Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, je tiens en premier lieu à remercier Gérard Bapt de son heureuse initiative législative visant à suspendre l’usage du bisphénol A dans tout conditionnement à vocation alimentaire.
Il me semble que ce texte a désormais pris sa forme définitive et que la deuxième lecture ne devrait pas remettre en cause l’équilibre auquel nous sommes parvenus.
Pour l’essentiel, l’intention originelle de cette proposition de loi, telle qu’elle a été élaborée par l’Assemblée nationale et enrichie par le Sénat, a été maintenue. Le mot « suspension » souligne sans équivoque la volonté forte qui anime l’ensemble des parlementaires, quelles que soient leurs attaches partisanes, d’affirmer le principe de précaution en matière de santé publique.
En effet, le BPA est utilisé à grande échelle dans la fabrication de plastiques et de résines destinés, entre autres, au revêtement de la paroi intérieure des canettes de boisson et de la majorité des conserves. C’est l’un des constituants des plastiques rigides tels que le polycarbonate.
En 2010, un rapport du ministère de la santé canadien indiquait qu’on avait détecté des concentrations urinaires de bisphénol A chez 91 % des personnes âgées de 6 à 79 ans. Le BPA s’élimine rapidement, en quelques heures, et ne s’accumule pas dans les graisses. Si l’on en trouve des traces dans la quasi-totalité des échantillons urinaires, cela signifie qu’ici et là nous sommes tous exposés quotidiennement au BPA.
Or la liste des effets suspectés de cette substance est longue : malformations génitales chez les nouveau-nés garçons, apparition précoce de la puberté chez les jeunes filles, baisse de la qualité du sperme de l’homme – mais cela reste controversé, madame Archimbaud –, trouble des systèmes hépatique et reproducteur, déficit d’attention, hyperactivité, dépression, obésité, diabète, etc.
L’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures préventives et proportionnées visant à empêcher un risque sanitaire possible. Aussi, nous ne réglerons pas le problème des risques avérés de santé du BPA pour les publics à risque si nous ne protégeons pas l’ensemble de l’alimentation.
En première lecture, le Sénat avait précisé la rédaction du texte, s’agissant notamment de la date d’interdiction de la présence du BPA dans les produits alimentaires, en repoussant cette date de dix-huit mois. Il avait veillé, en outre, à ce que la procédure de retrait de cette substance ne soit pas irréversible.
L’Assemblée nationale n’a pas remis en cause la plupart de nos améliorations, et le texte qui nous est soumis en deuxième lecture ne soulève pas de difficulté insurmontable. La seule modification d’importance concerne la date d’interdiction de la présence du BPA dans les produits alimentaires, écourtée de six mois.
En effet, le choix du Sénat à ce propos, en octobre dernier, fut l’objet de critiques de toute part. Les associations demandaient le 1er janvier 2014 ; les entreprises réclamaient le 1er janvier 2016. Les députés ont décidé finalement de couper la poire en deux en ramenant la date d’interdiction au 1er janvier 2015. C’était la position initiale du groupe socialiste et de Mme la rapporteur en première lecture ; elle reste toujours d’actualité pour cette deuxième lecture.
Cet apport nous paraît constituer un compromis acceptable. Si nous mettons en avant l’obligation de santé publique, nous devons également prendre en considération la capacité de nos entreprises à affronter une période économique particulièrement malaisée. L’impératif de redresser notre économie n’est pas incompatible avec la volonté de protéger nos concitoyens.
Conscients des risques du bisphénol, les industriels n’ont pas attendu la discussion de ce texte pour travailler depuis quelques mois sur des produits alternatifs. La mouture actuelle – la date du 1er janvier 2015 – leur laisse du temps pour trouver les procédés innovants, les mettre en œuvre et vérifier l’innocuité des substances alternatives.
À cet égard, cette proposition de loi pourra même représenter une chance pour l’industrie française. En effet, partout en Europe, les pays commencent à appliquer des législations interdisant le BPA. J’ai pu lire, hier, un excellent article dans Le Monde sur le débat qui fait actuellement rage en Europe entre ceux qui préfèrent privilégier les entreprises et ceux qui se préoccupent aussi de prévention en matière de santé publique.
Si nos entreprises sont en avance pour la fabrication de ces substituts, ce sera un avantage économique majeur de pouvoir présenter des produits qui ne seront pas suspects d’avoir des effets nocifs. Sur les marchés extérieurs, en Allemagne, en Italie ou au Royaume-Uni, les consommateurs ne sont pas moins attentifs à leur état de santé que leurs homologues français.
Sur ce sujet, l’Assemblée nationale a écouté les avis de l’ensemble de la société civile, en adoptant deux mesures de compromis.
Premièrement, seuls les conditionnements entrant en contact direct avec les aliments seront concernés, alors que le texte sénatorial englobait également, jusqu’alors, les surfaces externes des emballages ou des récipients. Cette précision importante répond aux attentes industrielles – nombre d’entre nous ont été saisis de ce problème – et il est en cohérence avec le cadre scientifique aujourd’hui établi d’éviter la migration de BPA dans les aliments.
Deuxièmement, l’Assemblée nationale a décidé que le Gouvernement remettra avant le 1er juillet 2014 un rapport au Parlement pour évaluer les substituts possibles au BPA au regard de leur éventuelle toxicité. Ce rapport permettra, plus de six mois avant l’entrée en vigueur de la suspension, de faire un point d’étape et, le cas échéant, d’adapter notre législation, par exemple s’il n’existe pas de substitut acceptable pour certains produits alimentaires.
Enfin, à ce stade de la discussion parlementaire, il ne paraît pas raisonnable au groupe socialiste de rouvrir le débat sur des sujets portant sur les dispositifs médicaux.