Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’éprouve les plus grandes difficultés à situer les outre-mer dans le projet de loi. En effet, il faut attendre le dernier article concernant la BPI, l’article 9, pour les voir mentionner et, une fois de plus, par la voie d’une demande d’habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relatives à l’application des dispositions de la présente loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte.
Les départements et régions d’outre-mer, les DROM, à savoir la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion ne figurant pas dans cet article 9, on doit donc considérer que la loi relative à la création de la Banque publique d’investissement s’y applique de plein droit, conformément au principe d’identité législative. Tant mieux, mais il ne faut pas oublier pour autant de prendre les mesures d’adaptation nécessaires tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités, comme le préconise l’article 73 de la Constitution.
Ces adaptations sont indispensables, vous le savez bien, monsieur le ministre. C’est ce qui fait défaut dans votre projet de loi, car il n’y est fait aucune référence aux outre-mer, qu’il s’agisse des missions ou de la gouvernance de la BPI. Pourtant, dans l’exposé des motifs de ce texte, il est clairement indiqué que « la BPI développera une stratégie d’intervention spécifique en outre-mer » et que « la gouvernance de la BPI devra tenir compte de ces spécificités et de la place particulière de certains acteurs en outre-mer ».
Je tiens d’ailleurs à rappeler que l’implantation d’une représentation de la BPI dans les outre-mer qui offrirait tous les produits financiers prévus dans l’Hexagone était le premier des trente engagements de François Hollande pour l’outre-mer, un engagement qu’il a encore confirmé tout récemment devant les maires d’outre-mer réunis à la mairie de Paris, lors du dernier congrès des maires de France, en réponse à une demande très forte et très ancienne des Ultramarins.
Aussi, monsieur le ministre, vous comprendrez qu’intégrer les outre-mer dans ce projet de loi sera un signe fort envoyé aux acteurs économiques de ces territoires, aux élus et aux populations.
Dans son intervention lors de la Conférence économique et sociale des outre-mer, le Premier ministre déclarait ce matin : « Je veillerai à ce que le dispositif BPI et les produits qu’il offrira soient mis en place rapidement sans qu’aucun territoire ultramarin ne reste à l’écart, dans le respect naturellement des compétences de chacun ».
L’enjeu de la BPI est en effet considérable pour nos outre-mer, et c’est la raison pour laquelle nous insistons pour que, sur ses missions, référence expresse soit faite aux collectivités d’outre-mer : à cause de leur singularité, leurs entreprises pourraient être exclues du champ d’application de la BPI.
En effet, le secteur économique ultramarin est caractérisé par une multitude de micro et très petites entreprises artisanales et de services ; les besoins pour financer l’innovation relèvent moins de la rupture technologique, comme en métropole, que de l’adaptation technologique et de l’innovation sociétale.
Tout comme les entreprises situées dans les zones défavorisées urbaines, qui sont citées expressément dans la loi, celles des territoires d’outre-mer ont autant besoin de soutien et d’accompagnement que d’apport en financement.
En ce qui concerne la gouvernance, il n’existe aucune certitude que la voix des territoires d’outre-mer sera entendue, ni au conseil d’administration ni au conseil national d’orientation. Je tiens à rappeler que onze territoires d’outre-mer sont concernés par la BPI. Si quatre d’entre eux – les quatre DROM – peuvent être représentés par l’Association des régions de France, l’ARF, qu’en sera-t-il pour les sept autres qui n’ont pas le statut de régions ?
Aussi, monsieur le ministre, vous pouvez réparer ce que je veux bien qualifier « d’oubli » en donnant dans ce projet de loi aux territoires d’outre-mer, comme aux autres territoires de France, la possibilité de se faire entendre au sein de la gouvernance de la BPI. D'ailleurs, la vocation de la BPI n’est-elle pas d’agir en lien étroit avec les territoires ?
Dernier point, et non des moindres, le cas des outre-mer ne devra pas continuer à être réglé au travers d’une simple convention de partenariat entre OSEO et l’Agence française de développement, l’AFD, à l’instar de ce qui se fait depuis 2009. Ce système a montré ses limites, car nombre de produits d’OSEO n’ont pas été étendus aux outre-mer. Comme cela a été annoncé, la représentation de la BPI doit y être effective, avec une doctrine d’intervention et des produits financiers conçus et adaptés à leurs besoins spécifiques.
Monsieur le ministre, j’ai déposé des amendements qui visent à une meilleure prise en considération des outre-mer dans ce projet de loi. Je sais pouvoir compter sur vous pour qu’ils soient adoptés. §