Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela fait près de deux ans que la crise des dettes souveraines occupe incessamment les ordres du jour successifs des conseils européens. Elle est, sans conteste, l’un des plus grands bouleversements du contexte stratégique contemporain. C’est l’un des sens de ma brève intervention.
Après l’intervention aérienne conjointe de la France et du Royaume-Uni en Libye, la dernière initiative majeure en matière de construction de la défense européenne a été l’édiction des directives relatives aux transferts intracommunautaires de matériels de défense. Alors que nous commençons à structurer un marché intégré de la défense au cœur même du marché unique, le Conseil semble inscrit aux abonnés absents. Toute l’attention des dirigeants européens reste inlassablement fixée sur les rebondissements en pagaille qui agitent les marchés obligataires.
Pourtant, tout reste à faire en matière de construction de l’Europe de la défense.
Alors que les plus anciens États-nations de la planète sont remis en cause structurellement par une crise qui assèche leurs finances publiques, l’Europe se retrouve au carrefour de tous les périls stratégiques. Les printemps arabes n’ont toujours pas conduit à la stabilisation politique du sud de la Méditerranée. De la même manière, le nord du Mali n’est jamais qu’à trois heures de vol de Paris. Et comment oublier les risques que fait peser l’Iran sur la sécurité collective en Europe ?
Quelle est la voix de l’Europe sur ces différents dossiers ? Quelles sont ses propositions sur ce qui se passe à nos frontières ?
Eh bien, mes chers collègues, il ne se passe rien, ou pas grand-chose ; l’Europe de la défense semble être au point mort.
Beaucoup avait pourtant été déjà fait en la matière, notamment grâce au traité de Lisbonne. Pour autant, la défense européenne reste bien souvent cantonnée à de simples opérations de police, si nécessaires soient-elles, dans l’ancienne Yougoslavie.
Nous devons trouver avec nos partenaires européens – c’est aussi un enjeu de ce sommet –, notamment avec le Royaume-Uni et l’Allemagne, des axes stratégiques communs, qui pourraient être le prélude à une coopération renforcée d’un type nouveau en Europe et dédiée aux questions de défense et de sécurité.
Notre pays est à la croisée des chemins. Nous sommes déjà à mi-parcours de l’exécution d’une loi de programmation militaire, qui accuse évidemment un retard : elle n’était pas totalement réaliste dans sa trajectoire financière si l’on en croit le rapport de la Cour des comptes. Nous sommes également engagés dans la préparation du futur Livre blanc. Tout cela est difficile, il faut faire des choix.
Or, sans l’effort de la France, nous ne parviendrons pas à donner un contenu tangible à notre retour dans le commandement intégré de l’OTAN. Nous ne parviendrons pas à être le fer de lance de la construction de l’Europe à long terme avec nos partenaires, notamment les grands partenaires que je citais tout à l’heure.
L’Europe ne saurait rester tournée vers elle-même et concentrée sur ses seuls problèmes d’endettement, si importants soient-ils. Les questions économiques et sociales, que plusieurs de mes collègues ont évoquées, sont aussi de la plus haute importance. On le sait bien, tout va de pair.
Le monde réarme, les dépenses militaires mondiales ont crû de 50 % ces dix dernières années et les périls se multiplient. L’Europe de la défense, c’est aussi la possibilité de mutualiser un certain nombre de dépenses, que ce soit en matière d’armement ou de présence. Au fond, cela va également dans le sens d’une meilleure utilisation des rares deniers publics. C’est en même temps l’affirmation d’une politique européenne : il y a l’OTAN, il y a les relations multilatérales sous le couvert de l’ONU, mais il y a également l’Europe de la défense.
Il est temps de sonner l’alerte et d’envoyer un signal au Conseil européen afin de remettre les questions de défense à l’ordre du jour des exécutifs continentaux. C’est le sens de mon intervention et je vous propose, monsieur le ministre, de vous faire le relais de cette requête et d’alerter ainsi, avec votre collègue de la défense et l’ensemble du Gouvernement, l’ensemble de nos homologues européens sur cette problématique. §