Une telle mesure toucherait la très grande majorité des personnes en situation de dépendance propriétaires de leur logement, et pas nécessairement les plus nantis. Les estimations doivent être maniées avec prudence, mais on peut penser qu’environ 40 % des bénéficiaires de l’APA seraient concernés par l’instauration du recouvrement sur succession.
De plus, alors que l’objectif – louable – des auteurs de la proposition de loi est d’améliorer la situation financière des départements, aucune information n’est fournie sur les ressources qui pourraient être récoltées. Or cette donnée est essentielle, en particulier parce qu’elle doit être mise en regard des coûts potentiels qu’engendrera l’application de la mesure. L’expérience de l’aide sociale à l’hébergement, l’ASH, montre que les conseils généraux peuvent être confrontés à des coûts de gestion non négligeables pour la mise en œuvre du recouvrement. Il pourrait en être de même pour l’APA.
Par ailleurs, si le phénomène d’évincement que j’ai évoqué précédemment se vérifie, les sommes non dépensées par les départements risquent de l’être à un autre niveau, notamment par l’assurance maladie, lorsque les personnes dépendantes, trop tardivement accompagnées, auront recours au système de soins.
Sur ma recommandation, la commission des affaires sociales a décidé, la semaine dernière, de rejeter la proposition de loi. Elle n’a donc pas établi de texte, et nous examinons aujourd’hui la proposition de loi dans sa rédaction initiale.
Je tiens à le dire, la position de la commission rejoint celle de l’ensemble des personnes que j’ai pu auditionner en tant que rapporteur ou dont j’ai recueilli le témoignage écrit. Je pense en particulier à l’Assemblée des départements de France, pourtant concernée au premier chef par la proposition de loi.
En invitant le Sénat à rejeter le texte qui nous est présenté aujourd’hui, la commission ne cherche absolument pas à nier les difficultés des conseils généraux. Il s’agit plutôt de ne pas adopter dans l’urgence un dispositif dont nous maîtrisons mal les implications, notamment l’incidence sur les finances départementales, mais dont nous entrevoyons clairement les effets pervers potentiels.
Mes chers collègues, le Gouvernement a clairement montré qu’il était attentif à la situation des départements. Ainsi, dès 2013, un fonds de 170 millions d’euros sera mis en place pour soutenir les collectivités les plus en difficulté et des solutions pérennes doivent être trouvées, à compter de 2014, pour assurer un partage plus équitable du financement des prestations de solidarité entre l’État et les départements.
Oui, je le reconnais, la situation est urgente.