Intervention de François Marc

Réunion du 10 décembre 2012 à 14h30
Création de la banque publique d'investissement – nomination des dirigeants de bpi-groupe — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans le texte de la commission

Photo de François MarcFrançois Marc, rapporteur général de la commission des finances :

Nous parlons en effet de montants relativement importants. Pour le FSI, cela représente 3, 6 milliards d’euros, dont 1, 7 milliard d’euros pour l’État et 1, 9 milliard d’euros pour la CDC. Pour OSEO, cela représente 500 millions d’euros – 365 millions d’euros pour l’État et 135 millions d’euros pour la CDC – sur le milliard d’euros de recapitalisation qui devait s’opérer à la suite de la création de la filiale OSEO Industrie par la loi du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, la fameuse « banque de l’industrie ».

En tout état de cause, la BPI, que nous allons mettre en place, aura une capacité d’action tout à fait importante.

Côté crédits, en reprenant le profil de risque actuel des prêts octroyés par OSEO, la capacité totale de prêts du groupe devrait être de l’ordre de 20 milliards d’euros. Avec l’effet d’entraînement de ces prêts sur les banques privées – on sait que c’est, en moyenne, de 1 pour 1 –, les concours bancaires totaux à destination des PME et des ETI qui en seraient issus devraient donc représenter un total de 40 milliards d’euros.

En outre, la capacité de prise de risque en garantie totale de cet établissement s’élèverait à 13 milliards d’euros, ce qui permettrait de faciliter l’octroi de plus de 26 milliards d’euros de concours bancaires supplémentaires.

Enfin, la capacité de la branche « innovation », qui dépend des dotations budgétaires et du niveau de risque retenu, serait de l’ordre de 600 millions d’euros par an pour le soutien individuel et collaboratif de projets innovants.

Côté investissement en capital, il est prévu une capacité d’intervention de l’ordre de 1, 8 milliard d’euros par an.

De plus, comme je l’ai déjà souligné, la BPI sera étroitement associée à Ubifrance et à la COFACE, dont elle distribuera les produits dans son réseau.

La BPI, groupe financier public, aura donc les moyens de sa politique. Elle sera en mesure d’imprimer une stratégie cohérente du financement public de l’économie et des entreprises, en particulier des PME et des sociétés innovantes et exportatrices.

Bien entendu, afin d’agir efficacement, elle devra avoir accès à des ressources financières en quantité suffisante et aux meilleures conditions possibles.

Or, dans cet hémicycle comme en dehors, certains craignent que, à l’issue de la création de la BPI, le nouvel établissement ne se refinance paradoxalement à des conditions moins avantageuses que l’actuel OSEO. Certains amendements s’alimentent d’ailleurs d’une telle crainte, et nous aurons à en débattre.

Cette crainte tient au choix de la structure du groupe retenue par les deux actionnaires, qui consiste à placer à la tête de l’ensemble une holding faîtière, dénommée BPI-Groupe, chapeautant la totalité des filiales opérationnelles. Certains se demandent en particulier si le fait de placer un niveau d’interposition entre des actionnaires à la solidité incontestable et la filiale active en matière de crédit ne perturbera pas les investisseurs susceptibles de souscrire les émissions obligataires de cette dernière. D’autres s’interrogent quant à la capacité de la BPI de se refinancer auprès de la Banque centrale européenne.

Monsieur le ministre, je crois donc nécessaire que vous puissiez, d’une part, rassurer le Sénat sur ces différents points, en nous confirmant que les émissions du nouvel ensemble bénéficieront toujours de la garantie de l’établissement public BPI-Groupe, et, d’autre part, nous éclairer sur les raisons qui ont poussé l’État et la CDC à privilégier le schéma ainsi retenu.

Mes chers collègues, je vous l’ai dit, dans Banque publique d’investissement, il y a « banque publique ». Il s’agit d’un élément fort d’identité. Une banque publique ne doit pas être une banque comme les autres. Tout en agissant, naturellement, en investisseur avisé, elle doit savoir faire ce que les autres ne font pas.

Elle doit savoir se montrer audacieuse et prendre certains risques qui en valent la peine. Elle doit se montrer présente sur ces segments que les banques classiques ne financent pas, ou ne financent pas seules, et dont notre économie a pourtant tant besoin. Je veux parler des entreprises en amorçage, des petites et moyennes entreprises manufacturières du secteur industriel ou encore des PME exportatrices.

La BPI doit savoir oser. Elle doit pouvoir entraîner les autres à sa suite.

La BPI doit aussi faire reposer son action sur des principes.

En commission des finances, certains ont ironisé. Mais nous assumons ! Nous sommes même fiers que le Parlement se soucie de valeurs quand il crée une banque publique.

Nous assumons que cette banque ait à soutenir l’emploi et la compétitivité de l’économie. Nous assumons qu’elle ait à appuyer les politiques publiques tournées vers les secteurs d’avenir. Nous assumons qu’elle ait vocation à mettre en œuvre la transition écologique.

Nous assumons, de la même manière, que la BPI soit soucieuse, quand elle intervient, de prendre en compte dans ses pratiques les enjeux environnementaux, sociaux ou encore d’égalité professionnelle, c'est-à-dire, en un mot, qu’elle ne se résume pas à un animal financier à sang froid.

Ce choix de ne pas tourner le dos au monde dans lequel elle vivra se reflète aussi dans ses futurs modes de gouvernance.

Au sommet, un conseil d’administration aura évidemment à prendre les décisions les plus importantes qui engageront son avenir. C’est là une chose normale.

Mais nous assumons le choix de placer, à côté de ce conseil, un comité national d’orientation, présidé par un président de région, par définition impliqué au premier chef dans la vie économique de son territoire, qui s’exprimera sur les orientations stratégiques de la BPI, sur sa doctrine d’intervention et sur la façon dont elle doit remplir ses missions d’intérêt général.

Nous assumons le choix de décliner ce comité au niveau régional, près de l’économie réelle, afin d’articuler au mieux l’action de tous les acteurs publics d’un territoire et de faire en sorte que l’action de la BPI soit pleinement cohérente avec les stratégies régionales de développement économique.

Nous assumons enfin le choix de faire de la BPI une banque exemplaire dans un monde financier très largement dominé par des hommes, en affichant la parité entre les femmes et les hommes à tous les étages de gouvernance : comités régionaux d’orientation, comité national d’orientation et conseil d’administration. À cet égard, je rends hommage à l’esprit pionnier du Sénat et à notre collègue Jean-Vincent Placé, qui avait déjà osé prôner la parité pour des fonctions à responsabilités en matière financière s’agissant du Haut Conseil des finances publiques.

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