Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 12 décembre 2012 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 13 et 14 décembre 2012 — Débat interactif et spontané

Bernard Cazeneuve :

Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. Vos interventions sont toujours pour moi de grands moments, même si, en l’occurrence, votre question est teintée d’une certaine forme de perversité, que je veux souligner.

En effet, vous expliquez que nous avons vu le danger et que, conscients de ce danger, nous nous dirigeons tout droit dans la direction que nous savons être une impasse, à l’instar de ces héros des tragédies grecques, incapables de maîtriser leur destin et contraints d’aller à leur perte, sans jamais pouvoir arrêter la machine qui les guide. §Monsieur Chevènement, vous prêtez là une forme de cruauté à la politique gouvernementale ! Mais vous faites aussi preuve d’une forme d’injustice à notre égard, compte tenu de ce que nous voulons faire.

En effet, nous avons bien vu le ressort de la politique menée par l’Union européenne. D'ailleurs, nous ne sommes pas le seul pays à l’avoir vu !

Sur ces questions, nous devons faire preuve à la fois d’équilibre et, autant que faire se peut, de subtilité car, avec l’équilibre et la subtilité, on peut parvenir à arrêter les machines tragiques que vous avez décrites avec beaucoup de pertinence.

Comment corriger la politique menée par l’Union européenne ?

Premièrement, il faut de l’équilibre. Vous êtes vous-même trop attaché au principe de la méthode, de la rigueur, dans ce qu’elle a de plus positif – c’est-à-dire lorsqu’il s’agit de la démarche politique, et non des politiques économiques –, pour ne pas accepter que nous ne parviendrons pas à sortir de la crise si nous ne faisons pas des efforts de redressement de nos comptes publics.

Si nous pouvons discuter des modalités de ce redressement, nous ne pouvons nous y soustraire. Par conséquent, nous serons d’autant plus crédibles à réorienter les politiques de l’Union européenne que nous apparaîtrons aux yeux de nos interlocuteurs européens comme totalement déterminés à rétablir nos comptes.

Deuxièmement, comme nous savons que le rétablissement de nos comptes n’est pas possible s’il n’y a pas de croissance, nous devons être absolument déterminés à créer les conditions de la croissance.

Troisièmement, – c’est là qu’intervient la dimension de subtilité, après l’équilibre entre croissance et disciplines, et l’Europe n’est plus une maison de redressement s’il y a de la croissance à côté des disciplines, elle est alors simplement une maison bien tenue ; et, entre une maison bien tenue et une maison de redressement, il y a toute la différence qui sépare le bon ordonnancement des choses de la rudesse des disciplines lorsqu’elles sont exclusives de tout le reste – nous devons donner aux concepts le contenu qui correspond à nos orientations.

Si l’on veut faire converger les politiques économiques et que la contractualisation est l’outil de la convergence, alors donnons à la contractualisation un périmètre qui permet d’aborder tout le champ de ces politiques. Et, si les politiques économiques ne peuvent converger que dès lors que les pays qui le jugent utiles opèrent les réformes structurelles nécessaires, faisons également en sorte que les grands investissements de croissance dont l’Europe a besoin et la politique de l’emploi soient contractualisés.

Monsieur le sénateur, pour reprendre une expression qui vous est chère, ne laissons pas la contractualisation ajouter au « cliquetis de chaînes » !

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