Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’objet de cette proposition de loi est à l’évidence consensuel. Son objectif est de supprimer le bisphénol A des conditionnements alimentaires ; elle a déjà été longuement débattue par notre assemblée voilà deux mois. La question n’est pas de savoir si nous devons adopter ce texte, mais selon quelles modalités concrètes nous devons le faire.
Il est en effet avéré aujourd’hui par les études scientifiques et les agences sanitaires que le bisphénol A, très largement utilisé dans les produits de la vie courante, est toxique chez l’animal et très fortement suspecté de l’être chez l’homme. Il est également prouvé que l’alimentation constitue la source principale d’exposition.
Par ailleurs, contrairement aux critères classiques de la toxicologie, selon laquelle « seule la dose fait le poison », le BPA produit des effets à faibles doses.
Enfin, il est établi que les femmes enceintes ou allaitantes, les nourrissons et les jeunes enfants sont particulièrement vulnérables à la toxicité du BPA.
Cela doit nous conduire à être particulièrement vigilants et à prendre des mesures spécifiques pour protéger ces populations.
C’est ce qu’avait entrepris le Sénat en adoptant en 2010 la proposition de loi tendant à suspendre la commercialisation des biberons produits à base de bisphénol A.
C’est également ce que prévoit le présent texte en maintenant la date d’interdiction pour les conditionnements destinés aux nourrissons et enfants de moins de trois ans au premier jour du mois suivant sa promulgation. C’est une bonne chose, et cela ne pose en effet aucun problème aux industriels, lesquels ont déjà anticipé cette disposition : comme Mme le rapporteur l’a rappelé tout à l’heure, il n’existe quasiment plus de conditionnements alimentaires pour les nourrissons comportant du BPA.
La navette parlementaire a permis, en outre, de trouver un accord sur plusieurs points ayant fait l’objet de longs débats dans nos assemblées. Il faut saluer ces avancées.
Ainsi, s’agissant de la date d’entrée en application de la suspension pour l’ensemble de la population, l’Assemblée nationale a retenu le 1er janvier 2015. Cette date nous semble raisonnable pour donner la possibilité aux industriels de s’adapter et de proposer des substituts dont l’innocuité ne fera aucun doute.
En outre, la disposition introduite par l’Assemblée nationale prévoyant que, un an avant l’entrée en vigueur de l’interdiction, le Gouvernement remettra un rapport évaluant les substituts possibles au bisphénol A pour ses applications industrielles, au regard de leur éventuelle toxicité, permettra d’adapter la législation si cela s’avère nécessaire. Nous approuvons ces mesures réalistes qui rendront la loi applicable.
Concernant l’élargissement de la suspension aux dispositifs médicaux, l’Assemblée nationale est revenue sur la mesure adoptée à l’unanimité par le Sénat sur l’initiative de Chantal Jouanno, en limitant l’interdiction à un phtalate – le DEHP – dans les services de maternité, de néonatalogie et de pédiatrie.
Nous vous proposons de nouveau d’exclure la présence de tout perturbateur endocrinien ou de toute substance cancérogène, mutagène et reprotoxique dans tous les dispositifs médicaux, estimant que tous les produits au contact des femmes enceintes ou allaitantes et des bébés doivent exclure la présence de perturbateurs endocriniens. Nous y reviendrons au cours de la discussion des articles.
Au-delà de cette proposition, c’est bien l’ensemble des problématiques liées à la santé environnementale qui doivent être traitées et faire l’objet d’une volonté déterminée du Gouvernement. C’est le message que, sur l’initiative de Chantal Jouanno, déjà très à la pointe sur cette question lors de son passage au ministère de l’écologie, le groupe UDI-UC souhaite vous adresser en déposant à nouveau cet amendement, monsieur le ministre. En effet, on peut regretter que le Gouvernement ait pris peu d’engagements concrets sur ce sujet lors de la Conférence environnementale à laquelle j’ai participé, notamment lors de la table ronde dédiée à la « santé environnementale ».
Nous saluons l’annonce faite au début de la semaine par la ministre de l’écologie, d’objectifs de diminution de l’exposition des populations aux perturbateurs endocriniens et de lutte contre leurs impacts sanitaires et environnementaux. Nous devons en effet agir pour la réduction des risques liés à l’exposition aux perturbateurs endocriniens. On est encore très ignorant des effets « cocktail » et des effets à long terme de ces polluants.
Nous agissons au niveau national, ce qui est une bonne chose. Mais, nous le savons, il faut aussi agir sur ces questions à l’échelon européen, au niveau du droit communautaire, pour que ces décisions soient efficaces, comme l’a montré la directive européenne interdisant la commercialisation de biberons contenant du bisphenol A, adoptée dans la foulée de la loi du 30 juin 2010. N’oublions pas non plus dans ce contexte les enjeux liés aux phénomènes de distorsion de concurrence.
Comme l’avait noté notre collègue Muguette Dini en première lecture, des signes positifs au niveau européen peuvent être relevés. Ainsi, vont dans la bonne voie, d’une part, la demande de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l’ANSES, de classer, dans le cadre du règlement sur l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et les restrictions des substances chimiques, ou REACH, le bisphenol A comme toxique pour la reproduction, et, d’autre part, le vote, en février prochain, d’un rapport au Parlement européen sur « la protection de la santé publique contre les perturbateurs endocriniens ».
Cependant, nous savons que l’Autorité européenne de sécurité des aliments est en retrait sur ces sujets, et notamment sur les perturbateurs endocriniens dont elle met en doute les risques pour la santé humaine.
Madame la ministre, il vous faut convaincre la Commission européenne et vos collègues européens pour aller plus loin sur ces questions de santé environnementale, notamment dans le cadre de la révision prochaine de la stratégie communautaire relative aux perturbateurs endocriniens. La France doit rester à la pointe de ce combat.
En adoptant cette proposition de loi, le législateur national fait un pas important. Mais la question ne doit pas se limiter au seul BPA. Nous le voyons bien par les initiatives de nos collègues, il nous faudra traiter rapidement et plus largement de l’ensemble des perturbateurs endocriniens avérés et des substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, les fameux phtalates et autres parabènes.
En votant cette proposition de loi, la France sera le premier pays au monde à mettre fin à l’utilisation du bisphénol A dans les conditionnements alimentaires. C’est un signal politique fort.
Nous saisissons également l’occasion pour aborder de nouveaux aspects de nos politiques sanitaires. Il nous faut poursuivre dans cette voie.