Monsieur le ministre, j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt votre intervention concernant le contenu de la contractualisation.
Dans vos propos, j’ai senti percer l’inquiétude, car en homme politique averti et fin que vous êtes, vous pressentez le danger et, au moment de mettre le doigt dans l’engrenage, vous vous demandez si vous avez vraiment les moyens d’éviter le précipice qui s’ouvrirait devant nous si les engagements contractuels se révélaient n’être que des moyens de « redressement » – je reprends votre expression.
Pour sa part, M. Van Rompuy évoque des « arrangements contractuels », qui pourraient être passés à partir de 2013-2014 – c’est demain ! – entre les États et les institutions européennes sur « les réformes qu’ils s’engagent à entreprendre et sur leur mise en œuvre ».
Dès lors, nous nous interrogeons : quels sont ces engagements ? De quelles réformes s’agit-il ?
Nous savons – M. Van Rompuy le dit – que ces engagements seront pris sur proposition de la Commission et selon les procédures existantes. Les procédures existantes, on les connaît bien, c’est la méthode communautaire : le monopole de la proposition appartient à la Commission. Naturellement, nous nous demandons également quel sera le rôle du Parlement avant que ne s’ouvre une négociation sur les engagements.
En la matière, nous ne sommes pas dépourvus d’expérience. En novembre 2011, M. Olli Rehn, commissaire européen aux affaires économiques et monétaires et à l’euro, avait envoyé à M. Berlusconi une lettre comportant pas moins de cinquante et une conditions, soit beaucoup plus que les vingt et une conditions de la IIIe Internationale… §Huit jours après, M. Berlusconi n’était plus président du conseil, et M. Monti l’avait remplacé.
Comment, à partir du monopole de proposition de la Commission, éviter l’alignement sur le moins-disant social ? Comment éviter que l’on ne casse le modèle social édifié, à travers les luttes démocratiques et sociales du XXe siècle, en matière de droit du travail ou de protection sociale ?
Surtout, quel rôle le Parlement conservera-t-il face à la mécanique de redressement à laquelle, monsieur le ministre, vous allez donner le feu vert, non sans avoir compris que vous preniez un risque peut-être mortel ? Mais, après tout, vous n’êtes pas le seul à décider et vous considérez peut-être que ce n’est plus votre affaire. Est-ce encore votre affaire, monsieur le ministre ?