Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission qui m’a fait l’honneur de me désigner rapporteur pour avis sur ce texte est compétente en matière de développement durable et d’aménagement du territoire. C’est donc principalement sous ces deux angles que j’ai examiné le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui.
Les orateurs qui m’ont précédé ont rappelé que la création de la Banque publique d’investissement était le premier des soixante engagements du Président de la République lors de la campagne pour l’élection présidentielle. L’objectif annoncé était de pallier les carences des banques privées dans le financement des projets portés par les petites et moyennes entreprises.
Aujourd’hui, la BPI se trouve au cœur du dispositif de reconquête de la compétitivité française. Il s’agit d’apporter un soutien aux entreprises – TPE, comme PME et ETI – et de créer un levier pour les financements privés.
Ce faisant, il s’agit d’abord de remédier aux faiblesses du financement de notre tissu productif. Celles-ci sont bien connues : elles se traduisent non seulement par les difficultés d’accès des entreprises au crédit bancaire, à des fonds propres, au financement à l’export, par le recul du capital-investissement, mais aussi par l’empilement des outils de financement et des interlocuteurs, ainsi que par l’éparpillement des dispositifs existants.
Dans une étude récente, la Banque centrale européenne a indiqué que, parmi les difficultés auxquelles sont confrontées les PME en Europe, l’accès au financement arrive en deuxième position, cité par 18 % des entrepreneurs interrogés, après la recherche de nouveaux clients et de nouveaux débouchés.
Mais il s’agit aussi de créer un mécanisme destiné à s’intégrer dans une politique industrielle, définie par l’État et portée par les territoires, afin d’encourager les créations d’emplois, de favoriser la croissance et de lancer la transition écologique. Ce dernier objectif a été clairement affirmé en septembre dernier, lors de la conférence environnementale, par le Président de la République, qui avait alors indiqué que la BPI allait concentrer une bonne part de ses interventions « sur la conversion écologique de notre système productif, qu’il s’agisse de l’isolation thermique, des énergies renouvelables, des écotechnologies ».
Nous le savons bien, mes chers collègues, cet engagement est essentiel et chacun se réjouit qu’il trouve aujourd’hui sa traduction législative dans le projet de loi.
La transition écologique ne porte pas uniquement sur les filières vertes traditionnelles que sont les écotechnologies ou les énergies renouvelables. L’objectif est bel et bien de toucher chaque pan de l’économie française et de provoquer un verdissement des activités traditionnelles. Il s’agit de changer de paradigme économique et social.
Le montant du programme d’investissement à réaliser pour financer la transition écologique est estimé par les spécialistes entre 2 % et 3 % du PIB par an pendant au moins dix ans, soit pour la France un total de 600 milliards d’euros environ. Le Programme des Nations unies pour l’environnement recommande, de son côté, d’investir 2 % du PIB mondial dans les investissements de transition écologique.
Tous les spécialistes insistent sur le fait que ces investissements et cette transition écologique doivent être perçus non comme un coût mais bel et bien comme une chance pour l’emploi et la croissance. Certes, les sommes nécessaires apparaissent considérables, mais ce sont généralement des investissements territorialisés, donc peu délocalisables et riches en emplois de proximité.
En outre, l’économie verte est particulièrement dynamique. Ainsi, 263 milliards de dollars ont été investis dans les énergies renouvelables à l’échelle mondiale en 2011, somme en augmentation de 6, 5 %, soit 4 points de plus que la croissance mondiale. Toujours en 2011, les énergies vertes ont contribué à 2 % du PIB français. Le potentiel de création d’emplois est réel, ne serait-ce que dans le secteur de la rénovation thermique des bâtiments.
Le véritable enjeu est donc celui du financement de cette transition écologique. Une réflexion sur la fiscalité verte sera lancée à partir du printemps 2013.
Comme cela a été rappelé dans le cadre de la table ronde « Financement de la transition et fiscalité écologique » de la conférence environnementale, l’objectif est de taxer les comportements polluants ou coûteux en termes de ressources, pour les orienter vers des comportements plus vertueux.
Toutefois, le levier de la fiscalité ne suffira pas. Il faudra que l’ensemble du dispositif de financement de l’économie finisse par intégrer cet objectif de transition écologique, à commencer par ses opérateurs publics.
La mission générale confiée à la BPI est de répondre aux risques d’assèchement de crédit et aux insuffisances de fonds propres qui handicapent le développement des entreprises, à commencer par les PME et les ETI. La BPI rassemblera donc dans une structure unique les activités d’OSEO, du FSI et de CDC Entreprises. Fédérer ces organismes et leurs actions, dans le contexte général actuel de crise économique et financière, apportera une vraie valeur ajoutée. Selon le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, M. Jean-Pierre Jouyet, le fait de rassembler sous un même toit les différentes institutions de prêt et de prise de participation en capital constitue un progrès considérable.
La BPI disposera d’une capacité d’intervention importante de 42 milliards d’euros environ, soit 20 milliards en prêts, 12 milliards en garanties et 10 milliards en capacités d’investissements en fonds propres. Ces 42 milliards d’euros devraient entraîner, par effet de levier, plus de 100 milliards d’euros de financements.
Le projet de loi déposé à l’Assemblée nationale était très succinct sur les objectifs assignés à la BPI ; il se contentait en fait de modifier à la marge l’ordonnance portant création d’OSEO. Nos collègues députés ont jugé nécessaire de compléter ces objectifs et en particulier de rappeler, dès l’article 1er, la vocation de la BPI à mettre en œuvre la transition écologique. Cet ajout était nécessaire et l’on ne peut que s’en féliciter.
Cette ambition est ensuite déclinée dans les missions des différentes instances de gouvernance de la banque. Plusieurs amendements, soutenus notamment par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, ont permis d’inclure, dans le comité national et dans les comités régionaux d’orientation de la banque, des personnalités qualifiées en matière de développement durable ; c’est, là encore, une bonne chose.
Je veux aussi souligner la reconnaissance du rôle de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, dont l’expertise est unanimement reconnue. Cela devrait garantir que l’objectif de la transition écologique ne sera pas marginalisé dans les options de financement retenues par l’établissement.
Le second aspect important de ce projet de loi est sa contribution au développement économique régional. Si les dispositifs publics actuels d’aide au financement des entreprises ont déjà une forte dimension régionale, celle-ci sera notoirement renforcée par l’organisation de la future BPI.
Les établissements financiers qui doivent être regroupés au sein de la BPI interviennent en effet au plus près du terrain. OSEO est organisé en vingt-deux directions régionales et douze délégations territoriales. Les décisions de prêt y sont largement déconcentrées. Le Fonds stratégique d’investissement a un fonctionnement plus centralisé, mais son comité d’orientation comporte des élus. CDC Entreprises dispose de quatorze implantations interrégionales, via sa filiale FSI Régions, et participe à quatre-vingt-quatre fonds régionaux.
De leur côté, les régions se sont engagées pour la plupart dans le soutien aux PME, en association avec les opérateurs de l’État ou en complément de leur action. Dans le cadre de leurs stratégies régionales de développement économique, elles se sont dotées de plusieurs instruments : prêts sur l’honneur, fonds de garantie et fonds d’innovation, qui peuvent être confiés en gestion à OSEO, fonds régionaux d’investissement, aides à l’exportation.
Le président de l’Association des régions de France, Alain Rousset, a indiqué lors de son audition devant nos commissions réunies qu’il existait plus de 800 dispositifs régionaux.
L’implication des régions dans le financement des entreprises est donc un phénomène général, même si les modalités et l’importance de l’effort consenti varient d’une région à l’autre. Le projet de loi en tire les conséquences, en réservant une place particulière aux régions dans la gouvernance de la BPI.
L’article 1er dispose que la BPI agit en appui des politiques publiques conduites par l’État et par les régions.
En ce qui concerne son conseil d’administration, l’article 3 prévoit que, sur quinze membres, deux seront des représentants des régions, nommés par décret sur proposition d’une association représentative de l’ensemble des régions.
La BPI est également dotée d’un comité national d’orientation chargé d’exprimer un avis sur ses orientations stratégiques, sa doctrine d’intervention et les modalités d’exercice de sa mission d’intérêt général. L’article 4 du projet de loi initial prévoyait que ce comité de vingt-trois membres compterait deux représentants des régions, désignés par une association représentative de l’ensemble des régions. L’Assemblée nationale a porté ce chiffre à trois.
Il est par ailleurs prévu que le président du comité national d’orientation sera choisi parmi les trois représentants des régions. Leur présence au comité national d’orientation sera l’occasion pour les régions d’expliquer et de promouvoir leurs politiques économiques auprès des parlementaires, des partenaires sociaux et des personnalités qualifiées qui le composent par ailleurs.
L’article 4 tend également à mettre en place, dans chaque région, un comité régional d’orientation chargé de formuler un avis sur les modalités d’exercice par la BPI de ses missions au niveau régional et sur la cohérence de ses orientations stratégiques avec la stratégie régionale de développement économique. Deux représentants de la région figurent parmi les vingt-cinq membres de ce comité.
Le projet de loi initial prévoyait qu’il soit présidé par le président du conseil régional, mais cette disposition a été supprimée par la commission des finances de l’Assemblée nationale. La commission du développement durable a proposé, comme la commission des finances, de rétablir cette présidence qui lui paraît plus conforme aux souhaits exprimés par les régions et aux engagements pris par le Gouvernement à leur égard.
Au total, vous l’aurez compris, la commission du développement durable a émis un avis positif sur le projet de loi. Elle souhaite que la BPI soit la banque du renouveau de la croissance française, clairement tournée vers l’accompagnement des secteurs à fort potentiel de l’économie verte et vers le soutien au tissu économique régional. Je forme le vœu que cette nouvelle structure soit mise en place et opérationnelle le plus rapidement possible, dès les premiers mois de 2013, et que sa gestion soit conduite dans un réel souci d’exemplarité. §