Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 12 décembre 2012 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 13 et 14 décembre 2012

Bernard Cazeneuve, ministre délégué :

La dette souveraine, c’est-à-dire la dépense publique, n’est pas à l’origine de tous nos maux. C’est la spéculation qui a conduit aux errements que nous connaissons et qui a obligé les États, par la dépense publique, à amortir les chocs conjoncturels et à recapitaliser les banques.

Si la dépense publique a augmenté, notamment en 2007 et 2008, c’est parce que les États ont dû amortir les chocs induits par des abus spéculatifs, résultant eux-mêmes d’un défaut de régulation, et non parce que cette dépense est problématique en tant que telle ! La conséquence n’est pas la cause, contrairement à ce que voudraient nous faire croire certains économistes libéraux.

Pour autant, il nous faut remettre de l’ordre non seulement dans la finance, mais aussi dans nos comptes ; nous n’y parviendrons pas si la croissance n’est pas au rendez-vous. Telle est la cohérence de notre politique.

La remise en ordre de la finance, cela signifie la réalisation en Europe d’une véritable Union bancaire, fondée sur trois éléments : un dispositif de supervision bancaire qui doit conduire toutes les banques européennes à être chapeautées par un superviseur unique, à savoir la Banque centrale européenne ; un mécanisme de résolution des crises bancaires ; et de garantie des dépôts des épargnants.

Je veux rappeler dans quelle séquence nous nous inscrivons et mettre ainsi en perspective le Conseil européen qui se tiendra à la fin de la semaine.

Il a été décidé, au mois de juin dernier, de mettre en œuvre la supervision des banques. Un compromis a été trouvé s’agissant de la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité, laquelle devra attendre l’entrée en vigueur de cette supervision.

Nous avons également décidé, à l’occasion du même Conseil européen, que la supervision des banques et leur recapitalisation par le Mécanisme européen de stabilité justifiaient la possibilité, pour le Fonds européen de stabilité financière, le FESF, d’intervenir sur le marché secondaire des dettes souveraines de manière à lutter efficacement contre la spéculation.

Il a également été arrêté, le 6 septembre dernier, que la Banque centrale européenne, sur une initiative positive de son président, Mario Draghi, interviendrait sur le marché secondaire des dettes souveraines aussi longtemps que la spéculation se développerait, de manière que le MES, le FESF et l’intervention de la Banque centrale constituent un véritable pare-feu face à la spéculation et aux dégâts qu’elle produit.

Au mois d’octobre, nous avons arrêté le périmètre et les modalités de la supervision, à savoir le principe de la supervision de toutes les banques par le superviseur unique qu’est la Banque centrale européenne. Aujourd’hui, il nous faut acter définitivement, en le consolidant, le dispositif. C’est l’enjeu du Conseil européen qui se tiendra à la fin de la semaine. Comment déterminer exactement les modalités d’intervention du superviseur unique, la Banque centrale européenne, et les relations qu’il entretiendra avec les banques centrales des États ? Ce n’est pas parce que nous avons décidé de la supervision de toutes les banques que la Banque centrale européenne devra seule superviser la totalité des 6 000 banques européennes. Il faut donc trouver une articulation entre la BCE et les banques centrales nationales, définir qui supervise les banques systémiques et qui supervise les autres. Il convient de garantir la possibilité d’évocation devant le superviseur unique pour toutes les banques, même si celles-ci ne sont pas toutes supervisées par la BCE, de manière à garantir l’efficacité du dispositif.

Voilà ce que nous voulons faire. J’ajoute que ce mécanisme de supervision doit permettre de profiler, dans la feuille de route sur l’Union économique et monétaire qui nous sera présentée par le président Van Rompuy, un système harmonisé de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts des épargnants.

C’est quand nous aurons mis en place à la fois la supervision bancaire, la résolution des crises bancaires et la garantie des dépôts des épargnants que nous disposerons de l’Union bancaire, autrement dit d’un dispositif complet et cohérent de stabilisation et de contrôle de la finance, à même de garantir que cette dernière peut être mise au service de l’économie réelle. Tel est l’objet du Conseil européen des 13 et 14 décembre.

Je voudrais dire quelques mots, pour conclure, sur la solidarité.

La convergence des politiques budgétaires doit aller dans le sens d’une plus grande discipline budgétaire. Si nous ne parvenons pas à remettre en ordre nos comptes, nous serons confrontés à la situation dans laquelle se trouvent aujourd'hui un certain nombre d’États du sud de l’Europe, soumis à de hauts niveaux de taux d’intérêt, les fameux spreads, lesquels viennent ruiner les efforts que ces États ont déployés pour rétablir l’équilibre de leurs comptes.

Nous ne voulons pas être dans une situation de dépendance par rapport aux marchés : la perte de la souveraineté dépend parfois de l’incapacité des États à dominer les marchés. Les politiques budgétaires hasardeuses menées par le passé pourraient en effet nous conduire à être davantage encore entre les mains des marchés, comme c’est le cas aujourd’hui d’autres pays de l’Union européenne.

Par conséquent, nous reconnaissons la nécessité de la discipline budgétaire. Pour autant, dès lors que la convergence des politiques budgétaires et économiques est organisée, la solidarité doit être possible. L’Europe ne peut être un espace institutionnel et politique dans lequel ne s’expriment que des logiques punitives et disciplinaires ; il en faut, mais elles ne doivent pas être exclusives de toute autre politique.

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