Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, encore une fois, le Conseil européen sera dominé par les sujets économiques et financiers.
À cet égard, je veux insister sur le rapport rendu public le 5 novembre dernier par Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, lequel semble avoir inspiré le menu des discussions de ce Conseil européen et dont on doit relever l’intitulé ambitieux : Vers une véritable Union économique et monétaire.
Ce rapport comprend des propositions de long terme pour l’avenir de l’Union européen et va dans le sens d’un « saut fédéral » dans le domaine économique. Le prochain Conseil européen devra décider ce qu’il reprend de ce rapport.
Dans ces conditions, je suis frappé de constater que ces propositions ne sont pas au cœur de notre débat politique national. Certes, nombre de sujets sont d’actualité, mais celui-là est d’importance.
Quel est le contenu du rapport Van Rompuy ? Schématiquement, il propose un renforcement de l’Union en trois étapes et dans trois domaines : l’Union bancaire, l’Union budgétaire et l’Union économique.
J’évoquerai d’abord la première phase, l’Union bancaire, dont le premier pilier est le mécanisme de surveillance unique, le MSU, visant à confier à la Banque centrale européenne la responsabilité unique de la supervision de toutes les banques de la zone euro.
Je sais le Gouvernement attentif aux travaux du Sénat, mais permettez-moi néanmoins d’appeler son attention, monsieur le ministre, sur la résolution adoptée le 20 novembre dernier, laquelle insiste sur le contrôle démocratique de l’Union bancaire. En effet, le transfert de compétences de l’ACP, l’Autorité de contrôle prudentiel, vers la BCE ne doit pas signifier la perte d’un droit de regard démocratique sur le fonctionnement du superviseur. D’ailleurs, si le superviseur européen décidait un jour de mettre une banque en liquidation, ce qu’il aurait le pouvoir de faire, ce sont les contribuables nationaux qui devraient payer.
C’est pourquoi nous souhaitons que tout parlement national puisse auditionner le futur président du comité de surveillance de la BCE. Cette audition serait de droit lorsqu’une situation d’urgence ou de crise frapperait un ou plusieurs établissements bancaires de l’État qu’il représente. Une telle disposition est essentielle pour s’assurer que la résolution d’une crise bancaire, dont les conséquences économiques, on le sait, sont avant tout nationales, ne se fasse pas sans un débat démocratique à cette échelle.
Puisque l’on évoque les banques, je rappelle que nous avons aussi adopté en début d’année une résolution sur la directive et le règlement dits « CRD 4 », qui transposent les règles de Bâle III dans le droit européen.
Tout en soutenant la démarche consistant à durcir les exigences en matière de fonds propres pour les activités les plus risquées, par exemple la titrisation, nous nous étions inquiétés de l’impact des nouvelles règles sur le financement de l’économie.
À cet égard, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer où en sont les négociations sur le règlement CRD 4, en particulier sur les ratios de liquidité de court terme et de long terme, qui nous semblent les plus préoccupants pour le financement des entreprises et des collectivités territoriales ?
En outre, pour disposer d’une réglementation bancaire cohérente, il importe que le texte sur la résolution des faillites bancaires aboutisse rapidement. Quels sont les points encore en discussion ? À quelle échéance, selon vous, pourrons-nous disposer d’un texte définitif ? Je vous remercie de nous apporter des éclairages utiles sur ces sujets.
L’Union budgétaire et l’Union économique proposées dans le rapport Van Rompuy sont étroitement dépendantes, l’idée étant d’utiliser l’Union budgétaire pour inciter les États à plus grande coordination économique.
Dès 2014, les États devront conclure, dans le cadre du semestre européen, des « engagements de nature contractuelle » dans le domaine économique. Le rapport prévoit que des incitations financières seront mises en œuvre.
Il serait là aussi utile, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur quelques points très précis. Dans quel cadre seront conclus de tels accords et quels seront la nature et le montant de ces incitations financières ? Le budget de l’Union européenne ne représente en effet qu’un point environ de son produit intérieur brut.
Après 2014, à une échéance demeurant à déterminer, il est proposé dans le rapport de mettre en place un dispositif susceptible d’absorber ce que les économistes appellent les « chocs asymétriques », c’est-à-dire les chocs économiques frappant seulement une partie de l’Union européenne, le sud, le nord, ou l’est de l’Europe.
On conçoit bien que, si un État était frappé par une crise spécifique, il serait utile de disposer de capacités budgétaires communes pour l’atténuer, comme cela est normalement le cas dans une union monétaire. Mais notre expérience des dernières années m’inspire, monsieur le ministre, plusieurs questions. Compte tenu des débats qui ont eu lieu dans plusieurs États, dont l’Allemagne, sur la mise en place du Mécanisme européen de stabilité, le MES, et les instruments de solidarité européenne, pensez-vous que la mise en œuvre d’une capacité d’absorption des chocs asymétriques d’un montant significatif soit un objectif politiquement réaliste, dès lors qu’elle signifierait que les contribuables de certains États paieraient pour ceux d’autres États ? À quelle échéance une telle capacité pourrait-elle intervenir ? Cela impliquerait-il de modifier les traités ?
Monsieur le ministre, nous avons besoin que les débats européens soient concrets, d’où mes questions, que vous jugerez peut-être un peu terre à terre. Si j’avais eu le temps, je les aurais volontiers complétées par d’autres, relatives aux conséquences pratiques de l’adoption définitives du two-pack sur nos procédures budgétaires nationales, notamment la session budgétaire d’automne.
Beaucoup de questions sont posées, vous en convenez. Il serait fort utile que vous éclairiez le Sénat sur ces points. Je vous remercie de votre écoute et des réponses que vous voudrez bien nous apporter. §