Certains voudraient aussi renforcer davantage la place des régions. Comme M. le ministre l’a précisé, des ajustements sont évidemment souhaitables et possibles. Je présenterai d’ailleurs un amendement en ce sens. L’essentiel est que l’on reste dans le cadre d’une association étroite des régions à la gouvernance de la BPI, mais sans remettre en cause la responsabilité première de l’État dans son pilotage.
Cette formule est juste et équilibrée. En effet, les régions font beaucoup pour accompagner les entreprises sur leur territoire. Elles sont en lien avec les communautés urbaines, les communautés d’agglomération, les communautés de communes, les départements. Elles ont un savoir-faire maintenant historique. Il serait donc dommage de s’en priver.
Il est donc essentiel que la gouvernance de la BPI reflète cette réalité. Pour autant, le pilotage stratégique de la BPI doit rester sous la responsabilité première de l’État et son pilotage opérationnel sous celle de son directeur général. La BPI est en effet, comme je l’ai souligné, un outil au service d’une stratégie nationale de soutien aux entreprises, de restauration de la compétitivité, ainsi que de stimulation de la croissance et de l’emploi. Son capital sera détenu à parité par deux acteurs, l’État et la CDC, dont le périmètre d’action et les objectifs sont clairement du ressort national.
Voila donc pour la position de la commission des affaires économiques sur l’organisation de la future BPI.
J’en viens maintenant aux missions et à la doctrine d’intervention de la BPI.
Dans sa rédaction initiale, l’article 1er du texte, qui définit ces missions, était très concis, pour ne pas dire elliptique parfois. L’essentiel y figurait, c’est vrai, mais on restait un peu sur sa faim compte tenu de l’importance du texte. Les députés ont donc opportunément introduit plusieurs précisions pour mieux fixer le cadre d’action de la BPI.
Ils ont tout d’abord clairement indiqué que la BPI orientera en priorité son action vers les TPE, les PME et les ETI, en particulier dans le secteur industriel. Cette précision est importante.
Ils ont ensuite mieux défini le champ de son offre, en précisant qu’elle développera une offre de service et d’accompagnement des entreprises dans leurs projets de développement. On passe ainsi d’une offre de produits financiers stricto sensu à une offre intégrée mêlant à la fois produits financiers et service d’accompagnement.
Nous le savons, chers collègues, quand une entreprise est accompagnée, elle a beaucoup plus de chance de réussir.
C’est un point qui me paraît essentiel : la BPI ne sera pas seulement un guichet qui offrira un catalogue de produits standardisés répondant à des besoins de financement prédéfinis. Les chargés d’affaires de la BPI devront entrer dans un dialogue stratégique avec les entreprises en leur apportant un regard extérieur, une analyse, un conseil sur leurs possibilités de développement.
L’enjeu est de les guider vers les bons outils, de les pousser à l’innovation, à la croissance et à la recherche de gains dans l’efficacité opérationnelle. Cela se fait déjà en partie bien sûr, mais de manière informelle. La future loi systématisera cette démarche en l’inscrivant dans les missions mêmes de la BPI.
Au passage, cela justifie d’autant plus la fusion d’Ubifrance au sein de la BPI, puisque le métier d’Ubifrance est axé sur l’accompagnement vers l’export.
Les députés ont également explicité la doctrine de la banque. Elle interviendra en investisseur avisé de long terme et agira en complémentarité avec les acteurs financiers privés en favorisant la mobilisation de l’ensemble du système bancaire sur les projets qu’elle soutient.
Je tiens cependant à souligner qu’elle ne fera pas que cela. Dans le domaine des subventions à l’innovation et des interventions en garantie, on est en effet sur des opérations d’où le marché est souvent absent, ce qui justifie pleinement une intervention selon des critères d’intérêt général.
Par ailleurs, les députés ont précisé la fonction stratégique de la BPI en indiquant qu’elle viendra en appui de diverses stratégies nationales : elle accompagnera la politique industrielle, notamment pour soutenir les stratégies de développement de filières ; elle participera au développement des secteurs d’avenir, de la conversion numérique et de l’économie sociale et solidaire ; elle contribuera à la mise en œuvre de la transition écologique ; elle pourra stabiliser l’actionnariat de grandes entreprises porteuses de croissance et de compétitivité pour l’économie française. Le rôle stratégique de l’État est donc bien affirmé.
Au total, il me semble que, sur la question des missions de la BPI, le texte tel qu’il ressort des travaux de l’Assemblée nationale est globalement satisfaisant. Je vous présenterai cependant quelques amendements, mais qui ne le modifient pas de façon substantielle.
Je tiens d’ailleurs à appeler votre attention sur la nécessité de garder à la BPI une priorité d’action clairement définie. L’annonce de sa création – M. le ministre vient de s’en faire l’écho – a nourri beaucoup d’attentes et d’espérances fortes, si fortes et si diverses qu’elles pourraient placer la BPI devant le risque paradoxal d’être victime de son succès. On voit bien en effet que tous les acteurs, publics ou privés, dont les besoins de financement sont difficilement satisfaits par des mécanismes privés, voient dans la BPI une réponse potentielle à leurs difficultés.
Cependant, il faut être clair : la BPI n’a pas vocation à devenir l’outil unique et polyvalent de l’intervention économique publique. Elle est et doit rester, d’une part, un outil d’appui au financement des entreprises, prioritairement des TPE, des PME et des ETI indépendantes, et, d’autre part, le bras financier d’une stratégie nationale de compétitivité et de croissance.
Une dilution de ses missions conduirait à un saupoudrage des interventions et à une perte d’efficacité. Comme vous le savez, le volume de moyens mis à la disposition de la BPI est voisin de celui dont disposent actuellement OSEO et la CDC. Ajouter des missions nouvelles à moyens constants impliquerait une dégradation des missions fondamentales.
En particulier, la problématique du financement des collectivités territoriales – ce sujet a en effet suscité un débat en commission – ne relève pas des missions de la BPI. Il y a de vraies questions à régler dans ce domaine, mais la réponse n’est pas la BPI. Il y a d’autres outils adaptés à cette problématique ; je veux parler de l’enveloppe de 20 milliards d’euros récemment annoncée par le Gouvernement et de la mise en place d’une banque spécialisée dans le financement des collectivités sous la houlette de la Banque postale et de la Caisse des dépôts et consignations.
La BPI n’est pas non plus un outil d’aménagement économique du territoire.