l’on pousse un secteur à se renouveler. Nous souhaitons donc qu’une « taxe carbone » – la « contribution énergie-climat » figurant dans le programme du Président de la République –, par exemple, soit mise en œuvre rapidement.
Ce n’est pas tout : les entreprises ont également besoin de lisibilité et de stabilité. Les réglementations mériteraient d’être définies pour la durée du quinquennat et ne plus changer. Ce point est très important, car les PME-PMI ont du mal à suivre les changements législatifs et réglementaires et éprouvent de fortes inquiétudes à chaque projet de loi de finances. Il faut permettre à nos entreprises de disposer d’une visibilité sur le long terme pour prévoir leurs investissements.
J’ai reçu récemment le directeur général d’un important producteur d’éoliennes. Bien que je ne fasse pas partie de ceux qui dénigrent constamment leur pays, j’ai dû admettre sa démonstration : cette entreprise installe des éoliennes en deux ans en Allemagne, contre huit ans en France. Nous devons absolument changer de méthode, pour ne pas décourager les entrepreneurs.
Les écologistes croient également en l’économie sociale et solidaire. Nous nous félicitons ainsi qu’une partie des affectations des fonds lui soit destinée, même si ces montants auraient pu être plus significatifs.
Pour conclure, j’indiquerai que la création de la Banque publique d’investissement est une très bonne initiative, car elle apportera de nouvelles capacités d’investissement et plus de lisibilité aux entreprises et pourra accompagner les projets dont la France a besoin, notamment en matière écologique. Par ailleurs, le Gouvernement a cherché à établir une gouvernance plurielle, paritaire et équilibrée. Aussi le groupe écologiste soutient-il le projet de loi.
Nous aurons l’occasion de vous présenter quelques amendements, qui ont vocation à contribuer au débat. J’espère qu’ils rencontreront un certain assentiment. En tout cas, vous le savez, nous avons prouvé notre capacité à exprimer notre insatisfaction, mais quand nous sommes satisfaits, nous le disons également ! Il est important que, dans notre famille politique, dans notre majorité, nous puissions travailler dans la franchise et sachions parfois faire preuve de résistance, parce que, comme chacun le sait, on ne peut s’appuyer que sur ce qui résiste !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, premier des soixante engagements du candidat François Hollande pour l’élection présidentielle du printemps dernier, la création de la Banque publique d’investissement pourrait être décriée par principe comme portée aux nues, selon le côté où l’on siège dans cet hémicycle. Mais nous avons l’impression qu’il est bien plus utile de nous dégager des a priori et d’aborder ce projet de loi comme ce qu’il est, « un chantier ouvert », un ouvrage dont il importe que nous regardions comment il est fait, à quoi il peut servir et comment nous pouvons en faire l’outil d’un nouveau type de développement économique.
Au nom des parlementaires du groupe CRC, attachés par principe à ce qui peut apporter un « plus » à la société française, à ce qui peut répondre aux attentes populaires en termes d’emplois, de réduction des inégalités sociales et de développement, qui vont souvent de pair, et opposés à tout ce qui éloigne les Françaises et les Français de la véritable égalité, je suis donc chargé de vous exposer notre sentiment sur ce nouvel instrument financier.
C’est une évidence de rappeler, sans que la fierté des auteurs du projet de loi n’ait à en souffrir, que la Banque publique d’investissement est bien autre chose, a priori, qu’une sorte de revanche sur un passé récent qui avait vu le gouvernement de M. de Villepin créer OSEO, sur la base de la fusion de la Banque de développement des PME et de l’Agence nationale de la valorisation de la recherche, et le Président Sarkozy pousser les feux d’un « fonds souverain à la française », appelé Fonds stratégique d’investissement. On notera aussi qu’OSEO avait, en 2008, capté les activités de l’Agence de l’innovation industrielle, créée presque en même temps que l’établissement public lui-même par le gouvernement de M. de Villepin.
Ces rappels ne changent au fond pas grand-chose au sujet qui nous préoccupe, sinon que trois structures pas tout à fait identiques, pas tout à fait pourvues du même bilan, vont être appelées à travailler ensemble sous le même « chapeau », à savoir la BPI.
Mais, bien évidemment, si l’on peut presque se satisfaire de la logique consistant à faire travailler ensemble des organismes visant concrètement les mêmes objectifs, on ne peut, nous semble-t-il, se contenter de voir monter en charge une banque, appelons-la ainsi, qui ne ferait rien de plus que de regrouper les forces et les capacités existantes.
J’entends bien, si l’on s’arrête aux mots, qu’OSEO, selon l’ordonnance de 2005, a pour objet, premièrement, « de promouvoir et de soutenir l’innovation, notamment technologique, ainsi que de contribuer au transfert de technologies » et, deuxièmement, « de favoriser […] le développement et le financement des petites et moyennes entreprises ».
De leur côté, les objectifs du FSI, au nombre de trois, sont rappelés dans sa doctrine d’investissement. Il s’agit d’accompagner, premièrement, « le développement des petites et moyennes entreprises de croissance pour lesquelles il participe au financement en fonds propres via le programme France Investissement – valeur d’entreprise inférieure à 100 millions d’euros » ; deuxièmement, « des entreprises de taille moyenne – valeur d’entreprise comprise entre 100 millions d’euros et 2 milliards d’euros – qui disposent d’un potentiel de création de valeur, notamment parce qu’elles maîtrisent des technologies innovantes ou peuvent bâtir des positions de leader, pour lesquelles il joue un rôle de catalyseur de développement et d’innovation » ; troisièmement, « des entreprises de taille moyenne présentes sur des secteurs en phase de mutation qui, parce que leurs fondamentaux – notamment techniques, humains ou produits – sont sains, peuvent émerger comme acteur de référence de leur segment ; par son intervention en fonds propres, le FSI joue alors le rôle d’accélérateur des redéploiements industriels ».
On aura ainsi vu les points communs – ce ne sont manifestement pas les seuls dont nous aurons à débattre ici – entre les interventions de l’un et de l’autre des établissements appelés à travailler ensemble.
Cependant, il nous faut revenir à la source même qui a inspiré la création de la BPI, à savoir le modèle allemand, celui de la Kreditanstalt für Wiederaufbau, la KfW, en français « établissement de crédit pour la reconstruction », structure bancaire héritée de l’après-guerre qui a largement financé, à partir des fonds du plan Marshall puis de ses retours de fonds, et de ressources sollicitées ensuite auprès de la Bundesbank et désormais des marchés financiers, le développement de l’économie selon le modèle rhénan.
Acteur majeur du redressement économique de l’Allemagne fédérale, l’établissement dispose aujourd’hui d’une force de frappe proche de 500 milliards d’euros et certains analystes évoquent même le fait qu’il est parfois en situation de répondre aux fins de mois délicates de la Banque centrale européenne… Il faut dire que les deux institutions sont domiciliées dans la même ville, à savoir l’industrieuse et commerçante cité de Francfort-sur-le-Main !
Le champ d’intervention de cet établissement, d’abord ouest-allemand et fédéral, est particulièrement large. Si nous voulions assurer la symétrie parfaite entre la BPI et son grand équivalent allemand, nous pourrions presque faire adopter tout amendement reprenant exactement l’une des missions assurées par cet établissement, qui va de la trésorerie des PME à la coopération internationale, en passant par les investissements en énergies renouvelables, l’amélioration de l’habitat, la réalisation d’infrastructures communales ou les bourses d’études, mais il manquerait sans doute l’essentiel.
En effet, l’antériorité de l’établissement allemand lui permet de présenter aujourd’hui un bilan d’un volume particulièrement important – je l’ai dit, 500 milliards d’euros – et la loi lui accorde une importante capacité de levée de ressources à tous les niveaux et en tous lieux. Il est évident que, lorsque le capital de l’établissement est détenu à 80 % par l’État fédéral et 20 % par les Länder, certaines portes doivent s’ouvrir plus facilement, la garantie de l’État étant sollicitée en cas de défaut.
À noter que la KfW dégage, ces temps derniers, un bénéfice net supérieur au milliard d’euros, signe d’une gestion plutôt saine de ses propres engagements et signe évident d’un produit net bancaire dont elle n’a, en tout état de cause, pas l’impérieux besoin.
Pour être tout à fait clair, il est évident que ce qui fait aussi la force de l’établissement allemand, c’est son recours à la création monétaire, autant que ses retours de fonds ou que ses retours sur investissement. Il importe donc que la nouvelle structure que nous allons créer avec ce projet de loi soit en situation d’émettre des titres de créance, bénéficiant en cela de la qualité de la signature de l’État français, actionnaire de référence, et de celle de la Caisse des dépôts et consignations, dont les qualités et la réputation ne sont plus à établir, près de deux siècles après sa création.
Que la BPI ait la qualité d’établissement de crédit, quand bien même elle confierait telle mission ou telle intervention spécifique à une filiale dédiée, par la suite, est une nécessité.
Certains nous diront qu’OSEO est assez doué en la matière pour lever, sur les marchés financiers, les ressources dont il a besoin pour son intervention, de même que la CDC a suffisamment d’expérience en matière de création de véhicules porteurs d’épargne financière et de fonds dédiés pour que cela fasse le compte. Mais il importe, à notre avis, que la BPI soit effectivement dotée de la qualité d’établissement de crédit, parce qu’elle pourra, dès lors, assurer son refinancement auprès de la Banque centrale européenne, dont le taux directeur actuel – 0, 75 % –, historiquement bas, demeure le meilleur argument pour assurer autant que faire se peut la liquidité des marchés financiers et ainsi alléger le « loyer de l’argent ».
Dans le contexte récessif malheureusement pressenti pour 2013, plus la BPI sera en situation d’intervenir auprès des entreprises en leur proposant le meilleur service, c’est-à-dire assorti de la charge d’intérêt la plus faible, plus nous serons en mesure de créer les conditions nous permettant de sortir à la fois du piège de la stagflation et de celui du gaspillage des potentiels de croissance.
La BPI ne deviendra pas, même si nous devons réfléchir au sujet, un acteur majeur du financement des entreprises et de l’économie si elle demeure cantonnée à la distribution de prêts au demeurant plus risqués que ceux qui sont accordés par les établissements de crédit ordinaires adossés à des titres et parts d’entreprises publiques, à des participations minoritaires dans certaines entreprises privées susceptibles d’être liquidées et à l’affectation des surplus éventuels de fonds d’épargne.
Même l’existence d’une ressource fiscale dédiée, comme nous pouvons le voir en d’autres domaines avec le 1 % logement ou les fonds de la formation professionnelle, ne saurait suffire à l’essentiel.
La BPI ne peut agir durablement et valablement que dotée, comme n’importe quelle autre banque, du pouvoir de création monétaire. Il faut notamment le faire de par la nature même de l’intervention de l’établissement et de ses filiales.
Nous laisserons à son auteur le jugement péremptoire sur le fait que la BPI n’a pas à être créée pour aider les « canards boiteux », pour en revenir à l’essentiel.
Nous avons, dans notre pays, si l’on en croit les éléments en notre possession, plus ou moins 3, 4 millions d’entreprises, de toutes tailles, de tous types, de la plus petite à la plus grande. La majorité de celles-ci sont des sociétés de capitaux, dont une grande majorité de TPE, de PME et d’ETI.
Le nombre des entreprises ne comptant aucun salarié – en général des entreprises individuelles – est de plus de 2, 23 millions, soit plus de 65 % de nos entités. Les entreprises comptant de 1 à 9 salariés sont près d’un million et représentent près de 29 % de l’ensemble de nos entreprises. Nous avons donc, en France, un ensemble d’un peu moins de 200 000 entreprises dont les effectifs salariés excèdent le seuil de 10 salariés, dont 95 % comptent en fait moins de 250 salariés et constituent le cœur de cible de l’action de la BPI.
La BPI est par conséquent prévue pour nos 190 000 PME de 10 à 249 salariés et pour une partie du million d’entreprises plus petites qui peuvent gagner en efficacité, en production et en création d’emplois pour peu qu’on leur apporte un soutien efficient dans tous les territoires de notre pays, qu’ils soient urbains ou ruraux. C’est une question essentielle d’équilibre républicain. Ajoutons-y peut-être une partie des 4 000 à 4 500 entreprises comptant entre deux cent cinquante et un millier de salariés et nous aurons ainsi le compte.
Je sais bien que la loi de modernisation de l’économie place les entreprises de taille intermédiaire sous la borne des 5 000 salariés et celle des 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires, mais cela ne change pas grand-chose à la démonstration.
Le projet de loi établit pour le moins une évidence : ce n’est pas forcément l’absence de fonds propres qui crée une difficulté au développement de nos entreprises, mais bel et bien l’inégalité d’accès au crédit bancaire. Un crédit bancaire rare et cher, voilà ce qui consomme plus sûrement les fonds propres de n’importe quelle entreprise de production de biens et de services que n’importe quelle cotisation sociale ou juste rémunération du travail !
Nous devons clairement nous fixer un objectif avec cette loi : faire de la BPI un nouveau modèle bancaire pour un nouveau type de crédit, réduisant l’obstacle principal à la compétitivité et au développement de notre industrie, c’est-à-dire la préemption des coûts du crédit sur la valeur ajoutée et la richesse produite.
Ce texte, s’il est mené jusqu’où il doit aller et si la BPI joue le rôle qu’il convient de lui donner, peut nous prouver, une fois encore, que l’arme de la fiscalité n’est pas la seule qui puisse modifier les données de la situation économique et sociale dans laquelle nous nous trouvons et qu’une affectation économe de l’argent public – que peut coûter la garantie accordée par l’État aux engagements de la BPI face aux milliards d’euros que nous consacrons déjà à alléger les impôts et les cotisations sociales, prétendument au nom de d’emploi ? –, intervenant dans les circuits financiers eux-mêmes, est peut-être la meilleure solution que nous puissions trouver.
Une autre vertu pourrait d’ailleurs être trouvée à une BPI jouant pleinement son rôle, celle d’amener l’ensemble des acteurs du monde bancaire à reconsidérer leurs stratégies d’engagement de fonds, nonobstant ce que nous pouvons attendre de la prochaine discussion de la réforme bancaire et financière telle qu’elle s’esquisse avec la séparation des activités de crédit des activités pour compte propre.
Avec la loi de modernisation de l’économie, les acteurs du milieu bancaire ont, comme chacun le sait, pu faire usage de ressources nouvelles tirées de l’épargne populaire, relativement peu coûteuses, qui leur ont permis d’adosser certaines opérations juteuses et d’amortir certaines pertes subies par ailleurs dans le tourbillon de la crise financière de 2008.
Si la BPI monte rapidement en puissance dans le paysage bancaire de notre pays et joue le rôle que peut jouer la KfW en Allemagne, nul doute que nous pourrons aussi constater une évolution positive sur les taux d’intérêt, avec toutes les conséquences que cela implique.
C’est dans cet esprit constructif, lucide et responsable que les parlementaires du groupe CRC abordent l’examen de ce projet de loi. Nous avons déposé un certain nombre d’amendements visant à tirer parti de l’ensemble du potentiel transformateur du texte, pour mieux relier la création monétaire et la création de richesses, et répondre aux objectifs généraux et généreux que l’on semble vouloir assigner à la Banque publique d’investissement.
La réforme du crédit étant l’un des éléments clés de la réussite du changement, il ne pouvait en être autrement !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos entreprises souffrent de trois problèmes majeurs : l’atrophie de notre tissu économique intermédiaire, une spécialisation industrielle tournée essentiellement vers les grandes entreprises, un climat fiscal et financier anxiogène pour les entreprises à fort potentiel de développement. Cependant, celui qui surpasse tous les autres est le financement. Votre réponse s’appelle la BPI, pourquoi pas !
Le mal essentiel qui frappe notre tissu économique et industriel tient à la très faible marge et aux capacités d’investissements insuffisantes de nos entreprises depuis trente ans. Le taux de marge français est de 28 %, soit près de 10 points en dessous de la moyenne européenne, avec pour conséquence annexe mais majeure notre déficit commercial.
En effet, les faibles marges et la faiblesse de la trésorerie des PME sont un frein à leur développement et donc à l’exportation. Le matraquage fiscal aggrave cette situation et peine à créer un climat favorable au développement et à la croissance des entreprises. La BPI, dont le rôle est de faire face à la faiblesse de trésorerie des PME, aurait moins de nécessité d’être sans cette fiscalité handicapant terriblement la trésorerie de nos entreprises. Considérez l’Allemagne, qui a fait de sa fiscalité patrimoniale la source vive du Mittlestand, le dynamique tissu des PME-ETI.
Votre projet de loi a pour but d’améliorer l’accession des PME et des ETI à un système de financement public tourné principalement vers le long terme. C’est, je le souligne, un besoin vital pour nos entreprises.
À l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, vous avez déclaré que vous aviez la conviction que ce texte portera « une cause qui peut nous rassembler tous, sur tous les bancs : celle du financement de l’investissement, celle de la compétitivité de l’économie, celle du développement de nos entreprises et de nos territoires, bref, celle du redressement de notre pays ». Ce souhait est aussi le nôtre. Comment ne pas adhérer aux objectifs de la Banque publique d’investissement : innovation, développement, internationalisation des entreprises, simplification par un guichet unique, reconnaissance du rôle économique des régions ?
Vous présentez la BPI comme la banque des entreprises de croissance, du tissu économique de nos territoires, de la stratégie industrielle, un outil offensif et performant au service de la croissance et de l’emploi. Les emplois d’avenir, à destination des seules collectivités et des associations, n’endigueront pas le chômage. Leur utilité est exclusivement sociale et va à l’encontre de votre objectif de baisse du nombre de fonctionnaires. C’est grâce aux entreprises et à l’initiative privée que la France sortira de l’ornière et non grâce à des emplois publics déjà trop nombreux.
L’économie générale de la BPI est simple : il s’agit de rapprocher OSEO, la branche « entreprises » de la Caisse des dépôts et consignations et le FSI en une structure unique dans la mouture d’OSEO. Néanmoins, les trois établissements existants ont chacun leur spécificité. OSEO, la banque des PME, a pour fonction l’aide à l’innovation, la garantie des concours bancaires et des investisseurs en fonds propres et le financement en partenariat, avec des correspondants en région. Le Fonds stratégique d’investissement répond aux besoins en fonds propres d’entreprises porteuses de croissance et de compétitivité pour l’économie française par une participation minoritaire au capital. CDC Entreprises participe au soutien des entreprises de longue date pour le développement industriel de notre pays. Je rappelle ces spécificités pour m’interroger sur leur fongibilité.
Le groupe UDI-UC vous questionne sur plusieurs points. Vaut-il mieux créer une seule grosse structure ou garder les trois qui existent et qui fonctionnent ? Votre formule dispose-t-elle de plus de souplesse, de réactivité pour répondre aux besoins des entreprises ? Une grosse structure aura-t-elle une force de frappe plus grande par l’addition des trois capacités financières ou, au contraire, sera-t-elle moins réactive ?
Je crains que toutes les missions que vous attribuez à cette banque n’entraînent beaucoup de pesanteur. Vous donnez à la BPI la mission de réindustrialiser la France, d’assurer notre transition énergétique, de garantir le respect de l’environnement, de favoriser l’activité économique ; c’est beaucoup, sans doute beaucoup trop. Je crains que le principe du couteau suisse à 42 milliards d’euros ne soit un peu irréaliste.
L’économiste néerlandais Jan Tinbergen avait déjà démontré qu’en matière de politique économique il fallait un outil dédié à un objectif bien défini. Or vous nous présentez un dispositif global tant dans ses missions que dans sa structure et dans ses objectifs. De plus, la structure finale de la holding composant la BPI n’est pas encore définie.
La Cour des comptes avait spécifiquement indiqué dans son rapport de juillet dernier relatif au financement de l’économie que la réunion des compétences d’OSEO, du FSI et de la branche « entreprises » de la Caisses des dépôts et consignations risquait de générer des difficultés pratiques, car ce sont des métiers différents. Monsieur le ministre, je suis surpris que vous n’ayez pas suivi les recommandations de la Cour – une fois de plus, serais-je tenté d’ajouter.
Dès lors, je ne peux qu’être inquiet. La force de frappe de 42 milliards d’euros sera-t-elle suffisante au regard des nouvelles exigences prudentielles que la crise financière nous a imposées ? La BPI devra être soumise à l’application de normes prudentielles de deux types selon la nature de son activité : celles de la Caisse des dépôts et consignations pour les fonds propres et celles de Bâle III pour les emprunts garantis. Comment s’articulera cette gestion prudentielle ? Ce n’est pas vraiment clair ; c’est même assez obscur.
Bâle III et le règlement CRD 4 maintiennent le ratio de solvabilité à 8 %, mais créent des coussins supplémentaires de fonds propres afin d’assurer la continuité de l’activité de l’entreprise. Cette pondération des actifs en fonction des risques signifie qu’il faudra disposer de fonds propres plus importants pour des actifs plus risqués.
Le rôle de la BPI se distingue de celui des banques privées. Cette banque publique devra financer ou garantir le risque des TPE, des PME et des ETI, que les banques privées ne veulent pas prendre en charge. Le financement des PME à long terme, le plus risqué, est donc l’une des raisons d’être de la BPI. La nouvelle Banque publique d’investissement a pour consigne de se comporter en investisseur avisé. Certes, les trois organismes qui la composent ont une réputation de compétence, mais le spectre du Crédit lyonnais hante toujours nos mémoires.
Enfin, monsieur le ministre, je ne peux être que dubitatif concernant la gouvernance du groupe BPI. Elle porte en germe des conflits d’intérêts, en raison de la participation des politiques – un élu pourrait être tenté de privilégier un territoire dont il est issu ou qu’il représente – et car le risque existe que les projets de long terme à fort potentiel soient négligés au profit du sauvetage d’entreprises, ces entreprises que Jean-Pierre Jouyet comparait à des « canards boiteux ».
La définition de la doctrine d’intervention relèvera du comité d’orientation. Quelle sera l’articulation entre l’État, qui doit définir une stratégie, et les régions, qui demandent à jouer un rôle actif dans ce processus de décision ? Quelle sera l’articulation avec le Commissariat général à l’investissement, avec le futur commissariat général à la stratégie et à la prospective ? Cette complexité rendra très difficile sa mise en œuvre et risque d’entraîner des lenteurs administratives, ce qui est le contraire du but recherché.
Quant à la part des PME dans les exportations, elle est de 9, 8 %, alors que ces entreprises représentent plus de 97 % des sociétés françaises, qu’elles emploient près de 7 millions de salariés, réalisent 34 % du chiffre d’affaires et 42 % de la valeur ajoutée ! Comment les inciter, les aider à exporter ?
Vous l’avez souligné, monsieur le ministre, nous manquons d’instruments efficaces de soutien à l’export, contrairement à nos voisins allemands et italiens, qui comptent respectivement deux et trois fois plus de PME que la France. En outre, ces entreprises ont une forte pulsion exportatrice et l’habitude de travailler en meute.
Aujourd’hui, deux structures fonctionnent pour aider les entreprises à l’international : Ubifrance, établissement public, qui œuvre à la promotion de nos entreprises à l’extérieur, et la COFACE, établissement privé, qui assure leurs risques.
Vous envisagez de les intégrer à la BPI dans un second temps. Comment allez-vous fusionner un établissement public et un établissement privé, même si on peut en espérer une complémentarité sur le terrain ? L’écart est grand entre une promotion publique généraliste et un établissement privé qui peut avoir tendance à mettre en avant, pour refuser un dossier, les risques du pays ou du futur client. Quoi qu’il en soit, la démarche est ardue.
Vous avez annoncé une réforme bancaire, la création d’une place boursière dédiée aux PME-ETI en 2013 et une réforme de l’épargne afin d’inciter les Français à investir dans l’économie. Ce sont des idées intéressantes. Pourriez-vous nous donner des précisions sur ces réformes à venir ?
Monsieur le ministre, votre projet de loi part d’une bonne intention, mais il suscite plus d’interrogations qu’il n’apporte de réponses.
En outre, la fiscalité que vous venez de mettre en place assèche les capacités d’investissement des entreprises. Elle est donc tout sauf incitative.
Elle obère aussi fortement les marges, lesquelles comptent parmi les plus faibles, je le répète, de l’Union européenne. Elle ne peut pas non plus attirer une épargne que vous avez déjà orientée vers le livret A. Dans ce contexte fiscal et compte tenu de la création de la tranche d’imposition à 75 %, vous vous mettez à l’abri des investisseurs étrangers...
M. Aymeri de Montesquiou. Le projet de loi relatif à la Banque publique d’investissement n’est pas une mauvaise initiative et le guichet unique est une bonne idée, mais, ayant été mal préparé, il contient trop d’imprécisions et d’incertitudes pour que le groupe de l'UDI-UC le vote en l’état. Par conséquent, nous nous abstiendrons.
Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui porte création de la Banque publique d’investissement, laquelle était le premier des engagements figurant dans le projet présidentiel de François Hollande.
Cette banque est censée compenser l’accès rendu plus difficile des entreprises aux prêts bancaires, à la suite de l’instauration de nouvelles règles prudentielles de solvabilité des banques.
À cet égard, n’en faisons pas plus que nécessaire. Les États-Unis ont, eux, différé la mise en œuvre de Bâle III et ne se sont engagés sur aucun calendrier.
Mais, comme toujours, en France, nous allons plus loin que les normes européennes. Résultat : nous asséchons nos possibilités !
Pour lutter contre les problèmes de financement et les manques de fonds propres, la BPI pourra mettre en œuvre une logique proche de celle de l’investisseur souverain, capable d’entrer au capital de grandes entreprises porteuses de croissance et de compétitivité pour l’économie française en vue de stabiliser leur actionnariat.
La nouvelle stratégie de la BPI s’appuiera sur deux priorités nationales pour la croissance et la compétitivité : le soutien à l’innovation et l’accompagnement des entreprises à l’international. Grâce à l’ensemble de ses outils de financement et d’investissement, la BPI soutiendra les stratégies nationales de développement de filières.
La BPI offrira un ensemble de services au travers de guichets uniques régionaux d’un même réseau de distribution, au plus près des entreprises.
Par ailleurs, la BPI développera une offre de services et d’accompagnement des entreprises dans leurs projets de développement.
La gouvernance nationale et régionale de la BPI incarne un nouveau partenariat entre l’État, la Caisse des dépôts et consignations et les régions. Les régions et la BPI créeront ainsi ensemble des plateformes communes d’accueil des entreprises pour leurs besoins de financement en matière de prêts, de garanties et de fonds propres.
Selon le Gouvernement et sa majorité, un trop grand nombre d’acteurs institutionnels seraient compétents pour prendre en charge les besoins de financement des entreprises : OSEO, l’État, la Caisse des dépôts et des consignations, le Fonds stratégique d’investissement et les régions, à travers leurs stratégies de développement économique. Cependant, les données macroéconomiques dont nous disposons, notamment celles qui figurent dans l’étude d’impact, montrent que le problème est plus d’ordre qualitatif que quantitatif.
Il est en effet naïf, mes chers collègues, de croire que le dispositif actuel conduirait l’économie française à perdre 5 points de croissance des investissements, surtout que le volume des interventions de l’État ne représente en moyenne guère plus de 5 % des marchés de produits financiers auxquels il prend part, sauf pour les crédits-bails immobiliers, où OSEO représente 8 % du total de ces crédits.
Une question se pose donc sur le dispositif français : la multiplicité des acteurs est-elle de nature à aider nos entreprises, cette division du travail permettant une distinction des rôles, une réelle expertise des acteurs institutionnels et donc une aide adaptée à chaque entreprise ? Ou alors peut-on considérer qu’elle limite les synergies, empêche le partage des connaissances entre créanciers et actionnaires éventuels, ce partage étant indispensable pour offrir l’aide la plus appropriée à nos entreprises ?
Le Gouvernement a pris le parti du rapprochement des acteurs institutionnels de l’aide au financement de l’entreprise. Si cette démarche peut être considérée comme positive sur le papier, elle ne change en réalité concrètement que peu de chose, et les ajustements proposés ne permettront pas le redressement productif que le Gouvernement appelle de ses vœux.
La question, mes chers collègues, est de savoir ce que la BPI apporte de plus que ce qui existe déjà : OSEO, qui a fait ses preuves pour l’activité de prêt, la CDC Entreprises, pour l’activité de financement en fonds propres, et la partie PME du FSI.
Le Syndicat national de la banque et du crédit, dans un communiqué, a déclaré le 17 septembre dernier qu’il s’inquiétait « de l’extrême précipitation avec laquelle le projet semble vouloir être mené. […] La création de la BPI ne peut en aucun cas se résumer à simplement agglomérer des compétences existantes, reconnues et qui fonctionnent bien [...], au risque d’aboutir à une nouvelle structure qui ne fonctionnera pas avec toute l’efficacité indispensable ».
Le projet du Gouvernement ne donne en effet aucune garantie ni sur la qualité des décisions qui seront prises pour soutenir les entreprises d’avenir et la croissance ni sur les moyens financiers mobilisés.
Sous couvert de rationalisation des outils existants, il ne faudrait pas aboutir à la création d’une entité moins efficace. À cet égard, je partage la crainte de M. Marini.
De plus, si le pilotage semble se simplifier, le nombre d’acteurs reste le même, et une certaine division du travail perdure entre les acteurs. En effet, le guichet unique régional ne comprendra que les services de la BPI, c’est-à-dire les anciens services d’OSEO. Le FSI Régions gardera ses antennes, comme Ubifrance et la COFACE.
En outre, des rapports conflictuels peuvent émerger entre la BPI, détenue pour moitié par la CDC, et ses filiales, en particulier OSEO. On peut penser que la CDC aura du mal à contrôler réellement une filiale dont les fonds propres seront aussi importants que les siens.
Ainsi, l’ensemble du spectre des besoins de financement de ces entreprises sera présent dans une même structure d’accueil. C’est bien là le seul point positif du projet de loi. Il faudra cependant veiller à ce que ce guichet ne cristallise pas l’ensemble des attentes des entrepreneurs, car d’autres structures continueront d’exister.
Par ailleurs, la gestion de ce dispositif risque de poser problème, dans la mesure où un rôle démesuré est accordé aux exécutifs et aux élus régionaux. Ceux-ci vont en effet occuper deux des quinze sièges du conseil d’administration de la BPI, participer aux comités régionaux d’orientation chargés de formuler un avis sur l’exercice des missions de la BPI à l’échelon régional et, surtout, participer au comité national d’orientation de la BPI, lequel sera dirigé par un président de région.
Nous savons que Bercy avait imaginé au départ un système centralisé, mais, suite à un lobbying intense, le président de l’Association des régions de France a obtenu l’arbitrage de Matignon en faveur d’un projet régionaliste.
Des questions se posent : n’y a-t-il pas un risque de politisation des choix d’investissement et de conflits d’intérêts ?
Les régions demandent le pilotage du tissu économique régional, mais n’y a-t-il pas un risque que l’outil BPI, aux mains des décideurs politiques, soit détourné de son objet ? Dans la mesure où les comités régionaux d’orientation seront présidés par les présidents de conseil régional, il existe à mon sens un fort risque de conflit d’intérêts entre les élus et les entrepreneurs. Ils ne sont pas sans rappeler les sociétés de développement régional, au destin tristement funeste.
Le recours à un financement à 100 % public rappelle les précédents fâcheux que nous avons connus dans les années quatre-vingt-dix : la quasi-faillite du Crédit lyonnais, évoquée par Aymeri de Montesquiou à l’instant, ainsi que l’écroulement des sociétés de développement régional, ces établissements ayant justement été créés pour apporter du capital aux PME. La crise bancaire de l’époque, la mauvaise gestion, le contrôle insuffisant et les pressions politiques avaient eu raison des deux.
J’ajoute que François Hollande justifie la création de la BPI par le contexte macroéconomique, lequel serait très défavorable au crédit. Or, bien que la crise économique ait affecté de nombreux pans de notre économie – c’est la vérité ! –, force est de constater que les encours de crédits à l’ensemble des PME n’ont cessé de croître, y compris lorsque la crise économique en était à son paroxysme. Ainsi les encours de crédits à moyen et long terme aux PME ont-ils progressé de 4, 4 % entre avril 2011 et avril 2012.
De la même manière, l’ensemble des investissements des entreprises non financières progresse sur la même période de 7, 2 %.
Par conséquent, les constats alarmistes sur l’état du financement de nos PME à la fin de la précédente législature doivent être quelque peu pondérés.
Pour être très précis, c’est le financement des PMI qui, aujourd’hui, crée des difficultés.
En conclusion, le Gouvernement est favorable à un rapprochement des acteurs du financement des entreprises. Les rapprochements se concentrent dans l’accueil et le rapport aux entrepreneurs et non dans un pilotage national commun des structures. Des synergies peuvent se développer entre ces acteurs et les entreprises. Ce nouveau dispositif risque de faire de l’ombre aux anciennes structures, qui ne seront pas toutes remplacées. Je le répète, la question du pilotage du comité national d’orientation et des antennes régionales de la BPI peut entraîner de graves difficultés.
Le risque qu’un phénomène de type « Crédit lyonnais » se répète est envisageable. Il serait dû non pas au montant des investissements, que le projet de loi ne modifie pas, mais à l’opacité de la gouvernance, qui peut entraîner des choix irrationnels.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP a décidé de voter contre ce projet de loi. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un certain nombre de sujets semblent inquiéter nos collègues de l’opposition. Ils parlent du projet de banque publique d’investissement comme d’un objet non identifié, arrivé presque par hasard sur notre sol.
Avant d’apaiser leurs craintes, je voudrais, monsieur le ministre, vous féliciter pour la cohérence des projets qui, sous votre autorité, nous sont présentés depuis quelques semaines.
À une période où les mots que l’on entend le plus souvent sont « insécurité économique », « baisse du niveau de vie », « pauvreté », « déréglementation », « mondialisation », « méfiance », « désillusion », « impuissance du politique », « échec du marché » – malgré sa puissance immense, celui-ci ne porte pas en lui de valeurs morales –, l’action du Gouvernement affirme sa cohérence et annonce le raffermissement du rôle de l’État.
Le projet de loi de finances pour 2013 œuvre en faveur de la réduction du déficit, avec une augmentation de la fiscalité axée sur ceux qui peuvent le mieux assumer cet effort. Le financement des dépenses de notre pays et de notre économie est maintenu dans des conditions et à des taux intéressants. Enfin, la publication du rapport Gallois sur la politique industrielle de la France et l’amélioration de notre compétitivité a été immédiatement suivie d’effets.
Tout cela me semble cohérent et marque une approche nuancée, équilibrée, visant à une juste répartition des rôles entre les marchés et l’État.
Le projet de loi relatif à la création de la BPI va dans le même sens que ceux qui nous ont été présentés depuis quelques semaines : il s’attache à trouver les moyens de stimuler l’économie en période de crise et de déficit budgétaire.
Si la tâche était facile, les dix dernières années auraient dû permettre de nous en rendre compte.
La création de la BPI ne nous inquiète pas.
C’est un geste fort, fait en direction des entrepreneurs et des PME, qui sont l’une des clés du redressement de notre pays.
Je ne m’étendrai pas sur les questions techniques, relatives, notamment, à la gouvernance de ce nouvel organe.
Dans son intervention, le président de la commission des finances a quelque peu ironisé sur l’image utilisée par M. le ministre, lorsqu’il a présenté la BPI comme le porte-avions du pacte de compétitivité.
On a connu d’autres porte-avions qui nous ont coûté très cher et dont le fonctionnement laissait à désirer !
Il a également ironisé sur la puissance de feu de la BPI, ainsi que sur les fonds propres souscrits et non libérés. Enfin, il a émis un doute sur la libération par la BPI de 42 milliards d’euros.
Je tiens à le dire, nous pensons qu’il est possible d’augmenter les impôts pour les entreprises qui n’investissent pas et de les réduire pour celles qui le font et qui créent des emplois. Avec ce moyen, nous nous donnons plus de chances de relancer la croissance que par les réductions d’impôts généralisées que réclament certains milieux d’affaires et qui ont été menées ces dernières années.
Si l’économie de l’offre prônée par la droite a exagéré l’importance des incitations fiscales, notamment en matière d’imposition des sociétés, elle a complètement sous-estimé celle des autres politiques.
La BPI sera l’outil des entrepreneurs, qui financera les stratégies et les parcours de développement dans toutes leurs dimensions. Elle ne sera pas un nouveau guichet distribuant des aides par à-coups. C’est ce que devra proposer, bien sûr, son comité national d’orientation.
La BPI ne devra pas perdre d’argent. Elle devra fixer le seuil de sa rentabilité, à partir du moment où elle aura à chercher des capitaux dans un certain nombre de secteurs. Toutefois, cette rentabilité ne sera pas celle qui est en vigueur au sein du secteur bancaire privé. Nous aurons, évidemment, à en discuter.
La BPI, donc, sera plus qu’une banque. Naturellement, elle doit s’intégrer dans le processus de décentralisation. La place des régions dans le système mis en place doit correspondre à celle que nous les imaginons avoir en matière de développement économique.
Nous trouvons dans les rapports de Pierre Duquesne, sur l’épargne réglementée, et de Bruno Parent, que vous avez cité dans votre introduction, monsieur le ministre, un certain nombre de réponses aux questions qui ont été posées par les orateurs de l’opposition. Ces derniers se demandaient si les missions confiées à la BPI n’étaient pas celles qui sont déjà mises en œuvre par OSEO, le Fonds stratégique d’investissement, le FSI, ou le nouvel accompagnement pour la création et la reprise d’entreprise, le NACRE. Or tel n’est pas du tout le cas !
Il faut aller plus loin qu’on ne le fait traditionnellement. Ainsi, une partie de l’épargne réglementée, notamment, si je me réfère aux propos du Président de la République, celle qui est récoltée par le biais du livret de développement durable, pourra être dirigée vers la BPI.
Une première portion de cette épargne pourrait être affectée au renforcement des dispositifs publics de prêts et de garanties de la BPI.
Tout d’abord, un fonds public dédié aux prêts aux PME et aux entreprises innovantes, notamment en matière environnementale, sans cofinancement privé, pourrait être destiné à pallier les défaillances de marché, c’est-à-dire dans les cas où les financements privés ne parviennent pas à être mobilisés. Il faudra, bien sûr, un système de garanties, financé par une cotisation des emprunteurs, pour prémunir la BPI face au risque de défaut.
Nous pensons aussi qu’un fonds obligataire construit sur le même principe que France Investissement pourrait investir dans des emprunts émis par des PME et des entreprises de taille intermédiaire, les ETI, pour soutenir, notamment, la conversion écologique de leur modèle de développement.
Un fonds de crédit à l’exportation pourrait également être destiné à accompagner les PME et les ETI, avec une garantie publique de la COFACE.
Enfin, le renforcement des possibilités offertes par OSEO en matière de garantie pourrait se substituer pour partie à la garantie bancaire privée requise dans un certain nombre de cas, tels que les dispositifs d’avance sur commande.
Une deuxième portion des ressources résultant du doublement du plafond du livret de développement durable pourrait permettre de renforcer des dispositifs publics de soutien en fonds propres et quasi-fonds propres proposés par la BPI, moyen s’ajoutant à celui des prêts.
Je pense notamment au renforcement des moyens publics alloués à France Investissement, qui permettrait de soutenir le capital-investissement durable, intégrant dans sa gestion des critères environnementaux, sociaux, et de responsabilité sociale.
Un fonds centré sur les besoins en capital et en quasi-capital des entreprises de la filière des énergies renouvelables pourrait également être doté de ressources.
Enfin, un « fonds de fonds » de type « mezzanine », construit sur le même principe que France Investissement, pourrait être, lui aussi, doté de moyens. Il s’agit d’un segment important pour les PME. Il se rapproche du prêt participatif, à la disposition des entreprises qui n’ont pas accès au marché boursier.
Vous le voyez, mes chers collègues, la BPI doit être aussi la banque de la conversion écologique. Il faut réorienter l’investissement et l’innovation pour préserver les emplois et l’environnement.
Nous pouvons réorienter l’innovation par le biais de la recherche fondamentale et appliquée financée par l’État, et en obligeant les entreprises à payer les dégâts environnementaux dont elles sont responsables.
Bientôt, nous allons recourir à des crédits d’impôts, afin d’encourager les entreprises à investir. Ces crédits seront, nous le souhaitons, accordés pour des investissements qui économisent des ressources et qui préservent des emplois plutôt qu’ils n’en détruisent.
La création de la BPI ouvre une nouvelle voie, celle d’une économie plus dynamique et d’une société plus équitable, où l’on a le sentiment de partager le même destin.
C’est donc avec enthousiasme que le groupe socialiste soutiendra sa création.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces dernières décennies, certains ont cru à une France sans industrie. Force est de constater combien ces adeptes de l’économie postindustrielle se sont trompés. L’analyse des difficultés que nous rencontrons aujourd’hui pour retrouver le chemin de la croissance montre, au contraire, que l’avenir de notre pays réside précisément dans nos industries productives.
Le constat dressé par l’excellent rapport Gallois est certes alarmant, mais il ne constitue en rien une nouveauté. Le commissaire général à l’investissement écrit en effet : « La compétitivité de l’industrie française régresse depuis dix ans et le mouvement semble s’accélérer ».
Faut-il rappeler que, en 2007, nous avions déjà perdu près de deux millions d’emplois industriels en un peu plus de 25 ans, et que la part de l’industrie dans le produit intérieur brut est passée de 24 % à 14 % entre 2000 et 2010 ? Quant au déficit de notre balance commerciale, il a atteint un nouveau record en 2011, en s’élevant à 70 milliards d’euros, un montant qu’il faut mettre en parallèle avec l’excédent commercial de l’Allemagne, lui aussi record, de plus de 160 milliards d’euros.
Les causes des faiblesses de notre économie sont multiples. Je n’en ferai pas l’exégèse aujourd’hui : elle a déjà été faite par des gens beaucoup plus compétents que moi.
Cependant, nous sommes convaincus que le redressement industriel passe par un tissu de PME, d’ETI, d’entreprises ayant de fortes capacités d’innovation et d’exportation.
Je rappelle que la France compte environ 90 000 entreprises exportatrices contre 184 000 en Italie et 364 000 en Allemagne ! Ces chiffres ont été cités tout à l’heure par Christian Bourquin.
Alors que la situation n’a cessé de se dégrader depuis trente ans, le Gouvernement, et nous nous en réjouissons, prend des mesures pour garantir un véritable redressement productif de la France. Le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi présenté par le Premier ministre est un grand pas en avant, en direction d’une croissance soutenue et durable.
Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont nous aborderons l’examen à l’occasion du prochain collectif budgétaire, va aussi dans le bon sens, et doit répondre aux attentes des entreprises.
Le projet de loi relatif à la création de la BPI, dont il est question aujourd’hui, constitue une autre innovation très attendue. Elle permettra de rendre plus simples, plus lisibles et plus accessibles les dispositifs de soutien aux entreprises, qu’il s’agisse d'ailleurs d’un soutien financier, prenant la forme de prêts ou d’apports en capital, d’un soutien à l’innovation ou d’une aide à l’export.
Ce projet de loi a été amélioré par les députés, mais également par la commission des finances du Sénat, grâce, notamment, aux amendements déposés par le rapporteur général François Marc.
Les droits du Parlement ont été renforcés, ce dont je me réjouis. La proposition de loi organique que nous examinons dans cette discussion commune apporte également une précision utile en ce sens. Conformément aux dispositions prévues à l’article 13 de la Constitution, les commissions des finances de chaque assemblée auront donc à se prononcer sur la nomination du directeur général de la BPI.
Les missions de la BPI, définies à l’article 1er de ce projet de loi, ont été largement précisées à l’Assemblée nationale, à très juste titre. Elle sera la banque des PME, des entreprises de taille intermédiaire, mais aussi des très petites entreprises, les TPE. Inscrire ce point dans le projet de loi n’est pas anodin.
Cependant, ces très petites entreprises s’interrogent sur l’action concrète de la BPI en leur faveur. Elles rencontrent en effet des difficultés spécifiques, en particulier des difficultés de trésorerie, souvent pour de faibles montants. Quels outils la BPI développera-t-elle pour répondre à leurs besoins précis ? Monsieur le ministre, cette question était peut-être un peu prématurée à ce stade, mais je tenais à vous la poser, parce que l’inquiétude est forte parmi ces très petites entreprises, qui font la force de notre pays et dont les responsables triment chaque fin de trimestre quand ils doivent s’acquitter de leurs charges sociales.
Enfin, des réformes complémentaires seront nécessaires pour que la France retrouve croissance et compétitivité. Monsieur le ministre, vous avez évoqué la réforme bancaire et celle de la fiscalité de l’épargne, qui permettront d’orienter le système financier et l’épargne vers l’économie productive.
Comme le disait notre collègue Jean Germain, la création de la BPI, avec d’autres mesures, s’inscrit dans un plan d’ensemble cohérent du Gouvernement. Cependant, les difficultés de nos entreprises, notamment pour se développer et exporter, trouvent leur origine notamment dans des problèmes liés à la fiscalité et aux effets de seuil de la réglementation sociale. Des simplifications administratives et fiscales pour les PME et les TPE seront donc également nécessaires, et même indispensables.
Plus largement, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui ne fait que définir les contours de la BPI, à savoir son cadre juridique et sa gouvernance. Les futures bénéficiaires sont donc en droit de s’interroger sur les effets réels de la mise en place de cette nouvelle banque, notamment sur l’efficacité du fameux « guichet unique » dans chaque région, sur lequel mon éminent collègue Christian Bourquin est intervenu.
Même si aucun orateur m’ayant précédé ne l’a évoqué, je souhaite insister sur un point : l’Europe. En effet, l’articulation entre la BPI, la Banque européenne d’investissement et les fonds européens devra faire l’objet d’une attention particulière.
C’est également à l'échelle européenne qu’il faudra agir pour rétablir plus d’équité dans le commerce international : il est urgent de faire valoir une réelle réciprocité dans les échanges, notamment en matière d’accès aux marchés publics.
La BPI constituera sans aucun doute un excellent outil au service des entreprises, dont les conditions de mise en œuvre restent néanmoins à préciser.
La grande majorité du groupe RDSE soutient les efforts du Gouvernement en faveur de la compétitivité de nos entreprises et approuvera par conséquent les deux textes relatifs à la Banque publique d’investissement, avec le sentiment, d’une part, de porter la création d’un grand groupe public d’investissement qui participera au redressement de notre pays, et, d’autre part, d’adresser un geste fort en direction de nos entreprises.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la création de la Banque publique d’investissement est censée répondre aux difficultés que rencontrent les entreprises françaises pour trouver des financements.
Avant de détailler les problèmes posés par une telle structure, je tiens à signaler qu’il aurait peut-être fallu commencer par ne pas dissuader les investisseurs d’investir leur argent en France en alourdissant la fiscalité sur les revenus du capital.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
En effet, si les entreprises ont effectivement besoin de capitaux pour se développer, vous conviendrez qu’il est un peu hasardeux de taxer précisément le carburant de l’activité économique dans notre pays.
Quand on taxe les cigarettes, c’est pour que les gens fument moins ; eh bien, quand on taxe l’investissement, les gens investissent moins !
Il faut ensuite déployer des trésors de créativité législative pour essayer de lutter contre les effets néfastes de ce genre de décisions.
Je voudrais maintenant revenir à la réponse supposément apportée par la création de la BPI.
Pour commencer, pourquoi une banque publique ? Si c’est pour faire le travail que font les banques privées, pourquoi alourdir les dépenses de l’État ? Et s’il s’agit, pour reprendre la formule de Jean-Pierre Jouyet, rappelée par Aymeri de Montesquiou, de financer les « canards boiteux », c’est confondre investissement et charité.
Alourdir la dépense publique qui pèsera inévitablement sur l’activité, c’est porter atteinte à la compétitivité.
Vu l’état dans lequel vous avez laissé les finances publiques, vous devriez faire preuve d’un peu de décence !
Monsieur le ministre, je crains que le choc de compétitivité que vous proposez ne se résume à un coup de matraque fiscale et à la création d’un organisme de charité public.
Mes chers collègues, il faut que nous reconnaissions aujourd’hui que l’État n’a pas toujours été le gestionnaire le plus éclairé. Nous avons tous en mémoire le triste exemple du Crédit lyonnais et de ses 130 milliards de francs de pertes.
Plus récemment, nous nous souvenons tous des 31 milliards d’euros, dont la moitié fut à la charge des contribuables, de pertes de Dexia, que trois interventions successives de l’État n’ont pas suffi à sauver.
Chacun se reconnaîtra, cher collègue ! Libre à vous de commenter ce que vous appelez des « inepties » !
Ainsi, si l’on se réfère au dernier bilan de l’État actionnaire entre l’été 2011 et l’été 2012, la valeur des sociétés cotées détenues par l’État a reculé de près de 13 %. Durant la même période, les entreprises du CAC 40 progressaient de 5 %, soit un différentiel de près de 20 % !
S’agissant des participations supérieures à 1 % que l’État détient dans une cinquantaine de groupes non cotés, les dividendes ont connu un recul de 2 milliards d’euros, passant de 7, 9 milliards d’euros à 5, 8 milliards d’euros.
Quel bilan ! Ne soyez pas masochiste, ne soyez pas si sévère avec vous-même !
Devant ce bilan, et dans un contexte économique déjà très fragilisé par les effets de la crise, il est permis de se poser la question de la pertinence du choix d’une banque publique pour assurer la mission de financement des entreprises de demain.
Il est par ailleurs douteux que les présidents de région interviennent dans 90 % des choix des entreprises à soutenir.
Le métier de banquier, c’est l’appréciation du risque
Rires sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
… et non pas l’appréciation politique inspirée par le clientélisme local.
De plus, le texte prévoit que la BPI puisse être à la fois actionnaire et prêteuse. L’histoire financière récente a montré combien ce mélange des genres était dangereux pour une banque.
Les entreprises n’attendent d’ailleurs pas de voir l’État intégrer leur capital ; elles estiment, pour la plupart, que le Gouvernement ne les aide pas de la bonne manière.
Elles souhaiteraient en réalité renforcer leurs fonds propres par elles-mêmes, ce qui passe par une amélioration de leurs marges, rendue impossible par le tour de vis fiscal imposé dans le budget.
Mes chers collègues, la création de richesse passe effectivement par le dynamisme de nos entreprises, et il est bien sûr à souhaiter que les initiatives entrepreneuriales se multiplient dans notre pays.
En revanche, et il faut l’accepter, toutes les aventures ne sont pas viables, et c’est tout le métier du banquier que d’évaluer la pertinence de telle ou telle idée sur le marché.
Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. Pierre Charon. Refuser que certaines entreprises disparaissent, c’est faire peser l’échec des unes sur la naissance des autres. Les bonnes intentions d’une banque publique qui financerait tout le monde conduiraient malheureusement non pas à un succès économique, mais à socialiser les pertes et à privatiser les profits.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Le retour à une croissance forte passera par notre capacité à inciter les Français à investir, non à les en dissuader.
Le retour à une croissance juste passera par l’acceptation des choix stratégiques des agents économiques.
Surtout, le retour à une croissance saine passera par la transparence et la sobriété de l’utilisation de l’argent public.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Banque publique d’investissement a pour vocation première de défendre les PME et les ETI de croissance. Mes collègues du groupe socialiste et moi-même souscrivons pleinement à cette orientation, dont nous trouvons ici la confirmation.
En effet, dans le cadre d’une stratégie de croissance pour la sortie de crise de notre pays, ce projet répond aux besoins d’investissement et de financement propre des PME et des ETI innovantes.
Voilà une banque qui ne sera pas comme les autres : elle exercera ses activités non pas pour son propre compte ou à des fins spéculatives, mais uniquement dans l’intérêt du tissu productif et de l’innovation.
Oui, mes chers collègues, pour parer au déclin industriel, nous devons créer des emplois d’avenir dans les secteurs innovants : ceux du numérique, qui participent de la modernisation de tous les autres secteurs industriels, ceux de la santé, de la biotechnologie, de l’alimentation et ceux de la transition énergétique et du développement durable, dont nous parlera mon ami Michel Teston.
Mes chers collègues, les drames économiques et humains, ainsi que les plans de licenciements, doivent nous faire réagir. Nous savons tous que plus de 2 millions d’emplois industriels ont disparu en trente ans, dont 500 000 cette dernière décennie. Or, au cours de cette même période, les PME ont créé 600 000 emplois net. Elles sont donc le moteur de la création d’emploi en France et le pivot de la nouvelle industrialisation.
Toutefois, dans le même temps, leur développement a été insuffisant, leur transition numérique inachevée, et elles ne contribuent que trop peu aux exportations françaises.
Le renouvellement de notre offre et sa montée en gamme vers des produits concurrentiels à forte valeur ajoutée repose sur notre capacité d’innovation dans les secteurs à forte intensité technologique. Son débouché nécessite l’élargissement du socle de la demande avec l’international.
Conjoncturellement, toutes les PME souffrent dans la crise économique, avec un accès difficile au crédit. Structurellement, ce sont les PME des secteurs dynamiques les plus innovants qui en pâtissent le plus.
Il faut donc se féliciter que la création de la BPI, outil essentiel au service de l’économie réelle et bras armé de la puissance publique, pallie leurs difficultés de financement, à la fois en fonds propres et en investissement, parce que son action cible une intervention au moment de la création, une intervention au stade crucial de la transformation d’une innovation technologique en production véritable pour sa commercialisation, une intervention au niveau de l’internationalisation et, enfin, une intervention lors de la transmission des entreprises.
Bref, la création de la BPI aura pour objet d’unifier et de simplifier l’accès des entreprises aux dispositifs publics de financement, donc de les rendre « dans la proximité, plus attractifs et plus efficaces ».
Toutefois, je formulerai une remarque : la BPI devra être exemplaire dans sa gouvernance, qu’il s’agisse des rémunérations de ses dirigeants ou encore de l’application du principe de parité. Oui, le principal actif de la BPI sera bien sa réputation.
S’il est vrai que la BPI n’a pas vocation à soutenir à fonds perdus des entreprises connaissant des difficultés financières structurelles et dont les perspectives d’avenir sont plus qu’incertaines, il importe cependant, selon moi, que des entreprises qui rencontrent des difficultés passagères ou des problèmes conjoncturels, mais dont les perspectives d’avenir sont établies, puissent être aidées financièrement.
Il est bon, également, que la BPI développe une activité de capital-risque, qui fait défaut en France, et qu’elle facilite l’accès aux ressources du programme des investissements d’avenir.
Si l’on y ajoute la responsabilité qui lui est dévolue de mettre en œuvre la garantie publique, la BPI se révèle un outil complet : une banque qui soutient quand le marché est défaillant, une banque qui investit pour l’avenir, notamment dans des secteurs où il faut pouvoir assurer des pertes pendant plusieurs années avant de percevoir les premiers retours.
Disposer d’une banque publique contre les défaillances du marché est une idée qui fait son chemin en Europe, même chez les conservateurs.
Écoutons plutôt ce que disait le secrétaire d’État britannique aux affaires, à l’innovation et au savoir-faire : « Nous avons besoin d’une banque publique […] dont le bilan soit équilibré et disposant d’une capacité rapide d’expansion de ses prêts aux producteurs, aux exportateurs et aux compagnies à forte croissance qui font fonctionner notre économie. » Sans commentaire, chers collègues de l’opposition !
Enfin, comme vous, monsieur le ministre, je pense que ce serait un beau symbole que le conseil d’administration de la BPI ne soit pas parisien, afin de montrer que cette banque « des entreprises » est aussi celle « des territoires ».
La BPI devra ainsi maintenir la plus grande proximité possible avec le tissu économique local. C’est l’ancrage territorial, régional, qui permet de soutenir et de consolider des écosystèmes entiers, et pas seulement des entreprises spécifiques et isolées.
Efficacité de l’action publique, mutualisation et territorialisation, la BPI permettra de se projeter dans l’avenir, en soutenant une économie de projets, dont nous avons besoin pour relever l’immense défi qui est devant nous.
Je salue bien volontiers votre action, monsieur le ministre, et celle du Gouvernement. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur le principe, le projet de loi qui nous est présenté est tout à fait louable, puisqu’il vise à améliorer le financement public des entreprises, et l’idée d’un « guichet public unique » peut paraître attrayante.
Il est en effet impératif que notre pays accentue son aide en direction des entrepreneurs si nous voulons avoir une chance de réparer notre tissu industriel, qui a particulièrement souffert ces dernières années.
Malheureusement, tous les chiffres le montrent, les PME et les très petites entreprises rencontrent de plus en plus de difficultés pour se financer, et cela indépendamment de leur état de santé. Selon le quatorzième baromètre KPMG-CGPME, près des trois quarts des patrons de PME constatent au moins une mesure de durcissement de leurs conditions de financement. Le renforcement des contraintes prudentielles imposées aux banques avec Bâle III incite ces dernières non pas à ouvrir les vannes du crédit mais, a contrario, à les resserrer.
Par ailleurs, la crise économique qui s’accentue ne fait qu’amplifier cette politique frileuse des banques au détriment de milliers d’entreprises.
Au quotidien, dans nos territoires, de nombreux chefs d’entreprise nous font part de leurs inquiétudes sur ces questions. Les gouvernements précédents ont mis en place une kyrielle de mesures pour répondre avec la plus grande diligence aux besoins des entreprises. Dès 2005, la création d’OSEO a permis le rapprochement de deux organismes publics distribuant des aides ou octroyant des financements aux petites et moyennes entreprises : l’Agence nationale de valorisation de la recherche, l’ANVAR, et la Banque du développement des petites et moyennes entreprises, la BDPME.
Il me semble important de rappeler que près de 84 000 entreprises ont été soutenues par OSEO l’année dernière. À la fin de 2008, Nicolas Sarkozy a créé la médiation du crédit, pour aider les PME qui rencontrent des difficultés, notamment de trésorerie, …
… ainsi que le Fonds stratégique d’investissement.
Aujourd’hui, ce que vous nous proposez est donc non pas une création, mais plutôt l’agrégation de plusieurs entités qui existent déjà : OSEO, la filiale entreprise de la Caisse des dépôts et consignations, le FSI, le FSI Régions, Ubifrance et la COFACE.
Après plusieurs atermoiements, il semble désormais qu’OSEO ne sera plus la structure faîtière de la future BPI, …
… mais que le modèle de gouvernance de cette dernière restera celui d’une holding de type « compagnie financière », chapeautant deux filiales, dédiées l’une au financement via OSEO et l’autre aux investissements en capital regroupant le FSI et CDC entreprises.
L’abandon d’un schéma plus intégré ne risque-t-il pas de nuire à l’efficacité, à la gouvernance et à la lisibilité du dispositif ? Quelle sera la plus-value de la BPI, et, surtout, cette dernière sera-t-elle bien organisée et adaptée pour accompagner les entreprises ?
La place des régions dans la BPI est aussi une question majeure et emblématique. Le président de l’Association des régions de France, M. Alain Rousset, a de nouveau demandé que la présidence des comités régionaux d’orientation et des comités d’engagement leur soit attribuée.
Certains exemples du passé nous incitent à la prudence et, sans faire preuve naturellement de défiance envers les régions, je suis tout à fait d’accord avec le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, notre collègue Gilles Carrez, qui soutient une position équilibrée et de bon sens. Les élus régionaux devraient pouvoir participer aux comités d’orientation, mais pas aux commissions d’engagement, « que ce soit pour les prêts ou pour la mise en place des fonds propres ».
Enfin, je voudrais terminer mon intervention en regrettant que, une fois de plus, les zones rurales n’aient pas été mieux prises en compte. Pis, elles ont été complètement oubliées, puisque l’article 1er du projet de loi mentionne que la BPI « apporte son soutien à la stratégie nationale de développement […] des entreprises dans les zones urbaines défavorisées ». Ce n’est pas un très bon signe envoyé à des milliers d’entreprises qui participent au développement économique, à l’attractivité et à l’aménagement de notre territoire.
Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, je voterai contre ce projet de loi, sur lequel pèsent encore beaucoup trop de questions sans réponse.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’éprouve les plus grandes difficultés à situer les outre-mer dans le projet de loi. En effet, il faut attendre le dernier article concernant la BPI, l’article 9, pour les voir mentionner et, une fois de plus, par la voie d’une demande d’habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relatives à l’application des dispositions de la présente loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte.
Les départements et régions d’outre-mer, les DROM, à savoir la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion ne figurant pas dans cet article 9, on doit donc considérer que la loi relative à la création de la Banque publique d’investissement s’y applique de plein droit, conformément au principe d’identité législative. Tant mieux, mais il ne faut pas oublier pour autant de prendre les mesures d’adaptation nécessaires tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités, comme le préconise l’article 73 de la Constitution.
Ces adaptations sont indispensables, vous le savez bien, monsieur le ministre. C’est ce qui fait défaut dans votre projet de loi, car il n’y est fait aucune référence aux outre-mer, qu’il s’agisse des missions ou de la gouvernance de la BPI. Pourtant, dans l’exposé des motifs de ce texte, il est clairement indiqué que « la BPI développera une stratégie d’intervention spécifique en outre-mer » et que « la gouvernance de la BPI devra tenir compte de ces spécificités et de la place particulière de certains acteurs en outre-mer ».
Je tiens d’ailleurs à rappeler que l’implantation d’une représentation de la BPI dans les outre-mer qui offrirait tous les produits financiers prévus dans l’Hexagone était le premier des trente engagements de François Hollande pour l’outre-mer, un engagement qu’il a encore confirmé tout récemment devant les maires d’outre-mer réunis à la mairie de Paris, lors du dernier congrès des maires de France, en réponse à une demande très forte et très ancienne des Ultramarins.
Aussi, monsieur le ministre, vous comprendrez qu’intégrer les outre-mer dans ce projet de loi sera un signe fort envoyé aux acteurs économiques de ces territoires, aux élus et aux populations.
Dans son intervention lors de la Conférence économique et sociale des outre-mer, le Premier ministre déclarait ce matin : « Je veillerai à ce que le dispositif BPI et les produits qu’il offrira soient mis en place rapidement sans qu’aucun territoire ultramarin ne reste à l’écart, dans le respect naturellement des compétences de chacun ».
L’enjeu de la BPI est en effet considérable pour nos outre-mer, et c’est la raison pour laquelle nous insistons pour que, sur ses missions, référence expresse soit faite aux collectivités d’outre-mer : à cause de leur singularité, leurs entreprises pourraient être exclues du champ d’application de la BPI.
En effet, le secteur économique ultramarin est caractérisé par une multitude de micro et très petites entreprises artisanales et de services ; les besoins pour financer l’innovation relèvent moins de la rupture technologique, comme en métropole, que de l’adaptation technologique et de l’innovation sociétale.
Tout comme les entreprises situées dans les zones défavorisées urbaines, qui sont citées expressément dans la loi, celles des territoires d’outre-mer ont autant besoin de soutien et d’accompagnement que d’apport en financement.
En ce qui concerne la gouvernance, il n’existe aucune certitude que la voix des territoires d’outre-mer sera entendue, ni au conseil d’administration ni au conseil national d’orientation. Je tiens à rappeler que onze territoires d’outre-mer sont concernés par la BPI. Si quatre d’entre eux – les quatre DROM – peuvent être représentés par l’Association des régions de France, l’ARF, qu’en sera-t-il pour les sept autres qui n’ont pas le statut de régions ?
Aussi, monsieur le ministre, vous pouvez réparer ce que je veux bien qualifier « d’oubli » en donnant dans ce projet de loi aux territoires d’outre-mer, comme aux autres territoires de France, la possibilité de se faire entendre au sein de la gouvernance de la BPI. D'ailleurs, la vocation de la BPI n’est-elle pas d’agir en lien étroit avec les territoires ?
Dernier point, et non des moindres, le cas des outre-mer ne devra pas continuer à être réglé au travers d’une simple convention de partenariat entre OSEO et l’Agence française de développement, l’AFD, à l’instar de ce qui se fait depuis 2009. Ce système a montré ses limites, car nombre de produits d’OSEO n’ont pas été étendus aux outre-mer. Comme cela a été annoncé, la représentation de la BPI doit y être effective, avec une doctrine d’intervention et des produits financiers conçus et adaptés à leurs besoins spécifiques.
Monsieur le ministre, j’ai déposé des amendements qui visent à une meilleure prise en considération des outre-mer dans ce projet de loi. Je sais pouvoir compter sur vous pour qu’ils soient adoptés. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui répond à l’engagement du Président de la République de faire de la Banque publique d’investissement « la pierre angulaire du développement économique de notre pays, avec les régions pour chefs de file. »
Qu’en est-il véritablement ? Cette BPI, telle qu’on nous la propose, répondra-t-elle aux attentes de nos entreprises ?
Selon l’exposé des motifs du projet de loi, la BPI doit répondre à quatre urgences : poursuivre et amplifier le soutien public au financement des entreprises ; développer une stratégie de croissance orientée par l’État et mise en œuvre en région ; offrir un meilleur service aux chefs d’entreprises par un accès direct aux outils nécessaires à leur développement ; enfin, mobiliser l’État, la Caisse des dépôts et consignations et les régions, ces dernières et la BPI devant créer ensemble des plateformes communes d’accueil des entreprises pour leurs besoins de financement.
On ne peut que partager ces quatre urgences. La question de fond est de savoir ce qu’apportera réellement la BPI en plus de ce qui existe déjà. Son principe fondateur a quelque chose de particulièrement simpliste, car il repose sur la proposition suivante : créer un guichet unique avec des équipes de développeurs à l’international et, surtout, des chargés d’affaires polyvalents permettant de réaliser un diagnostic sommaire des besoins de l’entreprise afin d’identifier avec elle les produits distribués par la BPI qui pourraient le mieux répondre à ses besoins, qu’il s’agisse d’un prêt, d’une prise de participation par l’entrée en capital d’un fonds ou de quasi-fonds propres, entre autres.
Est-ce à dire que, aujourd’hui, personne n’est capable de réaliser ce diagnostic et d’identifier les produits d’OSEO, du capital investissement régional ou national ou d’accompagner les entreprises à l’export ? Ce serait bien sûr nier la plus-value des agents des régions, des agences de développement économique qui sont nombreuses et des chambres de commerce et d’industrie par exemple. Ce serait également nier le rôle d’animateur de ces acteurs qui est dévolu aux régions depuis 2006.
Si la BPI se résume à ce guichet unique, elle ne changera, à mon sens, pas grand-chose à la situation actuelle. Pis, on peut penser que, si ce sont les équipes d’OSEO qui deviennent les interlocuteurs des entreprises, elles perdront en efficacité, car une part importante de leur temps sera passée à analyser des dossiers en lieu et place d’autres acteurs qui le font déjà.
Il est peu probable, car une telle mesure serait déraisonnable, que la mise en place de la BPI s’accompagne de créations de postes : on peut donc présager que, loin de réduire des délais d’instruction parfois jugés excessifs, cette réforme viendra augmenter les temps d’attente et se révélera, partant, contre-productive.
À mon sens, le guichet unique n’est ni une solution incontournable ni, en tout état de cause, la réponse aux urgences que je viens d’évoquer et que présente l’exposé des motifs du présent projet de loi.
Pour autant, la BPI peut-elle réellement représenter un progrès ? Oui, mais à condition que quatre facteurs soient réunis.
Premièrement, la BPI sera utile si elle permet de disposer en régions d’une structure bénéficiant d’une capacité de décision et donc d’engagement, tant en prêts qu’en fonds propres. À cet égard, si OSEO peut sembler plus largement déconcentré que le FSI Régions, certains des arbitrages relatifs à des prêts pourraient être opérés en régions plutôt qu’au siège parisien. Je songe notamment, parmi de nombreux exemples, au relèvement des plafonds des décisions régionales.
Deuxièmement, la BPI sera utile si elle permet de disposer, en régions, d’une structure jouissant d’une compétence de priorisation de ses outils d’intervention, sur tel ou tel secteur ou tel ou tel montant, voire d’une capacité de création de nouveaux outils d’intervention. Cette attribution serait exercée en partenariat avec les conseils régionaux, au regard des enjeux et des objectifs synthétisés par le schéma régional de développement économique et d’innovation, le SRDEI.
Troisièmement, la BPI pourrait être utile si elle permettait d’employer les interventions en fonds propres du FSI Régions en complémentarité avec les outils régionaux déjà existants. Sur ce plan, il conviendrait de mettre fin à l’unique politique d’investissement du FSI, qui peut conduire ce dernier à intervenir dans certaines régions en concurrence avec des fonds régionaux. Je sais de quoi je parle, pour ce qui est de l’Alsace !
Quatrièmement, et enfin, la BPI pourrait être utile si elle permettait, via l’apport en fonds propres de la Caisse des dépôts et consignations, de disposer d’une assise plus importante pour ces outils de financement que sont les prêts ou les garanties.
Néanmoins, à l’heure actuelle, j’ai le sentiment que le compte n’y est pas : pour reprendre les termes du président de la région Île-de-France, M. Jean-Paul Huchon, qui semble plutôt proche de nos collègues siégeant à la gauche de cet hémicycle – c’est toutefois ce que je croyais jusqu’à présent –, le moins que l’on puisse dire, c’est que « ce texte est réducteur par rapport à l’ambition de départ. »
Sans même évoquer les modes de gouvernance qui, à mon sens, ne sont pas davantage à la hauteur des enjeux, les comités d’engagement régionaux semblent n’être compétents que pour les seules décisions d’investissements en fonds propres : tous les autres sujets seraient partant écartés, qu’il s’agisse de garanties, de trésorerie, d’aide à la succession ou à l’innovation, etc.
Pour l’ensemble de ces raisons, et sauf à ce que des modifications soient apportées à ce texte au cours de nos débats, je ne pourrai pas, à titre personnel, soutenir le présent projet de loi. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face au constat des difficultés de plus en plus grandes qu’éprouvent nos entreprises, particulièrement des TPE, PME et ETI, à accéder au crédit, il est nécessaire de mettre en place un dispositif de soutien efficace.
C’est le rôle assigné à la BPI. François Hollande, alors candidat à la présidence de la République avait fait de la création d’une telle instance le premier de ses engagements.
Ainsi, son programme insistait sur la nécessité de créer un organisme dont l’objet serait de favoriser « le développement des PME, le soutien aux filières d’avenir et la conversion écologique et énergétique de l’industrie. » La BPI vise donc à remédier aux faiblesses du financement du tissu productif et à renforcer la compétitivité de l’économie française.
Je centrerai mon intervention sur le financement de la transition écologique et la contribution de la BPI au développement économique régional, deux domaines qui figurent au cœur des compétences de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.
La transition écologique est un objectif qui nécessite des investissements très lourds, mais elle constitue aussi et surtout un important levier pour l’économie. De fait, elle pourrait susciter chaque année, pendant dix ans, des investissements estimés entre 2 % et 3 % du PIB.
En outre, les activités liées à l’isolation thermique, au développement des énergies renouvelables ou encore aux écotechnologies constituent des gisements d’emplois territorialisés et donc, pour leur majeure partie, peu délocalisables.
S’agissant du domaine des énergies renouvelables, si l’accès au crédit est facilité et moins cher, le coût de revient de l’éolien et du photovoltaïque devrait baisser, rendant ainsi plus facile un rééquilibrage du mix énergétique.
Initialement, le présent projet de loi ne mentionnait pas explicitement la vocation de la BPI à accompagner financièrement la transition écologique. Les députés ont rappelé, dès l’article 1er, que cette banque devait y contribuer. Ils ont également souhaité intégrer dans les comités d’orientation national et régionaux de la BPI des personnalités qualifiées en matière de développement durable. Cette disposition est conforme aux orientations définies par le Président de la République lors de l’ouverture de la conférence environnementale, en septembre dernier.
J’en viens au rôle reconnu aux régions dans l’organisation de la BPI. Alors que le Gouvernement s’apprête à reconnaître, dans le cadre de la future réforme territoriale, et contrairement à ce qui avait été fait en 2004, le rôle de chef de file des régions en matière de développement économique, il est absolument nécessaire de ménager à ces dernières une place équivalente au sein des instances de la BPI.
En effet, le rôle de cette banque est bien de contribuer à la politique industrielle définie par l’État et menée, notamment, par nos territoires. C’est la raison pour laquelle les régions doivent être correctement représentées – c’est d’ailleurs le cas – au sein du Comité national et des comités régionaux d’orientation.
Pour la même raison, les représentants des régions doivent présider les comités régionaux. Le projet de loi initial le prévoyait. Or l’Assemblée nationale a supprimé cette disposition, ce qui a conduit la commission du développement durable du Sénat, suivant en cela l’avis de son rapporteur André Vairetto, à adopter un amendement rétablissant le texte initial.
Pour terminer, j’aborderai une question étrangère au domaine du développement durable : le FSI et CDC Entreprises détiennent actuellement des participations dans plusieurs groupes français. On a évoqué la possibilité de céder les participations non stratégiques, une fois la BPI mise en place. Sur un sujet aussi important et sensible, il me paraît essentiel que le Parlement soit, à tout le moins, consulté. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire ce qu’il en sera ?
En conclusion, je tiens à souligner que, comme les précédents orateurs du groupe socialiste, je soutiens sans réserve la réforme présentée par le Gouvernement, convaincu que la BPI sera un atout majeur pour rendre de la compétitivité à l’économie française.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet instrument que constitue la BPI était certes attendu par les présidents de conseil régional – l’un d’entre eux s’est d’ailleurs déjà exprimé avant moi –, mais il était d’abord et avant tout désiré par les chefs d’entreprise, bref par les créateurs de richesse que compte notre territoire. Ce sont eux qui attendent cet outil innovant ô combien nécessaire.
Quant aux régions, elles souhaitent bien entendu prendre part à la mise en œuvre de la BPI. Elles disposeront de responsabilités accrues dans le financement des entreprises. Qui plus est, elles joueront un rôle d’appui en matière d’innovation et à l’exportation, ainsi que dans la formation des demandeurs d’emploi.
Monsieur le ministre, c’est l’équilibre que traduit la déclaration commune État-régions adoptée le 12 septembre dernier, lorsque les présidents de région ont été reçus à l’Élysée, en votre présence, par le Président de la République et le Premier ministre.
L’État et les régions ont ainsi décidé d’unir leurs efforts pour redresser l’économie du pays et lutter contre le chômage. Nous avons pris ensemble quinze engagements qui constituent un acte de confiance réciproque.
Un équilibre a donc été établi : si la BPI est organisée au niveau national, les régions participent à toutes les instances nationales et président même les comités régionaux d’orientation. Concernant le financement des entreprises, une innovation de taille mérite d’être relevée : les régions président le Comité national d’orientation de la BPI et sont membres de son conseil d’administration. Elles joueront ainsi un rôle de pilote dans les orientations stratégiques de la BPI, et nous nous en réjouissons.
J’ai bien entendu les doutes, les remarques et les attentes exprimés sur les travées de l’opposition. Toutefois, je ne vois pas là, pour celles et ceux qui émettent ces réserves, un motif suffisant pour ne pas se réjouir de cette réforme et pour ne pas y prendre part !
S’agissant du soutien à l’innovation, les présidents de conseil régional présideront ces comités de pilotage pour coordonner leurs interventions avec celles de la BPI. Je salue à ce titre mon collègue Christian Bourquin, qui préside le Languedoc-Roussillon.
Au surplus, les régions verront leurs responsabilités renforcées en matière de formation des demandeurs d’emploi. Fortes de leur connaissance des territoires, elles assumeront donc un rôle de premier plan dans les politiques publiques de développement économique.
Monsieur le ministre, vous affirmiez il y a peu que près de 90 % des décisions de la future BPI seraient prises par les régions. J’ai confiance dans vos déclarations. C’est au reste une excellente chose, car les régions ne doivent pas se cantonner dans un simple rôle de consultant. La BPI sera déconcentrée sur les territoires et elle travaillera en partenariat avec les conseils régionaux, qui seront associés à ses décisions et à ses orientations.
Les régions définiront les orientations et les priorités de la BPI en lien avec l’État, aussi bien à l'échelle nationale qu’au niveau local, et des guichets uniques seront établis en régions, au plus près des entreprises. Ceux qui doutent de l’efficacité du guichet unique devraient se pencher sur les politiques menées à ce titre par certaines régions, en vue d’aider les entreprises dans le cadre du dépôt et de l’enregistrement des dossiers, afin de faciliter le déroulement de cette procédure ! §
Je tiens également à rappeler que les régions attendaient beaucoup du dialogue que le Gouvernement et le Président de la République ont su engager sur ce sujet.
Pour avoir été président de région sous la dernière mandature, je me souviens que le précédent chef de l’État ne nous avait pas habitués à autant de sollicitude. À ce titre, il est prévu que des réunions de travail entre l’État et les régions aient lieu tous les trois mois. Une page se tourne, marquant une rupture nette avec les procédés du précédent gouvernement.
M. Pierre Charon s’exclame.
Monsieur Charon, vous avez beau sourire, mais nous n’avons jamais été reçus à l’Élysée sous la dernière présidence !
Je vous rappelle donc un souvenir qui, s’il reste douloureux pour nous, appartient fort heureusement au passé.
Si la BPI avait été la simple juxtaposition de dispositifs déjà existants, elle n’aurait pas résolu le moindre problème.
Les régions seront incontournables dans les instances de la future BPI. Comme le préconisait Alain Rousset, il faut prendre exemple sur le modèle allemand et son réseau d’entreprises de taille intermédiaire financées par les Länder.
Je suis convaincu de l’efficacité d’une organisation décentralisée. Le pilotage des fonds de la BPI par les régions ne sera en aucun cas synonyme d’inefficacité, comme je l’entends dire ici ou là. À ce titre, je rappellerai que les régions ont déjà fait leurs preuves : elles ont d’ores et déjà mis en place 800 dispositifs avec OSEO ou encore avec la Caisse des dépôts et consignations, …
… pour accompagner les entreprises dans les domaines des prêts, des fonds propres ou des avances remboursables. Mes chers collègues, pouvez-vous citer un seul de ces dispositifs qui ne fonctionne pas ?
Les régions sont à la tête de quatre-vingts fonds d’investissements régionaux. Pas un seul n’est en difficulté, et des milliers de créateurs d’entreprises ont bénéficié de ces dispositifs !
Comme le précise Jean-Pierre Jouyet, les régions sont aguerries dans le domaine du développement économique, elles connaissent le monde de l’entreprise, pour être en permanence au contact de ce dernier, et interviennent de longue date en investisseurs avisés. La BPI doit donc être l’outil des entrepreneurs, qui finance des stratégies et des parcours de développement dans toutes leurs dimensions, et non un nouveau guichet distribuant des aides au coup par coup. C’est cette politique que doit promouvoir le Comité national d’orientation.
De surcroît, la BPI doit être beaucoup plus qu’un établissement bancaire. Elle doit devenir, dans chaque région, l’un des piliers d’une plate-forme de financement des PME et des ETI : en effet, il faut permettre à ces entreprises de grandir et d’atteindre leur taille critique. À cette fin, la BPI interviendra en synergie avec l’ensemble des dispositifs et finances locaux existants, qu’ils soient publics ou privés.
S’il est possible de conclure des accords avec les actionnaires de la BPI, les régions développeront ces synergies de manière à ce que les entreprises bénéficient d’une palette de financements complète, depuis l’aide à la création jusqu’à l’appui à l’international.
La naissance de la BPI nous fournit au demeurant l’occasion de rassembler, en un lieu unique, tous les acteurs du développement des entreprises, les technologues et les spécialistes de la région et de son agence, les filiales de la BPI, Ubifrance, les réseaux consulaires le cas échéant, sans oublier les acteurs de l’économie sociale et solidaire : tous seront réunis pour simplifier les démarches des entreprises et les accompagner dans la globalité de leur projet.
Je le souligne, la BPI et la décentralisation vont de pair. Le redressement économique passe par la croissance des PME. Voilà pourquoi des politiques associées doivent être conduites dans les territoires. Les régions, qui verront leur rôle de chef de file du développement économique se concrétiser via ce nouvel acte de décentralisation, se réjouissent de l’avènement de la BPI, constituant un nouveau levier pour renforcer encore leur engagement en faveur de la croissance et de l’emploi.
Sachez, monsieur le ministre, que nous serons à vos côtés dans la mise en place de ce dispositif, qui, n’en doutons pas, permettra de renforcer la compétitivité de notre pays.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’efforcerai de répondre aux différents intervenants de cette discussion générale riche et fructueuse.
Monsieur le rapporteur général, comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, nous souhaitons évidemment capitaliser sur les instruments existants. En effet, OSEO a bien fonctionné. Comme l’a souligné le Président de la République au cours des Journées OSEO, nous voulons faire plus, en nous appuyant sur ce qui fonctionne d’ores et déjà.
Il n’y aura pas de chasse aux sorcières. Vous avez insisté sur ce point, monsieur le rapporteur général, et je tiens pour ma part à saluer l’action de l’actuel président d’OSEO, qui a incontestablement réussi à la tête de cet établissement. Je proposerai donc qu’il occupe le poste de vice-président, auprès de Jean-Pierre Jouyet, et j’espère qu’il aura également l’occasion d’exercer d’autres fonctions importantes.
Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur général, nous avons décidé pour ce projet de nous appuyer sur ce qui a été mis en place et qui a marché.
Pour répondre à votre première question, je vous confirme ce que vous a déclaré Benoît Hamon la semaine dernière ; je renouvelle d’ailleurs mes excuses pour mon absence à cette occasion, car j’étais à l’Élysée pour préparer le délicat et important Conseil européen de cette semaine. Je vous confirme donc que l’État et la Caisse des dépôts et consignations, qui ont souscrit des augmentations de capital pour le Fonds stratégique d’investissement, le FSI, et OSEO, devront libérer le capital considéré d’ici à la fin de 2014.
S’agissant de votre deuxième question, je rappelle les précautions que nous avons prises : la garantie de l’État sur les émissions du nouvel établissement demeure, via l’EPIC. Je vous confirme également que des contacts seront pris par le futur directeur général avec les investisseurs pour leur expliquer que cette garantie demeure.
Je rappelle que le schéma retenu permet de bien séparer les activités de financement et les fonds propres.
Je ne sais pas, au fond, si je vous rejoins pour dire que la BPI sera un « animal à sang chaud », mais je prends note de l’expression, qui a le mérite d’être parlante et de souligner la volonté qui vous inspire au moment de ce vote…
Sourires.
Je vous rejoins enfin, monsieur le rapporteur général, pour dire que nous attendons beaucoup des nouveaux dirigeants : ils auront un rôle essentiel à jouer pour conduire les opérations délicates, dont, au premier chef, la pleine association des personnels à ce projet.
Nous avons choisi un homme, M. Nicolas Dufourcq, pour conduire une mission de préfiguration. Il a empoigné ce dossier à bras-le-corps et je pense que, s’il réussit, il a vocation à aller plus loin. Je crois qu’il mérite la confiance que j’ai placée en lui. Il a su préparer, parallèlement au vote du projet de loi, une BPI qui tienne la route.
Je vous remercie enfin d’avoir pris l’initiative de prévoir que sera recueilli l’avis de la représentation nationale sur la nomination du dirigeant de la BPI ; il va de soi que cette suggestion sera retenue.
Monsieur le rapporteur pour avis Martial Bourquin, vous avez souligné un point important, un enjeu auquel les instruments existants ne répondent pas : la structuration des filières. Je sais que vous y êtes très attaché.
La BPI pourra le faire, parce qu’elle place sous un pilotage unique les interventions en fonds propres. C’est ainsi que nous pourrons structurer les filières, à l'échelle nationale, mais également au niveau régional, puisque nous incluons le FSI et le FSI Régions.
Vous avez mentionné un autre point important à mes yeux, monsieur le rapporteur pour avis, en soulignant que ce projet répond à une demande des entreprises. À cet égard, je ne peux m’empêcher de considérer comme des prétextes les arguments qui poussent l’opposition à voter contre ce texte.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je vous répondrai tout à l’heure, mais je regrette que vous ayez annoncé dès à présent votre intention de voter contre le texte, avant même le débat. Prenez-vous en compte, par exemple, le fait que la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME, réclame ce projet ? Certains d’entre vous contesteront assurément la création de la BPI, mais ils devront ensuite s’expliquer auprès des entreprises sur les motifs les conduisant à refuser un projet qui va dans le sens des aspirations, des besoins et des demandes des entrepreneurs de ce pays, notamment des PME, qui, je le répète, sont le fer de lance de l’économie française, et qui doivent l’être davantage encore à l’avenir.
En effet, notre projet est bien de faire monter en gamme nos entreprises, d’amener patiemment vers l’innovation et l’exportation de plus en plus de petites et moyennes entreprises, devenues des ETI, c'est-à-dire des entreprises de taille intermédiaire, puis des sociétés plus grosses encore.
Quand nous nous comparons avec l’Allemagne – nous aimons bien le faire, à raison d'ailleurs –, nous nous apercevons que le chaînon manquant, ce sont les entreprises formant le Mittelstand. Nous avons énormément de petites entreprises de qualité, de grandes entreprises leaders, mais nous sommes incontestablement en retard sur ce segment-là. C’est bien cette montée en gamme que la BPI a vocation à accompagner, et c’est la raison pour laquelle, comme vous l’avez dit, les entreprises réclament sa création.
Je remercie enfin, par avance, M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques de certains de ses amendements. Je sais que les travaux de la commission dont il est membre ont abouti, par exemple, à une proposition de synthèse sur la gouvernance régionale de la BPI qui, je peux le dire d’ores et déjà, sera accueillie favorablement par le Gouvernement.
Je vous rejoins pour dire que nous avons eu, à l’Assemblée nationale, un travail constructif sur les missions de la BPI. L’un des acquis des débats menés devant la chambre saisie en premier lieu est d’avoir souligné que la BPI, c’est des produits financiers et de l’accompagnement.
Pour conclure sur votre intervention, monsieur le rapporteur pour avis, je vous rejoins pour souhaiter que la BPI soit victime de son succès. Toutefois, je confirme en même temps qu’elle ne répond pas à tous les problèmes. Il ne faut pas semer d’illusions – je reviendrai ultérieurement sur les références cinématographiques du président de la commission des finances !
En revanche, nous avons une grande ambition : répondre aux besoins financiers des collectivités territoriales. Voilà quelques semaines, j’ai présenté à Dijon, en compagnie du président du conseil régional, François Patriat, ainsi que du maire de Dijon et président du Grand Dijon, François Rebsamen, un plan précis pour répondre à ces besoins. Je suis tout prêt à venir m’en expliquer devant le Sénat, qui, je le sais, est attaché à cette question.
En ce qui concerne les délais de paiement, le Gouvernement a pris des initiatives. Je ne doute pas que la mission qui vous sera confiée, et qui porte sur une politique d’achat responsable dans les filières industrielles, nous permettra d’aller plus loin encore.
Monsieur Vairetto, je profite de votre intervention pour revenir sur le rôle de la BPI en matière de transition écologique et énergétique. Vous n’ignorez pas que les débats à l’Assemblée ont permis de faire progresser très fortement la prise en compte de cette dimension dans le projet de loi – je suis certain que M. Placé en conviendra également. C’est un engagement du Président de la République qui trouve aujourd’hui sa traduction dans la loi, au lendemain de la conférence de Doha qui n’aura pas permis d’aller aussi loin que l’Europe l’aurait souhaité. Il y a là, je crois, un symbole fort.
Vous avez mentionné un chiffre frappant, issu du rapport Parent : il existe plus de 800 dispositifs régionaux de financement des entreprises. Quand on les ajoute à la myriade des interventions de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations, on voit bien qu’il y a incontestablement matière à réforme, à mise en cohérence, à mise en commun des moyens et à rationalisation au service des clients de la BPI, à savoir les entrepreneurs.
J’en profite pour rendre hommage à M. Parent et à sa mission, dont le rapport, s’il présente bien entendu des limites, a aussi de grandes qualités. Sans ce travail, nous ne serions pas là aujourd’hui, car il fallait une base à partir de laquelle élargir encore la réflexion.
À ceux qui pensent que cette rationalisation est superflue, j’oppose un démenti formel. Elle est utile, elle est nécessaire, et ce sera la mission de la BPI.
Je me tourne à présent vers le président de la commission des finances, M. Marini. Avec son talent si singulier, …
… il a livré un réquisitoire intéressant contre la BPI. Je crois néanmoins qu’il se trompe profondément.
J’ai déjà formulé cette remarque à l’Assemblée nationale, mais je ne peux m’empêcher de la renouveler dans cet hémicycle : la droite souhaitait un second porte-avions ; son vœu est exaucé avec la BPI !
J’ai compris que vous plaisantiez, monsieur le président de la commission, mais, quand nous parlons d’« investisseur avisé », vous savez très bien, et mieux que quiconque, de quoi il s’agit en réalité : nous renvoyons à une notion très technique, qui a un sens en droit européen. Cela veut dire que la BPI interviendra dans le respect du régime des aides d’État et dans des projets rentables. Qui pourra s’en plaindre ? Certainement pas vous, monsieur Marini ! Cette banque doit évidemment faire un usage sérieux des finances publiques.
Monsieur le président de la commission, il y a le politiquement correct, le politiquement souhaitable et le politiquement espéré. La BPI incarne le politiquement souhaitable et le politiquement espéré.
Ai-je dit par ailleurs que les instruments actuels ne marchaient pas ? Je viens au contraire de rappeler, en réponse à M. le rapporteur général, qu’il existe des bases excellentes. Toutefois, il y a aussi besoin d’une mise en cohérence, d’une démultiplication, d’un renforcement. C’est ce que nous faisons au travers de ce projet.
Au fond, vous jouez un peu facilement sur certaines peurs, monsieur le président de la commission. C’est dommage !
Y a-t-il conflit d’intérêt ? Non, puisque nous séparons les activités ! Y a-t-il risque de déstabilisation ? Non, puisque nous souhaitons associer pleinement les personnels ! Je suis d’ailleurs certain qu’ils souhaitent contribuer à ce projet et je sais que M. Dufourcq, avec qui je m’entretiens régulièrement de cette question, y est très vigilant.
Quant aux moyens, la banque recevra les fonds propres souscrits, qui seront libérés. Il y aura également des moyens nouveaux, notamment l’augmentation des ressources issues du programme d’investissements d’avenir, ou PIA, que j’ai mentionnée.
Je tiens également à vous répondre sur la politique économique globale : vous niez que nous avons pris la mesure des enjeux de compétitivité de notre pays.
Nous l’avons pourtant fait, quand d’autres ont failli en la matière. On nous cite parfois, pour nous l’opposer, le rapport Gallois. Mais lisons-le, en commençant par ses premières phrases, qui expliquent que, depuis dix ans, la compétitivité française a reculé. C’est bien cette majorité et le Gouvernement qui, aujourd’hui, prennent ce problème à bras-le-corps et le traitent avec toute l’ambition et l’ampleur qu’il mérite.
Je constate que, lors du débat à l’Assemblée nationale, l’opposition s’est manifestée contre le crédit d’impôt compétitivité emploi. J’ai, là aussi, eu un peu le sentiment que l’on cherchait à droite un prétexte pour refuser des mesures qui vont dans le bon sens. À n’en pas douter, cette position sera difficile à justifier.
Pour terminer, monsieur le président de la commission, je dirai quelques mots de vos propositions.
Tout d’abord, et j’aurai le plaisir de vous le montrer tout à l’heure dans le débat, je ne suis nullement sectaire. Je déplore que l’UMP ait annoncé d’emblée son intention de voter contre le texte – cela en dit long ! –, mais cela ne m’empêchera pas d’examiner vos amendements dans un esprit constructif, mon but étant surtout de faire progresser ce beau projet.
Dans le film La Grande Illusion, monsieur le président de la commission, il y a une scène que j’aime bien, parmi d’autres, celle où l’officier allemand, Rauffenstein, joué par l’immortel Erich von Stroheim, refuse de croire en la parole du sous-officier français, le roturier Boëldieu, interprété par Pierre Fresnay. Le second répond alors au premier : « Cette parole, elle vaut la vôtre ! ». Permettez aujourd’hui au roturier que je suis de vous dire, monsieur le président de la commission : notre parole vaut la vôtre !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je suis moi aussi un roturier !
Sourires.
La parole du législateur sera tenue, et je suis persuadé que la BPI sera un succès !
Vous évoquiez La Grande Illusion, monsieur Marini. C’est un beau film. Il y en a d’autres, magnifiques, dans l’œuvre de Renoir, notamment La Règle du jeu… Dans les hémicycles, mieux vaut parler des règles que l’on se fixe. C’est précisément ce que je fais, ici même, devant vous.
Monsieur Christian Bourquin, je vous remercie d’avoir mentionné un instrument innovant, JEREMIE, dont nous avons en effet l’intention de nous inspirer pour articuler BPI et instruments européens. C’est, je le sais, une préoccupation partagée sur les travées de cette assemblée.
En ce qui concerne les comités d’engagement, nous devons en effet être clairs. Toutefois, en disant cela, je n’avais absolument pas l’intention de reculer. J’ai pu avoir ce débat à l’Assemblée nationale avec Alain Rousset et je pense simplement que la BPI, l’État et les régions ont tout à gagner à la clarté.
Il m’apparaît donc que nous avons, ensemble, trouvé les bonnes séparations et la bonne répartition des rôles. La BPI et les régions pourront investir de concert, sur la base d’un principe sain : qui paye décide. Dès lors qu’il y a mise en commun des fonds, il y aura décision commune. Dans l’autre cas, il y aura orientation et décision. Il me semble vraiment que c’est la manière la plus saine d’envisager les choses, dès lors que nous n’avons pas retenu le schéma, que certaines régions pouvaient privilégier, de vingt-deux banques régionales.
Nous avons une banque publique nationale, avec des directions régionales. Ce faisant, nous évitons, me semble-t-il, aux régions de prendre des risques importants, mais aussi à l’État de consentir une garantie automatique. Ce débat a toutefois été tranché, à l’Élysée, le 12 septembre dernier – vous y étiez, monsieur Christian Bourquin –, et la solution a été acceptée. Il ne nous reste plus qu’à dévider toute la pelote.
Je remercie Jean-Vincent Placé du soutien fort qu’il apporte au projet. Je pense que nous prenons un bon départ, en effet, et je suis ouvert à des amendements qui tendraient à aller encore plus loin.
Monsieur Placé, vous reconnaitrez comme moi que les amendements des écologistes à l’Assemblée nationale ont été entendus. Votre souci de prendre en compte la transition écologique et énergétique est déjà largement respecté dans le texte.
Je souhaite en outre répondre à une critique que vous avez déjà réfutée : la parité et la transition écologique et énergétique sont non pas des gadgets, des écrans de fumée ou des concessions à un discours politiquement correct, mais de véritables progrès, des objectifs politiques au sens noble du terme.
M. Pierre Moscovici, ministre. Je suis navré que certains n’y souscrivent pas, mais enfin, il faut bien qu’il existe encore un conservatisme, voire une réaction… C’est aussi ce qui donne son sel au débat politique.
Sourires
Concernant les zones rurales, sur lesquelles plusieurs d’entre vous ont attiré l’attention, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes d’accord : nous devons lever l’ambigüité présente dans le texte, et je le ferai très volontiers en soutenant des amendements en ce sens.
S'agissant des enjeux en matière d’environnement, la référence est le rapport de Lord Stern sur l’économie du changement climatique. Selon ce document, le coût de l’inaction serait supérieur au coût de l’action. Je partage absolument cette idée, qui ferait une bonne devise au fronton de la BPI.
Enfin, monsieur Placé, concernant la stabilité fiscale, les entreprises sont entendues. Par une décision personnelle du Président de la République, plusieurs dispositifs fiscaux importants, comme le crédit d’impôt recherche ou les dispositifs d’incitation à l’investissement dans les PME ont été préservés pour cinq ans dans le pacte pour la croissance et l’emploi.
Je me réjouis donc de votre engagement franc en faveur de ce texte.
Monsieur Bocquet, votre intervention était tout à fait positive et solide. Aucun esprit de revanche ne sous-tend évidemment ce projet de loi. Au contraire, comme vous l’avez mentionné, nous sommes animés de la volonté de « faire travailler ensemble ».
Il faut faire plus, avez-vous dit. Nous le faisons, puisque la BPI offrira de nouveaux services : le préfinancement du crédit impôt recherche et du crédit d’impôt compétitivité emploi et les garanties à l’exportation. Ce type de produits financiers est aujourd’hui développé en Allemagne par la KfW et sera proposé demain par la BPI, ainsi que les financements à l’exportation.
Nous envisagerons plus tard l’assimilation d’Ubifrance à la BPI, mais nous ne pourrons certainement pas faire de même pour la COFACE, pour des raisons juridiques. En tout état de cause, les produits proposés par Ubifrance et la COFACE seront tout de suite disponibles à la BPI. C’est cela qui est important, car nous avons un problème de compétitivité, qui touche également notre système de financement à l’export. La BPI contribuera à le corriger.
Monsieur Bocquet, je vous rejoins sur l’idée que la BPI devra pouvoir lever des capitaux. Elle pourra le faire via sa filiale, et je vous confirme qu’elle aura accès au guichet de la BCE. Nous partagerons cet objectif, mais je ne pense pas qu’il puisse être mieux atteint en ayant un établissement de crédit au-dessus d’un autre. Nous avons conservé pour cette raison la structure figurant dans le projet de loi. Nous en avons débattu très sereinement et très longuement avec le responsable de la mission de préfiguration et nous nous sommes finalement parfaitement accordés avec lui, comme ensuite avec les députés.
Nous devons créer un nouvel instrument financier garanti par l’État et exemplaire au service du financement de l’économie. Je suis d’accord avec vous à ce sujet. J’ai d’ailleurs soutenu à l’Assemblée nationale un amendement de vos collègues précisant que l’objet même de la BPI sera de faire levier sur le système bancaire privé. J’ajoute, à toutes fins utiles, que la règle de fonctionnement de la BPI sera en général le cofinancement. Il s’agit d’un starter, pas d’une banque qui se substitue aux autres. Cette fois encore, ne laissons pas prospérer une illusion !
Monsieur de Montesquiou, vous avez laissé entendre que la BPI me servirait de réponse à tout.
Non, ce n’est pas la réponse unique ; elle s’inscrit dans le pacte dans son entier. Je l’ai qualifiée de porte-avions, ce qui en fait un élément fort et avancé, mais elle est l’un des piliers du pacte, de même que le crédit d’impôt, l’action sur le crédit interentreprises ou la future réforme de la fiscalité de l’épargne financière pour l’investissement de long terme et en actions. Avec tous ces éléments, nous visons le long terme.
Nous avons pour objectif de placer le dispositif de financement sous pilotage unique. Vous qualifiez cela de « couteau suisse ». Cette image est parlante : c’est très utile, après tout, un couteau suisse !
Sourires sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Grâce à cet outil, nous pourrons mieux décider des priorités de financement et, par exemple, utiliser du capital du FSI pour augmenter le nombre de prêts, si nous le jugeons utile. La théorie économique selon laquelle à un objectif doit correspondre un instrument m’est familière, mais je pense que le développement d’entreprise s’inscrit dans un continuum. Cet objectif est complexe et appelle des instruments qui le sont tout autant. Il faut un accompagnement tout au long du cycle de développement, et telle est la vocation même de la BPI.
Pour éviter le risque de lourdeur du dispositif que vous évoquez, nous avons choisi de ne pas tout fusionner en une seule entité mais d’organiser le pilotage unifié de structures pérennes et qui resteront présentes. Par ailleurs, je le répète, la BPI distribuera les produits de la COFACE mais n’absorbera pas cette dernière, car il s’agit d’un établissement qui est en partie privé et qui a 70 milliards d’euros de bilan.
Monsieur de Montesquiou, après vous avoir écouté, avec cet intérêt que j’accorde depuis longtemps à vos interventions, il me semblait que la conclusion logique de votre propos aurait été un vote de soutien. Je n’ai pas bien compris pourquoi vous choisissiez finalement l’abstention. En effet, vous avez souligné tant d’éléments positifs – assortis, certes, de quelques questions, auxquelles je puis répondre d'ailleurs –, que vous auriez pu conclure à l’approbation. Même si je laisse naturellement tous les groupes se prononcer en toute liberté, il n’aurait pas été douloureux, après tout, d’approuver un tel texte !
Monsieur du Luart, je ne vous rejoindrai pas sur la différence entre le qualitatif et le quantitatif. Sur certains segments, la Banque de France en atteste, il existe un problème qualitatif sur la trésorerie à court terme et sur les crédits de moyen terme. J’entends les craintes que vous exprimez et je vous donne acte que ce problème se réglera non pas dans la loi, mais sur le terrain.
Par ailleurs, personne – je suis tout à fait catégorique sur ce point – n’entend dépecer, ni même dépasser, la Caisse des dépôts et consignations. La BPI est directement dans l’objet social de la CDC, dont l’exigeante commission de surveillance a été pleinement associée à toutes les étapes du projet. J’ai souvent évoqué ce sujet avec son président, M. Emmanuelli, dont vous savez qu’il est vigilant quant aux intérêts de la Caisse des dépôts et consignations.
Je l’ai moi-même éprouvé. En effet, sans être particulièrement naïf, j’ai découvert depuis que je suis ministre des finances que l’État et la Caisse des dépôts et consignations étaient deux choses différentes… Il faut négocier et respecter, et c’est ce que j’ai fait pour parvenir à cet équilibre.
Je suis un peu triste de constater que l’opposition persiste à regarder en arrière.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous verrons vos résultats dans six mois ou dans deux ans !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Nous, nous proposons de mettre en commun les énergies, y compris celles de l’État et des régions.
Vous nous faites un procès d’intention en évoquant le Crédit lyonnais et le rôle des régions. Or je n’accepte pas ce procédé. La Bretagne, par exemple, possède déjà une part du capital d’OSEO. Que ne vous en êtes-vous ému ? Pouvez-vous me citer un fonds régional en faillite ?
Je souhaite enfin corriger une inexactitude que je ne veux pas croire intentionnelle. Il n’y avait pas un projet de Bercy qui aurait été soumis au diktat des régions. Depuis le départ, nous travaillons en partenariat. Quand j’ai présenté ce projet à l’Association des régions de France, les régions étaient toutes présentes autour de la table.
Je veux remercier M. Germain de son intervention, qui a souligné la cohérence de notre stratégie. L’économie française a besoin de redressement financier et productif. La politique que nous menons s’appuie donc sur trois piliers : le sérieux budgétaire, la réorientation de l’Europe et la compétitivité. Cette dernière inclut tout ce qui participe au financement de l’économie. Nous travaillons sur ce point, et la BPI constitue sans aucun doute une pièce maîtresse de ce dispositif.
La BPI ne doit pas perdre d’argent, c’est un point important. Toutefois, elle ne doit ni prêter ni investir comme les autres établissements financiers. À quoi servirait-il de disposer d’un outil public qui exigerait des taux de retour sur investissement équivalents à ceux du privé ? Il s’agit d’une banque différente, d’une banque publique. Ce ne sont pas de vains mots.
Je confirme à ce titre le lien entre la BPI et le livret de développement durable, au travers de la Caisse des dépôts et consignations. Le rapport de M. Duquesne sur la réforme de l’épargne réglementée a ainsi proposé que les fonds d’épargne prêtent à la BPI sur les ressources levées par le livret de développement durable. Nous en avons doublé le plafond et affectons directement 10 milliards d’euros à la BPI pour lui offrir des moyens supplémentaires.
Monsieur Germain, j’accueille avec grand intérêt le reste de vos propositions. J’aurai l’occasion d’y revenir pendant le débat.
Je remercie M. Plancade d’avoir mis ce projet en perspective dans notre politique économique. Il s'agit en effet d’une brique, dans un édifice plus vaste.
Nous avons besoin d’outils dédiés aux très petites entreprises, les TPE, dont les représentants m’ont déjà fait part de leurs propositions, pour ce texte comme pour la future réforme bancaire.
Monsieur Charon, je souhaite vous répondre en quelques mots. Vos propos m’ont surpris, même si ce fut assez peu, en vérité... §Quel est le sens de votre critique de ce projet ? La majorité d’hier a créé OSEO. Nicolas Sarkozy a voulu une banque publique de l’industrie. Soyez cohérent ! J’apprécie les beautés de l’intelligence rétrospective – il m’est même arrivé en d’autres temps d’y céder –, mais tout de même !
À mon sens, vous vous saisissez de prétextes pour refuser un projet que, en d’autres temps, vous auriez pu vous-mêmes proposer, parce qu’il est conforme à l’intérêt général.
Il est vrai que nous y mettons notre philosophie et la volonté d’associer l’État, la Caisse des dépôts et consignations et les régions. Peut-être auriez-vous agi différemment. Nous visons cependant le même résultat, à savoir le redressement de notre appareil productif par l’investissement, principal facteur de croissance et de création d’emplois.
De façon plus surprenante encore, vous citez Dexia, à titre de reproche !
Cependant, qui nous a laissé Dexia moribond ? Je peux vous dire le nombre d’heures que j’ai passées à Paris et à Bruxelles pour tenter de réparer les dégâts causés par ce sinistre financier.
Sourires sur les travées de l'UMP.
D’ailleurs, je sais qui en est à l’origine ! C’est celui-là même qui nous a laissé le CIF ! M. Germain connaît le dossier mieux que quiconque. Nous n’avons pas de leçons de bonne gestion bancaire à recevoir de ceux qui nous ont laissé ces dossiers difficiles, auxquels je m’attelle, ce qui prouve la cohérence de la politique que nous menons. Là encore, il faut que l’opposition recouvre la mémoire !
Revenons au film La Grande Illusion, au moment où Erich von Stroheim dit à Pierre Fresnay : « Je ne sais pas qui va gagner cette guerre, mais nous vivons notre fin. » Il parle de l’aristocratie combattante.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je suis ravi de vous avoir soumis un beau motif d’inspiration, monsieur le ministre !
Sourires.
C’est l’une des plus belles et des plus émouvantes phrases de ce film. Peut-être la BPI permettra-t-elle de mettre fin à certaines visions passéistes, qui font fi de tout optimisme. Telle est, en tout cas, mon ambition.
Monsieur Courteau, c’est effectivement un beau symbole que le premier conseil d’administration se tienne dans une ville de région. Peut-être y a-t-il des candidats dans la salle ?...
M. Pierre Moscovici, ministre. Ne vous battez pas !
Sourires.
Quoi qu’il en soit, il est essentiel que la première réunion du conseil d’administration de la banque des PME et des territoires ne se tienne pas à Paris. C’est plus qu’un symbole ; cela témoigne d’une volonté de coopération entre l’État, la Caisse des dépôts et consignations et les régions.
Monsieur Fournier, cela a sans doute été difficile pour vous, mais je suis vraiment ravi que vous ayez déclaré au début de votre intervention, au nom de l’UMP, que ce projet de loi était « louable ». Même si j’ai été quelque peu déçu par la suite de votre propos, j’ai entendu vos encouragements.
Concernant les zones rurales, je veux vous rassurer : je serai, je le répète, attentif aux amendements qui seront défendus à ce sujet dans la suite de notre débat.
Ainsi que plusieurs orateurs l’ont souligné, 60 % ou 70 % des PME se trouvent dans des zones rurales.
Dès lors, comment pourrions-nous les négliger dans le fonctionnement de la BPI ?
M. Patient a indiqué qu’il importait de prendre en considération l’outre-mer. En effet, lorsque les collectivités locales ne sont pas spécifiquement mentionnées dans le texte, c’est effectivement le droit commun qui s’applique ; telle est la philosophie qui nous a animés. Toutefois, nous avons prévu des mesures d’adaptation spécifiques pour l’outre-mer.
Je comprends qu’il faille aller plus loin. Aussi serai-je favorable aux amendements tendant à faire valoir l’importance de l’outre-mer dans ce projet de loi, y compris pour ce qui concerne le volet relatif à la gouvernance.
À M. Reichardt qui a employé le terme « simpliste », je veux répondre : simplicité ! Il a évoqué plusieurs conditions pour que la BPI soit un succès.
Que les décisions soient plus déconcentrées ? Oui, elles le seront !
Que la BPI soit un outil de « priorisation » des capacités d’intervention ? Oui, elle le sera, et ce par l’intermédiaire du comité régional d’orientation.
Qu’il y ait un complément entre les fonds propres régionaux et ceux de la Caisse des dépôts et consignations ? Oui, ce sera le cas, et c’est l’idée même que j’ai défendue !
Enfin, M. Patriat a eu raison de rappeler les engagements pris le 12 septembre dernier. Je veux dire à tous les élus régionaux que ce projet de loi respecte ces engagements à la lettre.
Des débats ont été constamment menés avec l’ARF, l’Association des régions de France. Ce ne fut pas simple : certaines paroles ont été prononcées, y compris par des présidents de région qui appartiennent à la même formation politique que la mienne, qu’il m’arrive de regretter. D’ailleurs, il faudrait toujours se garder d’avoir des paroles définitives, parce que, à force de discussions, on finit toujours par trouver un terrain d’entente.
Oui, la BPI sera déconcentrée. Oui, la BPI et les régions travailleront ensemble et pourront financer ensemble des projets. Voilà qui témoigne d’un nouvel état d’esprit
Monsieur Teston, nous allons construire ensemble un nouvel instrument novateur, utile aux territoires et aux entreprises. La BPI ne sera pas une banque comme les autres.
Certes, ma réponse aux différents orateurs a été un peu longue, mais le débat que nous avons eu a été de qualité.
Aussi me devais-je d’apporter à chacune – je crains que la parité n’ait pas été au rendez-vous dans cette discussion générale commune ! – et à chacun d’entre vous des réponses solides, charpentées ou étayées. En tout cas, j’espère qu’il en a été ainsi.
Il y a là une belle ambition. Je ne suis pas boy-scout et je ne l’ai jamais été, mais je respecte ceux d’entre vous qui l’ont été – il y en a sûrement parmi vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
Si l’on voulait vraiment aborder ce débat de bonne foi, il serait logique que la Haute Assemblée adopte ce beau projet de loi à l’unanimité.
M. Pierre Moscovici, ministre. En tout cas, j’invite chacun d’entre vous à y réfléchir ; la pause du dîner vous permettra peut-être de remettre ce débat en perspective.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…
La discussion générale commune est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq.