Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 13 décembre 2012 à 15h00
Recouvrement sur succession des sommes versées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Dès l’origine, les dés ont été pipés.

Dans son rapport préparatoire à la réforme de la PSD remis au mois de mai 2000, Jean-Pierre Sueur, missionné par Lionel Jospin et Martine Aubry, préconise « que l’effort financier nécessité par la réforme dans le domaine de compétence des départements (GIR 1 à 3) soit réparti à parts égales entre l’État et les départements ».

La question est au cœur du jeu de dupes mis en scène en 2001 lors de la discussion de la loi.

Le Sénat, sur proposition de Michel Mercier, alors rapporteur de la commission des finances, adopte le principe de parité du financement. La disposition sera supprimée par les députés ; selon le rapporteur du texte qui n’était pas encore président de conseil général « n’est-il pas normal […] de demander un effort accru aux départements en raison de la chance qui leur est donnée de gérer cette nouvelle allocation répondant enfin aux attentes de toute la population et de renforcer ainsi leur légitimité d’acteur social de proximité ? » Comme vous le constatez, on parle toujours trop…

On retrouve le même tour de passe-passe s’agissant du recours sur succession, objet de nos débats aujourd’hui, recours sur succession qui existait pour la PSD.

Le rapport Sueur avait pourtant bien posé le problème. Permettez-moi, à cet égard, d’en citer un extrait : « Compte tenu du nouveau système proposé et, notamment, de la mise en place d’un ticket modérateur à la charge des bénéficiaires de l’APA, il apparaît que la question du maintien ou non du recours sur la succession du bénéficiaire est étroitement liée à la définition des ressources prises en compte dans le cadre du barème de participation. […]

« Au vu de ces éléments, deux hypothèses sont possibles.

« La première consiste à supprimer tout recours sur succession dès lors que l’appréciation des ressources, au regard du barème de participation des intéressés, intégrera une évaluation de leur patrimoine. En effet, dans cette hypothèse, la prise en compte de l’ensemble des ressources de la personne et, le cas échéant, de son conjoint ou de son concubin, ainsi que de la valeur en capital de ses biens non productifs de revenus apparaît pleinement justifiée pour des raisons d’équité.

« Une seconde hypothèse consiste à maintenir le recours sur succession. Il conviendrait alors d’en atténuer le caractère dissuasif par un relèvement substantiel du seuil d’actif net au-delà duquel la récupération s’exerce (le Conseil des impôts a établi que le patrimoine moyen des ménages français s’élève à un million de francs). »

Si les préférences de l’auteur vont à l’absence de recours sur succession, accusé d’être dissuasif et donc de freiner l’entrée dans le dispositif de personnes qui en ont besoin, le projet de loi initial va dans l’autre sens, en prévoyant, lui, le recours sur succession.

En défense du texte, Élisabeth Guigou, ministre de l’emploi et de la solidarité, réaffirme alors la primauté de la solidarité familiale face aux besoins du grand âge en fixant le seuil de l’actif à un million de francs, soit 150 000 euros en euros courants et 180 000 euros en euros constants. Vous aurez remarqué que ce montant est du même ordre que celui qui est retenu dans la présente proposition de loi.

La ministre ne sera pas suivie par les députés au nom de deux arguments : le caractère dérisoire des sommes qui pourront être ainsi récupérées et le caractère dissuasif du dispositif malgré l’exonération des petits et moyens patrimoines.

Pour les députés, cette disposition présente donc plus d’inconvénients que d’avantages.

Toutefois, il faut noter que, de l’aveu même de la secrétaire d’État aux personnes âgées et aux personnes handicapées, venue en renfort, cette perte de recettes, que plusieurs sénateurs dénoncent alors comme une bombe à retardement, n’avait pas été chiffrée !

Au final, si, dans le dispositif actuel, « les biens en capital qui ne sont ni exploités ni placés » sont pris en compte dans le calcul du ticket modérateur, c’est pour une part insignifiante, comme j’ai tenté d’en faire la démonstration.

Quant au « caractère dissuasif du dispositif », là aussi, faute d’études précises, on en est réduit à des opinions parfaitement subjectives.

Constatons que le rapport Sueur, bien qu’il ne soit pas favorable à la récupération sur succession, comme on l’a dit, mentionne : « Le président du conseil général du Rhône a indiqué, lors de son audition, que l ’Assemblée départementale avait pris l’initiative de porter le seuil de récupération de 300 000 francs à 500 000 francs sans qu’il ait été constaté une augmentation significative du nombre de bénéficiaires de la PSD. »

On peut donc en tirer la conclusion que la récupération sur succession n’est pas l’obstacle psychologique rédhibitoire qu’on veut bien dire.

Et quand bien même elle le serait, que faut-il penser d’une famille qui laisserait ses membres les plus vulnérables dans le besoin pour mieux préserver son patrimoine ?

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