Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 13 décembre 2012 à 15h00
Développement par l'état d'une politique d'égalité des territoires — Discussion d'une proposition de résolution

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons que souscrire au constat qui sert de base à cette proposition de résolution : la politique d’aménagement ou de « non-aménagement » du territoire conduite par les exécutifs précédents a eu des effets dommageables pour notre République. Nous l’observons chaque jour dans nos circonscriptions. Les inégalités en matière d’accès au logement, à la santé, à l’emploi n’ont fait que s’y aggraver, et de manière dramatique.

En dépit des efforts réalisés par un grand nombre d’acteurs et des résultats obtenus par le programme national de rénovation urbaine, les handicaps dont souffrent les quartiers ne se sont pas atténués. Dans les quartiers, la part des personnes vivant sous le seuil de pauvreté, c'est-à-dire 964 euros mensuels, est passée de 30, 5 % à 36, 1 % entre 2006 et 2010, mais de 11, 9 % à 12, 6 %, dans la même période, en dehors de ces quartiers. La pauvreté touche particulièrement les jeunes. En 2009-2010, près d’un jeune de moins de dix-huit ans sur deux, dans ces quartiers, vivait en dessous du seuil de pauvreté et 40, 7 % des jeunes y étaient au chômage.

Ces chiffres reflètent une réalité connue des quartiers comme des zones rurales, une réalité qui engendre le désespoir face à la crise et un sentiment, toujours plus prégnant, de relégation et d’abandon par la puissance publique.

J’en ai la certitude, madame la ministre, et je sais qu’elle est partagée par nombre de mes collègues, les inégalités entre nos territoires et entre nos concitoyens sont la conséquence d’un manque criant à notre devoir de solidarité. Elles menacent gravement notre cohésion nationale. La nouvelle majorité l’a compris et a fait de cette bataille contre ce qu’il est convenu d’appeler la « fracture territoriale » une priorité.

Le premier signe fort a été la création d’un ministère de l’égalité des territoires et du logement. Dès le début de la nouvelle mandature, une politique de restauration de l’égalité des territoires a été lancée. Son objectif est très clair et a été rappelé par M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville, dans ce même hémicycle : elle doit aboutir, sans délai, à l’amélioration très concrète de la vie des huit millions de nos concitoyens qui habitent les quartiers et à la réduction des inégalités dans tous les domaines.

Vous êtes vous-même venue au mois de juillet dernier, madame la ministre, présenter les grandes lignes de votre action devant nous, sénatrices et sénateurs, représentants des territoires. Vous avez rappelé alors que notre mission à tous, la vôtre comme la nôtre, est « de placer l’ensemble des politiques du territoire sous le sceau ambitieux mais nécessaire de l’égalité. » Vous avez déclaré avec raison qu’« en matière de territoire, l’égalité ne veut jamais dire l’uniformité ou l’unicité, mais c’est reconnaître la diversité des contextes locaux en donnant comme seule perspective aux politiques publiques l’ambition de justice. »

Il est de fait urgent d’être ambitieux pour relever les trois défis que vous vous êtes lancés et qui sont aussi les nôtres : la réparation des territoires meurtris, la restauration de la solidarité entre les territoires et la cohésion nationale, le rétablissement de l’égalité dans l’accès aux services publics.

Il me semble, à la lecture de l’exposé des motifs, que c’est dans cette même ligne que s’inscrit la proposition de résolution de M. Mézard. Le groupe écologiste votera donc en faveur de ce texte.

Assurer l’égalité des territoires, c’est d’abord garantir à leurs habitants un meilleur accès à l’emploi, au logement, aux services publics, à un environnement moins pollué, à la santé. C’est aussi améliorer les relations entre les centres des villes, les banlieues et les territoires ruraux, en assurant un maillage interactif avec des cercles aux contours transparents, liés entre eux par des liens de solidarité, dont la péréquation. Cela revient à substituer à la fracture territoriale une cohésion fluide qui supprime les barrages existant actuellement.

Tout cela, comme vous le savez, madame la ministre, dépend d’une décentralisation qui ne serait pas décrétée par Paris, mais se ferait sur mesure, selon les configurations locales, les besoins des populations et l’exigence de cohésion qu’elles expriment. La réforme nécessaire à ce changement vient d’être engagée, dans un esprit de concertation et de prise en compte des spécificités des territoires, avec la collaboration de tous les acteurs concernés : habitants, responsables associatifs, enseignants, professionnels, élus locaux et parlementaires.

Nous espérons que les effets de cette politique volontariste et responsable seront bientôt visibles. Nous comptons sur vous, madame la ministre, et sur votre collègue M. François Lamy, pour mener à bien cette tâche, malgré son immensité. Il y a urgence, comme vous le savez, et nous n’avons pas le droit à l’erreur en ce domaine. L’extrême droite risque en effet de surfer sur les attentes déçues des populations, comme elle sait le faire, et les échéances électorales ne sont pas loin.

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