Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre assemblée examine aujourd’hui en première lecture une proposition de loi présentée par le groupe RDSE et visant à autoriser le recouvrement sur succession des sommes versées au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie pour les patrimoines supérieurs à 150 000 euros.
Cette proposition de loi est la reprise d’un amendement qui avait été déposé sur le projet de loi de finances rectificative de cet été, puis retiré à la demande de la commission des finances et du Gouvernement. L’objectif est de préserver la capacité financière des conseils généraux à verser l’APA dans des conditions satisfaisantes.
Le problème est récurrent depuis quelques années, comme en témoignent les chiffres suivants : entre 2003 et 2009, les dépenses brutes liées au versement de l’APA ont augmenté de 5, 9 % par an, quand les dépenses restant à la charge des départements ont crû de 8, 8 % par an ; en 2011, la dépense totale au titre de l’APA s’établissait à 5, 2 milliards d’euros, et la charge laissée aux départements à 3, 6 milliards d’euros. Nous sommes donc bien loin du respect du principe du financement paritaire entre l’État et les départements !
Si les difficultés des départements sont réelles, la réponse apportée par ce texte ne me paraît pas totalement satisfaisante, pour des raisons déjà exposées que je vais rappeler.
Tout d’abord, aucun plafond n’est envisagé pour limiter le montant des sommes recouvrables.
Le texte ne prévoit pas non plus de droit d’option. Pourtant, lors des travaux menés par MM. Alain Vasselle et Philippe Marini sur la prise en charge de la dépendance, un système intéressant avait été proposé sur ce point. Il permettait à la personne, au moment de son entrée en dépendance, de choisir entre deux possibilités : soit bénéficier d’une allocation à taux plein, à condition d’accepter une mise en gage d’un montant maximal de 20 000 euros pour l’APA versée à domicile, soit disposer d’une allocation diminuée de moitié, avec exemption du patrimoine du bénéficiaire de toute contribution.
Autre difficulté, la proposition de loi prévoit un seuil de mise en recouvrement de 150 000 euros d’actif successoral net. Or, selon le rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale paru en septembre dernier, le patrimoine médian des ménages âgés de plus de 70 ans s’établit à 148 600 euros et 72 % des personnes âgées de 60 ans et plus sont propriétaires de leur logement.
La mesure proposée risque donc de toucher avant tout une grande partie des personnes qui sont propriétaires de leur logement, sans qu’il s’agisse nécessairement des plus aisés des bénéficiaires de l’APA. De plus, la fixation d’un seuil revêt souvent le caractère injuste du « tout ou rien », particulièrement en la circonstance.
Par ailleurs, l’existence même d’une procédure de recours sur succession constitue un frein psychologique, qui risque de décourager certaines personnes de demander le bénéfice de la prestation, afin de pouvoir léguer un patrimoine intact.
Enfin, ce dispositif s’appliquerait à l’ensemble des allocataires six mois après l’entrée en vigueur de la loi. Il serait plus juste, si le texte venait à être adopté, de l’appliquer aux seules personnes entrant en dépendance après la publication de la loi.
La piste du recouvrement sur succession avait déjà été étudiée avant d’être rejetée : je pense notamment au rapport du Conseil économique, social et environnemental sur la dépendance des personnes âgées. Le débat à venir sur la réforme de la dépendance annoncée sera l’occasion d’explorer d’autres voies de financement. À notre sens, il serait prématuré d’apporter une solution « isolée » à ce problème, alors que les questions du financement et de la répartition des charges entre l’État et les départements doivent être abordées dans le cadre d’un texte global.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP s’abstiendra sur ce texte.