Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 11 décembre 2012 à 14h30
Création de la banque publique d'investissement — Article 13

Pierre Moscovici, ministre :

… habile et intelligent. Il consiste à dire que, puisque les Américains n’agissent pas, nous ne sommes pas pressés non plus.

En réalité, cet argument peut se renverser, et je vais vous expliquer brièvement pourquoi.

Le présent amendement est motivé à titre principal par des considérations de calendrier : une récente annonce des États-Unis vise à reporter Bâle III, ce qui aboutirait du même coup à un report important de l’entrée en vigueur du texte en Europe.

En même temps, et c’est sur ce point qu’il faut être vigilant, une incertitude très importante, sinon totale, pèse sur la date d’entrée en vigueur du règlement. Il ne peut pas être exclu qu’elle intervienne au premier semestre de 2013. La présidence chypriote envisage que l’accord politique soit examiné au sein du COREPER, le Comité des représentants permanents, le 19 décembre 2012. La Commission est favorable à un calendrier resserré pour maintenir la pression sur nos partenaires américains, car il s’agit aussi de cela, mesdames, messieurs les sénateurs.

Par ailleurs, dans le cadre des discussions entre le Conseil et le Parlement européen, la possibilité de dissocier l’entrée en vigueur du règlement et de la directive a été évoquée ; si cette solution était retenue, le règlement pourrait entrer en vigueur très rapidement après la publication du texte. Tel est en tout cas ce que semble souhaiter le Parlement européen dans le cadre des négociations.

Monsieur Marini, vous indiquez que le projet de loi portant réforme bancaire constituerait le véhicule législatif approprié. C’est possible. Cela étant, l’examen de ce texte, qui aura lieu au cours du premier semestre, prendra du temps, car c’est un projet très ambitieux. Je le présenterai la semaine prochaine en conseil des ministres et il nous donnera l’occasion de passer beaucoup de temps ensemble…

Que se passera-t-il s’il nous faut, dans l’intervalle, adapter la législation française s’agissant des règles relatives aux sociétés financières ? Si nous n’avons pas d’habilitation – je rappelle à ce propos, à l’instar de M. le rapporteur général, que l’habilitation à légiférer par ordonnances ne porte pas sur les normes prudentielles elles-mêmes – nous nous exposerons en vérité à un risque très important.

Au total, mes arguments s’opposent aux vôtres sur un point politique qui me paraît décisif : je connais, comme vous, les mesures qu’ont adoptées et annoncées les États-Unis. J’ai toutefois eu l’occasion de rencontrer hier l’un des conseillers du président Obama, M. Froman, de passage à Paris sur la route de Moscou, où l’on commence à préparer le G20 : celui-ci m’a assuré que ces déclarations n’étaient encore que des propositions, et non des décisions définitives.

Nous restons attentifs. Sur ce point, je rejoins d’ailleurs Michel Barnier, qui a déjà indiqué que l’Europe était vigilante et faisait en sorte que tous soient à pied d’œuvre pour respecter les règles du comité de Bâle.

Être attentif, cela signifie également ne pas être naïf : je ne le suis pas. Cependant, et c’est la raison pour laquelle mon analyse est diamétralement opposée à la vôtre, il nous faut conserver la possibilité d’agir vite, dans l’hypothèse où ces règles entreraient en vigueur en Europe, pour ne pas être surpris, pour ne pas être placés en situation de faiblesse. Tel est le sens de cette demande d’habilitation, laquelle nous offre le véhicule adéquat.

Monsieur le sénateur, je le répète, à mes yeux, vos arguments sont réversibles. C’est en tout cas ainsi que j’y réponds.

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