Nous savons que le bisphénol A est un perturbateur endocrinien, qu’il est cancérigène et neurotoxique, qu’il altère la croissance, qu’il entraîne un avancement de la maturation sexuelle secondaire et des changements comportementaux, qu’il altère le système nerveux et peut causer un déclin cognitif, qu’il prédispose à l’obésité, qu’il a des effets profonds sur le métabolisme du glucose, pouvant favoriser le développement du diabète, y compris par des expositions à faibles doses, qu’il augmente le risque de cancer, qu’il entraîne des lésions de l’ADN du sperme et affecte partant la fertilité, et, surtout, que ses effets sont héréditaires et transgénérationnels, même à des niveaux d’exposition très faibles.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe écologiste se félicite du travail parlementaire constructif auquel a donné lieu la présente proposition de loi, déposée par Gérard Bapt en juin 2011.
Le texte qui nous arrive aujourd’hui de l’Assemblée nationale opère certes un retrait sur la question des dispositifs médicaux et sur celle des conditionnements concernés par l’interdiction du bisphénol, puisque seuls les emballages en contact direct avec les denrées alimentaires sont désormais visés. Néanmoins, il faut le reconnaître, cette proposition de loi comporte également des avancées notables.
Tout d’abord, les députés ont rétabli la date du 1er janvier 2015 pour la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement, contenant ou ustensile comportant du bisphénol.
Chers collègues, c’est l’échéance que nous avions été conduits à arrêter en commission, en première lecture. J’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer à cette tribune, cette décision nous avait beaucoup coûté, à nous, écologistes, qui souhaitions un délai moins long. Au reste, il me semble que cette date tient déjà largement compte des difficultés du tissu industriel à s’adapter au changement de normes. J’ai déjà précisé qu’il s’agissait du « maximum acceptable pour nous », et qu’il était « hors de question que nous cédions un jour de plus ». Sur ce plan, cette nouvelle version du présent texte nous satisfait donc réellement.
Ensuite, nos collègues de l’Assemblée nationale ont introduit une demande de rapport, que le Gouvernement sera tenu de remettre au Parlement avant le 1er juillet 2014, au sujet des substituts possibles au bisphénol A pour ses applications industrielles au regard de leur éventuelle toxicité. Cette disposition nous semble constituer un bon compromis, propice à rassurer ceux d’entre nous qui, ici même, avaient exprimé leur inquiétude lors des débats en première lecture.
Pour ma part, j’attends ce rapport sereinement. En effet, je sais que de nombreux substituts au bisphénol A existent déjà et sont fiables. Je songe notamment au plastique polycarbonate et, selon les applications, au verre et à l’acier inoxydable, au copolyester Tritan, au polypropylène et aux Grilamid, aux oléorésines, aux résines reformulées, aux films en polyéthylène téréphtalate ou films en PET, aux plastiques de haute performance, ou encore aux briques cartonnées Tetra Pak.
De surcroît, une modification de l’article 2 a introduit une interdiction sans délai des collerettes de tétines et de sucettes, ainsi que des anneaux de dentition comportant du bisphénol A.
En outre, à l’article 3, est établie une interdiction des biberons comportant du bisphénol A et utilisés au titre de dispositifs médicaux. Nous ne pouvons également que nous en réjouir.
Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste votera en faveur d’une adoption conforme du présent texte résultant des travaux de l’Assemblée nationale, solution que la commission des affaires sociales a d’ailleurs adoptée avant-hier soir, à l’unanimité des présents. Comme les précédents orateurs l’ont rappelé avant moi, nous nous félicitons de pouvoir montrer ainsi l’exemple en Europe et dans le monde.
Certes, il est frustrant de renoncer à apporter des précisions supplémentaires à cette proposition de loi, y compris sur la question des dispositifs médicaux ; disant cela, je songe notamment à l’amendement de notre collègue Chantal Jouanno, que nous-mêmes avions contribué à faire adopter en novembre dernier.
Toutefois, ce qui doit primer aujourd’hui, c’est notre volonté d’éviter la convocation d’une commission mixte paritaire. En effet, cette procédure retarderait encore l’entrée en vigueur du présent texte et repousserait en particulier la mise en œuvre des dispositions concernant les nourrissons et les enfants en bas âge, censée intervenir « à compter du premier jour du mois suivant la promulgation de la loi ».
Par ailleurs, ce compromis ne nous empêche pas de continuer à nous battre sur d’autres points, et notamment sur les perturbateurs endocriniens en général.
Sans doute avez-vous entendu parler de cette étude publiée le mercredi 5 décembre dernier dans la revue Human Reproduction à la suite des travaux conduits par l’épidémiologiste Matthieu Rolland, de l’Institut de veille sanitaire, l’InVS. Ces travaux montrent notamment que la concentration du sperme des Français en spermatozoïdes a chuté d’environ 32 % entre 1989 et 2005, et que ce résultat peut être lié « à des facteurs environnementaux, dont les perturbateurs endocriniens ».
Le débat sur la dangerosité des perturbateurs endocriniens, dont le bisphénol A n’est qu’un exemple, doit donc se poursuivre. La demande de rapport introduite à l’article 4, sur l’initiative de notre groupe, lors de la première lecture par le Sénat, s’inscrit dans cette perspective. De fait, cet article établit que « le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif aux perturbateurs endocriniens ». Ce document doit préciser les conséquences sanitaires et environnementales de la présence croissante de perturbateurs endocriniens dans l’alimentation, dans l’environnement direct, dans les dispositifs médicaux et dans l’organisme humain. Il s’agit d’examiner, en particulier, l’opportunité d’interdire un certain nombre de phtalates dans l’ensemble des dispositifs médicaux au regard des matériaux de substitution disponibles et de leur innocuité.
Nous serons particulièrement attentifs à ce que ce rapport puisse être élaboré dans de bonnes conditions, et dans les délais indiqués par le présent texte.
Madame la ministre, nous avons bien entendu vos propositions et vos engagements concernant la constitution d’un groupe de travail et de réflexion consacré à la mise en œuvre de ce cadre normatif et aux progrès de la recherche publique sur les points qui restent à préciser. Nous serons également vigilants sur ce sujet.
Mes chers collègues, je vous remercie par avance de permettre, au cours des mois et des années à venir, la poursuite de ce débat, absolument nécessaire et urgent, sur l’ensemble des perturbateurs endocriniens. J’espère que nos discussions futures seront aussi efficaces que celles que nous avons consacrées au bisphénol. §